|




|

 |
|
|
Ballet du Capitole de
Toulouse
28
décembre 2019 : reprise de Casse-Noisette
(Kader Belarbi) au Théâtre du Capitole
Casse-Noisette, chor. Kader Belarbi
Deux ans exactement après sa création, le Ballet du Capitole reprend sa version de Casse-Noisette
pour la période de Noël. Et pourquoi pas après tout?
Le succès de la formule ne se dément pas. Même en
France, même à Toulouse où pourtant la tradition de
représenter ce ballet en fin d'année est moins
ancrée qu'ailleurs dans le monde, le public est revenu en nombre
remplir le moindre gradin du Théâtre du Capitole.
Il faut dire que la relecture imaginée quasiment ex nihilo par
Kader Belarbi avait fait son effet à sa création. La
profusion de décors toujours changeants, les costumes et les
accessoires tous plus incroyables les uns que les autres, et les
idées chorégraphiques originales avaient
époustouflé. Même si tous les détails pris
un par un n'étaient pas d'un égal effet, la
démarche nous avait conquis par cette abondance de moyens,
l'ensemble étant porté par une incontestable
sincérité. Et l'esprit d'un conte de Noël
était préservé.
Deux ans après, le travail proposé notamment par Antoine
Fontaine pour les décors et par Philippe Guillotel pour les
costumes est toujours aussi étonnant. Grandes boîtes
s'ouvrant sur plusieurs faces, panneaux coulissants, costumes à
roulettes ou à extensions articulées, on est dans
l'extraordinaire à chaque instant.
Loin des sucreries, chocolats et friandises, il ne reste du Casse-Noisette
ancien qu'une vague trame narrative: une première partie dans le
réel, dans un environnement plus ou moins familier ou
réaliste, puis une traversée soudaine vers un onirisme
débridé, où une bataille tient lieu de rite de
passage, le réel réapparaissant en toute fin au prix
d'une pirouette, sur laquelle chaque relecture a le loisir de poser un
point d'interrogation. Même la partition musicale a
été bousculée, réaménagée. La
valse des fleurs ouvre le deuxième acte, la valse des flocons
est repoussée à la fin, tandis que les petits ajouts et
arrangements d'Anthony Rouchier sont justifiés par la mise en
scène. Seule concession à l'héritage
Petipa-Tchaïkovski, le grand pas de deux final, moment très
attendu, est consciencieusement respecté et apparaît dans
ce contexte comme un clin d'œil malicieux.

Casse-Noisette, chor. Kader Belarbi
L'ambiance chaleureuse d'un intérieur cossu illuminé par
le traditionnel sapin décoré a laissé place
à la grisaille d'un dortoir de pensionnat. Les nombreux
invités en habit de fête sont remplacés par des
enfants turbulents qui rechignent à leurs corvées
quotidiennes. L'époque est indéterminée, des
notations modernes voisinant avec des aspects surannés. La
discipline est assurée tant bien que mal par une surveillante au
chignon serré et aux manières revêches. Quelques
adultes viennent rapidement chercher leur enfant pour un rassemblement
familial. Mais la plupart des enfants semblent ne plus avoir de
famille. C'est le cas en ce qui concerne l'héroïne, Marie,
une gamine espiègle aux tresses carotte, et pour ses cinq
inséparables amis. Qu'à cela ne tienne, le
débonnaire directeur Drosselmeyer se chargera de leur distribuer
des cadeaux de Noël, probablement de deuxième main.
Poupées, robots, clowns, soldats, chacun y trouvera son compte.
La nuit venue, les enfants couchés, Marie vient rechercher son
jouet rangé dans l'armoire. Il a pris taille humaine! En
réalité c'est tout le décor qui s'est
démesurément agrandi. Chacun des cinq amis de Marie prend
alors l'apparence de son jouet favori. Ce club des cinq jouets
accompagnera Marie et son automate dans leurs aventures extravagantes.
Le fil conducteur du deuxième acte repose sur la recherche d'un
bras de remplacement pour le pantin de Marie, celui-ci ayant
été arraché pendant la bataille contre les
araignées. De rencontres en rencontres, de transformations en
transformations, on finira par retrouver l'atmosphère
apaisée du pensionnat. Un nouveau pensionnaire y fait son
entrée, un jeune garçon à la casquette à
l'envers et au franc sourire. Il ressemble trait pour trait au prince
du rêve de Marie. Deviendra-t-il son meilleur ami?

Casse-Noisette, chor. Kader Belarbi
Par le hasard des circonstances, Julie Charlet s'étant
blessée, Tiphaine Prévost a été
amenée à endosser le rôle principal de Marie,
rôle exigeant s'il en est puisque presque toujours en
scène et toujours actif. Il est couronné tout en
splendeur par le célèbre pas de deux (de la fée
Dragée dans la version originale). Nous avions
déjà remarqué cette danseuse à la technique
sûre et à l'énergie débordante. Elle
semblait prendre une nouvelle dimension ces derniers temps. La voici
dans son premier grand rôle soliste et cette énergie s'est
magnifiquement canalisée dans l'incarnation de la turbulente
fillette, sans exagération dans l'expression. Elle aborde le pas
de deux avec une concentration extrême et une précision
parfaite, étirant d'admirables équilibres dans l'adage,
et y ajoutant un air de noblesse qui sied à une princesse. Il
faut dire qu'elle a comme partenaire l'attentionné Davit
Galstyan, dont la solidité n'est plus à prouver. Il font
merveille tous les deux et récoltent un beau succès.
C'est donc Davit Galstyan qui relève le défi de danser
une partie du ballet le bras gauche replié contre le corps.
Épreuve ô combien difficile, notamment pour les
pirouettes, qu'il surmonte avec élégance.
Le couple «adulte» est assuré joliment et sans
caricature par Juliette Thélin en Haute Surveillante, rôle
à multiples transformations, et par Minoru Kaneko en ventru
Drosselmeyer. Parmi les très nombreux personnages secondaires,
il faut dégager le clown bondissant de Philippe Solano, au
drôle de pantalon circulaire, et le robot aux gestes
mécaniques d'Alexandre Ferreira. Mais toute la troupe
toulousaine, soldats, grenouilles, jardiniers ou flocons, fait plaisir
à voir par son engagement.
C'est donc une superproduction d'un Casse-Noisette
tout neuf qui s'est imposée dans la Ville rose, une sorte de
nouvelle attraction témoignant de sa vitalité
créatrice, à la manière de la Piste des
géants ou de la Halle de la Machine qui ont émergé
récemment dans un autre quartier de la ville.
Jean-Marc
Jacquin © 2019, Dansomanie
Le
contenu des articles publiés sur www.dansomanie.net et
www.forum-dansomanie.net est la propriété
exclusive de
Dansomanie et de ses rédacteurs respectifs.Toute
reproduction
intégrale ou partielle non autrorisée par
Dansomanie
ou ne relevant pas des exceptions prévues par la loi (droit
de
citation
notamment dans le cadre de revues de presse, copie à usage
privé), par
quelque procédé que ce soit, constituerait une
contrefaçon sanctionnée
par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la
propriété
intellectuelle.
Casse-Noisette
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovski, arrangée par Anthony Rouchier
Chorégraphie
: Kader
Belarbi, assisté de Laure Muret
Décors
: Antoine Fontaine, assisté de Lola Sergent
Costumes : Philippe Guillotel
Lumières : Hervé Gary
Casse-Noisette – Davit Galstyan
Drosselmeyer – Minoru Kaneko
La Haute Surveillante / La Reine des Arachnides – Juliette Thélin
Marie – Tiphaine Prévost
La Poupée Coccibelle – Kayo Nakazato
Lady Chattelaine – Florencia Chinellato
Le Criquet à lunettes – Simon Catonnet
Le Robot Spoutnik – Alexandre Ferreira
Le Clown Bidibulle – Philippe Solano
Ballet du Capitole
de Toulouse
Maîtrise du Capitole, dir. Alfonso Caiani
Orchestre
du Capitole de
Toulouse,
dir. Marius Stieghorst
Samedi 28 décembre 2019,
Théâtre du Capitole, Toulouse
|
|
|