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critiques et comptes rendus
Ballet du Capitole de Toulouse

20 octobre 2018 : Dans les pas de Noureev, au Théâtre du Capitole


Kateryna Shalkina (Raymonda)
Kateryna Shalkina (Raymonda)


Ce programme dédié à Rudolf Noureev avait épaté son monde par son audace quand il avait été présenté en 2013. Rendant hommage à l’illustre danseur-chorégraphe pour les vingt ans de sa disparition, il manifestait la vivacité de son héritage et l’attachement de ceux qui l’ont connu à la période où il dirigeait le Ballet de l’Opéra de Paris, époque où il redonnait de la vigueur à la grande maison ainsi qu’une nouvelle reconnaissance internationale qui était en train de s’émousser. Le spectacle imaginé par Kader Belarbi regroupait de grands extraits classiques revisités par Noureev et était vu comme un défi lancé au Ballet du Capitole. En 2013, les solistes bien connus de la compagnie alternaient avec les révélations, jeunes pousses prometteuses ou personnalités émergentes. On se souvient aussi de la présence de deux Étoiles de l’Opéra de Paris venus «en renfort». La greffe avait mal pris, la manière quelque peu routinière des deux éléments extérieurs tranchait trop visiblement avec l’enthousiasme dont faisaient preuve les danseurs toulousains. Le succès de l’entreprise était néanmoins au rendez-vous et ce programme a été beaucoup demandé pour les tournées.

Cinq ans plus tard, tandis que les jeunes pousses sont parties s’aguerrir sous d’autres cieux, les solistes sont devenus, grande nouveauté, des Étoiles de la compagnie. Disons-le d’emblée, ce titre aux résonances magiques dans le monde de la danse, est loin d’être usurpé par ses récipiendaires. Le programme revient aujourd’hui dans sa ville d’origine, quelque peu modifié. Abandonnant l’acte du mariage de Don Quichotte puisque la version Belarbi est à présent au répertoire, il s’enrichit du Grand pas classique de Raymonda, ainsi que du Pas de deux dit
«du tabouret» de Cendrillon.

Ramiro Gomez Samon  (Jean de Brienne)
Ramiro Gomez Samon  (Jean de Brienne)

Il est très regrettable que Raymonda soit la production de Noureev négligée par l’Opéra de Paris. Car parmi les grands ballets qu’il a légués, c’est celui qui regorge de danse pure, multipliant à tous moments des variations et des ensembles fascinants de beauté et d’invention, sur la musique somptueuse de Glazounov. Son argument, quoique très mince, n’est nullement insignifiant. Une jeune fille, confinée dans son château de Provence au milieu d’amis aux jeux enfantins, et lointainement fiancée à un jeune croisé qu’elle ne connaît que par l’intermédiaire d’une tapisserie le représentant, est un moment troublée en rêve par un séduisant chef sarrasin venu lui présenter ses hommages. Tout finit bien et le troisième acte, aux accents hongrois, célèbre le mariage de Raymonda et de Jean de Brienne, revenu à temps pour remettre la jeune fiancée dans le droit chemin.

La chorégraphie, qu’elle provienne de l’héritage Petipa (la variation de la claque) ou des recréations toutes personnelles de Noureev (le duo des deux pages compliqué d’incessants changements d’axe est typique) est d’une extrême difficulté technique. Kateryna Shalkina se révèle une Raymonda impressionnante d’assurance. La fermeté de ses parcours sur pointes, son haut de buste parfaitement immobile, la justesse de ses épaulements et de son port de tête font merveille. Elle ne fait pas partie des quatre étoiles nommées mais s’affirme comme un atout précieux au Capitole. Ramiro Gomez Samon maintenant bien connu est un beau Jean de Brienne à l’élévation spectaculaire et aux réceptions moelleuses. Le corps de ballet et la succession des variations témoignent d’un magnifique travail, notamment pour les bras, très déliés, ce qui rend les ensembles parfaitement homogènes.

Minoru Kaneko (L'Acteur vedette / Le Prince) - Alexandra Surodeeva (Cendrillon)

Autre entrée au répertoire, le Pas de deux du tabouret de Cendrillon. Cet extrait, probablement trop court pour nous plonger dans l’univers d’Hollywood 1930 où Noureev a replacé l’action, dégage un sentiment de superficialité. Alexandra Surodeeva et Minoru Kaneko ménagent de beaux moments d’une élégance un peu compassée. Ils ne sont pas sans rappeler par leur silhouette les créateurs des rôles Elisabeth Platel et Charles Jude, venus tout justement les faire répéter. Mais la magie n’opère guère.

Philippe Solano (Roméo) - Tiphaine Prévost (Juliette)
Philippe Solano (Roméo) - Tiphaine Prévost (Juliette)

Le Pas de deux du balcon de Roméo et Juliette est l’occasion de revoir un soliste en pleine ascension qu’on aime suivre. Le talentueux Philippe Solano (encore demi-soliste en réalité) ne dégage pas en Roméo la même puissance, ni l’engagement romantique d’un Davit Galstyan. Il est cependant complètement crédible en jeune amoureux encore adolescent. Il vit son rôle en développant une belle palette d’expressions. La Juliette de Tiphaine Prévost (demi-soliste également) est très complice à ses côtés, plus douce et moins énergique que dans la tradition Noureev. Il va de soi que ce partenariat est amené à perdurer à l’avenir.

Louise Coquillard (Aurore) - Timofiy Bykovets (Le Prince Désiré)
Louise Coquillard (Aurore) - Timofiy Bykovets (Le Prince Désiré)

Les extraits de la Belle au bois dormant et du Lac des cygnes nous permettent d’apprécier combien la troupe du Capitole s’est enrichie de nouveaux solistes. On remarque la toute jeune Louise Coquillard en Aurore. Venue tout droit du CNSMDP, elle fait une démonstration de style très français qui ne dément pas les consonances de son nom. Quant à l’Odile de l’excellente Julie Charlet, elle déploie une autorité qu’on ne lui connaissait pas encore et une séduction subtile dans ce rôle maléfique. Ses séries de fouettés sont très attendus. Une valeur sûre elle aussi, qui semble avoir acquis une nouvelle aura.

Julie Charlet (Odile) - Rouslan Savdenov (Siegfried)
Julie Charlet (Odile) - Rouslan Savdenov (Siegfried)

Judicieusement placée en dernière partie de programme, la reprise de la descente des ombres de La Bayadère vient fournir la preuve de ce qui n’était jusque-là qu’une impression diffuse. Une descente sans aucun tremblement dans les arabesques, avec une synchronisation parfaite, un crescendo de mousseline blanche conforme aux intentions originelles de Petipa. De ce fait, le nombre de danseuses réduit à 18 n’est pas du tout frustrant, sur une scène de taille moyenne. Incontestablement les progrès de la compagnie en cinq ans sont visibles. C’est d’autant plus remarquable que la cohorte d’ombres a été presque entièrement renouvelée. Les deux étoiles solistes développent tous les deux une danse à l’unisson de cette poésie. Natalia de Froberville possède toutes les qualités requises pour un personnage à la fois réel et immatériel. Ses grands jetés en tournant, ses lignes élégiaques dignes de l’école russe d’où elle vient, la prédisposent tout naturellement à ce type de rôles. Le Solor de Davit Galstyan est toujours parfait, aussi bien en partenaire attentif que dans ses manèges d’assemblés doubles. Pilier indispensable de la compagnie, il prend un plaisir visible à danser les grands rôles classiques, plaisir qu’il sait communiquer au public.

Ainsi, ce qui paraissait un défi il y a cinq ans est devenu une évidence. Le Ballet du Capitole semble avoir franchi un nouveau palier. La richesse et la variété de ses solistes et la solidité de son corps de ballet en font à présent une compagnie incontournable sur la scène internationale.
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Natalia de Froberville (Nikiya) et Davit Galstyan (Solor) dans Le Lac des cygnes
Natalia de Froberville (Nikiya) et Davit Galstyan (Solor) dans Le Lac des cygnes



Raymonda - Grand Pas classique, acte III
Musique : Alexandre Glazounov
Chorégraphie : Rudolf Noureev
Costumes : Joop Stokvis
Lumières : Patrick Méeüs

Raymonda – Kateryna Shalkina
Jean de Brienne – Ramiro Gomez Samon

Henriette – Kayo Nakasato
Bernard – Philippe Solano
Bernard – Simon Catonnet
Trio : Alexandra Surodeeva, Florencia Chinelatto, Louise Coquillard
Pas de quatre : Martin Arroyos, Amaury Barreras Lapinet, Lien Geslin-Vinck, Matteo Manzoni
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Roméo et Juliette - Scène du balcon - Acte I
Musique : Serge Prokofiev
Chorégraphie : Rudolf Noureev
Costumes : Ezio Frigerio, Mauro Pagano
Lumières : 
Patrick Méeüs

Juliette – Tiphaine Prévost
Roméo – Philippe Solano
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La Belle au bois dormant - Pas de deux - Acte III
Musique : Piotr Ilyitch Tchaïkovski
Chorégraphie : Rudolf Noureev
Costumes : Franca Squarciapino
Lumières : 
Patrick Méeüs

Aurore – Louise Coquillard
Le Prince Désiré – Timofiy Bykovets
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Cendrillon - Pas de deux de Cendrillon et l'Acteur-vedette, acte II
Musique : 
Serge Prokofiev
Chorégraphie : Rudolf Noureev
Costumes : Hanae Mori
Lumières : 
Patrick Méeüs

Cendrillon – Alexandra Surodeeva
L’Acteur-vedette (Le Prince) – Minoru Kaneko
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Le Lac des cygnes - Pas de trois du Cygne noir - Acte III
Musique : Piotr Ilyitch Tchaïkovski
Chorégraphie : Rudolf Noureev
Costumes : Franca Squarciapino
Lumières : 
Patrick Méeüs

Odile – Julie Charlet
Siegfried – Rouslan Savdenov

Rothbart – Simon Catonnet
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La Bayadère - Le Royaume des Ombres - Acte III
Musique : Ludwig Minkus, arr. John Lanchbery
Chorégraphie : Rudolf Noureev
Costumes : Franca Squarciapino
Lumières : 
Patrick Méeüs

Nikiya – Natalia de Froberville
Solor
Davit Galstyan
Pemière Ombre – Louise Coquillard
Deuxième Ombre – Kayo Nakazato
Troisième Ombre – Florencia Chinelatto


Ballet du  Capitole de Toulouse
Orchestre national du Capitole, dir. Florian Krumpöck

Samedi 20 octobre 2018,  Théâtre du Capitole, Toulouse


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