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Gala des Etoiles du XXIème siècle
22 septembre 2013 : Gala des Etoiles du XXIème siècle au Théâtre des Champs-Élysées
Tair Gataunov et Madina Basbayeva dans La Fille mal gardée
Chaque année, c’est la même chose. On se dit
qu’on n’y retournera pas, que l’affiche parisienne, une fois de plus, ne
brille guère par ses grands noms, qu’on en a assez des musiques
enregistrées qui font «couac» ou «bzzzz» et des pas de deux enfilés à
la chaîne sur fond de cyclorama bleu, vert, jaune ou rouge, et puis,
finalement, on cède, en se disant qu’il y a toujours là quelque chose
de bon à découvrir. Bien nous en a pris car le gala de cette année, sans
constituer en soi un événement inoubliable, a su proposer quelques
vrais moments réjouissants.
Madina Basbayeva et Tair Gatauov, venus de
l’Opéra national d’Astana, au Kazakhstan, entament le gala modestement.
En même temps, quel enjeu magnifique doit représenter pour eux cette
invitation à Paris! A leur programme, du très classique hérité de la
tradition soviétique – La Fille mal gardée (version Hérold) et Flammes de Paris
–, des choix peu communs, il faut quand même le souligner, dans un
univers dominé par ce nouvel académisme que j’appelle volontiers «le
néo-classicisme au kilomètre». Ils ont du charme, de la générosité, de
la technique et même un certain panache. La danse manque toutefois de
polissage et de ce petit éclat « international » qui se remarque
d’emblée dans un tel contexte. On pourrait surtout leur reprocher de
danser ce répertoire très balisé toujours un peu de la même manière, un
peu scolaire, un peu comme s’ils étaient encore candidats à Varna.
Mattia Russo et Daan Vervoort dans Descamino de Dos
Du
rose et du bleu pastel, avec paillettes plein le tutu, on passe sans
transition au noir presque total de la modernité
nord-européenne, avec deux danseurs – deux garçons
- de la CND, Mattia Russo et Daan Vervoort. Voir ce répertoire
dansé par de vrais danseurs contemporains, un peu dans le style
de ceux du NDT, est en soi un vrai plaisir. Il y a là une
profondeur, une gravité, une puissance qui échappent le
plus souvent aux danseurs classiques qui s’essayent au
contemporain. Malheureusement, la chorégraphie de Mattia Russo
et Diego Tortelli ressemble beaucoup à un exercice de fin
d’études section «danse contemporaine».
L’ensemble manque de tension, de rebondissements, et
l’ennui s’installe assez vite. La pièce de Nacho
Duato, Gwana,
interprétée dans la deuxième partie par Kayako Everhart et Daan
Vervoort, est d’une écriture plus aboutie. Sans enthousiasmer
véritablement, elle paraît plus intéressante, ne serait-ce que par
l’ambiance vaguement ethnique qu’elle installe.
Au chapitre des déceptions - il en fallait bien
une -, Evan McKie. Le danseur de Stuttgart pâtit surtout ici de la
faiblesse chorégraphique des deux solos présentés. Sturm,
de Louis Stiens, est une pièce épileptique, comme on en a beaucoup vu -
et sans doute de meilleures -, à la limite du ridicule. Capriccio,
de Douglas Lee, est, dans une veine macgrégorienne, à la fois mieux
construit et d’un meilleur goût. J’avoue quand même être lassée de ces
pièces formalistes, sans âme ni musicalité aucune, aussitôt vues
aussitôt oubliées, qui ne font que mettre en valeur la plastique et les
lignes de l’interprète. On se demande bien qui, en-dehors des fans, ce
type de création peut encore intéresser.
Julien Favreau et Elisabet Ros dans Ce que l'amour me dit
Le gala prend une tout autre dimension – y
compris spirituelle - avec l’arrivée sur scène d’Elisabet Ros et Julien
Favreau. Ils illuminent le plateau par leur magnétisme, leur danse dont
chaque inflexion paraît nécessaire, sans jamais rien de trop, à la fois
infiniment plastique et infiniment habitée. Ce que l’Amour me dit,
ou Ce que c’est que Béjart, quand il est dansé par de vrais grands
interprètes, dont la présence vous trotte encore dans la tête des heures
et des jours après. Elisabet Ros et Julien Favreau irradient côte à
côte, elle, toujours un peu étrange, créature chtonienne avec des bras
de cygne, des lignes infinies, lui, d’une jeunesse éternelle, absolument
solaire. Le couple se répond tout aussi admirablement dans Chambre séparée, une envolée viennoise au charme décadent, qui laisse entre sourire et larmes.
Daniil Simkin et Yana Salenko dans Stars and stripes
Daniil Simkin est un concept de gala à lui tout
seul. Il s’est fait connaître par les galas, il a grandi avec les galas
et ne renonce toujours pas aux galas, bien qu’attaché à une compagnie
régulière. Si beaucoup ne sont venus que pour applaudir la «bête de
cirque», ses deux prestations prouvent qu’il vaut bien mieux que cette
réputation. En clair, Daniil est, en dépit du public facile et bruyant,
la vraie bonne surprise de ce gala. Il est certes toujours plus ou moins
condamné au registre du virtuose léger et bondissant – et pourquoi pas?
-, mais il a cessé pour cette fois de se la jouer «éternel Puck en
solitaire» dans une énième reprise des Bourgeois
ou des chorégraphies de son papa. Sa virtuosité, fabuleuse et
jouissive, s’est nettement raffinée. Son charme juvénile est intact,
mais il s’est virilisé, ne cabotine pas plus que cela, et est devenu un
partenaire exemplaire pour Yana Salenko, «mademoiselle perfection»,
qui parvient même – miracle! - à exister aux côtés du phénomène, que ce
soit dans Stars and Stripes, qui aurait pu laisser craindre le pire, ou dans le joli duo de La Pluie, qui laisse voir une belle musicalité.
Maria Kochetkova dans Don Quichotte
Les danseurs du San Francisco Ballet, Maria
Kochetkova et Taras Domitro, emportent peut-être, avec ceux du Béjart
Ballet, la mise de l’éclat et de l’émotion combinés. Leur double
prestation, bien pensée, avec un bon équilibre entre lyrisme
néo-classique et pyrotechnie flamboyante, est en tout cas la meilleure
promotion qui soit de la compagnie quelques mois avant sa tournée
parisienne. Maria Kochetkova, petit oiseau délicat à la présence
lumineuse, déploie un merveilleux lyrisme dans Diving into the Lilacs
de Yuri Possokhov. Le duo, manifestement extrait d’une œuvre plus
longue, peut laisser le spectateur sur sa faim, mais qu’importe! Ils
concluent le gala sur un vrai feu d’artifice avec le pas de deux de Don Quichotte.
Maria Kochetkova, dans son sublime tutu Bolchoï, est une Kitri de rêve,
simple, piquante, charmante, à la technique brillante et affûtée. Taras
Dimitro, le beau rebelle de La Havane, lui donne une formidable
réplique, avec des portés, des pirouettes et des sauts éblouissants et
sans effort. Le tout est d’une splendeur absolue - un alcool fort et
bienfaisant inconnu dans nos contrées.
B. Jarrasse © 2013, Dansomanie
Taras Domitro et Maria Kochetkova dans Diving into the lilacs
La Fille Mal Gardée, chor. Jean Dauberval, mus. Louis-Ferdinand Hérold
Madina Basbayeva et Tair Gataunov
Opéra d'Astana
Descamino de Dos, chor. Mattia Russo et Diego Tortelli, mus. Cliff Martinez et Alexander Desplat
Mattia Russo et Daan Vervoort
Compañía Nacional de Danza
Ce que l'amour me dit, chor. Maurice Béjart, mus. Gustav Mahler
Elisabet Ros et Julien Favreau
Béjart Ballet Lausanne
Sturm- Solo, chor. Louis Stiens, mus. Maurice Ravel
Evan McKie
Stuttgarter Ballett
Diving into the lilacs, chor. Youri Possokhov, mus. Boris Tchaïkovski
Maria Kochetkova et Taras Domitro
San Francisco Ballet
Stars and stripes, chor. George Balanchine, mus. John Philip Sousa
Yana Salenko et Daniil Simkin
Staatsballett Berlin /
American Ballet Theatre
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Gwana, chor. Nacho Duato, mus. Alberto Arteche et Javier Paxariño
Kayoko Everhart et Daan Vervoort
Compañía Nacional de Danza
Capriccio - Solo, chor. Douglas Lee, mus. Simeon ten Holt
Evan McKie
Stuttgarter Ballett
Flammes de Paris, chor.Vassili Vaïnonen, mus. Boris Assafiev
Madina Basbayeva et Tair Gataunov
Opéra d'Astana
La Pluie, chor. Annabelle Lopez Ochoa, mus. Jean-Sébastien Bach
Yana Salenko et Daniil Simkin
Staatsballett Berlin /
American Ballet Theatre
Chambre séparée (Wien Wien), chor. Maurice Béjart, mus. Anton Webern et Richard Heuberger
Elisabet Ros et Julien Favreau
Béjart Ballet Lausanne
Don Quichotte - Pas de deux, chor. Marius Petipa, mus. Ludwig Minkus
Maria Kochetkova et Taras Domitro
San Francisco Ballet
Défilé, chor. Nadia Veselova-Tencer
Tous les danseurs
Musique enregistrée
Dimanche 22 septembre 2013, 16h00, Théâtre des Champs-Élysées, Paris
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