haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26657
|
Posté le: Mar Jan 12, 2010 1:07 pm Sujet du message: |
|
|
Anne Teresa de Keersmaeker à Bordeaux
Citation: |
En partenariat avec le TNBA, l’Opéra National de Bordeaux propose deux créations de la chorégraphe Anne Teresa de Keersmaeker :
Rosas Danst Rosas, du 27 au 29 janvier & The Song / Rosas, du 16 au 18 février.
Rosas Danst Rosas est l’une des pièces phares dans la carrière d’Anne Teresa De Keersmaeker car elle est le spectacle fondateur de la Compagnie Rosas, créée il y a 26 ans. Rosas Danst Rosas contient tous les champs de tensions qui caractérisent le travail de la chorégraphe belge : contrastes entre structures rationnelles et signifiantes, dialectique agressivité-tendresse, uniformité-individualité… Résonne la musique que Thierry de Mey et Peter Vermeersch ont composée à l’époque, évoluant en parallèle avec la création de la chorégraphie.
Chorégraphie, Anne Teresa De Keersmaeker
Musique, Thierry De Mey, Peter Vermeersch
Eclairages, Remon Fromont
Dansé par Moya Michaël, Tale Dolven, Elizaveta Penkova, Sue-Yeon Youn
Mercredi 27 & Jeudi 28 Janvier à 19h30 / Vendredi 29 Janvier à 20h30
TNBA - Salle Antoine-Vitez
Tarif 9 (catégorie unique) de 8 à 25 € / durée 1h40 environ
The Song / Rosas est la dernière création en date (juin 2009) de la Compagnie Rosas. Elle évoque un monde qui court à toute allure, de plus en plus vite, jusqu’à se dépasser. L’accélération est trop forte : on sent qu’il va caler. Au coeur du tourbillon, dans l’oeil du cyclone, il y a pourtant nos corps, dernières balises d’une réalité chaotique et mutante.
Conçu pour neuf danseurs et une danseuse, ce spectacle présage de l’imminence d’une époque où la vitesse exponentielle du changement se dépassera elle-même. Dans cette "accélération vers l’immobilisme", tandis que l’être humain consomme les dernières ressources naturelles de la terre et que le corps physique se précipite vers sa propre bsolescence, des bouleversements radicaux et nécessaires remettent en cause ce qui appartient au passé et ce qui appartient à l’avenir.
Un spectacle d’Anne Teresa De Keersmaeker, Ann Veronica Janssens, Michel François Dramaturgie, Claire Diez Dramaturgie musicale, Eugénie De Mey Costumes, Anne-Catherine Kunz Avec Mark Lorimer, Bostjan Antoncic, Sandy Williams, Michael Pomero, Matej Kejzar, Pieter Ampe,
Carlos Garbin, Simon Mayer, Mikael Marklund, Eleanor Bauer
Mardi 16, mercredi 17 & jeudi 18 Février à 20h00
Grand-Théâtre
Tarif 9 (catégorie unique) de 8 à 25 € |
Informations : service de presse du Grand Théâtre de Bordeaux

|
|
sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22163
|
Posté le: Jeu Mar 18, 2010 2:20 pm Sujet du message: |
|
|
Quatre Tendances (2)
Václav Kunes / Claude Brumachon / Angelin Preljocaj / William Forsythe
Ballet de l'Opéra National de Bordeaux
Bordeaux, Grand-Théâtre
14 mars 2010
Après un premier essai fructueux la saison dernière, le programme "Quatre Tendances", concocté par Charles Jude pour le Ballet de Bordeaux, revient en 2010 à l'affiche du Grand-Théâtre. Si les oeuvres composant la soirée ont changé (à l'exception de l'intemporel In the Middle, Somewhat Elevated, de Forsythe, repris ici pour la seconde fois), le principe est resté le même, décliné en quatre volets plus ou moins disparates. Loin des prétextes parfois fumeux qui président à ce genre de programmes mixtes, "Quatre Tendances" se présente simplement comme un condensé possible et réfléchi du meilleur de la création chorégraphique contemporaine - de celle aussi que l'on dira consacrée - à destination d'une troupe de formation et de répertoire classiques.
Thierry Malandain avait offert l'an dernier une création, Valse[s], à la compagnie bordelaise, cette année, c'est Václav Kunes, un ancien danseur du NDT, qui a été sollicité par Charles Jude pour se livrer au même exercice dans le cadre de la nouvelle mouture de "Quatre Tendances". Fil d'Ariane stylistique reliant une édition à l'autre, Václav Kunes avait remonté en 2008 le saisissant Click – Pause – Silence, de Jiří Kylián. Le résultat de cette collaboration personnelle avec le Ballet de Bordeaux, c'est, en 2010, Temporary Condition, un ballet – de cordes et d'ombre(s) - pour sept danseuses et quatre danseurs.
A vrai dire, à peu près tout dans la chorégraphie du Tchèque - natif de Prague, comme Kylián -, rappelle le maître, tel un écho insistant - sinon assourdissant - : les sonorités électroniques, âpres et brisées, de Dirk Haubrich, la mise en scène, qui joue autant de la sobriété du clair-obscur et du dénuement qui la nimbe que de la sophistication et de l'incongruité de certains effets, la chorégraphie enfin, souple, tendue, acérée, tout en ralentis et en accélérations, faisant alterner, sous forme de fragments dansés, soli, duos, ou ensembles de plus grande ampleur. Baigné dans une abstraction envoûtante, Temporary Condition est animé par une scénographie complexe, construite autour d'un étrange dispositif de cordes venues des cintres - en correspondance avec la musique, imitant ici ou là les sonorités d'une harpe éolienne -, et d'un décor mobile qui révèle soudainement le mur du lointain, classique – et kylianesque - mise à nu du processus de l'illusion théâtrale. Dans un coin de la scène – détail presque surréaliste -, une figure statuesque, recouverte d'une fourrure insolite, prend vie peu à peu et contre toute attente... Les notes d'intention du chorégraphe, sibyllines, n'apporteront pas de clé d'interprétation supplémentaire au spectateur, comme s'il s'agissait là, avant tout, de se laisser porter par la gestuelle et le développement, lent et discontinu, de l'écriture chorégraphique, dont la charge émotionnelle et onirique tient tout autant à l'énergie presque violente qui s'en dégage qu'à l'art de l'esquisse et du mouvement interrompu qu'elle met parallèlement en oeuvre. Si les ensembles de grande ampleur manquent peut-être encore un peu d'unité et de tranchant sur le plan collectif, on retiendra toutefois le quatuor de garçons, réunissant Vladimir Ippolitov, Ludovic Dussarps, Alvaro Rodriguez Piñera et Guido Sarno, qui parvient à conjuguer, dans un tableau d'une belle harmonie, puissance, précision et sens de la retenue, pour un mouvement "pur", étranger à tout maniérisme.
Après le célèbre duo masculin des Indomptés, "Quatre Tendances 2" remet à l'affiche Claude Brumachon, avec cette fois Etreintes brisées, une brève pièce chorégraphique conçue pour un homme et une femme, extraite d'une oeuvre plus vaste, Le Piédestal des Vierges, créée en 1988. Au style urbain et charnel des Indomptés succède un duo d'apparence plus calme et sophistiquée, où se croisent les influences passées, comme pour mieux dire l'éternel présent de la passion amoureuse. En marge des costumes Renaissance et de la musique élisabéthaine, qui, sur un plan esthétique, rappelleraient presque La Pavane du Maure de José Limon, Brumachon invoque ainsi l'amour courtois et la statuaire médiévale comme sources d'inspiration... Pourtant, en dépit de ses atours raffinés, savants, lyriques et lointains, la miniature ne peint une fois de plus rien d'autre qu'un duel passionnel et très contemporain, un affrontement amoureux sur le mode connu du "je t'aime moi non plus", où l'on retrouve, en version pittoresque et "classique", toute la rhétorique brutale et sensuelle que Les Indomptés déclinait en version virile et sauvage - jean élimé et tee-shirt mouillé de sueur de rigueur. Formellement, on ne prétendra pas qu'on touche là au nirvana chorégraphique, mais en même temps, vus à un an d'intervalle et dans un même cadre de programmation, Les Indomptés et Etreintes brisées apparaissent peut-être rétrospectivement comme les chapitres suivis d'une même histoire, d'un même livre, dans lequel on finit par se plonger avec intérêt : "de la danse considérée comme de la tauromachie" pourrait en être le titre rêvé... Les interprètes du jour, Laure Lavisse et Ludovic Dussarps, ne sont pas pour rien dans la réussite de cette pièce, à certains égards un peu anecdotique à l'échelle de ce riche programme. Tous deux méritent cependant d'être loués sans réserve pour la force de conviction et l'intensité physique engagées dans cet affrontement fusionnel, qui respire au même rythme – brisé.
Changement de ton et de registre après la pause, avec l'Annonciation de Preljocaj, contrepoint parfait à la brutalité humaine et bien terrestre du duel réglé par Brumachon. Un diptyque central tout en contrastes donc, qui s'accompagne d'une montée en puissance de l'émotion à l'échelle de l'ensemble du programme... Comme son titre le suggère, le ballet de Preljocaj, datant d'une époque (1995) où ses créations étaient sans doute beaucoup moins boursouflées et formatées qu'aujourd'hui, évoque l'épisode biblique de l'apparition de l'Archange Gabriel à la Vierge Marie. La mise en scène, ou plutôt la mise en lumière, est épurée, sans fioritures, simplement belle. Un banc, un jeu d'éclairages symbolique et subtil, encadrent et animent ce moment spirituel, figé tant de fois par la peinture, qui ressurgit ici par le biais surprenant et paradoxal de l'écriture chorégraphique. Un lieu intemporel et de nulle part, loin de tout pittoresque sulpicien, qui se fait tableau de maître. Dans le rôle de Marie, Mika Yoneyama déploie un lyrisme intériorisé, dépourvu de mièvrerie, qui se conjugue à la féminité naissante de la Vierge Mère, suggérée par un geste lent, humble, tout en rondeurs. Face à elle, et en union avec elle, Marc-Emmanuel Zanoli, qui nous avait enchantée dans le rôle du Diable de Petrouchka il y a quelques mois, interprète, à la manière d'une drôle de coïncidence, celui de l'Ange. La distribution est d'autant plus inédite ici que le rôle était et est traditionnellement tenu par une interprète féminine. Sa silhouette gracile et longiligne, alliée à une gestuelle puissante, précise, mais tout en pudeur et retenue, se prête pourtant idéalement à cette incarnation, sans que la question du "sexe" vienne se poser de manière perturbante ou inadéquate dans le contexte. L'"échange" de Marie et de l'Ange, coeur de l'événement comme de la chorégraphie, révèle alors une justesse de ton, autant dire une harmonie entre les deux interprètes, dans laquelle rien ne dépasse ni ne déborde.
On ne présente plus In the Middle..., de Forsythe, qui vient conclure de manière flamboyante ce programme, comme il avait conclu le précédent. Peut-être aurait-on apprécié la présence d'une autre oeuvre majeure - de Forsythe par exemple - à l'affiche de cette édition nouvelle de "Quatre Tendances", mais il est sans doute intéressant, pour les danseurs comme pour le public, de voir la troupe bordelaise évoluer positivement dans une reprise de ce ballet devenu "classique" et figurant, comme on sait, au répertoire des plus grandes compagnies. Bien que les prestations individuelles ne témoignent pas toutes de la même rigueur dans les placements et surtout dans la dynamique, on perçoit néanmoins, un peu plus d'un an après l'entrée au répertoire, l'appropriation progressive par les danseurs bordelais de la gestuelle paroxystique du chorégraphe. La tension, et l'énergie électrique, qui rendent cette pièce unique autant qu'irremplaçable, sont en tout cas bel et bien là. Mélange de froideur urbaine et de sensualité hautaine, Oksana Kucheruk apparaît pleinement chez elle dans ce ballet de l'extrême qui lui permet de déployer une danse incisive, sachant allier virtuosité technique et sens de la dynamique, un dynamique complexe, jouant autant sur l'accélération que sur le ralenti, sur la détente autant que sur l'interruption. Si elle est bien accompagnée par le puissant Igor Yebra dans le pas de deux conclusif, on remarque surtout, chez les garçons, Roman Mikhalev qui, avec sa silhouette compacte et bondissante, se distingue particulièrement par sa vélocité et son énergie. Marina Guizien, précise et musicale, se révèle de son côté très prometteuse dans ce ballet, qui lui donne une belle occasion de briller déjà en tant que soliste. Au-delà des interprètes du jour, une fin de programme tranchante comme un couperet, qui laisse le spectateur pantois, la respiration suspendue, comme il se doit. En pointillés, on attend donc les explorations nouvelles d'un "Quatre Tendances 3" déjà annoncé pur la saison prochaine...
|
|