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Théâtre de la Ville (Paris)
12 octobre 2010 : 3Abschied, d'Anne Teresa de Keersmaeker et Jérôme Bel
3 Abschied, chor. Anne Teresa de Kersmaeker et Jérôme Bel
D’abord
le silence, tandis que les musiciens s’installent sur le plateau.
Elle arrive à son tour, jeans trop large, godillots aux pieds.
Elle glisse un CD dans l’appareil et convie le public à
écouter l’enregistrement historique de Kathleen Ferrier,
accompagnée des Wiener Philharmoniker qui interprètent
l’Abschied («l’Adieu») concluant Le Chant de la Terre,
de Gustav Mahler, alors que la Mort étreignait la cantatrice en
son sein. Un morceau grandiose et d’une tristesse indicible, que
le public du Tthéâtre de la Ville savoure avec
étonnement : l’orchestre est là mais ne joue pas,
il écoute. Comme nous. La soprano Sara Fulgoni est assise, elle
respire au rythme du chant.
Cette scène, l’une des plus belles de la soirée,
sera finalement interrompue lorsque Anne Teresa de Keersmaeker appuie
sur «pause» sans ménagement, afin de prendre la parole pour nous
expliquer, de façon romancée et avec humour, la
genèse du projet. Elle parle de son coup de foudre pour ce
dernier mouvement qui raconte l’adieu à la vie, de sa
rencontre avec Daniel Barenboïm, qui lui dit qu’il est
impossible de danser sur l’Adieu, que ce serait tuer la magie de la musique. Et de la renvoyer vers les compositions de Stravinsky, Satie…
3 Abschied, chor. Anne Teresa de Kersmaeker et Jérôme Bel
Fort de ces explications et après avoir été
prié de lire le programme durant cinq minutes de silence, le
public peut enfin écouter ce même Abschied dans
l’orchestration d’Arnold Schoenberg,
interprété sur scène par l’ensemble Ictus
placé sous la direction de Georges-Elie Octors. La
chorégraphe / conteuse redevient danseuse. Mêlée
aux musiciens, Anne Teresa de Keersmaeker virevolte, pose sa main sur
une épaule, effleure un dos, frôle le piano. Elle
ébauche des gestes, les accomplit dans l’effort, fuit dans
l’ombre ou se recroqueville au bord de la scène. Lorsque
la dernière note se fait entendre, Jérôme Bel surgit de la salle. Appelant Haydn à la rescousse, dont il parodie la Symphonie des Adieux,
il imagine deux interludes : en ordre dispersé, un à un,
les musiciens, la mezzo-soprano et le chef d’orchestre
abandonnent la scène. De retour sur le plateau,
Jérôme Bel leur demande de vivre l’acceptation de
leur propre mort. Dans un mouvement grotesque, les protagonistes
s’écroulent les uns après les autres. So what?
3 Abschied, chor. Anne Teresa de Kersmaeker et Jérôme Bel
Le
dernier chapitre est abordé. Seule sur scène avec le
pianiste Jean-Luc Fafchamps qui joue l’Adieu, Anne Teresa de
Keersmaeker entonne elle-même ce lied d’une voix non
travaillée. Et son jeu, malheureusement, agace. Mais que tente
de nous faire comprendre la chorégraphe? Que la danse a toujours
quelque chose à dire? Qu’elle voudrait trouver les gestes
justes, ceux qui magnifieraient l’Adieu de Mahler, plutôt
que de se borner à l’illustrer?
Anne Teresa de Keersmaeker est l’une des chorégraphes de
notre temps qui est particulièrement attachée à
la rencontre entre la musique, le mouvement et l’arrêt sur
le mot. Mais ce trop de bavardage, le recours aux poncifs, maintes fois
utilisés par Jérôme Bel dans ses propres
pièces, et le style convenu ont étouffé
l’émotion de ces «3Adieux». Et de proposer aux spectateurs une séance de travail exploratoire. Une ébauche, en fait. Rien de plus
Loïc Le Duc © 2010, Dansomanie
3Abschied
Musique : Gustav Mahler, arr. Arnold Schoenberg
Chorégraphie : Anne Teresa de Keersmaeker, Jérôme Bel
Avec : Anne Teresa de Keersmaeker
Sara Fulgoni, mezzo-soprano
Jean-Luc Fafchamps, piano
Ensemble musical Ictus, dir. Georges-Elie Octors
Mardi 12 octobre 2010, Théâtre de la Ville, Paris
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