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critiques et comptes rendus
Bayerisches Staatsballett (Munich)

08 novembre 2015 : reprise du Corsaire (Ivan Liška d'après Marius Petipa)

Retrouvez également notre article du 8 mai 2008 [Dominique Adrian]


Le corsaire
Ivy Amista (Médora)


Abondance de Corsaires ne nuit pas : la postérité n’avait pas vraiment bien traité Le Corsaire, pourtant un des chefs-d’œuvre de Marius Petipa, constamment retravaillé par lui de 1868 à 1899 à partir de la version de Jules Perrot, que Petipa avait dansé à Saint-Pétersbourg, avec Perrot lui-même, dès 1858. Le Corsaire a longtemps été pour le public occidental au pire un pas de deux plus tapageur encore que virtuose, au mieux la version montée par Constantin Sergueïev en 1973 et ses sous-produits, notamment un film de studio du American Ballet Theatre (c’est aussi le cas de la très peu subtile version de l’English National Ballet présentée prochainement à Paris).


Le corsaire
Lukáš Slavický (Conrad)

Tout ceci n’avait aucun rapport ni avec l’esprit ni avec la lettre de la danse de Petipa, tant l’obsession pour la virtuosité gratuite avait pris le pas sur toute travail chorégraphique. En 2007, deux productions ont pourtant profondément transformé l’histoire de la transmission de ce ballet : au Bolchoï, la version de Yuri Burlaka et Alexei Ratmanski, tout en s’inspirant des notations faites à partir des dernières représentations du vivant de Petipa, avait surtout pour mérite de faire revivre un certain sens du romanesque en danse, avec tout le faste du ballet impérial – et une durée de plus de deux heures et demie, entractes non compris.

Le corsaire
Lukáš Slavický (Conrad), Daria Sukhorukova (Médora)

La version de Munich, elle, disposait de moyens beaucoup plus modestes, au point de supprimer de façon très regrettable, tout le troisième acte du ballet, qui s’achève presque immédiatement après le Jardin animé, grand divertissement qui est un des plus grands chefs-d’œuvre de Petipa, par un dénouement beaucoup trop rapide ; la force de cette version, cependant, est que, de manière beaucoup plus philologique qu’au Bolchoï, les notations ont été utilisées de la façon la plus intégrale possible. Le résultat, lui, n’est pas que philologique : c’est une grande réussite chorégraphique que cette reprise, après une pause de cinq ans, vient amplement confirmer.

Le corsaire
Le Corsaire 

À tout seigneur tout honneur : c’est le Pacha, en ce huit novembre au soir, qui reçoit les acclamations les plus vives. C’est que ce Pacha n’est pas n’importe quel pacha : c’est Ivan Liška qui, la veille de ses 65 ans, vient refaire un petit tour sur scène, scène qu’il n’a à vrai dire jamais vraiment quitté, même s’il n’est plus en tête d’affiche comme au temps où il était une des étoiles du Ballet de Hambourg. Mais c’est presque toute la troupe du Ballet de Bavière qui, pour la double représentation du jour, est sollicitée. La matinée est consacrée à toute une série de débuts, aussi bien de danseurs déjà confirmés comme Ivy Amista que de jeunes espoirs comme Erik Murzagaliyev ou Adam Zvonař.

Le corsaire
Le Corsaire 

Le rôle apocryphe d’Ali est toujours payant par sa virtuosité généreuse, et ce dernier en tire tout le parti possible ; le couple central de la matinée, lui, manque un peu d’esprit, et si la danse est dans l’ensemble propre, on attendrait d’eux un peu plus d’audace pour entraîner les spectateurs dans ce ballet d’aventure. Il n’y a pas que la virtuosité, certes, mais Le Corsaire nécessite tout de même que les difficultés qu’il recèle soient plus que maîtrisées, utilisées pour donner cette image de force vitale qu’on attend de lui. Les fouettés d’Ivy Amista sont menacés dès le début par un déséquilibre qui l’amène à dériver dangereusement sur le côté, tout en parvenant à donner une certaine illusion de maîtrise presque jusqu’au bout : le public est conquis, comme toujours, mais est-ce assez?

Le corsaire
Le Corsaire 

Le soir, les fouettés de Daria Sukhorukova ne sont pas sans reproche non plus, cette fois faute de vitesse, mais l’équilibre est beaucoup mieux préservé, et la danseuse, qui avait déjà dansé le ballet une dizaine de fois, sait où elle va et danse avec un style classique parfait. Son partenaire est plus expérimenté encore, puisque c’est lui qui avait assuré la première du ballet en 2007 : la vaillance et le personnage sont beaucoup plus présents qu’en matinée.

Le corsaire
Mai Kono (Gulanre)

En Gulnare, Katherina Markowskaja est beaucoup plus à son aise qu’il y a trois semaines dans La Dame aux camélias, mais la vivacité de Mai Kono, en soirée, fait une plus vive impression. L’incarnation dramatique, et par là même le contraste avec l’intrépide Médora, reste pourtant trop pâle et convenue, ce qui est finalement assez représentatif d’une reprise qui mériterait d’être un peu plus soigneusement travaillée du point de vue dramatique, la narration et les personnages n’étant pas si négligeables dans une pièce qui dérive du ballet romantique français, qui aimait tant les histoires échevelées


Dominique Adrian © 2015, Dansomanie

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Le Corsaire
Le Corsaire 




Le Corsaire
Musique : Adolphe Adam, Léo Delibes
Chorégraphie : Ivan Liška d'après Marius Petipa , reconstruite par Doug Fullington
Décors et costumes : Roger Kirk
Lumières : Christian Kass

Médora : Ivy Amista (15h00) / Daria Sukhorukova (19h30)
Gulnare : Katherina Markowskaja (15h00) / Mai Kono (19h30)
Conrad, un corsaire : Erik Murzagaliyev
(15h00) / Lukáš Slavický (19h30)
Ali, un esclave : Adam Zvonař (15h00) / Maxim Chashchegorov (19h30)
Birbanto, un corsaire : Léonard Engel (15h00) / Matej Urban (19h30)
Lankedem :
Maxim Chashchegorov (15h00) / Norbert Graf (19h30)
Saïd Pacha : Vittorio Alberton (15h00) / Ivan Liška (19h30)
Odalisque I :  Séverine Ferrolier

Odalisque II : Luiza Bernardes Bertho

Odalisque III : Alisa Scetinina (15h00) / Zuzana Zahradníková (19h30)

Bayerisches Staatsballett
Bayerisches Staatsorchester, dir. Aivo Välja


Dimanche 08 novembre 2015,  National Theater, Munich


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