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Devenir un cygne russe? Héloïse Bourdon au Mariinsky
02 avril 2016 : Héloïse Bourdon, histoire d'un Cygne / Chapitre II
L'histoire
- on amierait dire le conte - n'est pas encore achevé. Un an
jour pour jour après notre premier entretien avec
Héloïse Bourdon, la jeune danseuse s'apprête à
fouler la scène du presigieux Théâtre Mariinsky,
à Saint-Pétersbourg, pour y interpréter à
nouveau le double-rôle principal du Lac des cygnes, aux côtés de Timour Askerov et
des artistes de la troupe dépositaire de l'héritage de
Marius Petipa et Lev Ivanov. Consécration avant l'heure pour une
ballerine qui a tout de l'étoile, fors le titre. Pour nous
parler de ce défi, Héloïse Bourdon nous a
reçu dans un autre lieu hautement symbolique de
Saint-Pétersbourg, l'Hôtel Astoria, où fut
jouée pour la première fois, dans ce qui était
alors Léningrad assiégée, le 9 août 1942, la
Septième symphonie de Dimitri Chostakovtich, au nez et à la barbe des soldats du Reich.
Héloïse Bourdon
Comment s'est faite cette invitation
au Mariinsky? Comment avez-vous réagi lorsque vous l'avez appris?
Le plus inattendu est effectivement que je sois
là et ça tient vraiment du conte de fées.
L'invitation a été faite le soir du concours de promotion
en novembre dernier. J'ai reçu un appel de Benjamin Millepied
qui m'a tout simplement dit : «Voilà
Héloïse, je viens de parler avec Monsieur Fatéev,
directeur du Mariinsky, qui, comme tu le sais, était un des
membre du jury aujourd'hui, il t'invite dans son théâtre
en avril prochain pour que tu danses le Lac des Cygnes».
Je n'ai pas pour autant sauté au plafond, parce qu'immédiatement, je me suis dit : c'est trop beau pour
être vrai et surtout, c'est si loin que, d'ici là,
il y aura peut être des changements, des imprévus... Enfin, je ne voulais surtout pas me laisser envahir par
l'émotion, de peur d'être déçue.
Intérieurement, j'étais certes très heureuse, mais
je me demandais si j'avais bien compris. C'était le Lac des cygnes
en entier? Ce n'était pas possible. Et puis non... Le temps
passant, rien ne laissait entendre que le projet pourrait tomber
à l'eau, au contraire! Quand j'ai revu Benjamin Millepied, je
lui ai redemandé : «Mais c'est bien tout le Le Lac des cygnes»?
Pour moi, déjà un seul pas de deux, au Mariinsky, cela
aurait été énorme. Et Benjamin Millepied m'a
répondu : «Mais oui, mais oui, c'est le Lac des cygnes en entier!». Maintenant, je réalisais un peu mieux ce qui m'arrivait.
J'ai été programmée sur La Bayadère
à l'Opéra National de Paris et quand j'ai dansé
Gamzatti avec Kimin Kim et Kristina Shapran, Mr Fatéev est venu
dans la capitale. Il m'a confirmé avec Benjamin Millepied qu'il
m'attendait toujours au printemps à Saint-Pétersbourg.
Alors là, seulement, j'ai commencé à y croire et
à m'investir dans le projet, calmement, sereinement, et à
mesurer l'ampleur de ce cadeau d'exception qui m'était fait.
Mais en même temps, il y avait cette petite voix qui me
murmurait à l'oreille que, même si je n'avais pas obtenu
le poste de Première danseuse au Concours de promotion, j'avais
eu raison de me battre pour cette place et que le destin , la chance,
sont souvent au rendez-vous là ou on ne les attend pas!
Tout s'est donc très bien enchaîné. Les contacts
avec le Mariinsky ont été établis et ce n'est que
le jour de la conférence de presse, une fois que je suis
arrivée à Saint-Pétersbourg et que j'ai revu Mr
Fatéev, que je me suis laissée envahir par
l'émotion qui aurait dû être celle du mois de
novembre.
Vous aviez déjà dansé Le Lac des Cygnes à Paris, dans la chorégraphie de Rudolf Nouréev, là, vous abordez une nouvelle version du Lac.
Comment appréhendez-vous ces différences? De quel ordre
sont-elles pour le Cygne? Comment vous êtes-vous
préparée avant votre arrivée à
Saint-Pétersbourg?
Danser le Lac des Cygnes au
Mariinsky, dans ce lieu emblématique où ce ballet est
résolument culte pour le public russe, n'est ni une mince
affaire, ni une évidence. En revanche c'est un beau cadeau. J'ai
déjà eu le privilège de danser à
l'Opéra de Paris le Lac des Cygnes
la saison dernière avec le danseur Etoile Josua Hoffalt dans la
chorégraphie de Rudolf Nouréev. J'en garde bien sûr
le souvenir d'une expérience mémorable et d'une
véritable ivresse, d'un bouleversement réel dans mon
parcours de danseuse, tant le rôle m'a apporté en
puissance, en affirmation de moi, en richesse intérieure et en
technique. Tout ce travail de soliste, cette liberté, cet
élan, cet enthousiasme restent imprimés dans ma
mémoire à jamais, quoi que l'avenir me réserve.
Donc là, au Mariinsky, je ne reprends pas le rôle à
zéro, mais je dois néanmoins le reconsidérer
totalement ; sans opposer la version française de Nouréev
à la version russe de Serguéïev, il va falloir que
j'y trouve des complémentarités.
Pour moi, sur le plan chorégraphique, la danseuse doit rester
complètement neutre et fidèle à l'esprit du
chorégraphe et tout simplement exécuter les pas au plus
juste de l'exigence artistique du créateur, tout en travaillant
son rôle à la base, à partir de la
musicalité. Ensuite, pour entrer dans l'interprétation,
c'est là que l'on doit s'investir avec sa propre
sensibilité. C'est la proposition chorégraphique qui va
conduire la danseuse vers une interprétation qui sera
naturellement différente selon les versions. J'ai pour ma part
essayé de comprendre ce qui pouvait différencier par
exemple l'Odette et l'Odile de Noureéev de celles de
Serguéïev pour approcher au plus juste la psychologie des
personnages, en fonction de chaque version. Chez Nouréev,
Odette doit clairement exprimer dans son jeu et son haut du corps la
dualité entre la femme et l'oiseau. Pour Siegfried, Odette est
l'image de la douceur, contrairement à celle de sa mère,
alors qu'Odile doit être dansée comme le cauchemar de
Siegfried : autoritaire, manipulatrice, insolente, hautaine, bref,
comme sa mère réincarnée. Mais tous les deux
restent dans cette option, murés chacun dans leur impuissance
respective, et ils en meurent.
Dans la version russe de Sergueïev, que je vais danser au
Mariinsky, le ballet est un vrai conte, avec une tout autre dimension
psychologique. Je pense qu'il faut laisser à Odette et à
Odile, dans cette version traditionnelle, leur dimension de personnage
de conte. Les contes se terminent par des mariages, à condition
que le prince soit un héros. C'est la raison pour laquelle, dans
cette version issue du monde soviétique, le prince triomphe du
mal dans le combat avec Rothbart, ce qui lui confère le statut
de héros, et lui permet d'épouser Odette. Odette reste
lumineuse jusqu'à la fin, entravée jusqu'à sa
délivrance dans son corps d'oiseau, parce qu'elle est porteuse
du pouvoir de révéler un héros à
lui-même et au monde. Elle doit montrer dans son jeu et dans sa
danse qu'elle est capable de permettre à l'adolescent qui la
regarde de devenir un homme et de supplanter la figure de la mère.
Tandis qu'Odile va demeurer celle qui incarne la noirceur des femmes de
pouvoir, celles qui font peur, et qui, en plus, ressemblent à la
mère par leur autorité. Mais cette Odile, qui a toutes
les perfidies, va miraculeusement disparaître. C'est là le
pouvoir des contes de fées. Chez Nouréev, Odette
personnifie le désespoir d'une femme sous influence qui ne veut
pas entrainer Siegfried dans un amour qui va le mener à sa
perte. Au Mariinsky, par sa séduction, Odette est un bel oiseau
libre qui transmet à Siegfried la force de vaincre le mal et de
devenir un héros. Elle représente les forces de
l'espoir.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vos
premiers contacts avec le Théâtre Mariinsky? Comment se
déroule la préparation?
Je suis arrivée au Mariinsky où j'ai été
accueillie avec chaleur et professionnalisme. Rien n'est laissé
au hasard dans ce théâtre qui respire par tous ses pores
le bel héritage passé, lourd d'histoire marquée
par la présence de Nijinsky, Pavlova, Makarova,
Nouréev. Autant de noms illustres. C'est une ruche aussi, comme
notre sublime Palais Garnier. La culture d'une manière
générale est omniprésente en chaque Russe, jeunes
et moins jeunes, que j'ai pu rencontrer autour de moi. Ils sont fiers
de leur ville de leur patrimoine, de leur histoire, et le ballet
classique est véritablement un culte national, une
référence artistique majeure. Qui ne connait pas ici le
Mariinsky? Ce théâtre est une légende vivante et
les danseurs qui font partie de la troupe sont quasiment
idolâtrés par le public, à l'image de Diana
Vishneva ou Ouliana Lopatkina : elles déplacent les foules, et
pas seulement une élite. Une petite anecdote : quand
je suis allée au restaurant avec mes parents, incidemment, dans
la conversation, nous avons évoqué le nom d'Anna Pavlova.
Immédiatement, le serveur l'a remarqué, et a
commencé à parler ballet avec nous. La danse, en Russie,
est très valorisée, et les danseurs jouissent d'un grand
prestige. Les gens vont à l'Opéra voir des ballets comme
le public italien va à l'Opéra pour voir des spectacles
lyriques. Cet amour est dans leurs gènes.
Pour l'instant, nous répètons en studio, tous les jours.
Nous aurons une seule répétition en scène le 4
avril, la veille du spectacle, avec le corps de ballet. C'est important
de pouvoir travailler avec les filles du corps de ballet, surtout
l'acte III – le second acte blanc, qui correspond ici au
quatrième acte chez Nouréev, les deux premiers actes
étant fusionnés. La répétition du 4 avril
se fera avec un piano, mais le chef d'orchestre sera présent,
pour régler les tempi.
On vous a demandé votre avis?
Oui, absolument. Les chefs de chant [pianistes accompagnateurs, ndlr]
sont très attentifs, ils me demandent tout le temps si cela
convient, si ce n'est pas trop lent, pas trop rapide, pour que ce soit
le plus agréable possible pour moi à danser. On est
vraiment aux petits soins pour moi.
Comment cela se passe-t-il avec les
maîtres de ballet? Vous arrivez avec votre formation
française, votre style, votre connaissance de la version
Nouréev du Lac des cygnes, comment vous adaptez-vous?
On
m'avait, déjà à Paris, envoyé une vidéo pour apprendre le rôle.
Donc, avant de partir pour la Russie, j'ai travaillé avec ce support.
J'ai conscience que la façon d'aborder Le Lac des cygnes
à Saint-Pétersbourg est très différente des pratiques
parisiennes. Quand je suis arrivée, j'ai tout de suite dit aux
maîtres de ballet : «Apprenez-moi tout, n'ayez pas
peur de me donner toutes les informations, toutes les corrections
nécessaires». Je veux me rapprocher, dans toute la mesure de
ce qui est physiquement à ma portée, des pratiques russes. Et c'est
vrai que je trouve cela tellement beau, ce que font les danseuses du
Mariinsky. Il y a un magnifique travail du haut du corps. Après, je
vois ce que je peux en faire moi-même, ce qui est dans mes
possibilités, ce que mon corps peut accepter. Aujourd'hui [02 04
2016], Youri Fatéev est venu lui-même à la répétition, il m'a
encore donné d'autres corrections, d'autres indications relatives à
la version du Lac des cygnes
qui est dansée au Mariinsky. J'essaye d'intégrer le maximum
d'éléments spécifiquement russes, tout en préservant ce qu'on m'a
appris depuis mon enfance, ce qui caractérise l'école française.
Ce n'est pas en une semaine que je vais devenir une danseuse du
Mariinsky! Mais c'est aussi une chance pour moi d'avoir accès
aux coaches et aussi aux cours avec la compagnie. C'est vraiment très
enrichissant. Là, j'ai déjà eu des cours avec quatre professeurs
différents. Et j'ai étudié mon rôle avec deux coaches :
Elena Evteeva, qui s'occupe du travail en couple, avec Timur
Askerov, et aussi avec le professeur de Timur Askerov, qui s'occupe
de lui depuis l'enfance, et me donne aussi personnellement des
corrections. Il y a des détails qui échappent au spectateur, mais
il y a aussi des changements très importants par rapport à ce que
je faisais à Paris. Par exemple, le début du dernier acte (acte III
à Saint-Pétersbourg, acte IV à Paris) est complètement différent, et c'est une autre musique. Il n'y a pas de pantomime du tout. La
première entrée d'Odette est aussi entièrement nouvelle pour moi.
Le Pas de deux, ensuite, ne change pas tellement. Mais celui du Cygne noir est aussi tout autre que ce qu'on
danse à Paris. Les corrections portent donc principalement sur ces
points-là. Pour le reste, on me laisse une grande liberté.
Et comme costume, que porterez-vous?
Je
ne sais pas encore. J'ai apporté des tutus de Paris, et j'ai aussi
essayé des tutus de solistes du Mariinsky. Dans les deux cas, les
costumes me vont. Je vais demander à Youri Fatéev ce qu'il préfère.
Il va probablement me dire «fais ce que tu veux». Pour
moi, c'est aussi intéressant de danser entièrement avec les
costumes du Mariinsky. Ils sont conçus différemment des nôtres. Le
plateau est plus droit, plus horizontal, et le corset, au niveau des
côtes, est beaucoup plus souple. A Paris, il y a souvent des
baleines, cela fait une jolie taille, mais les tutus russes sont plus
confortables, ils donnent une plus grande liberté de mouvement. Le
tutu y est peut-être moins «sacralisé» qu'à Paris, ici,
le côté fonctionnel prime. Pour la Bayadère (Gamzatti), par
exemple, nous avions cette saison toutes des costumes différents.
Cela dépend aussi d'ailleurs des disponibilités en tissu.
Certaines, en fonction de leur taille, ont eu des costumes déjà
anciens, sur lesquels on a, le cas échéant, changé le bustier ou
le plateau, d'autres ont eu des tutus entièrement neufs, comme
Hannah O'Neill ou Charline Giezendanner.
Vous avez déjà posé le pied sur la grande scène?
Pas encore. J'ai déjà
vu la scène depuis les coulisses, mais sans avoir les
chaussons aux pieds! La première fois, ce sera le 4 avril.
Le Mariinsky, ce n'est pas n'importe quel théâtre. Y ressent-on quelque chose de particulier?
Oui,
indéniablement. Je me suis préparée psychologiquement, je me suis
beaucoup concentrée sur cette belle aventure, ce beau moment que
j'allais vivre. Je vais certainement ressentir énormément
d'émotion, mais je pense que cela va même m'aider dans
l'interprétation du rôle, pour être davantage habitée, pour y
projeter mon âme.
Est-ce que c'est un peu le même genre d'émotion que vous
avez eue lorsque vous êtes montée pour la première
fois sur la scène du Palais Garnier?
Non,
au Palais Garnier, quand je suis allée la première fois sur scène,
j'étais une petite fille, c'était lors des démonstrations de
l'Ecole de danse. C'était un contexte très différent. A neuf ans,
j'étais trop contente. Je ne me rendais pas compte, je ne me disais
pas «c'est incroyable», j'étais juste tellement heureuse!
Là, au Mariinsky, je réalise ce qui se passe, j'ai pleinement
conscience des choses. C'est la différence entre l'enfance et l'âge
adulte. Maintenant, je mesure la chance que j'ai.
Justement, comment vous êtes vous préparée, sur le
plan physique et sur le plan psychologique, à danser sur la
scène du Mariinsky, le rôle le plus emblématique du
répertoire?
J'essaye
de bien m'échauffer, pour être bien dans mes muscles, bien dans mon
corps, et aussi pour avoir un rythme cardiaque adéquat. Il ne faut
pas être essoufflée dès le premier quart d'heure de la
représentation. Il ne faut pas se retrouver asphyxiée, faute
d'oxygénation suffisante des muscles. Donc, un bon échauffement,
déjà, c'est important. Je
me repasse aussi le ballet dans ma tête, je m'imagine, je me
visualise en train de le danser, avec les corrections qu'on m'a
données, les choses que j'aimerais faire. Je fais cela souvent les
veilles de représentation, le soir avant de m’endormir. Et il y a
aussi des petites choses qui me détendent : me maquiller, me
coiffer. Mais le principal, c'est le travail fait en amont. Si on a bien répété,
le corps conserve la mémoire des pas, des gestes, et il ne fera pas
n'importe quoi. Sauf si on est submergée par l'émotion, et c'est
pour cela qu'il faut être forte dans sa tête, ne pas se laisser
dépasser par la tension. Garder son calme, écouter la musique. La
musique, c'est très important. En plus, là, il y aura un orchestre
magnifique. La musique, c'est un support à la fois beau et rassurant.
Si je suis un peu nerveuse, écouter la si belle musique du Lac des
cygnes, cela me détend.
Est ce que des personnes de votre entourage sont venues pour vous soutenir?
Comme nous l'avons déjà évoqué, mes parents
sont là, et ils iront me voir danser. Quelques amis aussi.
Saint-Pétersbourg est une ville magnifique, qui n'est pas si
éloignée que cela de Paris, et c'était une bonne
occasion pour faire le voyage!
Comment vit-on le fait de danser au Mariinsky
un rôle d'étoile, puis de devoir ensuite «rentrer
dans le rang», comme simple artiste de corps de ballet?
Je
ne me pose pas trop de questions par rapport à cela. Certes, je n'ai
pas été promue Première danseuse au dernier concours, je n'ai pas
le titre, mais j'ai des rôles, c'est là le principal. Cela fait
bien trois ans déjà qu'on me confie régulièrement des rôles de
soliste. Ça a commencé déjà à l'époque de Brigitte Lefèvre,
qui m'avait confié Nikiya, dans La
Bayadère. Mais je suis bien
consciente que, hiérarchiquement, je suis Sujet, ce qui veut dire
faire du corps de ballet avant tout. Je sais quel est mon
rang. Je ne suis pas dans la désillusion. Je sais que ce n'est pas
parce que j'ai accès à un rôle d'étoile que je ne devrais pas
revenir le lendemain à ma place dans la troupe. Je sais que tant que
je n'aurais pas le titre, je retournerai toujours dans le – relatif
– anonymat du corps de ballet. Et dans le corps de ballet, il y a
aussi une bel énergie à trouver. L'ambiance de travail y est très
différente de celle des répétitions de soliste. Quant on est
soliste, la répétition est centrée sur soi. Dans le corps de
ballet, c'est l'ensemble qui compte, tout le monde doit être en
ligne au même moment, on doit toutes avoir la même musicalité...
c'est vraiment très différent. Et on a des rapports différents
avec les collègues. J'entends souvent des Premières danseuses dire
que, quelque part, le corps de ballet leur manque. Les solistes
travaillent souvent individuellement avec leur coach, et n'arrivent
avec les autres qu'aux dernières répétitions. Comme je fais les
deux, j'ai d'une certaine façon une plus grande connivence avec le reste de
la compagnie. J'essaye de voir tout cela de manière positive...
Mais
c'est vrai que physiquement, cela peut être difficile. Par exemple,
sur La Bayadère, il y avait
des soirs où j'étais vraiment fatiguée. Cumuler les heures de
répétition de Corps de ballet avec celles de soliste – et les
spectacles ensuite –, c'est épuisant. On danse presque tous les
soirs. Il faut faire très attention, et quand on est trop fatigué,
quand on commence à avoir mal, les maîtres de ballet, qui sont
conscient des efforts demandés, acceptent aussi de modifier la
feuille de service.
Vous avez eu le temps de visiter un peu Saint-Pétersbourg?
Non,
pas du tout. J'ai juste fait un petit tour en taxi dans la ville, ce
soir, nous irons dîner avec mes parents dans un restaurant de poissons, mais c'est
tout. Tout le monde est très occupé par la préparation du
spectacle et il reste peu d'occasions pour les loisirs, même si
j'aurais aimé faire un tour à l'école Vaganova. Et
là, je vais vous laisser. Je dois aller me faire masser, j'ai trop
hâte [rires]!
Propos recueillis par Romain Feist
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Entretien
réalisé le 02 avril 2016 - Héloïse Bourdon © 2016,
Dansomanie
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