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Ivy Amista (Médora)
Abondance
de Corsaires ne nuit pas : la postérité n’avait pas
vraiment bien traité Le Corsaire, pourtant un des
chefs-d’œuvre de Marius Petipa, constamment
retravaillé par lui de 1868 à 1899 à partir de la
version de Jules Perrot, que Petipa avait dansé à
Saint-Pétersbourg, avec Perrot lui-même, dès 1858.
Le Corsaire a longtemps été pour le public occidental au
pire un pas de deux plus tapageur encore que virtuose, au mieux la
version montée par Constantin Sergueïev en 1973 et ses
sous-produits, notamment un film de studio du American Ballet Theatre
(c’est aussi le cas de la très peu subtile version de
l’English National Ballet présentée prochainement
à Paris).
Lukáš Slavický (Conrad)
Tout ceci n’avait aucun rapport ni avec
l’esprit ni avec la lettre de la danse de Petipa, tant
l’obsession pour la virtuosité gratuite avait pris le pas
sur toute travail chorégraphique. En 2007, deux productions ont
pourtant profondément transformé l’histoire de la
transmission de ce ballet : au Bolchoï, la version de Yuri Burlaka et
Alexei Ratmanski, tout en s’inspirant des notations faites
à partir des dernières représentations du vivant
de Petipa, avait surtout pour mérite de faire revivre un certain
sens du romanesque en danse, avec tout le faste du ballet
impérial – et une durée de plus de deux heures et
demie, entractes non compris.
Lukáš Slavický (Conrad), Daria Sukhorukova (Médora)
La version de Munich, elle, disposait de
moyens beaucoup plus modestes, au point de supprimer de façon
très regrettable, tout le troisième acte du ballet, qui
s’achève presque immédiatement après le
Jardin animé, grand divertissement qui est un des plus grands
chefs-d’œuvre de Petipa, par un dénouement beaucoup
trop rapide ; la force de cette version, cependant, est que, de
manière beaucoup plus philologique qu’au Bolchoï, les
notations ont été utilisées de la façon la
plus intégrale possible. Le résultat, lui, n’est
pas que philologique : c’est une grande réussite
chorégraphique que cette reprise, après une pause de cinq
ans, vient amplement confirmer.
Le Corsaire
À tout seigneur tout honneur : c’est le Pacha, en ce huit
novembre au soir, qui reçoit les acclamations les plus vives.
C’est que ce Pacha n’est pas n’importe quel pacha :
c’est Ivan Liška qui, la veille de ses 65 ans, vient
refaire un petit tour sur scène, scène qu’il
n’a à vrai dire jamais vraiment quitté, même
s’il n’est plus en tête d’affiche comme au
temps où il était une des étoiles du Ballet de
Hambourg. Mais c’est presque toute la troupe du Ballet de
Bavière qui, pour la double représentation du jour, est
sollicitée. La matinée est consacrée à
toute une série de débuts, aussi bien de danseurs
déjà confirmés comme Ivy Amista que de jeunes
espoirs comme Erik Murzagaliyev ou Adam Zvonař.

Le Corsaire
Le rôle apocryphe
d’Ali est toujours payant par sa virtuosité
généreuse, et ce dernier en tire tout le parti possible ;
le couple central de la matinée, lui, manque un peu
d’esprit, et si la danse est dans l’ensemble propre, on
attendrait d’eux un peu plus d’audace pour entraîner
les spectateurs dans ce ballet d’aventure. Il n’y a pas que
la virtuosité, certes, mais Le Corsaire nécessite tout de
même que les difficultés qu’il recèle soient
plus que maîtrisées, utilisées pour donner cette
image de force vitale qu’on attend de lui. Les fouettés
d’Ivy Amista sont menacés dès le début par un
déséquilibre qui l’amène à
dériver dangereusement sur le côté, tout en
parvenant à donner une certaine illusion de maîtrise
presque jusqu’au bout : le public est conquis, comme toujours,
mais est-ce assez?
Le Corsaire
Le soir, les fouettés de Daria Sukhorukova ne sont pas sans
reproche non plus, cette fois faute de vitesse, mais
l’équilibre est beaucoup mieux préservé, et
la danseuse, qui avait déjà dansé le ballet une
dizaine de fois, sait où elle va et danse avec un style
classique parfait. Son partenaire est plus expérimenté
encore, puisque c’est lui qui avait assuré la
première du ballet en 2007 : la vaillance et le personnage sont
beaucoup plus présents qu’en matinée.
Mai Kono (Gulanre)
En Gulnare, Katherina Markowskaja est beaucoup plus à son aise
qu’il y a trois semaines dans La Dame aux camélias, mais
la vivacité de Mai Kono, en soirée, fait une plus vive
impression. L’incarnation dramatique, et par là même
le contraste avec l’intrépide Médora, reste
pourtant trop pâle et convenue, ce qui est finalement assez
représentatif d’une reprise qui mériterait
d’être un peu plus soigneusement travaillée du point
de vue dramatique, la narration et les personnages n’étant
pas si négligeables dans une pièce qui dérive du
ballet romantique français, qui aimait tant les histoires
échevelées
Dominique Adrian © 2015, Dansomanie
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Le Corsaire
Le Corsaire
Musique : Adolphe Adam, Léo Delibes
Chorégraphie : Ivan Liška d'après Marius Petipa , reconstruite par Doug Fullington
Décors et costumes : Roger Kirk
Lumières : Christian Kass
Médora : Ivy Amista (15h00) / Daria Sukhorukova (19h30)
Gulnare : Katherina Markowskaja (15h00) / Mai Kono (19h30)
Conrad, un corsaire : Erik Murzagaliyev (15h00) / Lukáš Slavický (19h30)
Ali, un esclave : Adam Zvonař (15h00) / Maxim Chashchegorov (19h30)
Birbanto, un corsaire : Léonard Engel (15h00) / Matej Urban (19h30)
Lankedem : Maxim Chashchegorov (15h00) / Norbert Graf (19h30)
Saïd Pacha : Vittorio Alberton (15h00) / Ivan Liška (19h30)
Odalisque I : Séverine Ferrolier
Odalisque II : Luiza Bernardes Bertho
Odalisque III : Alisa Scetinina (15h00) / Zuzana Zahradníková (19h30)
Bayerisches Staatsballett
Bayerisches Staatsorchester, dir. Aivo Välja
Dimanche 08 novembre 2015, National Theater, Munich
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