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nabucco
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Posté le: Dim Oct 03, 2010 11:55 am Sujet du message: Théâtre de la Ville - saison 2010-2011 |
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Première critique de la saison, pour un spectacle on ne peut plus médiatique ...
Political Mother
Chorégraphie : Hofesh Shechter
Hofesh Shechter Dance Company
Théâtre de la Ville, Paris, le 25 septembre 2010
Un déluge de décibels : voilà ce qu’on serait tenté de retenir de Political Mother, la dernière production du chorégraphe anglo-israélien Hofesh Shechter. L’an passé, le Théâtre de la Ville avait déjà présenté un spectacle de la même compagnie, créée en 2003, avec un succès public considérable que ne dément pas l’affluence record de ce second spectacle. Le déluge de décibels est un signe : plus que le public intellectuel de la danse contemporaine tel qu’on l’entend habituellement au Théâtre de la Ville, c’est au grand public jeune, plus habitué des concerts de rock à la sono surpuissante que des subtilités de l’écriture contemporaine que s’adresse le spectacle. Là est sans doute aussi la culture de Shechter, coauteur de cette musique d’une grande pauvreté, à qui seul le niveau sonore infligé au spectateur donne quelque efficacité.
La thématique politique est une tradition bien établie de la danse contemporaine : on pense notamment à Artifact Suite de Forsythe, glaçant traité de manipulation, ou à Kassandra d’Anne Teresa de Keersmaeker, si mal compris par le public du Théâtre de la Ville, course angoissante où s’imbriquaient destins privés et destin commun. Political Mother partage avec ces deux pièces le louable souci de remonter aux sources du politique, à la complexité de la vie commune des hommes, plutôt que de dénoncer trop précisément les maux du monde contemporain. Certaines scènes parviennent à faire ressortir les interactions entre les individus, les suiveurs et les meneurs, les victimes et les bourreaux : une efficace scène dont le sous-texte carcéral est souligné par des costumes adéquats, est sans doute le meilleur moment du spectacle.
On y perçoit idéalement ce qui fait le succès de la pièce : les lumières sophistiquées qui rythment le spectacle, éclairant tantôt la scène et les danseurs, tantôt les musiciens en fond de scène, et une danse très physique soutenue par une grande précision. Mais au-delà de la joliesse des mouvements, de la perfection des enchaînements, la pièce ne s’occupe guère de construction, et il est plus que gênant, dans une pièce qui se voudrait politique, de prendre possession de façon aussi irrécusable du spectateur en lui refusant toute liberté de pensée.
Aux côtés de Wayne McGregor ou Russell Maliphant, Shechter apparaît donc comme un digne représentant d’une scène contemporaine britannique plus soucieuse d’efficacité et d’accessibilité immédiate que de créativité et de complexité. Tant mieux pour l’industrie du spectacle, tant pis pour la danse.
Political Mother est en tournée en France au cours de la saison 2010/2011 (voir les dates).
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sophia
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Posté le: Dim Oct 03, 2010 1:42 pm Sujet du message: |
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Avis aux intéressés pour la tournée...
Impossible de trouver des places pour ce spectacle quelques jours seulement après l'ouverture de la location parisienne. Et au Théâtre de la Ville, plus de places, c'est vraiment plus de places...
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kreul
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kreul
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sophia
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haydn Site Admin
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kreul
Inscrit le: 22 Avr 2006 Messages: 288
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Posté le: Lun Oct 25, 2010 2:29 pm Sujet du message: |
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ANNE TERESA DE KEERSMAEKER /JEROME BEL/ICTUS
3ABSCHIED, Théâtre de la ville
Concept : A.T de KEERSMAEKER & Jérôme BEL
Musique : Gustave MALHER Der Abschied (Das Lied von der Erde)
Transcription, Arnold SCHONBERG
D’abord le silence, tandis que les musiciens s’installent sur le plateau. Elle arrive à son tour, jeans trop large, godiots aux pieds. Elle glisse un CD dans l’appareil et convie le public à écouter l’enregistrement historique de Kathleen FERRIER accompagnée de la Werner Philarmonik qui interprètent l’Abschied (Adieu), alors que la mort enserrait la mezzo en son sein. Un morceau grandiose et d’une tristesse indicible que le public du théâtre de la ville savoure avec étonnement : l’orchestre est là mais ne joue pas, il écoute. Comme nous. La soprano Sara FULGONI est assise, elle respire au rythme du chant.
Cette scène, l’une des plus belle de la soirée, sera finalement interrompue lorsque Anne Teresa de Keersmaeker appuie sur pause sans ménagement, afin de prendre la parole pour nous expliquer, de façon romancée et avec humour, la genèse du projet. Elle parle de son coup de foudre pour ce dernier mouvement qui raconte l’adieu à la vie, de sa rencontre avec BARENBOÏM qui lui dit qu’il est impossible de danser sur l’Adieu, que ce serait tuer la magie de la musique. Et de la renvoyer vers les compositions de STRAVINSKII, SATIE…
Fort de ces explications et après avoir été prié de lire le programme durant cinq minutes de silence, le public peut enfin écouter ce même Abschied dans l’orchestration d’Arnold SCHONBERG, joué par l’ensemble ICTUS et dirigé par Georges Elie OCTORS. La chorégraphe/conteuse redevient danseuse. Mêlée aux musiciens, Anne Teresa virevolte, pose sa main sur une épaule, effleure un dos, frôle le piano. Elle ébauche des gestes, les accomplit dans l’effort, fuit dans l’ombre ou se recroqueville au bord de la scène. Lorsque la dernière note se fait entendre, surgissant de la salle, Jérôme BEL apparaît. En appelant HAYDN à la rescousse (« La symphonie des adieux »), il imagine deux interludes : en ordre dispersé, un à un, les musiciens, la mezzo-soprano et le chef d’orchestre abandonnent la scène pour finalement laisser le morceau joué inachevé. De retour sur scène, BEL leur demande de vivre l’acceptation de leur propre mort. De façon grotesque et sans intérêt, les protagonistes s’écroulent les uns après les autres. Et après ?
Le dernier chapitre est abordé. Seule sur scène avec le pianiste Jean Luc FAFCHAMPS qui joue l’Adieu, Anne Teresa de KEERSMAEKER entonne elle-même ce lied. De sa voix de non chanteuse. Et le jeu de de KERRSMAEKER agace.
Mais que tente de nous dire la chorégraphe ? Que la danse a toujours quelque chose à dire ? Qu’elle voudrait trouver les gestes justes, ceux qui intensifieraient et ne se contenteraient pas d’illustrer l’Adieu de MALHER ?
Anne Teresa de KEERSMAEKER est l’une des chorégraphes de notre temps particulièrement attachée à la rencontre entre la musique, le mouvement et l’arrêt sur le mot. Mais ce trop de bavardage, le recours aux poncifs maintes fois utilisés par BEL dans ses pièces et le style convenu ont étouffé l’émotion de ces « 3Adieux ». Et de proposer aux spectateurs une séance de travail exploratoire. Un brouillon, en fait. Rien de plus.
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haydn Site Admin
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kreul
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Posté le: Ven Nov 19, 2010 1:11 am Sujet du message: |
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MERCE CUNNINGHAM DANCE COMPANYFestival d'Automne à Paris, Théâtre de la Ville.
Premier programme :
POND WAY (1998), chorégraphie : Merce Cunningham, Musique : Brian Eno, Décors : Roy Lichtenstein ;
SECOND HAND (1970), chorégraphie : Merce Cunningham, Musique : John Cage, Costumes : Jasper Johns ;
ANTIC MEET (1958), chorégraphie : Merce Cunningham, Musique : John Cage, Décors et costumes : Robert Rauschenberg ;
Représentations des 3 et 6 novembre 2010.
Deuxième programme :
ROARATORIO (1983), chorégraphie : Merce Cunningham, musique : John Cage, décors et costumes : Mark Lancaster.
Représentations des 9 et 13 novembre 2010.
La Merce Cunningham Dance Company (MCDC) s'est produite à Paris, au théâtre de la Ville, dans le cadre du festival d'Automne, pour l'avant dernière fois de son histoire.
Le double programme proposé cette saison n'a pas l'ambition de vouloir "résumer" l'œuvre du Maître Cunningham mais de montrer la variété, la multiplicité des champs explorés par le chorégraphe. Et la complexité de son univers qu’il a construit, pensé et interrogé pendant plus de soixante ans.
C’est après avoir quitté la compagnie de Martha Graham que Merce Cunningham met au point une technique où les jambes et le buste sont sollicités de la même manière, travaillant le mouvement autour du pivot que forment les hanches et le bas du dos. Peu à peu se dessine une danse minimaliste dont l'expressivité et le sens sont dans le mouvement et les formes qu'il dessine. La composition n'est plus frontale mais éclatée. Le centre est "partout".
La musique devient quant à elle une complice autonome qui participe, avec la danse, au découpage de l'espace et du temps. La rencontre avec le compositeur John Cage sera déterminante dans l'engagement de Cunningham sur les voies de l'Avant garde. En effet, pour le compositeur, la musique est bruit et les problèmes de composition sont résolus grâce à des processus aléatoires, en particulier à l'aide du I-Ching, livre chinois répertoriant des combinaisons de diagrammes pour déterminer l'avenir. Fasciné par cette démarche, Cunningham va alors élaborer une pensée totalement novatrice pour la danse, considérée dès lors comme du mouvement à l'état pur. Il rejette ainsi la convention selon laquelle un ballet doit raconter quelque chose. Intrigues, implications psychanalytiques, ou symboliques sont abandonnées pour exposer au seul regard le seul mouvement.
Esthète, Cunningham est également influencé par des artistes comme Marcel Duchamp, Robert Rauschenberg, Andy Warhol, ou encore Jasper Johns. La fréquentation de ces personnalités conduira Merce à remettre en question l'utilisation de l'espace scénique : pour lui, il n'y a pas de points fixes dans l'espace Une collaboration étroite va d’ailleurs s’établir avec nombre d’entre eux et Cage en particulier. Parce que la danse de Merce n'est jamais le travail de Cunningham tout seul. Néanmoins, chorégraphe, compositeurs, designers tous travaillent séparément. L'essentiel pour Cunningham et que chaque artiste soit libre dans sa composition, sans être obligé de se conformer à ses propres exigences ou à celles d'autres artistes. Mais dans chaque pièce du chorégraphe américain, l'ingrédient essentiel reste la danse. Et il cherche à chaque fois un style différent comme un poète trouve une métrique différente pour chacun de ses écrits. Et il s'impose sans cesse de nouveaux défis techniques.
Les spectateurs se retrouvent donc confrontés à une danse non narrative, sans lien apparent avec la musique. De multiples évènements simultanés et différents leur sont présentés sur le plateau du théâtre de la Ville, sans communauté rythmique ni formelle, et sans que rien indique une hiérarchie entre eux. Le spectateur doit apprendre à choisir ce qu’il regarde, ou à regarder plusieurs choses en même temps, sans que, en l'absence d'un fil conducteur musical ou dramatique, il puisse identifier une logique ou une cohérence. Cette complexité dérange, encore aujourd’hui : nombre de spectateurs quittent la salle avant la fin de la représentation, déroutés par l’univers cunninghamien.
Mais en essayant de le schématiser, on enferme le travail de Merce dans un environnement qu’il a déjà dépassée. Preuve en est avec les trois pièces qui composent le premier programme.
Très rarement, Cunningham choisira un décor ou une musique déjà existante. Le décor de Pond Way en est un exemple. La partition de Cage en est un autre.
« Pond way » est une miniature. Imaginez une mare (a pond), petite étendue d'eau dormante. Cunningham qui prend au sérieux la vie qui l'anime, en donne une profonde et belle image. Il nous suggère, par allusion et réfraction, des insectes qui sillonnent la surface calme, des fleurs qui s'ouvrent, se balancent et se fanent, des oiseaux qui rasent l'eau, une brume matinale qui flotte dans l'air. Il est ironique que la première de POND WAY eut lieu à l'opéra de Paris. En effet, cette pièce nous emmène loin de l'histoire, de la culture urbaine, loin aussi des ordinateurs et loin de Merce Cunningham lui-même. C'est une pastorale. Comme dans un documentaire sur la nature à la télévision, elle nous montre une vie qu'on n'espérait pas avoir la chance de voir.
La genèse de « Second hand » est un solo chorégraphié et dansé par Merce sur la premier mouvement de Socrate d'Erick Satie. Quelques années plus tard, Cage lui suggère d'en chorégraphier l'intégrale, à partir d'un arrangement pour deux pianos. Seulement l'éditeur de Satie va refuser l'adaptation proposée par Cage. En réponse, il compose une nouvelle partition pour piano solo, sur la structure et le phrasé de Satie, mais en modifiant l'ordre des séquences par des procédés aléatoires. Il intitulera sa version "Cheap imitation" ce à quoi répond Cunningham en baptisant sa pièce, "Second hand".
Divisée en trois parties distinctes, « Second hand » débute par un solo de cinq minutes maintenant dansé par Robert Swinston, le "vétéran" de la compagnie. Puis la pièce se poursuit par un duo d'une dizaine de minutes pour s’achever sur un ensemble de dix danseurs. Si la place d'honneur revient à la danse, le spectateur est indubitablement admiratif du jeu de couleurs réalisé par Jasper Johns grâce aux académiques portés par les danseurs.
Créée à la Summer School of Dance du Connecticut en 1958, avec « Antic meet » Merce Cunningham prend définitivement congé du style de Martha Graham dont il fut l'interprète de 1939 à 45. Burlesque, il laisse libre cours à une série de situations absurdes qui se suivent sans construction particulière. Un sens de l'absurde que l'on retrouve dans les accessoires et costumes conçus par Robert Rauschenberg depuis New York (une chaise portée en ceinture à la taille, de rideau en robes, un pull à 4 manches…) où il était resté autant que dans le mariage des crécelles, des sifflets électriques et du piano "préparé" agencé par John Cage. Incontestablement, Merce réussit l'exploit d'être à la fois radical et enchanteur. Une prouesse.
Le résultat de ce premier programme prend la forme d’une harmonie miraculeuse dans la tradition de la Renaissance ou des ballets russes de Diaghilev. Acclamé par les spectateurs du théâtre de la Ville qui saluent par de nombreux bravi les excellents danseurs de la compagnie, la Merce Cunningham Dance Company impose son style, apporte sa fraicheur… nous pouvons affirmer que nous venons d’assister à l’une des soirées les plus riches et les plus fortes de la saison 2010/11 du théâtre de la Ville. Et une autre surprise attendait les chanceux spectateurs détenteurs de places pour le deuxième programme.
Pièce fleuve et présentée pour la première fois à Paris, Roaratorio marque une autre spécificité dans la démarche de l’artiste Cunningham.
Le point de départ de cette pièce est Finnegans Wake, œuvre phare de James Joyce, à partir de laquelle John Cage avait conçu, au début des années 80, une composition originale. Modulée en longues mélopées du texte de Joyce, comme psalmodié par Cage, nourries d'enregistrements réalisés 50 à 60 ans plus tard sur les lieux évoqués par l'écrivain, mais aussi imprégnée de ballades gaéliques, d'airs et d'instruments traditionnels (cornemuse, tambour, flûte et violon) enracinés en terre d'Irlande, l'œuvre fut créée à Paris en 1981, sous le titre de « Roaratorio, an Irish Circus on Finnegans Wake ». Dans la foulée, Cage propose à Cunningham d'en réaliser une version dansée pour le festival de Lille, où Roaratorio fut créé (1983).
Dans cette pièce, l'art de Cunningham y est au summum de ses capacités techniques et de sa vigoureuse fantaisie. Propulsés dans le mouvement comme d'insensés projectiles, les danseurs dessinent des lignes qui se disloquent aussitôt. Des réminiscences de danses populaires y côtoient de folles embardées… les couples se prennent par la main et, les bras croisés, certains exécutent des figures, puis les mouvements se différencient, se multiplient, s'éparpillent en tours, sautillements, pirouettes ; les bustes s'inclinent, se tordent de mille manières. Il y a dans Roaratorio la trame enjouée d'une quête quasi-insatiable, qui aura consisté à surprendre le mouvement, à l'amener à se produire dans l'effusion d'un espace temps à géométries infiniment multiples.
Ce ballet est à l'opposé de l'illustration littéraire mais le livre de James Joyce prend corps. Une merveille. Un succès ô combien mérité et un accueil chaleureux sont réservés aux danseurs de la MCDC. Avant un ultime « au revoir » puisque six semaines avant sa mort et fidèle à son esprit novateur, Merce Cunningham a mis au point un Legacy Plan qui prévoit le devenir de la compagnie et garantit la préservation de son héritage artistique. Le chorégraphe américain souhaitait que sa compagnie soit dissoute à l'issue d'une tournée mondiale de deux ans et après un final en apothéose à New York City. Après cela, les danseurs, les administratifs et les musiciens de la compagnie seront payés pendant un an et recevront des primes supplémentaires pour les aider à se reconvertir.
Quel respect ! de la danse, des danseurs, de l’art chorégraphique…. et des spectateurs.
Chapeau bas, Monsieur Cunningham.
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sophia
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kreul
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kreul
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CarolinaM
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