Nouvelles du Théâtre des Champs-Élysées

[Alexis29]

Cher Haydn,
Un grand merci ! C'est instructif et intéressant !

[LucyOnTheMoon]

ça veut veut dire que dans 10-15 ans on ne verra plus danser Mats Ek nulle part???
sérieusement, je ne peux pas croire que le ballet de Lyon par exemple, qui le danse depuis tant d’années, ne soit pas capable de transmettre sa Giselle à ses jeunes danseurs.

Heureusement que par le passé d’autres chorégraphes ont accepté que leurs oeuvres leur "survivent"!

[sophia]

Oui, et puis on ne peut pas figer l'interprétation dans un carcan. Il ne s'agit pas de faire n'importe quoi, mais il faut accepter que les choses se transforment, au risque - peut-être (ou pas) - de la dégradation.

Attitude, si je puis me permettre, terriblement narcissique d'un maître qui se sent propriétaire de son oeuvre pour l'éternité!

Merci en tout cas à Haydn pour le compte-rendu.

[paco]

L'ensemble de l'entretien est très intéressant, concernant notamment le panorama du ballet en Espagne.
Concernant Mats Ek, j'ai du mal à croire qu'il "interdise" toute représentation de son oeuvre après sa retraite, il doit y avoir un malentendu...

[haydn]

Ce n'était pas exactement le sens des propos rapportés par José Martinez. Mats Ek, à ce que j'ai compris, ne veut pas que des danseurs à qui il n'aurait pas enseigné lui-même ses ballets puissent les danser, d'où leur disparition programmée du répertoire après une génération. Cela dit, Merce Cunningham avait pris des dispositions tout à fait analogues.

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[haydn]

Après José Martinez, c'est Boris Eifman et sa compagnie, le Ballet-Théâtre de Saint-Pétersbourg, qui feront escale au Théâtre des Champs-Elysées :



Au programme, Up and down, une adaptation chorégraphique de Tendre est la nuit, roman de Francis Scott Fitzgerald, dont ce sera la première en France.

« Notre destin est composé de cruelles ironies... La richesse peut devenir plus insupportable que la plus terrible pauvreté, et un esprit clair et vif peut devenir vulnérable face au chaos de l’inconscience. Le ballet Up & Down est la tragique et éclatante chronique du déclin moral d’un homme. Allant au gré des rythmes de jazz, l’intrigue nous révèle comment un rêve de bonheur peut tourner au désastre, comment une beauté superficielle et une vie insouciante peuvent se transformer en cauchemar.

Le personnage principal du ballet, un homme brillant et un psychiatre talentueux, a tout pour réussir une grande carrière. Cependant, dans un monde aux instincts pervertis, dominé par l’argent, une pure harmonie est tout simplement impossible. Le royaume de la luxure, dans lequel le médecin s’immerge, fait de sa vie un marasme. Sa tentative de trouver un équilibre entre son monde intérieur et la réalité le mène à la chute. Concession après concession, cet être perd son identité, quitte sa profession, et devient garde malade de sa femme instable. Son esprit, son charisme et sa carrière tombent en lambeaux. En perdant tout, le médecin devient un paria de la société dans laquelle il n’y a aucune place pour la faiblesse. Une personne qui renie ses ambitions et détruit son talent est condamnée. Tout compromis avec le monde (perfide et empli de tentations) est dévastateur. Le ballet Up & Down nous rappelle ainsi les conséquences fatales qui mènent un homme à se trahir lui même. »

Boris Eifman

Quelques images du spectacle :

Vous avez adapté pour le ballet un grand nombre de romans classiques, pourquoi avoir choisi Tendre est la nuit plutôt que Gatsby le Magnifique?

Pour la même raison que j’ai intitulé mon ballet Les Frères Karamazov, bien qu’il s’inspire du livre Crime et châtiment de Dostoïevski. Je choisis des oeuvres rimant avec mon monde intérieur, et qui peuvent offrir de nouvelles opportunités pour le ballet. Le roman Tendre est la nuit m’a donc servi d’idée de base pour la création d’Up and Down, mais il n’est pas mon unique source d’inspiration. Tout en travaillant à ce nouveau ballet, j’ai lu d'autres pièces de Fitzgerald. Il était important pour moi de sentir la personnalité de l'auteur en m’immergeant dans son univers créatif. C’est un processus de première importance lorsque je recours à la figure d'un grand artiste.


Quelle est votre vision de Fitzgerald et est-ce un auteur qui vous a accompagné durant votre vie ? Quand l’avez-vous découvert ? Vous sentez-vous proche de lui ?

J’ai découvert cet auteur il y a déjà longtemps, mais je me suis réellement intéressé à sa biographie et à son travail créatif il y a seulement quelques années, lorsque j’ai été frappé par une nouvelle idée de ballet. Je n’aurais jamais pu créé un ballet d’après un auteur inintéressant. Il m’est impossible de créer à contre coeur. Pour moi, tous les personnages des livres de Fitzgerald, et le destin dramatique de l’auteur, sont d'une grande importance. C’était un artiste incroyablement doué, qui se délectait de son don, en profitant pleinement de la vie. Mais l’Ere du Jazz, qui pouvait sembler éternelle, a été remplacé par la Grande Dépression. L’étude de la biographie de cet écrivain s’est en fait avérée être une réflexion étonnamment précise de l'ensemble de la société américaine durant cette époque trouble. La maladie mentale de son épouse, l’angoisse de la page blanche, et ses ennuis financiers, ont anéanti Fitzgerald. Durant ses derniers jours, il a d’ailleurs écrit un essai, La fêlure (The crack up), où il se comparait à une plaque cassée. Son activité créatrice se révèle être la confession amère d'un homme qui a perdu la bataille contre ce monde impitoyable.


De quelle idée part-on lorsque l’on adapte un roman pour la scène ?

Je n'ai jamais adapté de pièces littéraires. Un livre peut m’inspirer pour composer une chorégraphie, cependant, je n’ai jamais traduit une intrigue littéraire complète dans le langage de la danse. J’ai besoin de créer mon propre style, mon propre art, mes propres oeuvres.
A mon sens, l’idée principale de Tendre est la nuit réside dans la pensée que la société impose à l’individu d’inéluctables compromis et, de cette façon, inflige de manière agressive certaines règles du jeu à suivre. La suite de concessions du personnage principal - un jeune médecin doué, confronté à l’attrait et au pouvoir de l’argent - le conduit à une fin tragique. Incapable de résister aux tentations, il se trahit lui même, il trahit son don et sa mission, en devenant l’infirmier de sa femme (une héritière) instable.


Est-ce l’époque qui vous a d’abord intéressé ou bien les personnages et la trame du roman ?

Tout ce que vous avez évoqué. D'une part, nous essayons de retranscrire l’impulsion et de restaurer l’atmosphère de la magnifique période de « l’Ere du Jazz ». D'autre part, nous dépeignons un drame psychologique, à travers les personnages principaux qui essaient de trouver les raisons de leur dépression. Le ballet Up & Down sera certainement intéressant pour tout le monde. Que ce soit les adeptes de notre style chorégraphique (le ballet-théâtre psychologique moderne) ou un public plus général qui pourra profiter de l'éclat et du dynamisme de la performance artistique.


Quelles résonances ont pour vous ce roman et Fitzgerald aujourd’hui ?

Il me serait étrange de créer un ballet dont le travail n’a rien à voir avec l’état d’esprit du moment. Il est évident que le sujet du roman est aujourd’hui toujours opportun. L’attrait du pouvoir de l'argent, le danger de la tentation, la trahison du don de soi, sont de graves problèmes qui continuent d’imprégner le monde. Je tiens cependant à souligner que nous ne nous sommes pas là dans la leçon de morale, ni dans le jugement. Chacun des personnages fait son propre choix, et nous reflétons les causes de son sort.

Up & Down soulève un autre sujet extrêmement important : le fondement de la dissociation de personnalité ou de la scission mentale. Le problème se pose principalement dans le cadre de la maladie mentale de l'héroïne principale, torturée par des attaques de folie. La schizophrénie, sorte de fissure de la conscience, peut être facilement diagnostiquée de nos jours. Aujourd’hui cette sombre maladie semble de plus en plus puissante chez les gens, et il semble parfois que l’individu est dominé par son clone incontrôlable. Le monde, rempli de pièges et de tentations, devient fou à force de perdre ses valeurs les plus importantes.


Savez-vous si Fitzgerald a déjà été adapté pour le ballet ?

Je sais que Gatsby le Magnifique a été mis en scène, mais je n’ai jamais eu l’occasion de le voir.


Pourquoi avoir choisi comme titre Up and Down?

Je pense que quiconque verra ce ballet sera capable de répondre à cette question. La pièce a deux axes de directions opposés : celui du personnage principal, un médecin psychologue renommé, et celui de sa patiente (qui deviendra sa maîtresse et sa femme). Contrairement à sa patiente, qui une fois débarrassée de sa maladie retourne à l'univers familier du luxe, le médecin quitte l'hôpital, détruit sa carrière prometteuse et revient à l’hôpital en tant que patient. Les montagnes russes du destin…

(Infos / textes : service de presse PIAS Productions Internationales Albert Sarfati)


THÉÂTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES
15 avenue Montaigne
75008 paris
Réservations : +33 (0)1 49 52 50 50
www.theatrechampselysees.fr

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[haydn]

[haydn]

Et avant le Ballet Eifman, ce sera José Martinez et la CND qui seront les invités du TCE, du 27 au 29 janvier. Le théâtre a mis en ligne deux petites vidéos de présentation :


Compagnie Nationale de Danse d'Espagne Casi Casa


José Martinez

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[sophia]

La Compania Nacional de Danza se produira au TCE la semaine prochaine : Le Figaro consacre à cette occasion un article au travail qu'y a mené José Martinez depuis qu'il en est le directeur.

[sophia]

Un reportage de Télématin : http://www.france2.fr/emissions/telematin/culture/la-compagnie-nationale-de-danse-espagnole-a-paris_297097

Chauvinisme, quand tu nous tiens... Que Duato soit parti avec son répertoire et qu'on puisse lui reprocher son attitude, c'est une chose, mais cultiver l'ambiguïté et dire que la CND était mourante avant la venue de José Martinez... il faudrait savoir de quoi l'on parle!

[haydn]

Le tout Paris de la danse s'était rendu ce soir au Théâtre des Champs-Elysées. On pouvait y croiser de nombreux danseurs de l'Opéra, Benjamin Pech, Marie-Agnès Gillot notamment, ainsi que... Brigitte Lefèvre. Visiblement, la com avait été bien faite, et, cerise sur le gâteau, José Martinez en personne se tenait dans le hall du TCE pour accueillir les visiteurs.

Je reviendrai très bientôt sur le spectacle lui-même, que le public a bien applaudi.

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[LucyOnTheMoon]

J’ai également aperçu Agnès Letestu, Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta, Clotilde Vayer, Alister Madin, Bruno Bouché... et Ana Laguna

Cette soirée donnait décidément la pêche! J’ai trouvé qu’il y avait une grande cohérence entre les trois pièces, où dominaient énergie et fluidité. Le 1er ballet partait déjà très fort, le 2e m’a transportée (c’est réellement le style que j’aime et le pas de deux final m’a donné la chair de poule). Bizarrement c’est sur Casi Casa que portent mes seules "réserves". Mais cela vient sans doute du fait que je connais la version DVD-ONP d’Appartement quasi par coeur et que du coup les changements dans la chorégraphie et le découpage du ballet m’ont un peu déstabilisée (en gros je n’ai pas compris leur utilité ni leur "valeur ajoutée"). Néanmoins et même avec d’autres interprètes, les séquences "TV", "aspirateurs" et "porte" fonctionnent toujours aussi bien. Dans cette dernière, voir se succéder au couple aguerri Le Riche - Guillem un couple beaucoup plus jeune donne une autre lecture. Avec le 1er on voit deux adultes "jouer" à être des enfants, avec le 2nd on voit deux adolescents... et c’est tout aussi intéressant

[haydn]

Contrairement à ce que tout le monde attendait, José Martinez n'est pas monté sur scène pour saluer. Mats Ek non plus d'ailleurs (j'ignore s'il était là, mais en tout cas, Ana Laguna, elle, était bien présente).

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[sophia]

Paris avait eu, il y a deux ans, dans ce même Théâtre des Champs-Elysées, un premier bref aperçu de la Compania Nacional de Danza version José Martinez à l'occasion d'un gala des étoiles du XXIe siècle. Mais le vrai début de la compagnie, dans sa forme renouvelée, avait lieu hier soir, devant un parterre et un premier balcon bien garnis et remplis de VIP aux couleurs résolument Opéra de Paris. Il faut malheureusement avouer que les rangs des étages supérieurs étaient bien clairsemés.

Faute d'avoir pu conserver les ballets de Nacho Duato, José Martinez a dû reconstruire de zéro un répertoire à la compagnie qu'il reprenait en main, entre néo-classique et contemporain soft, dont cette soirée a voulu donner un aperçu, avec trois pièces aux ambiances et aux styles bien distincts. Sans doute était-il un peu tôt pour y ajouter une pincée de répertoire classique, vers lequel José Martinez tente depuis peu un retour courageux. Même au sein de ce programme, contrasté mais naviguant dans les eaux "néo-contemporaines", on perçoit bien le côté "en devenir" de cette compagnie, dont il sera intéressant de suivre l'évolution dans les années qui viennent. La CND de Martinez respire la jeunesse, une jeunesse qui va de pair avec l'enthousiasme et le dynamisme. Les garçons, aux personnalités singulières, y sont particulièrement remarquables. Pour autant, il serait malhonnête de la mettre au niveau du NDT, en termes de personnalités ou en termes de répertoire.

La première pièce, Sub, d'Itzik Galili, s'inscrit pleinement dans la nouvelle vague de chorégraphes israëliens à succès - Ohad Naharin ou Hofesh Shechter. Chorégraphiée pour huit danseurs, vêtus de bermudas-treillis militaires noirs, elle nous offre une danse très "mâle", à la fois physique et énergique, une danse de combat, pur et dur, à deux ou bien en groupe, une danse où l'effet de sidération est délibérément recherché. Musique tendue de fin des temps, ambiance crépusculaire - plus obscure que claire -, bruitages lunaires, flashs aveuglants, tout le monde - danseurs ou spectateurs, à une échelle bien entendu différente - semble ressortir de là "lessivé". La pièce réussit à cet égard son pari : celui d'être efficace. Si Sub pourrait gagner en force et en concentration, son rythme infernal est en tout cas bien soutenu par les hommes de la CND.

Extremely Close, de Alejandro Cerrudo, instaure à l'inverse une ambiance apaisée et lyrique - entre deux eaux. C'est un peu "le calme après la tempête". Chorégraphiée sur - devinez qui? - Phil Glass, cette seconde pièce est, sinon plus facile, sans doute plus immédiatement séduisante pour le grand public. La référence à Kylian, voire au Shoot the Moon de Leon-Lightfoot, s'impose ici constamment, au point de virer à l'exercice de style, malheureusement toujours en-deçà de l'original : un décor minimaliste, fait de panneaux mobiles immaculés, un lit de plumes blanches arrachées de quelque cygne contemporain, un pas de deux central façon Petite mort, une couverture noire que l'on arrache, comme par magie, du sol, qui n'est pas sans rappeler le rideau-vêtement de Kaguyahime... Tout cela n'est certes pas déplaisant, mais ne marque guère et... s'oublie aussitôt.

Casi Casa est vraiment, comme son titre le suggère, "Casi Casa" - un presque Appartement, même si j'avoue que je n'ai pas assez vu - ni fréquenté en DVD - ce ballet à l'Opéra de Paris pour en lister toutes les petites différences, les passages omis, etc... Pas de rideau rouge et or, ni de Fleshquartet sur scène (ça, c'est plutôt dommage), pas de scène du bidet, pas de bébé sorti de la cuisinière (ou alors j'avais la tête ailleurs?)... Que dire sinon que cela ressemble beaucoup, visuellement et chorégraphiquement, à Appartement, tout en laissant quand même une sensation de "light" par rapport à l'original. L'intérêt, je crois, est que les danseurs de la CND en proposent une interprétation tout à fait différente, au charme plus spontané peut-être, plus terrien et adolescent incontestablement.

[haydn]

Pour le bébé cuit au four, vous aviez vraiment la tête ailleurs, sophia, car il était bien là, couleur charbon...

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