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Vladislav Lantratov, soliste du Ballet du Bolchoï
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06 mai
2011 : à la découverte de Vladislav Lantratov
Encore
peu connu en-dehors de Russie, Vladislav Lantratov, 22 ans, est un tout
jeune soliste du Bolchoï, membre de la troupe depuis seulement
2006. Preuve des espoirs que l'on peut raisonnablement placer en lui,
la direction du Théâtre Bolchoï n'a pas craint de le
distribuer, aux côtés de la reine Maria Alexandrova, dans
le rôle principal des Flammes de Paris,
sur la représentation d'ouverture de la tournée de la
compagnie moscovite à l'Opéra de Paris. Quelques jours
seulement avant cette tournée, à Moscou, il nous
étonnait dans un autre ballet de Ratmansky, Illusions perdues,
en tant qu'interprète de Lucien de Rubempré, un
rôle dramatique et lyrique aux antipodes de celui,
héroïque et plein de bravoure, de Philippe, le
révolutionnaire.
Petite rencontre, dans un
lieu romantique et balzacien de la capitale, sous un soleil impeccable,
avec ce jeune espoir d'une compagnie vibrante, qui nous rappelle au
passage qu'il y a aussi une vie au Bolchoï après la tornade
Ossipova-Vassiliev.
Comment avez-vous commencé la danse?
Vladislav Lantratov :
Je viens d'une famille d'artistes, mes parents étaient tous les
deux danseurs [le père de Vladislav Lantratov, Valery Lantratov,
est un ancien danseur étoile des troupes du Stanislavsky et du
Kremlin, n.d.l.r.]. Au départ, la danse n'était pas un
choix personnel, c'était celui de mes parents, mais moi, je
n'avais rien contre cette idée. A l'époque, j'adorais le
théâtre, mais plutôt le théâtre
dramatique, car ma mère travaillait comme professeur de
chorégraphie au fameux Théâtre du Lenkom à
Moscou. C'est le lieu où j'ai passé toute mon enfance.
J'avais huit ans quand j'ai commencé la danse et mon professeur
m'a tout de suite préparé pour entrer à
l'école du Bolchoï. On y entre en fait vers 9-10 ans et on
en sort huit ans après, vers 17-18 ans. De ces années
d'école, je garde à la fois le souvenir de moments
compliqués, terribles même, et de moments très
sympathiques, en termes de rencontre, de travail, d'expérience.
Quelles
sont les qualités, d'après vous, que l'on cherche plus
spécifiquement à mettre en avant à l'école
du Bolchoï?
Vladislav Lantratov : Bien
sûr, comme dans les autres écoles de danse
européennes, on se soucie de tout ce qui concerne les positions,
le travail des pieds, etc... Mais à l'époque où
j'étais élève, il y a cinq ans encore, on
prêtait aussi beaucoup d'attention à la transmission des
émotions. Il fallait danser avec âme. Maintenant,
ça change un peu.
Vous étiez déjà distribué en tant que soliste dans les spectacles à l'école?
Vladislav Lantratov : J'ai fait le Prince dans le Casse-noisette
de Vainonen un an avant d'entrer dans la compagnie [en
réalité, il n'y a pas vraiment de spectacles de
l'école du Bolchoï, à l'exception, depuis peu, du
Grand pas de Paquita et de La Fille mal gardée, mais plutôt des concerts de type divertissement, avec succession de pas de deux, n.d.l.r.].
Entrer
dans la troupe du Bolchoï, c'était la suite logique,
obligée, de votre formation à l'école du
Bolchoï?
Vladislav Lantratov : Je
n'étais pas du tout sur d'être pris dans la compagnie, et
j'ai attendu jusqu'au dernier moment pour le savoir. En dernière
année, les élèves passent tous un examen, ensuite,
un petit nombre d'entre eux – une dizaine - sont invités
à se produire lors d'une démonstration sur la
scène du Bolchoï [Vladislav Lantratov a dansé
à cette occasion le pas de deux de Don Quichotte
avec Maria Vinogradova, n.d.l.r.], et quelques-uns seulement –
cinq ou six - sont choisis par la direction du
théâtre pour intégrer la troupe de ballet.
En tant que membre du corps de ballet, vous avez eu des rôles d'affiche immédiatement?
Vladislav Lantratov : Les premiers rôles que j'ai eus, c'était dans Carmen Suite, j'étais distribué sur le Flamenco, et dans Raymonda,
où j'étais l'un des quatre garçons du Grand pas
[c'était au tout début de sa première saison au
théâtre, n.d.l.r.].
Comment
se passe le travail avec votre professeur au Bolchoï? C'est une
pratique russe qui reste toujours très mystérieuse en
France, où les danseurs travaillent avec des
répétiteurs différents selon le répertoire
[je lui explique le système qui prévaut à
l'Opéra de Paris, il ne comprend pas comment une telle chose
– travailler sans un «coach» personnel - est
possible! n.d.l.r.]
Vladislav Lantratov : Pour
ce qui est du professeur, les danseurs peuvent demander à la
direction à travailler avec tel ou tel. En ce qui me concerne,
ça s'est passé différemment. C'est Mikhaïl
Lavrovsky lui-même qui m'a choisi comme élève juste
après les examens de l'école et c'est de cette
manière que j'ai appris que j'allais travailler avec lui. Quoi
qu'il en soit, la direction du Bolchoï écoute toujours les
préférences des artistes, elle ne les contraint pas
à suivre l'enseignement de tel ou tel. En réalité,
je prépare et répète tous mes rôles avec
deux professeurs, Mikhaïl Lavrovsky et Valery Lagunov. Ils sont
très amis et travaillent eux-mêmes toujours
ensemble. Avec Lagunov, on va dire que je travaille plutôt la
technique, la correction des positions, des bras, etc..., tandis
qu'avec Lavrovsky, je travaille plutôt sur la pureté de la
danse, sur les émotions, sur l'histoire proprement dite, sur
l'âme que l'on met dans l'interprétation. Cette danse de
l'âme, qui met au premier plan les émotions, c'est toute
la gloire de l'école moscovite.
A
présent, vous avez un certain nombre de rôles à
votre actif, quels sont ceux que vous préférez?
Vladislav Lantratov : On
me pose souvent cette question! En fait, chaque rôle est une page
spéciale dans ma vie. Je ne peux pas dire que je
préfère tel rôle à tel autre. Avec chacun,
c'est une histoire particulière et un souvenir agréable.
En somme, je les aime tous. Toutefois, celui avec lequel je me sens le
plus à l'aise, c'est celui du Prince dans le Casse-noisette de Grigorovitch, que j'ai dansé pour la première fois en janvier dernier.
Quels sont ceux vers lesquels vous vous dirigez actuellement?
Vladislav Lantratov :
Il est trop tôt pour le dire. J'ai déjà eu beaucoup
de chance de pouvoir ouvrir la tournée à Paris, alors
c'est un peu compliqué pour moi de penser maintenant à
l'avenir. Le rôle que je prépare actuellement, c'est celui
de Basilio que je vais danser pour la première fois le 25 juin.
Est-ce
que la direction du théâtre cherche à vous confier
une partenaire et, de manière plus générale,
à forger des couples de scène plus ou moins constants?
Vladislav Lantratov : En
ce qui me concerne, je n'ai pas de partenaire attitrée. Pour
l'instant, j'en change régulièrement, mais
peut-être dans les années à venir, ce sera
différent. En fait, je les aime toutes, elles ont toutes quelque
chose d'intéressant à m'apporter.
Que
pensez-vous de l'évolution du répertoire du Bolchoï,
et notamment de toutes ces créations et entrées au
répertoire de chorégraphes occidentaux qu'il y a eues
récemment?
Vladislav Lantratov : Les
ouvrages d'aujourd'hui ont leur place dans notre répertoire, je
n'y vois aucun inconvénient en soi, c'est très
intéressant. Mais personnellement, je pense qu'il ne faudrait
pas que les représentations de ballets modernes viennent
empiéter sur celles des ballets classiques durant la saison et
en quelque sorte prendre leur place. Nous sommes d'abord et avant tout
un théâtre de répertoire.
Et qu'en est-il des ballets de Ratmansky, puisque vous venez de danser à Moscou le rôle principal de ses Illusions perdues? Comment s'est passée cette création?
Vladislav Lantratov :
A mes yeux, nous avons disposé de trop peu de temps pour
préparer le ballet. Je crois qu'on ne peut pas faire un ballet
en trois actes comme ça, aussi rapidement. Il n'y a pas eu de
« casting » préliminaire, Ratmansky connaît
bien le théâtre, et c'est lui-même qui nous a
choisis directement, les uns et les autres. Il avait une certaine
idée de l'histoire et des personnages et à partir de
là, il nous a montré lui-même la
chorégraphie. Après c'était à nous de
suivre ce qu'il montrait, et c'était très difficile, car
Ratmansky est unique. Tout ce qu'il crée est en
réalité fait sur lui. En ce qui concerne le partenariat,
quand on a commencé les répétitions, je dansais
avec une autre Coralie. Au bout de deux semaines, Ratmansky a
décidé de changer les couples et je me suis
retrouvé avec Svetlana Lunkina. On a vraiment beaucoup
travaillé, chaque jour, on vivait presque dans la salle. Pour ce
qui est du personnage de Lucien, je dirais que je me sens très
proche de ce qu'il est au début du ballet, un jeune homme
ouvert, sensible, un peu naïf. J'aime aussi beaucoup ce qu'il
devient à la fin, lorsqu'il arrive dans l'appartement de
Coralie, le fait qu'il essaye de comprendre toutes ses erreurs et de
changer.
Comment passe-t-on, en l'espace de quelques jours, de Lucien, le héros des Illusions perdues, à Philippe, celui des Flammes de Paris?
Vladislav Lantratov :
C'est très difficile physiquement. Sur le plan
chorégraphique, le personnage de Philippe doit en
réalité peu à Ratmansky. Il y a un peu de
Ratmansky dans le premier acte, mais dans le second, la
chorégraphie du rôle est entièrement de Vainonen.
Avec Ratmansky, c'est la plastique qui prime, tandis qu'avec le
personnage que j'interprète dans les Flammes, c'est
complètement différent, il faut surtout sauter... En
plus, entre la création des Illusions perdues et les Flammes de Paris,
il ne s'est pas passé beaucoup de temps. Maintenant, pour ce qui
est du caractère de Philippe, pour tout ce qui est des
émotions, il n'y a pas de réel problème, en grande
partie grâce à la musique d'Asafiev. En fait, même
si je n'en ai pas envie, je ne peux pas faire autrement que danser au
maximum, tellement la musique est exaltante
Quand
vous préparez et dansez des oeuvres consacrées par de
grands interprètes comme celle-ci et d'autres, vous avez des
modèles en tête?
Vladislav Lantratov :
Je regarde beaucoup de vidéos. Je ne les prends pas comme un
modèle absolu, mais j'essaye de m'inspirer de certains
détails intéressants, empruntés à
différents artistes. Je les adapte à ma
personnalité, j'essaye de voir ce qui me convient, ce qui ne me
convient pas. Ensuite, je me rends au studio de
répétition et je montre ces «essais» à
mes professeurs.
Quels sont les danseurs qui vous inspirent de manière permanente?
Vladislav Lantratov : Lavrovsky, Vladimir Vassiliev, Barychnikov.
Est-ce que le fait d'ouvrir une tournée à Paris revêt pour vous un sens particulier?
Vladislav Lantratov : C'était
au-delà de tout ce que je pouvais rêver. Bien sûr,
c'est une grande responsabilité et un grand honneur d'ouvrir une
tournée du Bolchoï, quel que soit le lieu. Et la
scène de l'Opéra de Paris est liée à
tellement de choses...
Comment avez-vous trouvé la scène du Palais Garnier?
Vladislav Lantratov : Je
m'y suis senti très à l'aise. On sent tellement
l'histoire que cela coupe la respiration. La salle, elle aussi, est
incroyablement belle.
Vous
n'avez encore jamais dansé sur la scène historique du
Bolchoï? Que ressentez-vous à l'idée de retrouver
bientôt cette scène?
Vladislav Lantratov :
Si, en fait, je la connais. J'ai eu la chance d'y danser le Pas de deux
de Casse-noisette et la Symphonie classique de Prokofiev, alors que
j'étais encore élève à l'école du
Bolchoï. J'ai également participé, étant
enfant, aux spectacles de la troupe du Bolchoï, comme Anyuta ou La
Belle au bois dormant. Nous nous sommes habitués à la
nouvelle scène, mais en même temps nous voulons tous
retrouver cette scène historique. Bien sûr, avec deux
scènes en parallèle, ce sera beaucoup plus de travail
pour nous [les grands classiques seront donnés dans le
théâtre historique, les ballets modernes continueront
d'être programmés dans l'actuel théâtre,
n.d.l.r.].
Vladislav Lantratov - Propos recueillis par B. Jarrasse
Traduction Maya Farafonova
Entretien
réalisé le 06 mai 2011 - Vladislav Lantratov © 2011 Dansomanie
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