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Ballet du Capitole de Toulouse
28 novembre - 01 décembre 2013 : Dans les pas de Noureev, au Théâtre du Capitole
Kazbek Akhmedyarov (Basilio) et Alice Renavand (Kitri) dans Don Quichotte
Au
début des années 80, l’Ecole de danse de
l’Opéra de Paris fournissait chaque année tellement
de danseurs d’exception que l’on en crut un moment la
source intarissable. Par le hasard des circonstances,
l’éclosion et le mûrissement de ces danseurs a
coïncidé avec l’arrivée de Rudolf Noureev
à la tête de la danse à l’Opéra.
Confrontés à son exigeant exemple, ils ont abordé
les grands rôles du répertoire dans les fastueuses
productions de l’emblématique danseur tatar, qui depuis
sont à l’affiche saison après saison. Parmi ces
danseurs, que l’on finit par surnommer «la
génération Noureev», et qui dirigent souvent
à présent des compagnies de renom, Kader Belarbi
n’était pas le moins charismatique, sous ses dehors
d’enfant sage. Vingt ans après la mort de Noureev, il a
désiré dans ce programme restituer certains grands
moments de ses chorégraphies, au plus près possible de
leur intégrité, en s’éloignant de
l’esprit un peu superficiel du gala. Ainsi, deux actes entiers de
grands ballets, le Royaume des Ombres, extrait de la Bayadère, et le Mariage de Kitri et Basilio, qui conclut Don Quichotte, encadrent deux pas de deux et un pas de trois, puisque pas de trois il y a dans la version Noureev du Cygne noir du Lac des cygnes.
En outre, pour affirmer le lien avec son ancienne maison, et
probablement pour galvaniser ses danseurs, Kader Belarbi a
invité deux danseurs de l’Opéra de Paris, Karl
Paquette, Etoile, et la Première Danseuse Alice Renavand.
Kazbek Akhmedyarov (Siegfried) et Tatyana Ten (Odile) dans Le Lac des cygnes
On
pouvait légitimement être sceptique en découvrant
la programmation de la descente des Ombres. Cette scène tire son
pouvoir hypnotique de la succession de trente-deux danseuses entrant
une à une et reproduisant à l’infini une arabesque
penchée, et dont la lente accumulation éclaire peu
à peu la scène de la douce lumière blanche de
leurs tutus. N’était-ce pas une gageure impossible
à tenir pour une compagnie de trente-cinq danseurs, dont
seulement dix-huit danseuses? Kader Belarbi a renforcé le corps
de ballet féminin de quelques danseuses surnuméraires
pour réunir dix-huit ombres, auxquelles il faut ajouter les
trois ombres solistes. C’est un chiffre au-dessous duquel il ne
faut pas descendre, mais grâce à des lignes bien
soignées, et un rythme semble-t-il ralenti, les danseuses
arrivent à habiter la scène du Capitole. Certes, il y a
bien quelques appuis qui vacillent, mais l’ensemble dégage
une ferveur manifeste et le style est bien là. Parmi les trois
ombres solistes, il faut saluer le classicisme très pur de
Juliana Bastos dans la troisième variation. La véritable
perle de cet écrin est cependant la Nikiya de Tatyana Ten. Elle
est proprement éblouissante dans ce rôle, souveraine dans
l’adage, se jouant des difficultés techniques, composant
un personnage à la fois lointain et proche, mélange
d’autorité et de douceur. L’entente est parfaite
avec son partenaire Karl Paquette, qui est pour sa part
gêné par l’exiguïté de la scène.
Tatyana Ten, qu’on a pu voir également excellente et
voluptueuse en Odile du Lac des cygnes, a décidément tout d’une grande danseuse.
Tatyana Ten (Nikiya) et Karl Paquette (Solor) dans La Bayadère
Maria Gutierrez et Davit Galstyan les remplacent pour une
autre distribution. La Nikiya envoûtante de Maria Gutierrez,
dont le grand lyrisme n’est pourtant pas l’emploi naturel,
rappelle irrésistiblement sa Giselle,
qui est aussi un fantôme qui pardonne. Le guerrier Solor de Davit
Galstyan est d’un héroïsme tempéré par
un beau sentiment d’intériorité. Il danse large et
sa formidable série d’assemblés doubles
déclenche les ovations.
Davit Galstyan (Solor) et Maria Gutierrez (Nikiya) dans La Bayadère
Deux jeunes danseurs sont distribués dans le pas de deux de La Belle au bois dormant.
Lauren Kennedy n’est pas à vrai dire une découverte
puisqu’elle avait été choisie pour la belle danse de La Fille mal gardée.
A présent princesse, son Aurore est toujours aussi gracieuse
avec un beau travail de pointes. La petite batterie de Matthew Astley
est précise à souhait. Leurs portés en poisson
sont impeccables et ils s’accordent parfaitement. Deux talents
prometteurs à suivre.
Lauren Kennedy (Aurore) et Matthew Astley (Désiré) dans La Belle au Bois dormant
Le Roméo et Juliette de
Noureev est probablement l'une de ses meilleures chorégraphies.
La scène du balcon y apparaît plus vivante et vraie que
dans beaucoup d’autres versions, dans un pourtant très
long duo qui ne laisse aucun répit aux danseurs. Le Roméo
de Davit Galstyan s’impose dès le lever de rideau comme
une évidence et fait montre d’un langage dansé
toujours signifiant et inspiré. Maria Gutierrez est Juliette de
toute éternité. Grâce à une entente de tous
les instants, que l’on avait cru impossible à retrouver
pour Maria Guttierez depuis le départ de Breno Bittencourt, ils
donnent le sentiment très rare non pas de vivre leur danse mais
de danser leur vie, dans l’urgence de la situation dramatique. Un
très grand moment de danse et un vrai choc artistique.
Pourrait-on suggérer à un théâtre de les
choisir comme solistes invités pour une prochaine production du
ballet intégral?
Maria Gutierrez (Juliette) dans Roméo et Juliette
Sans démériter,
le couple de la deuxième distribution ne dégage pas la même magie. La
Juliette de Caroline Betancourt, danseuse américaine engagée cette
année comme demi-soliste, est toute de jeunesse et de passion. En Roméo,
Valerio Mangianti compose un Roméo avec la science et la justesse qui
le caractérisent.

Caroline Betancourt (Juliette) dans Roméo et Juliette
La
Lilloise Julie Charlet est depuis cette année soliste au ballet
du Capitole. Elle a déjà abordé de grands
rôles dans son parcours antérieur. Elle présente
une enveloppante et ensorcelante Odile dans le pas de trois du cygne
noir. On la retrouve un autre jour encore plus à l’aise en
une Kitri pleine d’abattage, se révélant comme une
nouvelle valeur sûre de la compagnie. Son partenaire Takafumi
Watanabe est un brillant Basilio, pas assez maléfique en
Rothbart, manquant parfois d’endurance dans sa tourbillonnante
variation.
Julie Charlet (Kitri) et Takafumi Watanabe (Basilio) dans Don Quichotte
Citons
encore l’aérienne demoiselle d’honneur de Julie
Loria, le solide Rothbart de Demian Vargas, le jeune et naïf
Siegfried de Shizen Kazama, et enfin le Siegfried et le Basilio de
Kazbek Akhmedyarov, qui n’est jamais meilleur que lorsqu’il
discipline sa belle technique.
Le Ballet du Capitole ayant considérablement renouvelé
ses effectifs depuis deux ans, ce programme était une formidable
occasion d’un large passage en revue. Saluons aussi le
fidèle et jovial David Coleman, toujours attentif dans la fosse,
et remercions le remarquable travail des maîtres de ballet et
répétiteurs : Patricia Ruanne et Frédéric
Jahn, et, pour La Bayadère, Laurent Hilaire, assisté de Laure Muret.
Jean-Marc Jacquin © 2013, Dansomanie
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Julie Charlet (Odile) et Shizen Kazama (Siegfried) dans Le Lac des cygnes
La Bayadère - Le Royaume des Ombres - Acte III
Musique : Ludwig Minkus, arr. John Lanchbery
Chorégraphie : Rudolf Noureev
Décors : Ezio Frigerio
Costumes : Franca Squarciapino
Lumières : Vinicio Cheli
Nikiya – Tatyana Ten (28/11) / Maria Gutierrez (01/12)
Solor – Karl Paquette (28/11) / Davit Galstyan (01/12)
Pemière Ombre – Emilia Cadorin
Deuxième Ombre – Caroline Betancourt
Troisième Ombre – Juliana Bastos
La Belle au bois dormant - Pas de deux - Acte III
Musique : Piotr Ilyitch Tchaïkovski
Chorégraphie : Rudolf Noureev
Costumes : Franca Squarciapino
Lumières : Vinicio Cheli
Aurore – Lauren Kennedy
Le Prince Désiré – Matthew Astley
Roméo et Juliette - Scène d’amour - Acte I
Musique : Serge Prokofiev
Chorégraphie : Rudolf Noureev
Costumes : Ezio Frigerio, Mauro Pagano
Lumières : Vinicio Cheli
Juliette – Maria Gutierrez (28/11) / Caroline Betancourt (01/12)
Roméo – Davit Galstyan (28/11) / Valerio Mangianti (01/12)
Le Lac des cygnes - Pas de trois du Cygne noir - Acte III
Musique : Piotr Ilyitch Tchaïkovski
Chorégraphie : Rudolf Noureev
Costumes : Franca Squarciapino
Lumières : Vinicio Cheli
Odile – Julie Charlet (28/11) / Tatyana Ten (01/12)
Siegfried – Shizen Kazama (28/11) / Kazbek Akhmedyarov (01/12)
Rothbart – Takafumi Watanabe (28/11) / Demian Vargas (01/12)
Don Quichotte - Acte III
Musique : Ludwig Minkus, arr. John Lanchbery
Chorégraphie : Rudolf Noureev
Décors : Emilio Carcano
Costumes : Joop Stokvis
Lumières : Vinicio Cheli
Kitri – Alice Renavand (28/11) / Julie Charlet (01/12)
Basilio – Kazbek Akhmedyarov (28/11) / Takafumi Watanabe (01/12)
La Demoiselle d’honneur – Julie Loria
La Danseuse de rue – Juliana Bastos
Espada – Valerio Mangianti
Ballet du Capitole de Toulouse
Musique enregistrée
Jeudi 28 novembre et dimanche 1er décembre 2013, Théâtre du Capitole, Toulouse
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