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entretiens
Wang Qimin et Li Jun, Etoiles du Ballet National de Chine

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12 décembre 2008 : rencontre avec Wang Qimin et Li Jun


Du 19 au 21 décembre 2008, Onegin de John Cranko sera porté à la scène par le Ballet National de Chine. Les rôles principaux, Tatiana et Onéguine, seront dansés par Wang Qimin, Etoile, et Li Jun, soliste principal, en alternance avec deux autres étoiles féminines et deux autres premiers solistes masculins. Dans l’après-midi du 12 décembre, après une intense journée de répétition, ces jeunes stars chinoises de la danse ont accepté d’accorder une interview à Dansomanie. Tous deux participeront à la tournée du Ballet National de Chine à Paris, en janvier 2009.

wang qimin li jun


Quels rôles allez-vous danser à Paris?

Li Jun : Nous allons nous concentrer sur les représentations de Sylvia. Wang Qimin ne dansera d’ailleurs que ce rôle, en alternance avec Jun Amanda, qui va peut-être aussi incarner Lao Si, un personnage de serviteur, dans le Détachement Féminin Rouge.


Venir à l’Opéra Garnier a-t-il en sens particulier pour un danseur / une danseuse chinois(e)?

Wang Qimin - Li Jun : Cela nous cause évidemment du stress et nous met dans un relatif état de tension psychologique.


Pourquoi?

Wang Qimin - Li Jun : Nous allons nous produire au Palais Garnier, dont la scène est inclinée. Les danseurs chinois n’ont pas du tout l’habitude de cela. Nous allons danser un ballet français, sur une scène dont nous ne maîtrisons pas les caractéristiques. Cela sera un véritable défi pour nous. C’est un peu comme si nous étions arrivés au dernier niveau de difficulté d’un jeu électronique et qu’il faille le maîtriser coûte que coûte. Peut-être ne devons-nous pas nous attendre à une prestation exceptionnelle, mais ce que nous devons faire, c’est nous adapter du mieux possible à cet environnement nouveau pour nous, en espérant que nous nous produirons au meilleur de notre forme.

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N’avez-vous pas pu disposer d’un plateau incliné pour répéter à Pékin?

Wang Qimin - Li Jun : Les scènes inclinées sont très rares aujourd’hui de par le monde, on ne les trouve que dans quelques théâtres anciens. En octobre dernier, en guise d’échauffement avant notre venue à Paris, nous avons donné plusieurs représentations de Sylvia à l’Opéra National de Pékin. Peut-être les avez-vous vues? La scène du nouvel Opéra de Pékin est modulable, et elle avait été réglée à la même pente que celle du Palais Garnier. Le spectacle a tourné au gag, car les danseurs n’arrivaient pratiquement pas à tenir en équilibre! Mais nous ne pouvons pas monopoliser la scène de l’Opéra National pour répéter ; nous partons pour Paris le 2 janvier 2009, la Première aura lieu le 5, ce qui nous laissera très peu de temps pour nous habituer à la scène, et nous allons devoir faire face à un rude défi. La seule chose que nous pouvons faire, c’est essayer de nous surpasser, de donner le maximum de nous-mêmes.

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Que représente pour un danseur / une danseuse chinois(e) l’école de ballet français? Quelles sont les méthodes en usage en Chine pour l’apprentissage de la danse classique? Utilise-t-on plutôt la technique russe ou la technique française?

Wang Qimin - Li Jun : A l’heure actuelle, le ballet évolue très rapidement, et on pourrait dire qu’on arrive à une sorte de point de convergence entre les différentes écoles. L’école française, emblématique du ballet romantique, mettait l’accent sur l’élégance et le raffinement du travail des pieds, tandis qu’en Russie, c’est l’expressivité du haut du corps et l’ampleur des mouvements qui sont privilégiées. Mais à présent, les danseurs russes portent également une attention croissante au travail des pieds, à l’instar des Français. Chaque école recueille les enseignements de l’autre, en assimile les avantages, et de ce fait on peut dire que la quête de la perfection technique conduit les différents courants artistiques à se rejoindre.

Lorsque nous étions élèves à l’Académie de danse de Pékin, nous avons suivi la méthode Vaganova. Une fois entrés au Ballet National de Chine, nous avons dansé de nombreuses œuvres de styles très différents : russe, français, anglais, allemand, américain et même cubain. Par ailleurs, la compagnie invite aussi de nombreux professeurs étrangers, qui nous font bénéficier de leur enseignement. Il est donc difficile de dire que nous nous sommes concentrés sur une école, une technique particulière. Nous avons, d’une certaine manière, fait nôtre l’essence de l’école russe et de l’école française, et c’est peut être l’une des raisons du développement rapide du ballet en Chine.


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Comment s’est effectuée la transition entre l’école et la compagnie? Cela s’est il passé «naturellement», ou cela vous a-t-il coûté des efforts particuliers?

Wang Qimin - Li Jun : Nous avons eu beaucoup de chance tous les deux. Alors que nous étions encore à l’Académie, nous avons déjà pu danser plusieurs ballets entiers, et nous avons participé à des concours internationaux. Cela nous a permis d’acquérir une véritable expérience de la scène et du spectacle, et lorsque nous sommes entrés au Ballet National de Chine, nous avons pu nous adapter très vite à la vie d’un danseur professionnel. La danse fait maintenant partie de notre quotidien, comme boire ou manger. Mais tous les danseurs n’ont pas eu les mêmes opportunités, et certains sont arrivés dans la compagnie sans expérience pratique, avec pour tout bagage la formation dispensée à l’Académie ; pour eux, le temps d’adaptation a été beaucoup plus long.

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Y a-t-il aujourd’hui une véritable «école chinoise» du ballet classique, un style spécifiquement chinois?

Wang Qimin - Li Jun : Non, le ballet s’est développé tardivement en Chine. C’est un art importé, dont l’intégration à la culture chinoise en est encore au stade de l’enfance. Même si nous avons tiré profit des différentes écoles, et que nous avons pu progresser rapidement, la fusion des cultures chinoise et occidentale demande du temps. Mais le fondateur d’une véritable «école chinoise» n’est sans doute pas encore né.

Mais des tentatives ont lieu : au cours des dernières années, le Ballet National de Chine a voulu créer son propre répertoire, avec des œuvres telles que Raise the Red Lantern, ou Le Pavillon des Pivoines. Le reste relève de cultures étrangères ; il y a un réel besoin de créer un répertoire chinois spécifique, mais nous n’en sommes qu’aux prémices.

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Pour Sylvia, avec qui avez-vous travaillé? Comment avez-vous abordé le style romantique français?

Wang Qimin - Li Jun : Au mois d’octobre 2008, Lionel Delanoë et Laurent Novis sont venus en Chine pour nous faire répéter ce ballet. Ils avaient déjà fait le voyage quatre ans auparavant, lorsque l’ouvrage fut créé à Pékin. Claude de Vulpian, était également venue, mais elle n’est restée que peu de temps, une semaine en tout avant les premières représentations officielles. Nous n’avons cependant pas été confrontés, lors des répétitions, à des problèmes techniques insurmontables. Nous avons fait de notre mieux.

La création de Sylvia s’intégrait à l’origine dans un programme d’échanges culturels franco-chinois, qui s’intitulait «2004-2005, l’année de la France en Chine».

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Avez-vous des contacts avec des danseurs, des professeurs, ou des chorégraphes français?

Wang Qimin - Li Jun : Très rarement, en raison de la barrière linguistique. Il n’y a que peu d’opportunités d’échanges, hormis les contacts officiels entre compagnies. A titre personnel, nous avons eu quelques contacts avec Luigi Bonino, en raison d’une tournée où étaient présentés des ballets de Roland Petit, en Europe et en Asie. C’était en 2006, et nous avons pu prendre le temps de faire connaissance.


Est-ce que le choix de Sylvia, un ballet, qui, en France, a disparu du répertoire sous sa forme originelle, revêt pour vous une signification particulière? Avez-vous le sentiment, avec Sylvia, de «restituer» au public français une partie de son propre patrimoine culturel?

Wang Qimin - Li Jun : Comme dit, pour nous, avec Sylvia, il s’agit simplement d’un programme officiel d’échanges culturels. Nous n’avons pas d’autres ambitions.

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Comment le public chinois a-t-il accueilli Sylvia?

Wang Qimin - Li Jun : C’est aux spectateurs de répondre à cette question!

Li Jun : Lors des représentations à l’Opéra National, en octobre, j’étais moi même un soir dans la salle, et j’ai remarqué que les spectateurs chinois appréciaient les ouvrages dramatiques, avec une intrigue. De ce fait, l’ouvrage a été accepté, même si le public chinois – qui je le crois, adore le ballet – en a sa propre compréhension.

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Au cours des dernières années, le Ballet National de Chine a souvent collaboré avec Roland Petit, et vous-mêmes avez, en tant qu’artistes invités, participé à une tournée au cours de laquelle ses œuvres ont été présentées en Asie et en Europe. Comment, au travers de votre expérience, caractériseriez-vous les différences entre un ouvrage de Roland Petit et un ballet romantique français traditionnel, tel que Sylvia?

Li Jun : Les œuvres de Roland Petit sont d’une grande limpidité, et elles explorent toujours de nouveaux modes d’expression de l’amour. Elles ont, dans un cadre avant-gardiste et audacieux, atteint une ampleur et une profondeur significatives. Ayant dansé le Jeune homme et la Mort, j’ai été très surpris d’apprendre qu’il avait été créé en 1946. Il était si en avance sur son temps ; en comparaison, ce qu’on nous donnait à voir en Chine avait plusieurs décennies de retard. Même maintenant, nous ne produisons pas nous-mêmes ce genre de chorégraphies contemporaines. J’aime danser les œuvres de Roland Petit, mais parfois, elles m’effraient.


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Le Détachement féminin rouge est un des ballets emblématiques du répertoire chinois. Pensez-vous qu’il puisse être compris sans trop de difficultés par le public français? De manière plus générale, le Détachement féminin rouge peut-il être compris par des personnes qui n’ont qu’une connaissance limitée de l’histoire et de la culture chinoises?

Wang Qimin - Li Jun : Elles le comprendront. La trame de ce ballet rappelle beaucoup l’histoire de la Révolution française. Elle parle de soulèvement démocratique, de liberté, d’égalité et d’émancipation des femmes.


Tout comme les Flammes de Paris?

Wang Qimin - Li Jun : Exactement. Si le public comprend les Flammes de Paris, il comprendra le Détachement féminin rouge. Et si vraiment il n’y parvenait pas, il pourra toujours apprécier les performances intrinsèques des danseurs!

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Pensez-vous que les ouvrages spécifiquement chinois, comme le Détachement féminin rouge, puissent un jour, à l’instar des grandes œuvres du répertoire français ou russe, s’«internationaliser» et être dansés par des compagnies étrangères, notamment occidentales?

En ce qui concerne le Détachement féminin rouge, non. C’est une œuvre trop ancrée dans la culture chinoise.


Mais le ballet classique [occidental], un art «importé», a réussi à s’implanter en Chine. Pourquoi, inversement, le Détachement féminin rouge ne pourrait-il pas s’internationaliser? Et d’ailleurs, la troupe japonaise du Matsuyama Ballet l’a déjà représenté…

C’est un cas très particulier. Le Matsuyama Ballet est une compagnie privée, qui entretient de très bonnes relations avec le Ballet National de Chine. Et les ex-étoiles du Matsuyama, Morishita Yoko et Shimizu sont venus tout spécialement travailler cet ouvrage avec le Ballet National de Chine.



Wang Qimin & Li Jun



Entretien réalisé le 12 décembre 2008 - Wang Quimin - Li Jun © 2008, Enya Chen - Dansomanie


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