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critiques et comptes rendus
XVII Festival International de Ballet du Mariinsky

02 avril 2017 : La Bayadère (Marius Petipa / Vladimir Ponomarev) au  Mariinsky


Olga Smirnova (Nikiya)


Voir ou revoir La Bayadère en terre natale - elle fut créée en 1877 au Théâtre Bolchoï Kamenny de Saint-Pétersbourg mais émigra dès 1886 au Mariinsky, qu'elle ne quitta plus dès lors - est toujours une expérience émouvante et impressionnante. L'ouvrage - notamment le célèbre Acte des ombres - et le théâtre au décor vert amande semblent si intimement liés qu'on a peine à imaginer l'un sans l'autre. Aussi belle qu'elle soit, une représentation de La Bayadère sur une autre scène ne dégage pas tout à fait la même magie. Fétichisme?

A l'occasion de ce dix-septième festival, le Mariinsky recevait, pour les rôles principaux, deux invités moscovites : Olga Smirnova (Nikiya) et Semyon Chudin (Solor). La compagnie pétersbourgeoise ne pourra jamais assez s'en vouloir d'avoir laissé filer chez le «frère ennemi» du Bolchoï une danseuse du calibre de Smirnova - pur produit de l'école Vaganova et d'ailleurs presque trop noble pour le rôle d'une esclave, même amoureuse d'un prince. Cependant, face à elle, la Gamzatti de Yekaterina Osmolkina - qui remplaçait Olesia Novikova, grippée - paraissait bien fragile. La princesse, c'est elle, du moins en théorie, mais ici, Osmolkina se tient davantage en soubrette qu'en aristocrate. Son jeu est velléitaire et contraste singulièrement avec l'assurance, la force maitrisée, que dégage Smirnova. Dans le troisième acte, ces considérations n'ont de toute façon plus lieu d'être, et Olga Smirnova, la transfuge, règne en maîtresse absolue sur la scène historique du Mariinsky.

Lorsque nous l'avons découvert à Moscou nous avons déjà eu l'occasion de dire tout le bien que nous pensions du Solor de Semyon Chudin. Après sa performance en demi-teinte dans Etudes, au Bolchoï le 19 mars dernier, l'on était curieux de voir dans quelle forme il allait apparaître à Saint-Pétersbourg : eh bien, il s'est avéré encore plus époustouflant qu'à la «maison», avec une formidable série de double-assemblés, sans aucune bavure, enchaînés avec une vitesse et une fluidité remarquables. Une telle perfection est peu commune - tout au plus évoquera-ton Denis Matvienko du temps de sa splendeur. Les trois Ombres, elles, étaient correctes, mais sans plus. Elles étaient pourtant assurées par des danseuses expérimentées, Valeria Martynyuk, Yana Selina (la meilleure à mon avis) et Anastasia Lukina. Le grand pas du second acte a en revanche été très bien exécuté, et de manière générale, le corps de ballet a fait honneur à la réputation du Mariinsky. Il a été splendide dans l'acte des Ombres.

Toujours à l'acte deux, on soulignera la prestation flamboyante de Vasily Tkachenko, Idole dorée aérienne, douée d'un superbe ballon. M. Tkachenko s'est même, à la toute fin, laissé emporter par sa fougue, et sa variation fut à deux doigts de se terminer dans les dégagements. A noter qu'il nous avait déjà très favorablement impressionné dans le rôle bref mais vitruose du Troubadour à l'acte I de Roméo et Juliette (il s'agit d'un personnage spécifique à la version Lavrovsky). Pour poursuivre dans le registre du brio technique et des sauts, on signalera aussi la belle performance d'Andrei Arseniev, le Fakir «volant».

L'intervention des petits Négrillons a été supprimée et remplacé par une brève apparition des danseuses de la Djampo. Renseignements pris, ce n'est pas l'insupportable «politiquement correct» à l'anglo-saxonne qui s'est insinué jusqu'au Mariinsky : tout simplement la plupart des élèves de l'école Vaganova en charge de cet ensemble étaient en vacances ou déjà requis pour la polonaise de Paquita. Il a donc fallu recourir provisoirement à cet expédient.

A noter qu'à l'issue du spectacle, Olga Smirnova s'est fendue d'un geste rare. Elle a prélevé une rose dans l'énorme bouquet qui lui avait été offert, et l'a apportée au chef d'orchestre, Valery Ovsyanikov, aussi ému que surpris de cette sollicitude inattendue.



Romain Feist © 2017, Dansomanie



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La Bayadère
Semyon Chudin (Solor), Olga Smirnova (Nikiya)



La Bayadère
Musique : Ludwig Minkus
Chorégraphie
: Marius Petipa, révisée par Vladimir Ponomarev et Vakhtang Chaboukiani
Danses aditionnelles (acte III) : Konstantin Sergueïev, Nikolaï Zubovsky
Argument : Marius Petipa, Sergueï Khudekov
Décors : Mikhaïl Shishliannikov, d'après Adolf Kvapp, Konstantin Ivanov, Piotr Lambi  et Orest Allegri
Costumes :
Yevguény Ponomarev
Lumières :
Mikhaïl Shishliannikov

Nikiya  – Olga Smirnova (Théâtre du Bolchoï, Moscou)
Dugmanta, le Rajah –  Andreï Yakovlev
Gamzatti, sa  fille – Yekaterina Osmolkina
Solor, un riche guerrier – Semyon Chudin (Théâtre du Bolchoï, Moscou)
Le Grand Brahmane – Soslan Kulaev
Toloragva, un guerrier – Dmitry Pykhachov
L'Esclave – Roman Belyakov
Magdaveya, un fakir Andreï Arseniev
Aiya, une esclave – Lira Khuslamova

Danse Djampo – Xenia Ostreikovskaya
Grand pas (acte II) – Yekaterina Osmolkina, Semyon Chudin, Shamala Guseinova
Yekaterina Ivannikova, Zlata Yalinich, Diana Smirnova, Andreï Soloviev, Alexander Beloborodov
Danse indienne – Anastasia Petushkova, Boris Zhurilov, Oleg Demchenko
L'Idole dorée – Vassily Tkachenko
Danse Manou – Tamara Gimadieva
Première Ombre – Valeria Martinyuk
Deuxième Ombre – Yana Selina
Troisième Ombre – Anastasia Lukina



Ballet du Mariinsky
Orchestre du Mariinsky, dir. Valery Ovsyanikov

Dimanche 02 avril 2017,  Théâtre du Mariinsky (Scène historique)


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