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critiques et comptes rendus
Bayerisches Staatsballett (Munich)

07 mai 2009 : «Terpsichore Gala
» (Ballettfestwoche #2)


igor kolb et jana selina dans le spectre de la rose
Igor Kolb et Jana Selina dans Le Spectre de la rose (chor. Michel Fokine)

Quoi de plus monotone qu’un gala de danse? Toujours les mêmes morceaux, souvent par les mêmes solistes, avec la même musique enregistrée : rien de tout cela, pourtant, lors des galas annuels du Ballet National de Bavière, pourvus au contraire d’un fil conducteur fort qui en fait une vraie soirée de danse, où la virtuosité de l’interprète entre en harmonie avec une véritable exigence dans le choix des chorégraphies – et avec un orchestre qui, pour ne pas être au meilleur de sa forme, fournit un cadre digne à la manifestation.

Le thème, cette année, était tout trouvé : le centenaire des Ballets Russes, auquel la saison 2008/2009 est consacrée, se trouve donc illustré par plusieurs ballets intégraux en plus d’extraits d’autres pièces qui ont participé au triomphe de la troupe de Diaghilev. Les pièces de gala, pourtant, n’étaient pas absentes : Diaghilev, après tout, a introduit les ballets de Petipa au monde occidental, et des extraits du Lac des Cygnes ou de La Belle au bois dormant ne sauraient manquer ici. Les deux ballets, à vrai dire, ont ici un destin bien inégal : le Cygne noir interprété par Irina Dvorovenko et Maxim Beloserkovsky est un classique de tous les galas du monde entier, et les deux danseurs y montrent leur assurance habituelle ; l’Adage à la Rose, en revanche, pâtit du manque de charisme et de fraîcheur de Lisa-Maree Cullum, dont la technique manque parfois d’assurance dans ce qui est sans doute l’une des plus étonnantes créations de Petipa. Le duo de L'Oiseau de feu, dansé par Mara Galeazzi et Thiago Soares, est quant à lui pertinent quant au thème du gala, mais reste peu adapté à une telle circonstance : des applaudissements polis en découlent, malgré le talent des danseurs.

parade dolon dance company
Parade (chor. Léonide Massine), par la Dolon Dance Company

Parmi les pièces intégrales choisies, l’une des plus étonnantes, et des plus efficaces auprès du public, est certainement Parade, interprétée ici avec la verve nécessaire par la Donlon Dance Company (en résidence à Sarrebruck) : l’humour absurde de Massine, la force inentamée des décors et costumes de Picasso donnent une image particulièrement vive de la volonté de renouvellement propre à l’entreprise de Diaghilev. À l’autre opposé du spectre expressif d’une compagnie plus soucieuse de diversité foisonnante que d’unité stylistique, Apollon – hélas sans son prologue – de Stravinsky et Balanchine montre sa capacité à s’adapter à l’évolution rapide des goûts du public. Pour ce chef-d’œuvre du néoclassicisme naissant, c’est à rien moins que quatre danseurs du Mariinsky qu’Ivan Liska a ici fait appel : si les dames (Mlles Selina, Nikitina et Osmolkina) semblent trop peu concentrées pour faire ressortir la rigueur formelle de la pièce, Alexander Sergeyev fait forte impression avec son style balanchinien parfait, soutenu par le brio propre au Mariinsky.

apres midi d un faune nijinsky
L'Après-midi d'un faune (chor.  Vaclav Nijinsky)

Le plus intéressant de la soirée, cependant, est peut-être la triple présence du Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy. Sa chorégraphie originelle, celle de Nijinsky, est confiée aux danseurs de la maison, et c’est le seul moment de la soirée qui rende véritablement justice au très haut niveau atteint depuis quelques années par la troupe : Tigran Mikayelyan réussit à faire ressortir la force d’une chorégraphie dont la nouveauté était sans doute la principale qualité à l’époque, avec une concentration dans le mouvement, un souci stylistique qui confirment qu’il est aujourd’hui un danseur de tout premier plan, et Daria Sukhorukova parvient à donner un peu de relief au principal rôle féminin.

Quelques décennies plus tard, la chorégraphie de Jerome Robbins vient exploiter sans restriction la sensualité d’autant plus brûlante qu’elle est retenue de la pièce originelle : le duo de Polina Semionova et Vladimir Malakhov (Ballet National de Berlin), très attendu, obtient un triomphe amplement mérité. La pièce, certes, avec sa tonalité mélancolique et son épure délicate, est très valorisante, mais la grâce de Polina Semionova lui donne une intensité spirituelle et un rayonnement solaire que son partenaire, puissant mais retenu, soutient avec engagement.

polina semionova vladimir malakhov dans aftenonnon of a faun robbins
Vladimir Malakhov et Polina Semionova dans Afternoon of a Faun (chor.  Jerome Robbins)

La troisième version au programme de cette riche soirée de gala, celle de John Neumeier (créée en 1996) est certainement la moins connue des trois, mais elle remporte un succès non moins vif auprès du public. Sa particularité est de mettre en scène trois personnages et non deux, les deux protagonistes principaux de la pièce originale étant en quelque sorte rêvés par le troisième : la Française Hélène Bouchet, formée à l'école de Rosella Hightower, belle danseuse toute en lignes sinueuse, est véritablement remarquable, et la complémentarité du ténébreux Otto Bubenicek et du blond Edvin Redvazov - le rêveur et le faune - montre à quel point le travail de Neumeier à Hambourg depuis plus de trois décennies a fait naître des danseurs qui, au-delà de la maîtrise évidente d'un style, possèdent une personnalité d'une puissance peu commune.

Plus que la soirée consacrée aux Cent ans des Ballets russes (critiquée ici), peu pertinente, cette longue soirée de gala donne une image riche et variée de cette troupe d’exception. En perdant l’effet de la nouveauté qui était une part considérable de son charme dans les deux décennies de son existence, certaines pièces ont certainement perdu une partie de leur lustre ; mais, au-delà de l'intérêt historique considérable des pièces, au-delà même de l'impression tenace que ce répertoire dans son ensemble vaut mieux que l'addition des pièces qui le composent, cet hommage permet aussi de constater la qualité chorégraphique propre d'une partie de ce répertoire dont l'inventaire critique n'est pas entièrement fait.





Dominique Adrian © 2009, Dansomanie



L'Après-midi d'un faune
Musique : Claude Debussy
Chorégraphie : Vaclav Nijinsky
Décors et costumes : Léon Bakst

Avec : Tigran Mikayelyan, Daria Sukhorukova, Martina Balabanova, Giuliana Bottino,
Petra Conti, Mia Cooper, Leonor de Távora, Ilana Werner

Parade
Musique : Erik Satie
Argument : Jean Cocteau
Chorégraphie : Léonide Massine
Décors et costumes :
Pablo Picasso

Le Prestidigitateur chinois :  Manuel Paruccini
Les Acrobates : Yamila Khodr, Pascal Séraline
La petite fi lle américaine : Aoi Nakamura
Le manager en frac Nigel : Campbell
Le manager de New-York : Paul Girard
Le cheval Meritxell : Aumedes Molinero, Dominik Strobl 

Le Lac des cygnes, pas de deux du Cygne noir
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovsky
Chorégraphie : Marius Petipa

Odile :
Irina Dvorovenko
Siegfried :
Maxim Beloserkovsky

Le Spectre de la rose
Musique : Carl-Maria von Weber - Hector Berlioz
Chorégraphie : Vaclav Nijinsky
Décors et costumes : Léon Bakst

Avec : Igor Kolb, Jana Selina

Afternoon of a Faun
Musique : Claude Debussy
Chorégraphie : Jerome Robbins
Décors : Jean Rosenthal
Costumes : Irene Sharaff

Avec : Vladimir Malakhov, Polina Semionova


L'Oiseau de feu 
Musique : Igor Stravinsky
Chorégraphie : Michel Fokine
Décor et costumes : Natalia Gontcharova

Avec : Mara Galeazzi, Thiago Soares

Apollon

Musique : 
Igor Stravinsky
Chorégraphie : George Balanchine

Apollon : Alexandre Sergueïev
Calliope : Jana Selina
Polymnie : Anastasia Nikitina
Terpsichore :  Ekaterina Osmolkina

La Belle au bois dormant, entrée d'Aurore et Adage à la rose
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovsky
Chorégraphie : Marius Petipa

Aurore :  Lisa-Maree Cullum
Florestan XIII : Vincent Loermans
La Reine : Valentina Divina
Quatre princes : Vittorio Alberton, Marlon Dino, Nour El Desouki, Olivier Vercoutère


Bayerisches Staatsballett
Jeudi 7 mai 2009,  Nationaltheater, Munich


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