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critiques et comptes rendus
Ballets de Monte-Carlo

26 juillet 2019 : reprise de La Mégère apprivoisée (JC Maillot) au Grimaldi Forum


Francesco Mariottini (Petruchio) - Alessandra Tognoloni (Katharina)


Initialement destiné au seul ballet du Bolchoï, et créé à Moscou en juillet 2014, La Mégère apprivoisée est finalement entré au répertoire de la compagnie monégasque en 2017. Si Jean-Christophe Maillot avait à l'époque estimé qu'une transposition pour des danseurs non-russes était délicate, sinon impossible, un coup du sort – le retard pris dans la préparation de la Coppélia prévue en collaboration avec le compositeur Dany Elfman – en a décidé autrement. Et contrairement aux doutes – affichés tout au moins – par le chorégraphe, la greffe a plutôt bien pris. Les Ballets de Monte-Carlo disposent d'un nombre suffisant de solistes au charisme et au physique adéquats pour porter une telle pièce.

Autre atout pour une telle transposition, la conception même de l'ouvrage. Jean-Christophe Maillot ne suit pas du tout la même démarche que John Cranko, dont La Mégère apprivoisée de 1969 à fait le tour du monde. Maillot, lui, s'écarte davantage de l'univers du théâtre shakesperarien pour se tourner vers le cinéma et la comédie musicale, qu'il affectionne, et dont, par la force des choses, les danseurs de la Principauté sont familiers. Ce n'est certainement pas un hasard si l'on trouve, parmi les pièces de Dimitri Chostakovitch choisies pour accompagner la danse, plusieurs musiques de films (Le Taon / Овод , Sofia Perovskaïa / Софья Перовская...), l'entraînante – et presque circassienne – opérette Moscou, Cheryomouchki (Москва, Черёмушки), le fox-trot de la Suite pour orchestre de jazz n°1 ou encore Tahiti Trot, arrangement pour orchestre du célébrissime Tea for two (qui trouve son origine dans une comédie musicale américaine de 1924).


La Mégère apprivoisée
Lennart Radtke (Gremio) - Simone Tribuna (Hortensio)
Victoria Ananyan (La Gouvernante) - April Ball (La Veuve)


Avec ses enchaînements très rapides et fluides, sa gestuelle précise et sans heurts, la chorégraphie de Jean-Christophe Maillot s'affirme donc d'emblée très «cinématographique». Clin d’œil aux commanditaires, on trouve, surtout dans la première partie, quelques allusions aux ballets de Chostakovitch ressuscités par Alexeï Ratmanski pour le Bolchoï :
Le Boulon et Le Clair ruisseau. Après l'entracte, les grandes scènes d'ensemble en tutus stylisés évoquent, elles, davantage Balanchine ou Robbins, voire Petipa. La musique revêt dans tout le spectacle une importance majeure, et tous les mouvements des danseurs sont calés avec grand soin sur la partition. On en vient presque à regretter que pour cette reprise, on doive se contenter d'une bande enregistrée – excellente au demeurant – en lieu et place de l'orchestre (qui avait officié lors de l'entrée au répertoire). Mais, pour trois représentations programmées au cœur de l'été, mobiliser cent musiciens aurait été irréaliste sur le plan économique. On ne saurait en tenir rigueur aux Ballets de Monte-Carlo. La compagnie préserve, année après année, une politique tarifaire raisonnable qui permet à un large public d'accéder aux spectacles programmés à l'Opéra Garnier et au Grimaldi Forum.

La Mégère apprivoisée

La Mégère apprivoisée, chor. Jean-Christophe Maillot


Nous avions eu la chance, il y a deux ans, de découvrir Alessandra Tognoloni lors d'une répétition de la
Mégère apprivoisée dans les studios des Ballets de Monte-Carlo, à Beausoleil. Elle avait déjà fait montre d'une personnalité très affirmée et on pouvait espérer d'elle, dans le rôle de Katharina, une prestation de haut niveau. Alessandra Tognoloni n'aura pas déçu. Mégère volcanique, elle sait aussi se montrer tendre et touchante. Le partenariat – à cent pour cent italien – avec Francesco Mariottini, espiègle et rusé, fonctionne sans accrocs. Lorsque le rideau tombe, on s'interroge : qui a apprivoisé qui? Petruchio, qui a vaincu la résistance de la belle rétive, ou Katharina, bien prompte à rendre les armes face à un Casanova gentillet qu'elle espère, au fond, capturer dans ses rêts? 


La Mégère apprivoisée
Koen Havenith (Baptista) - Jaeyong An (Lucentio) - Kathrin Schrader (Bianca)


Le second couple, formé de Kathrin Schrader et Jaeyong An, a également convaincu. Il est paradoxalement assez rare que Jean-Christophe Maillot recrute ses danseurs directement à la sortie de l'école «maison», l'Académie Princesse Grace. Mlle Schrader, est un peu «l'exception qui confirme la règle» (il y en aura peut-être bientôt une autre en la personne de Mackenzie Brown ?). Entrée dans la troupe en 2016, elle avait été distribuée en Bianca dès l'entrée au répertoire de
La Mégère apprivoisée et son adéquation au rôle semble d'une évidence telle qu'on peut se demander si M. Maillot n'avait pas déjà une idée précise dès le moment de son engagement. La succession de la flamboyante Anna Tikhomirova en Gouvernante juchée sur Louboutin à talons-échasses s'avère sans doute plus délicate à assumer. Il convient en revanche de souligner les mérites d'April Ball, pétulante Veuve (joyeuse...).




Romain Feist © 2019, Dansomanie

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La Mégère apprivoisée
Album-photo (cliquer sur la mosaïque)



La Mégère apprivoisée

Musique : Dimitri Chostakovitch
Chorégraphie : Jean-Christophe Maillot
Argument : Jean Rouaud, d'après William Shakespeare
Scénographie : Ernest Pignon-Ernest
Costumes : Augustin Maillot

Lumières : Dominique Drillot

Katharina – Alessandra Tognoloni
Petruchio – Francesco Mariottini
Bianca – Katrin Schrader
Lucentio – Jaeyong An
La Gouvernante – Victoria Ananyan
La Veuve – April Ball
Hortensio – Simone Tribuna
Baptista – Koen Havenith
Gremio – Lennart Radtke
Grumio – Asier Edeso

Les Servantes – Gaëlle Riou, Anne-Laure Seillan, Anissa Bruley, Elena Marzano
Lou Beyne, Taisha Barton-Rowledge, Kaori Tajima, Candela Ebbesen
Les Servants – Alexandre Joaquim, Benjamin Stone, Adam Reist, Edgar Castillo
Artjom Maksakov, Edoardo Boriani, Christian Assis, Jaat Benoot
Les Quatre filles – Anne-Laure Seillan, Elena Marzano, Lou Beyne, Anissa Bruley
Les Deux filles Elena Marzano, Anissa Bruley
La Forêt / Les Brigands – Artjom Maksakov, Adam Reist, Edoardo Boriani
Benjamin Stone, Jaat Benoot, Alexandre Joaquim


Ballets de Monte-Carlo
Musique enregistrée

vendredi 26 juillet 2019,  Grimaldi Forum, Monaco


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