|




|

 |
|
|
Ballet de l'Opéra National de Bordeaux
02 avril 2017 : Quatre tendances (6) au Grand Théâtre de
Bordeaux
Sur la grève (chor. Nicolas Le Riche)
Lorsque
Charles Jude conçut la programmation de cette saison, sans doute
n'imaginait-il pas à quel point les titres des œuvres
proposées en ce printemps résonneraient de manière
aussi grinçante. En voyant affiché au grand
théâtre La Danse peut-elle résister? ou bien Sur la grève,
le public alerté n'a pas manqué de faire le rapprochement
avec la situation actuelle du Ballet de Bordeaux. Annonces publiques,
pétitions, mobilisation des réseaux sociaux,
distributions de tracts, préavis de grève puis annulation
de la première, sans oublier la suspension temporaire de Charles
Jude lui-même, ont orienté les regards vers les graves
menaces qui obscurcissent l'avenir de la compagnie. Les contrats des
danseurs renouvelés a minima, en contradiction parfois avec le
règlement intérieur, danseurs qui sont maintenus ainsi
dans des statuts précaires, ont aiguisé le conflit. Les
réponses de la direction invoquant le «manque de vision économique»
et le traitement différent des autres forces artistiques de
l'institution bordelaise semblent désigner le ballet comme le
parent pauvre, à sacrifier sur l'autel des restrictions
budgétaires. La plus ancienne compagnie de danse en France hors
Paris mérite un autre traitement.
Ce n'est pourtant pas le manque de succès public qu'il faut
déplorer. Car en ce dimanche après-midi
ensoleillé, la foule se pressait pour garnir les sièges
du Grand Théâtre. La programmation des Quatre Tendances
est devenue un rendez-vous régulier du Ballet de Bordeaux
où, loin des grands classiques souvent repris, on peut
découvrir ou redécouvrir une diversité de
pièces récentes ou contemporaines.

Just before now (chor. Xenia Wiest)
Pour ce qui pourrait être la dernière édition du
genre (?), pas moins de deux créations et une re-création
nous sont proposées. La première de ces créations
est l'aboutissement du premier Concours de jeunes chorégraphes
organisé y a un an conjointement par le Malandain Ballet
Biarritz, le Ballet du Capitole de Toulouse et le Ballet de
l’Opéra National de Bordeaux. La première
lauréate Xenia Wiest y a obtenu ainsi une résidence
artistique d'un mois au Ballet de Bordeaux débouchant sur cette
création. La danseuse germano-russe, en dépit de son
jeune âge, n'est pas novice en matière de
chorégraphie, ayant déjà présenté un
grand nombre de pièces chorégraphiques diverses, à
Berlin où elle travaille mais aussi de par le monde. Ce qui
frappe dans Just before now
c'est justement la maturité et la puissance de l'expression. Sur
une musique nostalgique de Patrick Soluri, dans une atmosphère
assombrie, les dix danseuses et les quatre danseurs convoqués
déploient une suite d'évolutions complexes et constamment
variées. L'ensemble témoigne d'un grand sens de
l'occupation de l'espace et de la progression du discours (encore que
la note d'intention au sujet des veuves «socialement
isolées» contribue plutôt à obscurcir le
propos). Les postures longilignes des danseuses, souvent de dos, ne
sont pas sans évoquer par moments quelques sylphides
balanchiniennes mais le langage est en définitive très
personnel. Diane Le Floc'h et Alvaro Rodriguez Piñera fluides et
concentrés en couple soliste, et l'ensemble du corps de ballet
servent de la meilleure des manières une œuvre accomplie,
envoûtante, d'une artiste à suivre désormais.
Sur la grève (chor. Nicolas Le Riche)
La création de Nicolas Le Riche, Sur la grève,
nous plonge dans une atmosphère intrigante, sur le thème,
comme chez Xenia Wiest, du «moment décisif».
L'œuvre parait plus abstraite mais donne lieu à de beaux
tableaux, empreints d'un mystérieux lyrisme (superbes
lumières vaporeuses de Jean-Michel Désiré). La
chorégraphie exigeante a été conçue pour la
technique déliée des danseurs parmi les meilleurs de la
compagnie. Sara Renda ou Claire Teisseyre y font merveille, de
même que Diane Le Floc'h et Alvaro Rodriguez Piñera que
l'on retrouve avec bonheur au premier plan. Le style jazzy de ce
dernier apporte une touche de félinité bienvenue.
La danse peut-elle résister? (chor. Jean-Claude Gallotta)
Avec La Danse peut-elle résister?,
réadapté ici pour une compagnie classique, Jean-Claude
Gallotta rend hommage à quatre personnages contemporains dont il
a croisé la route: Merce Cunningham, Federico Fellini, Georges
Wolinski, Jean Babilée. Quatre personnalités que rien ne
rapproche de prime abord, si ce n'est le premier et le dernier
nommés, mais qui selon le chorégraphe illustrent chacun
à sa manière une forme de résistance.
Résistance contre le conservatisme artistique, contre
l'enfermement de l'imaginaire, contre la police des mœurs, contre
le renoncement au libre arbitre. La pièce se divise logiquement
en quatre parties enchaînées, introduite chacune par un
texte lu off, un touchant portrait-souvenir très personnel. La
sincérité du propos ne fait aucun doute et donne lieu
à des paysages variés, malgré quelques chutes de
tension passagères. L'ensemble est surtout admirablement
défendu par les danseurs bordelais, parmi lesquels des
éléments peu souvent mis en avant, comme la belle Alice
Leloup ou l'électrique Jérémie Neveu.
Minus 16 (chor. Ohad Naharin)
Dans le contexte ironique de l'actualité, la reprise de Minus 16
de Ohad Naharin tombait à point nommé pour ragaillardir
les esprits. La pièce d'aspect hétéroclite n'a
rien perdu de sa force tonifiante. De l'improvisation complice de Oleg
Rogachev devant la salle encore éclairée à la
participation finale d'un public enthousiaste, en passant par le
tonitruant «Echad mi yodea», la preuve était sous
nos yeux que les Bordelais tiennent à leur compagnie de ballet. .
Jean-Marc Jacquin © 2017, Dansomanie
Sur la grève (chor. Nicolas Le Riche)
Just before now
Chorégraphie : Xenia Wiest
Musique : Patrick Soluri
Costumes : Melanie Jane Frost
Lumières : Eric Blosse
Avec : Diane Le Floc'h, Alvaro Rodriguez Piñera
La Danse peut-elle résister?
Chorégraphie, costumes et lumières : Jean-Claude Gallotta
Musique : Strigall
Avec : Vanessa Feuillatte, Coralie Aulas, Pascaline di Fazio, Alice Leloup
Kase Craig, Guillaume Debut, Alexandre Gontcharouk, Jérémie Neveu
Sur la grève
Chorégraphie : Nicolas Le Riche
Musique : Nils Petter Molvaer
Costumes : Olivier Bériot
Lumières : Jean-Michel Désiré
Avec : Sara Renda, Claire Teisseyre, Diane Le Floc'h
Neven RitmanicOleg Rogachev, Alvaro Rodriguez Piñera
Minus 16
Chorégraphie : Ohad Naharin
Musique : Antonio Vivaldi, Frédéric Chopin, Arlen Harold, musiques traditionnelles (Cha-Cha de amor)
Lumières : Avi Yona Bueno
Avec : Vanessa Feuillatte, Laure Lavisse, Diane Le Floc'h
Natalia Butragueno, Emilie Cerruti, Pascaline Di Fazio
Marina Kudryashova, Alice Leloup, Nicole Muratov, Claire Teisseyre
Roman Mikhalev, Oleg Rogachev, Alvaro Rodriguez Pinera
Felice Barra, Kase Craig, Guillaume Debut, Davit Gevorgyan
Austin Lui, Samuele Ninci, Take Okuda, Neven Ritmanic
Ballet de l'Opéra National de Bordeaux
Vincent Bauer, Adriano Dos Santos, percussions
Yann Péchin, guitare - Bobby Jocky, basse
Musique enregistrée
Dimanche 02 avril 2017, 15h00, Grand Théâtre de
Bordeaux
|
|
|