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critiques et comptes rendus
Ballet National de Bordeaux

11 octobre 2015 : Pneuma (Carolyn Carlson) au Grand Théâtre de Bordeaux


pneuma


Un an et quelques mois seulement après une création qui avait marqué les esprits en 2014, Pneuma revient au Grand Théâtre de Bordeaux. Cette reprise s’inscrit dans le cadre du festival Novart, festival international des arts de la scène. Au milieu d’une programmation de ce festival résolument ouverte vers la jeune création, dans toutes les disciplines du spectacle vivant, Carolyn Carlson fait figure de référence, de valeur sûre, de «classique», et son succès est fort de milliers d’admirateurs, qui la suivent, en France et ailleurs, depuis plus de quarante ans. Par ailleurs sa collaboration avec le Ballet de Bordeaux ne date pas d’hier, ayant déjà créé ici-même Hydrogen Jukebox en 1999. Elle reviendra fin octobre pour présenter Now créé récemment au Théâtre National de Chaillot. Chaillot, où, justement, le Ballet de Bordeaux reprendra Pneuma en février 2016, après l’avoir dansé sur la scène du Théâtre Mariinski cet automne. Quoi qu’il en soit, le Grand Théâtre est plein d’un public attentif en cette matinée de dimanche.

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Cette nouvelle présentation de l'œuvre ne révèle en réalité que peu de différences par rapport à sa mouture originale. Certes, par la force des choses, quelques éléments de la distribution sont nouveaux, et Carolyn Carlson tient toujours à préciser que sa chorégraphie a été imaginée «avec la complicité des danseurs», d'où des inspirations nouvelles. De prime abord, les danseurs semblent s’exprimer davantage en danse pure, comme si on leur avait laissé la bride sur le cou. Pour autant, la cohérence d’ensemble n’est pas perdue de vue. Le nouveau travail a, semble-t-il, particulièrement enrichi l'occupation de l'espace, en tout point admirable et fascinante. C’est d’ailleurs cette sensation d’espace qui frappe avant tout dans les premiers tableaux, «l’odeur de l’infini» et «les corps flottant qui n’atterrissent jamais». Les 22 danseurs s’enivrent à qui mieux mieux de leurs mouvements, tantôt s’emparant vivement de la scène par vagues successives, tantôt évoluant au ralenti. Les envolées de Neven Ritmanic déchirent l’espace, tandis qu’au fond de la scène, la silhouette de Kase Craig, qui reprend le rôle créé par Ludovic Dussarps, interroge l’infini. Claire Teisseyre, évoluant à pas mesurés sur de hauts talons, débite des discours mécaniques. Roman Mikhalev, juché sur une chaise, propulse des baudruches blanches. L'arbre suspendu entre ciel et terre, unique matérialité dans ces visions oniriques, rassure comme un point de repère immuable.


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La musique envoûtante de Gavin Bryars a été composée d'après les propres notations poétiques de Carolyn Carlson, et c'est la chorégraphe qui en a fixé la structure en sept parties enchaînées. L'alchimie musique et danse fonctionne à plein. Les sonorités mouvantes et insaisissables de l'orchestre (d'où les violons et tous les instruments aigus ont étés éliminés) s'accordent merveilleusement au propos. Pour la reprise, la musique étant enregistrée, la fosse d’orchestre a été recouverte par le plateau d’avant-scène. De ce fait, éclairée par les superbes lumières transparentes de Rémi Nicolas, la scène du théâtre - pourtant de proportions classiques - de Victor Louis n’a jamais semblé aussi immense, s’ouvrant de tous côtés sur de larges espaces.

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Les tenues fluides, alternativement blanches ou noires, les longues chevelures tournoyantes des danseuses, les ondulations des herbes hautes, les images sont limpides, peut-être trop simplistes parfois. Mais la fraîcheur séduisante de sa création ne laisse aucun doute sur la sincérité de la chorégraphe. Malgré le propos philosophique (les rapports entre la perception et l’imaginaire vus par Gaston Bachelard dans L’Air et les songes), on comprend que Carolyn Carlson s’adresse bien davantage à la sensibilité qu’à l’intellect. C’est cette attitude qui forme la constante de toute sa création et qui fait qu’on aime à la suivre. Nul ne doute que sa collaboration avec le Ballet de Bordeaux se poursuivra.




Jean-Marc Jacquin © 2015, Dansomanie




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Pneuma
Musique : Gavin Bryars, Philip Jeck
Chorégraphie : Carolyn Carlson
Scénographie et lumières : Rémi Nicolas

Avec : Claire Teisseyre, Stéphanie Roublot, Sara Renda, Diane Le Floc'h
Mika Yoneyama, Emilie Cerruti, Marina Guizien, Marina Kudryashova
Alice Leloup, Nicole Muratov, Marie-Lys Navarro
Kase Craig, Roman Mikhalev, Alvaro Rodriguez Pinera, Oleg Rogachev
Pierre Devaux, Austin Lui, Samuele Ninci, Take Okuda, Neven Ritmanic
Ashley Whittle, Marc-Emmanuel Zanoli


Ballet National de Bordeaux
Musique enregistrée
(Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine, dir.  Pieter-Jelle de Boer)

Dimanche 11 octobre 2015 - 15h00,  Grand Théâtre de Bordeaux


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