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critiques et comptes rendus
Théâtre des Folies-Bergère, Paris

16 octobre 2017 : The Great Gatsby (Dwight Rhoden) aux Folies-Bergère


The Great Gatsby


Le roman-culte de Francis Scott Fitzgerald, The Great Gatsby (Gatsby le magnifique) a déjà connu de nombreuses adaptations, cinématographiques et chorégraphiques. Pour se distinguer des réalisations précédentes, la production signée Dwight Rhoden – un ancien de chez Alvin Ailey – met en avant la présence, dans le rôle-titre, de la star du Mariinsky, Denis Matvienko. L'ouvrage, après sa création à Kiev, a d'ailleurs été représenté, avec un certain succès apparemment, sur la nouvelle scène du célèbre théâtre pétersbougeois.

Après avoir tourné dans plusieurs grandes villes européennes, le spectacle fait escale à Paris, au Théâtre des Folies-Bergère. Le choix du lieu peut du reste laisser planer une certaine incertitude quant à la tonalité du spectacle : solistes venus du monde du ballet classique, scène dédiée à la revue et au music-hall.

Le programme n'est pas très disert par ailleurs sur l'origine des artistes participant à cette aventure. Si les titulaires des rôles principaux sont quasiment tous, à l'exception notable de Clifford Williams, clairement russes ou ukrainiens, le reste de la troupe arbore lui aussi – et notamment les jeunes femmes – des lignes très académiques et une formation classique de bon aloi. De fait, on ne sait plus trop si l'on avait affaire à l'effectif de «Complexions», la compagnie new-yorkaise de Dwight Rhoden et de son complice Desmond Richardson, également transfuge de l'Alvin Ailey American Dance Theatre, ou s'il s'agit d'interprètes recrutés pour l'occasion en Europe de l'Est.

Comme souvent, lors d'adaptations chorégraphiques d’œuvres littéraires, on demande à la danse plus qu'elle ne peut en donner, d'autant que les créateurs d'aujourd'hui se refusent, pour la plupart d'entre eux, catégoriquement à recourir à la pantomine. The Great Gatsby n'échappe pas à la règle, et se présente comme une suite de «tableaux de genre», avec une narration souvent difficile à suivre, qu'on connaisse ou non l’œuvre originelle de Fitzgerald.

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The Great Gatsby

La pièce de Dwight Rhoden est constituée de deux parties bien distinctes séparées par un entracte. La première section se veut davantage dans l'esprit du music-hall, avec une atmosphère qui évoque peu ou prou les «Roaring Twenties» – les années folles. Après la pause, la part belle est faite aux ensembles, ordonnancés de manière finalement très classique, et servis par des danseurs plutôt disciplinés et dynamiques. On retrouve ici un peu la manière de procéder d'un Boris Eifman. Mais de l'Amérique, il ne reste plus guère que les projections vidéo sur le mur du lointain, qui tiennent lieu de scénographie. Les costumes, eux, sont, fort heureusement, mieux traités.

La partition musicale, écrite spécialement pour cette adaptation du Great Gatsby, a été commandée spécialement à Konstantin Meladze, compositeur ukrainien d'ascendance géorgienne. Le résultat est plutôt efficace et dynamique, mais ne se distingue pas par une excessive légèreté. Les élans jazzy a la Bernstein ou à la Gershwin sont entravées de quelques lourdeurs héritées des canons artistiques de l'ère soviétique, notamment en raison d'une orchestration très massive, un peu en décalage avec le propos du ballet. Le tout est sans conteste professionnel, mais manque de folie.

Si l'affiche et la communication autour de The Great Gatsby mettent essentiellement en avant la personnalité de Denis Matvienko, censé attirer le public, la réalité du spectacle est tout autre. Le danseur connu de tous les balletomanes est apparu éteint, effacé, manquant de présence et d'appétit de la scène. Sa partenaire, Olga Grishenkova – à l'origine, il devait s'agir de sa compagne Anastasia Matvienko, elle aussi étoile au Mariinsky – est une belle danseuse classique, mais bien trop sage et stylée pour incarner une Daisy crédible. Heureusement, Ekaterina Kalchenko (Jordan) et surtout Ekaterina Alaeva, Myrthle – l'épouse de George Wilson (Ivan Zhuravlev), le mécano aussi stupide que brutal – sont apparues plus délurées et plus conforme à ce que l'on peut attendre dans ce genre de production.

Le vrai meneur du show est toutefois Clifford Williams, déchaîné en Meyer Wolfsheim. Le personnage, assez marginal dans le roman de Fitzgerald, est inspiré d'Arnold Rothstein, célèbre figure de la mafia juive new-yorkaise de l'entre-deux-guerres, qui trouva la mort en 1928 lors d'un règlement de comptes entre gangsters. Rhoden en fait curieusement le rôle central de son ballet, au détriment de Gatsby lui-même. L'énergie et la personnalité flamboyante de Clifford Williams auront achevé d'éclipser Denis Matvienko, au costume blanc pourtant accrocheur. En fait, tout l'ouvrage semble avoir été construit pour mettre en valeur Clifford Williams, plus ou moins au détriment des autres protagonistes, et surtout, contre la logique de l’œuvre littéraire originelle. Pourquoi pas, après tout. Mais dans ce cas, pourquoi convier Denis Matvienko (enfin, partie-prenante de l'organisation, il s'est peut-être convié tout seul) à une fête à laquelle il n'avait pas vraiment lieu de participer.

Le public des Folies-Bergère ne s'y est d'ailleurs pas trompé, et c'est bien Clifford Williams qui a remporté toutes les ovations, les autres se contentant des miettes.



Romain Feist © 2017, Dansomanie






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The Great Gatsby



The Great Gatsby (Gatsby le Magnifique)
Musique :
Konstantin Meladze
Chorégraphie : Dwight Rhoden
Argument : Dwight Rhoden, d'après Francis Scott Fitzgerald
Costumes : Dmitry Paradizov
Lumières : Michael Korsch

Gatsby – Denis Matvienko
Meyer Wolfsheim – Clifford Williams
Daisy – Olga Grishenkova
Nick
 – Stanislav Skrinnik
Jordan – Ekaterina Kalchenko
Tom – Arthur Gaspar
Wilson – Ivan Zhuravlev
Myrthle  – Ekaterina Alaeva

Compagnie Complexions - Artistes invités
Musique enregistrée

Lundi 16 octobre 2017, 20h00,  Théâtre des Folies-Bergère, Paris


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