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critiques et comptes rendus
Bayerisches Staatsballett (Munich)

09 mai 2009 : La Dame aux Camélias
(Ballettfestwoche #4)


alen bottaini et lisa maree cullum dame aux camelias
Alen Bottaini et Lisa Maree Cullum dans La Dame aux camélias (chor. John Neumeier)

À côté des expériences de la soirée Schläpfer - Van Manen - Sandroni, La Dame aux camélias fait figure de grand classique du ballet narratif contemporain, sans que le public invariablement bouleversé par des pas de deux à la poésie inimitable ne cesse de l’acclamer et d’en remplir toutes les représentations. Cette soirée de festival, pourtant, n’apportait rien de nouveau au public bavarois, avec une distribution largement habituée à la pièce – et un corps de ballet visiblement marqué par les efforts des jours précédents, multipliant les petites imprécisions et perdant souvent la relation avec la musique.

Le couple soliste, lui, a fini la soirée également marqué, mais sans doute au moins autant par l’émotion que par la fatigue : Lisa Maree Cullum, souvent inégale, trouve ici un rôle qui lui convient parfaitement, et son interprétation toute intérieure, ne concédant que le minimum à la coquetterie de son personnage au début de l’histoire, est d'autant plus touchante qu'elle est sobre. Son partenaire est le solide Alen Bottaini, qui construit un personnage taciturne plus que juvénile, et qui joue sur la même intériorité que Lisa-Maree Cullum, et ce partenariat très homogène ne fait pas regretter les interprétations plus brillantes qu'on a pu voir parfois.

À leurs côtés, le Ballet de Bavière a prévu en cette semaine de festival une distribution solide, où les noms connus ne manquent pas : l'histoire de Manon Lescaut bénéficie de la technique et de la présence de Daria Sukhorukova, mais comme souvent peine à retenir vraiment l'attention du spectateur, ce qui n'est pas le cas des excellents Elena Karpuhina et Lukáš Slavický, qui par leur vivacité parviennent souvent à donner à leurs rôles un relief inhabituel.

lucia lacarra ivan liska dame aux camelias
Lucia Lacarra et Ivan Liška dans La Dame aux camélias (chor. John Neumeier)

Enfin, la présence d'Ivan Liška dans le rôle du père est particulièrement émouvante : Liška, aujourd'hui directeur de la troupe, n'est autre que le créateur du rôle d'Armand, qu'un DVD a immortalisé ; mais, aude-là de ce souvenir, il donne une interprétation extrêmement personnelle de son rôle, qui n'est plus la statue du commandeur venue imposer sa volonté, mais un personnage lui-même tourmenté, profondément ému par Marguerite.

Le retour constant de cette pièce majeure au répertoire du Ballet et le succès public constant qu'il remporte, supérieur à celui des classiques de Petipa dont les versions sont il est vrai peu satisfaisantes (à l'exception du Corsaire), montre à quel point l'intuition qui était celle de Cranko puis de Neumeier était pertinente à une époque où le ballet narratif paraissait condamné par les conquêtes de la danse contemporaine : en asseyant ce genre respectacle sur une narration forte, en travaillant en profondeur l'imbrication de la danse et de la narration, ils ont réussi à créer une tradition nouvelle qui continue à toucher le spectateur. On ne saurait dire si Schläpfer ou Sandroni créent aujourd'hui une tradition porteuse d'avenir, mais la confrontation de ces deux soirées de festival montre bien à quel point la cohabitation de ces deux démarches, pour une troupe riche de tradition comme le ballet de Bavière, est indispensable dans une démarche réfléchie de constitution d'un répertoire.




Dominique Adrian © 2009, Dansomanie



La Dame aux camélias
Musique : Frédéric Chopin
Chorégraphie : John Neumeier
Décors et costumes : Jürgen Rose

Marguerite Gautier : Lisa-Maree Cullum
Armand Duval : Alen Bottaini
Monsieur Duval : Ivan Liška
Nanina : Valentina Divina
Prudence Duvernoy : Roberta Fernandes
Manon Lescaut : Daria Sukhorukova
Des Grieux : Maxim Chashchegorov
Olympia:  Elena Karpuhina
Gaston Rieux : Lukáš Slavický

Bayerisches Staatsballett
Bayerisches Staatsorchester, dir. Myron Romanul
Piano solo : Wolfgang Manz, Simon Murray

Samedi 9 mai 2009,  Nationaltheater, Munich


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