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critiques audio video
Flesh and Bone, une série "ballet" en vidéo à la demande (2)

Série TV (VOD) : Flesh and Bone (Moira Walley-Beckett) - Saison 1 (complète)


Voir aussi notre interview de Sarah Hay (Semperoper Ballett Dresde)


Voir aussi notre commentaire sur le pilote (épisode 1-1)


Diffusé sur la chaine Starz et depuis le 9 novembre sur OCS City, le premier épisode de Flesh and Bone avait laissé quelques réserves. Si la suite de la série de huit épisodes a gommé certaines erreurs du pilote et se termine sur un magnifique final, elle n'en demeure pas moins clichée et prétentieuse. Retour sur une série décevante. 




flesh and bone


«Et la danse, dans tout cela?» : tel est le sentiment qui nous anime au terme de cette saison 1. Nous l'aurons finalement attendue durant huit longs épisodes, pour être enfin contentés lors du final. Hélas, cela ne suffit pas à endiguer notre frustration.

Il peut paraître incongru de créer une série sur la danse, et de la reléguer au second plan. Ainsi, les rares moments chorégraphiques sont souvent interrompus par du trash gratuit : une danseuse qui saigne du nez à force de cocaïne ou un attouchement de Paul Grayson sur les parties génitales d'un de ses danseurs. Si l'on voulait vraiment remuer le couteau dans la plaie, il serait pertinent de compter le nombre de scènes de sexe par rapport à celles de danse. Malheureusement, les premières l'emportent considérablement sur les secondes. La chair et les os (traduction du titre original) ne seraient donc pas relatifs au ballet et à ses difficultés, mais peut-être au corps pendant l'amour. De plus, ces scènes ne servent en rien le propos. Tant qu'à faire du sensationnel, d'autres séries se sont montrées supérieures (Dexter, UnReal ou Games of Thrones, pour ne citer qu'elles).

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«Avez-vous fait un pacte avec le diable?» 

Claire, incarnée par l'excellente Sarah Hay, est un personnage intéressant. Cependant, un personnage exige une bonne histoire et, de ce côté là, nous sommes moins enthousiastes. Dès le troisième épisode, la timide et candide danseuse, fraîchement entrée à l'American Ballet, souhaite dévoiler son côté obscur. Son « Black Swan » en quelque sorte, fait assez frappant lorsque l'on connaît la volonté de Moira Walley-Beckett, la créatrice de la série, de se détacher du film de Darren Aronofsky. Claire entre de son plein gré dans une boite de striptease tenue par un Russe rustre et, comme ses camarades, souhaite y danser. Non par obligation financière, comme nous aurions pu le croire dans l'épisode 1, mais pour le pur plaisir de s'encanailler. À la suite de son effeuillage, son attitude change du tout au tout. De fragile, elle devient subitement forte, dominatrice, en un claquement de doigt. Si nous pourrions accorder l'excuse du déclic, sa rapidité est peu crédible. Par ailleurs, le striptease langoureux de Claire est montré dans son intégralité, tandis que les scènes de danse, elles, sont coupées, interrompues. Dans cette série, la pole dance semble plus attrayante que le ballet.

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Quant aux autres personnages, certains semblent avoir été délaissés, au profit d'autres, risibles par leur improbabilité. Le champion en la matière est le SDF, Roméo, habitant en bas de chez Claire. Benêt, étrange et serviable, on découvre petit à petit qu'il est doté d'une faculté d'observation pointue et d'un grand sens artistique. Ainsi, au terme de cette saison 1, il mettra en images le sombre passé de l'héroïne, qui pleurera d'émotion en voyant le livre qu'il a créé : « Tu es mon véritable héros, tu m'as sauvé ! » déclarera t-elle, malheureusement, au premier degré. L'idée de ne pas stigmatiser les sans-abri comme sales et alcooliques était brillante. De là à en faire un artiste-chevalier qui, avec un tesson de bouteille, libérera sa « princesse », c'est un peu exagéré...

Parlons également de cette chorégraphe, stéréotype de l'anticonformiste, appelée par le directeur de la danse pour créer un nouveau spectacle. Avec une musique accompagnant un discours sur la confiance, elle exhorte les danseurs à se libérer de leur passé (gros plan sur le visage angoissée de Claire qui, bien sûr, se sent concernée). Toutefois, ses conseils larmoyants ne serviront à rien.

En effet, lorsque la compagnie sombre, Paul Grayson demande à Daphné — dont le père est un riche New-yorkais — de les aider financièrement. Tout naturellement la ballerine accepte, mais réclame en échange de devenir soliste. Dès le pilote, nous l'avions remarqué : dans Flesh and Bone, les danseurs ne sont jamais promus pour leur talent, puisqu'il semble toujours y avoir une contrepartie financière ou sexuelle derrière leurs nominations.

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L'éclair de génie final

Si tous les épisodes avaient été semblables au huitième, la série aurait été excellente. Comme par miracle, tous les défauts alourdissant l'intrigue s'estompent pour faire place à une qualité que l'on n'attendait plus. Nous assistons alors à une succession de scènes magnifiques et puissantes. Entre autres, le montage alterné entre Mia, à l'hôpital après sa tentative de suicide, et la représentation de Joyaux de Balanchine, fait preuve d'une grande inventivité. Mia, dans sa chambre, bandage aux poignets, esquisse les pas de danse qu'elle aurait dû faire sur scène, au même moment. Une séquence captivante, pareille à celles qui la suivront. Nous ressentons enfin la tension avant le lever du rideau et ces moments de concentration, impeccablement rendus par la mise en scène. Les silences, les ralentis sont donc plus efficaces que des discours clichés.

L'apogée vient au moment où Claire monte sur scène. Dans un décor épuré, esthétique, elle entreprend avec son partenaire un très beau pas de deux. Flesh and Bone réussit finalement à doser entre danse et envers du décor, avec subtilité.

Malheureusement, c'est un peu tard. Cet épisode final ne réussit pas à effacer la surenchère de drogue, d'anorexie, de folie et de relation incestueuse entre Claire et son frère. Il est même difficile de saluer la prise de risque, puisque l'inceste a déjà été abordé dans Game of Thrones. Gérard de Nerval le disait bien : «Le premier qui compara la femme à une rose était un poète, le second un imbécile».

Pour l'heure, nous ne savons pas encore si la série sera reconduite pour une deuxième saison. Si tel est le cas, espérons qu'elle soit à l'image de l'ultime épisode.


 


Paola Dicelli © 2015, Dansomanie

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Flesh and Bone

Création : Moira Walley-Beckett
Réalisation : David Michôd, Joshua Marston, Stefan Schwartz, Nelson McCormick
Adam Davidson, Sam Miller et Alik Sakharov
Scénario : Moira Walley-Beckett, Adam Rapp, David Wiener, Jami O'Brien et Bronwyn Garrity
Photographie : Adam Arkapaw et Terry Stacey
Montage : Michelle Tesoro, Carole Kravetz Aykanian, Andy Keir et Meg Reticker
Musique : Karen O (générique), Dave Porter (épisodes) et Adam Crystal (ballets)
Production : Moira Walley-Beckett, John Melfi, Lawrence Bender et Kevin Brown


Claire Robbins – Sarah Hay
Paul Grayson – Ben Daniels
Mia Bialy –  Emily Tyra
Kiira –  Irina Dvorovenko
Roméo –  Damon Herriman
Bryan Robbins, frère de Claire –  Josh Helman
 Daphné –  Raychel Diane Weiner
Ross –  Sascha Radetsky
Trey –  Karell Williams


Saison 1 Inédite de 8 épisodes
à découvrir en exclusivité dès le 9 novembre à 22H00 sur OCS City US+24
et à la demande dès la diffusion du 1er épisode sur OCS Go : http://go.ocs.fr/




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