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critiques audio video
Flesh and Bone, une série "ballet" en vidéo à la demande

Série TV (VOD) : Flesh and Bone (Moira Walley-Beckett) - Episode 1-1


Voir aussi notre interview de Sarah Hay (Semperoper Ballett Dresde)

Diffusée sur la chaîne Starz et depuis le 9 novembre sur OCS City, Flesh and Bone immerge le spectateur dans le milieu méconnu de la danse classique. Prenant le parti d'un réalisme sans concession, le pilote semble pourtant relever du stéréotype. Retour sur une série, qui présageait pourtant le meilleur.




flesh and bone


Qu'on se le dise, avec Flesh and Bone, on est loin de l'Âge Heureux ! Ici, les danseuses se droguent, couchent pour devenir solistes et arrondissent leur fin de mois en dansant dans des clubs de strip-tease. Une volonté de montrer la réalité derrière le rêve, que revendique Moïra Walley-Beckett, créatrice de la série :  «Tout ce que je décris concernant le milieu de la danse est vrai et m'est arrivé personnellement. Tout est authentique, il n'y a pas de filtre. » Un réalisme accentué par la présence de Sarah Hay, danseuse professionnelle de vingt-sept ans, qui campe le rôle de Claire. En effet, la créatrice de la série, à qui l'on doit notamment Breaking Bad, ne voulait pas d'actrice qui allait apprendre à danser. Allusion à peine dissimulée à la prestation de Natalie Portman dans Black Swan. Mais, à trop vouloir réclamer la réalité brute, on finit parfois par sombrer dans le cliché. Flesh and Bone ne contredit pas ce principe.

Pourtant, malgré quelques défauts, la première scène de l'épisode pilote était prometteuse. Claire, jeune femme au passé trouble, est assise sur un lit, anxieuse. À ses pieds, sa valise. Sur les murs, des posters de ballerine. Puis, un homme cherche à entrer dans sa chambre, fermée par un cadenas. Claire prend son sac, passe par la fenêtre et s'échappe. De son passé, nous n'en saurons pas davantage. Accroche efficace donc, malgré l'insistance des plans sur des objets relatifs au ballet, afin que le spectateur puisse bien comprendre que Claire aime ou fait de la danse classique.

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Une fois que le public a bien compris que l'héroïne de la série ne serait pas une fan de catch ou des dauphins roses d'Amazonie, vient la scène suivante. C'est là que cela se gâte encore plus. La jeune femme se présente au concours de l'American Ballet Compagny et dans la salle, se trouve un amoncellement de stéréotypes : un directeur de la danse très méchant, une vieille danseuse russe qui ne quitte pas son petit chien à la langue de travers et des danseuses qui dévisagent Claire d'un air méprisant. Après tout, le personnage principal est toujours une timide ingénue en proie à une horde de hyènes.

Passons. Durant un cours laps de temps, durant lequel le directeur de la danse, Paul Grayson, exclut d'emblée les danseuses « trop grosses », nous avons espoir que la série tienne ses engagements de vérité. En effet, il est de notoriété publique que les ballerines doivent respecter des critères physiques très stricts, conditions sine qua non pour être admises dans de prestigieuses compagnies. Mais, bien vite, cette réalité quasi-documentaire s'estompe pour faire place à un dialogue aussi insipide que cliché. Alors que Paul Grayson ne veut pas voir Claire danser (c'est toujours ainsi, pour maintenir le suspense), celle-ci lui lance un « Donnez-moi ma chance ! », ce à quoi il répond « Éblouis-moi ! ». Pour peu, on se croirait dans Flashdance. Sauf que, dans ce film au moins, nous avons le privilège de voir Jennifer Beals danser. En revanche, dans Flesh and Bone, nous n'avons droit qu'à un plan frustrant sur le directeur de la danse, visiblement ébloui par la variation de Claire, en hors-champ. « Chère Moïra Walley-Beckett, le spectateur existe et aimerait beaucoup voir Sarah Hay dans l'exercice de son art ! » a t-on alors envie de clamer à la créatrice de la série.

Si, plus tard, heureusement, nous assisterons à de très belles scènes d'entraînements, le montage pose une nouvelle fois problème. Lorsque l'on a la chance d'avoir de vrais danseurs au casting, il serait d'usage d'exploiter au maximum leurs capacités, à travers des plans séquences. Or, pour la seconde (et sublime) variation de Claire, nous n'avons droit qu'à une succession de plans, rompant le rythme de chacun de ses mouvements. Néanmoins, le souci principal de ce pilote semble résider ailleurs.

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Bien que les personnages soient doués, ils semblent réduits à coucher avec des mécènes pour gravir les échelons. Ainsi, Claire est invitée par Paul Grayson lui-même, dans un langage cru, à passer la nuit avec un mécène, seul espoir pour elle d'accéder à la lumière, malgré son talent. Si cette pratique était courante au début du XXème siècle, pas sûr qu'elle soit aussi répandue de nos jours. Or, Flesh and Bone semble ignorer le cas particulier et fait de tout une généralité. De plus, lorsqu'elles sont engagées dans des compagnies aussi prestigieuses que l'American Ballet, les danseuses gagnent suffisamment bien leur vie. Aussi n'ont-elles pas besoin de se prostituer ou de danser dans des clubs de strip-tease pour boucler leur fin de mois. A moins qu'elles ne le fassent pour le plaisir (l'explication est assez floue), et c'est encore plus grave.

Certes, l'idée de montrer la dureté d'un milieu qui prône « l'élégance de l'effort invisible1 » est intéressant. Mais, la série la revendique à outrance et nous sommes asphyxiés, en une heure de pilote, par une succession de scènes malsaines. L'excès est un défaut, et c'est ce que l'on reprochait à son alter-ego cinématographique, Black Swan. Sa volonté de dévoiler les backstages n'est donc pas nouvelle et a été, par le passé, fait avec davantage de mesure.

Revenons en arrière. Dès le cinéma classique, Hollywood a entrepris de montrer l'envers du décor, afin de rendre le spectateur complice d'un milieu inatteignable. Chaque art a eu son lot de films : Sunset Boulevard de Billy Wilder (pour le cinéma), All About Eve de Mankiewicz (pour le théâtre) et pour la danse, le pionnier en la matière reste le célèbre film de Michael Powell, The Red Shoes. Ancêtre de Black Swan, il relate l'histoire de Victoria Page (incarnée par Moïra Scherer), prête à tout sacrifier pour son art. Mais, pour la défense de l'autre Moïra (Walley-Beckett), le milieu du ballet n'a que rarement été traité à la télévision.

Nous lui pardonnerons donc pour le moment ce tâtonnement et saluerons son audace. On espèrera simplement que les prochains épisodes mettront davantage en lumière la danse classique et ses difficultés, plutôt qu'un déferlement de scènes faussement trash et inutiles à l'intrigue.




1. Citation de Marie-Claude Pietragalla, Danseuse Étoile et chorégraphe. 


 


Paola Dicelli © 2015, Dansomanie

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Flesh and Bone

Création : Moira Walley-Beckett
Réalisation : David Michôd, Joshua Marston, Stefan Schwartz, Nelson McCormick
Adam Davidson, Sam Miller et Alik Sakharov
Scénario : Moira Walley-Beckett, Adam Rapp, David Wiener, Jami O'Brien et Bronwyn Garrity
Photographie : Adam Arkapaw et Terry Stacey
Montage : Michelle Tesoro, Carole Kravetz Aykanian, Andy Keir et Meg Reticker
Musique : Karen O (générique), Dave Porter (épisodes) et Adam Crystal (ballets)
Production : Moira Walley-Beckett, John Melfi, Lawrence Bender et Kevin Brown


Claire Robbins – Sarah Hay
Paul Grayson – Ben Daniels
Mia Bialy –  Emily Tyra
Kiira –  Irina Dvorovenko
Roméo –  Damon Herriman
Bryan Robbins, frère de Claire –  Josh Helman
 Daphné –  Raychel Diane Weiner
Ross –  Sascha Radetsky
Trey –  Karell Williams


Saison 1 Inédite de 8 épisodes
à découvrir en exclusivité dès le 9 novembre à 22H00 sur OCS City US+24
et à la demande dès la diffusion du 1er épisode sur OCS Go : http://go.ocs.fr/




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