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entretiens
Prix de Lausanne 2018 - Interview : Shale Wagman

01 février 2018 : Shale Wagman, vainqueur du Prix de Lausanne

Lorsque nous vons réalisé l'interview du jeune prodige canadien de la danse, qui concourait sous la bannière de son école, l'Académie Princesse Grace de Monaco, Shale Wagman n'avait pas encore passé la barrière des sélections. Et pourtant, tout le monde, au Théâtre de Beaulieu, avait déjà son nom sur les lèvres. La vox populi aura eu raison cette fois. Deux jours plus tard, Shale Wagman remportait brillament la finale du Prix de Lausanne 2018.



prix de lausanne 2018


Shale Wagman


D'où venez-vous et comment avez-vous débuté la danse?

Je viens de Toronto, au Canada. J'ai commencé la danse à six ans. Je ne viens pas du tout d'une famille de danseurs, je suis donc le premier de la famille. Au départ, je pratiquais différents styles de danse, du contemporain, du moderne, des claquettes, du jazz..., mais pas de danse classique. Comme j'étais très souple et que j'aimais faire des choses un peu acrobatiques, comme des toupies, de grands écarts, mon professeur a conseillé à mes parents de me faire passer une audition pour intégrer une école de danse classique. J'ai vraiment commencé la danse classique à l'âge de treize ans.


Comment avez-vous intégré l'Académie Princesse Grace?


J'ai participé au Youth America Grand Prix à l'âge de treize ans. C'était ma première année de danse. A l'époque, c'était un défi pour moi. Je voulais voir ce que ça pouvait donner. J'avais toujours rêvé de danser à l'étranger, en Europe, car là-bas, il y a une vraie culture du ballet. Je suis allé jusqu'en demi-finale du YAGP et, à l'issue de la finale, j'ai obtenu une bourse pour quatre écoles. Je voulais aller étudier à Moscou, à l'Académie du Bolchoï. Mais mes parents et mon professeur m'ont conseillé de tenter l'Académie Princesse Grace, à Monaco. J'ai participé au stage d'été du Bolchoï, ainsi qu'à celui de l'Académie Princesse Grace. J'ai beaucoup apprécié les deux, mais quand il a fallu prendre une décision, mes parents se sentaient plus rassurés de m'envoyer à Monaco, car l'équipe éducative est très proche des élèves. Il n'y a aussi que quarante étudiants. Cela fait quatre ans que j'y suis et je peux dire que ça a été quatre années fantastiques. J'ai énormément appris en tant que danseur. Cela a vraiment élargi mes horizons. J'y suis devenu une éponge qui essaye d'absorber toutes les informations possible.

Shale Wagman
Shale Wagman

Le Prix de Lausanne n'est donc pas votre première compétition?


Entre l'âge de six ans et l'âge de douze ans, j'ai participé à différentes petites compétitions au Canada. Cela m'a permis d'acquérir une expérience scénique et de me sentir à l'aise sur une scène. La scène est vraiment l'endroit où je me sens moi-même. Ma première grosse compétition, c'était, à l'âge de douze ans, «Canada got talent». Il s'agit d'une émission diffusée à la télévision vue par des millions de gens. Je suis allé en finale et ai été élu candidat préféré du jury. C'est à partir de là que j'ai décidé d'approfondir ma formation et de me mettre à la danse classique. La première grande scène sur laquelle j'ai dansé, c'était celle du David Koch Theater, au Lincoln Center, à New York. C'était lors de la finale du YAGP. Ce fut une expérience à nulle autre pareille. C'est le théâtre où se produit le New York City Ballet, il y a toute cette atmosphère balanchinienne... C'est vraiment quelque chose de spécial. J'ai compris que je voulais danser sur ce genre de scène.


Quelles différences y a-t-il pour vous entre ces compétitions et le Prix de Lausanne?


Je dirais d'abord que je ne me considère pas comme une personne qui passe son temps dans les compétitions. Ces quatre dernières années, j'ai suivi l'enseignement de l'Académie. Je me suis efforcé de m'améliorer chaque jour. Le Prix de Lausanne est une compétition à part, il faut le voir comme un «processus de travail». On vient ici pour apprendre. On y rencontre beaucoup de gens qui ont de l'influence dans le monde du ballet. On croise des gens que l'on admire. C'est quelque chose de surréaliste. Il y a par exemple des gens comme Ted Brandsen dans le jury, Oliver Matz... C'est aussi génial de pouvoir rencontrer la nouvelle génération de danseurs, des gens avec qui on travaillera peut-être plus tard... C'est vraiment une opportunité énorme.


Pouvez-vous nous parler de vos variations?


Je vais danser la variation de Don Quichotte et Chroma de Wayne McGregor. Au départ, je devais danser la variation de La Belle au bois dormant. Mon directeur [Luca Masala, ndr.] avait choisi cette variation. Bien sûr, j'ai pu dire ce que j'aimais et ce que je n'aimais pas, mais il pensait que cette variation me correspondait mieux que celle de Basilio, qui est plus éloignée de ce que je suis dans la vie réelle. J'ai dansé les deux sur scène et je me suis dit que je voulais faire Basilio. J'ai vraiment cherché à devenir Basilio et à me rapprocher du personnage le plus possible. Cette variation requiert beaucoup d'énergie et j'aime beaucoup bouger sur scène. Chroma, c'est tout à fait le contraire : cela permet de montrer sa versatilité. Wayne McGregor a chorégraphié des mouvements à la fois profonds et minimalistes. Sur le plan artistique, elle est tout à fait abstraite, alors que celle de Basilio est en quelque sorte inscrite sur votre visage.

Shale Wagman
Shale Wagman

Avez-vous des modèles?


Bien sûr. Ma mère est mon premier modèle. C'est un peu ma meilleure amie. Elle m'a appris tout ce que je sais. Pour ce qui est du ballet, Rudolf Noureev m'inspire beaucoup. Chez les danseurs, je suis attiré plus particulièrement par leurs qualités artistiques, pas tellement par l'aspect technique. La technique, on peut toujours la travailler, alors que la talent artistique, on naît avec. Rudolf avait ça, et même s'il appartenait à l'ancienne génération, il était un grand artiste. Je regarde ses vidéos bien sûr. J'aime aussi beaucoup David Hallberg. C'est un artiste très profond, très cultivé aussi. J'aime aussi Fernado Bujones et beaucoup d'autres.


Qu'aimeriez-vous danser?


Bien sûr, les grands rôles classiques : Siegfried, Basilio, Désiré, tout ça... J'aime aussi le contemporain. Mais mon objectif principal, c'est de pouvoir toucher un maximum de gens et de les émouvoir par ma danse. Comme je l'ai déjà dit, les difficultés techniques, on peut toujours les travailler et progresser, mais si les gens viennent vous voir, c'est d'abord pour ressentir quelque chose et être émus. Je veux partager mon amour de l'art de la danse avec le plus grand nombre de gens possible, c'est ça mon but avant tout.


Qu'attendez-vous du Prix de Lausanne?


Je voudrais obtenir un contrat professionnel et, dans le même temps, me montrer devant une plus large audience.


Quelles compagnies vous intéressent?


J'adore l'English National Ballet. C'est là que je voudrais aller. Ils ont un très bon répertoire et j'aime beaucoup les danseurs de cette compagnie. Bien sûr, il y a aussi l'ABT, le Royal Ballet, le Bolchoï... Beaucoup de compagnie me font rêver. Mais tout ça est aussi une question de timing, il s'agit d'être prêt... Pour l'instant, c'est l'ENB que je voudrais intégrer.


On se souvient bien de Marina Fernandes, élève de l'Académie Princesse Grace, qui avait été lauréate l'an dernier à Lausanne. Vous a-t-elle donné quelques conseils ?

Oui ! On est très bons amis, Marina et moi, et elle m'a donné plein de bons conseils, mais c'est vrai qu'on ne peut vraiment expliquer à quelqu'un comment se déroule une compétition, tant qu'il n'en a pas fait l'expérience lui-même. Elle a eu un très beau parcours à Lausanne. Elle est à Munich maintenant, où elle se trouve très bien, et on reste en contact. Mon directeur et professeur Luca Masala m'a aussi très bien préparé pour le concours. C'est un plaisir de travailler avec lui, car il est très honnête et il nous fait travailler jusqu'à ce qu'il obtienne de nous une « bonne base ». Il ne nous fait pas travailler jusqu'à épuisement, mais on travaille quand même très dur avec lui. Mais l'atmosphère est toujours très bonne durant les répétitions.


Le Canada vous manque-t-il?


Bien sûr que le Canada, les grandes villes, me manquent. C'est génial bien sûr de vivre à Monaco, d'avoir cette vue magnifique. Tous les matins, je me réveille et, de mon balcon, je vois le port de Monaco. Je suis très reconnaissant de pouvoir être là. Honnêtement, même si ma famille me manque, je suis extrêmement heureux d'être loin de chez moi. Je sais que j'ai le soutien de toute ma famille.


Qu'avez-vous pensé du coaching?


Le coaching s'est très bien passé. Patrick Armand m'a donné quelques « trucs » pour la pente, car je n'ai jamais dansé sur une scène en pente. Il m'a conseillé pour mes tours et donné de très bonnes corrections, que je garderai avec moi pour le concours, mais aussi pour plus tard. J'ai beaucoup aimé sa classe aussi.


J'ai un très bon souvenir de vous dans Études, le ballet donné lors du spectacle de fin d'études de l'Académie Princesse Grace en juin dernier...


Je dansais le finale avec un autre garçon, la Mazurka, ainsi qu'un adage. C'est un très bon souvenir, car cette musique de Knudage Riisager a beaucoup de force. C'est très inspirant de danser là-dessus. 




Shale Wagman - Propos recueillis et traduits de l'anglais par Bénédicte Jarrasse



 Shale Wagman
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Entretien réalisé le 01 février 2018 - Shale Wagman © 2018, Dansomanie


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