haydn Site Admin
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Posté le: Ven Jan 16, 2015 12:24 pm Sujet du message: |
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Les programmes danse du 1er trimestre 2015 au Théâtre de la Ville :
Vincent Dupont / Stéréoscopia création 2014
du 2 au 7 mars 2015 au Théâtre de la Ville
les 16, 17 & 18 avril 2015
à l'Atelier de Paris Carolyn Carlson
TARIF C 19 € // Jeunes - 30 ans 14 € // Jeunes - 14 ans 9 €
LOCATION 2 Place du Châtelet Paris 4 // 31 rue des abbesses Paris 18 // 01 42 74 22 77 // www.theatredelaville-paris.com
Conception : Vincent Dupont
Musique, son : Maxime Fabre
Lumières : Arnaud Lavisse
Dispositif scénique : Vincent Dupont, Sylvain Giraudeau, Marc Chevillon
Costumes : Éric Martin, Morgane Dufour
Avec : Aline Landreau, Ariane Guitton Une étrange sensation, qui peu à peu trouble l’évidence du réel et le presse au seuil de sa disparition. Comme une hésitation des sens, d’abord imperceptible, qui bientôt envahit tout le corps et perce l’épaisseur du temps d’une béance où s’engouffre la pensée, jusqu’au vertige. Croisant approches chorégraphique, théâtrale, sonore, plastique et poétique, Vincent Dupont trame d’insolites expériences qui affolent l’intime perception et révèlent l’invisible des ébats intérieurs. Composant chaque pièce avec une extrême précision, l’artiste procède par impressions, gravées à même l’émotion par la dramaturgie visuelle et sonore où l’interaction des gestes, des images et des sons offre une saisissante immersion sensorielle. Dans Stéréoscopia, création pour des spectateurs à partir de 9 ans, il s’inspire de la technique de Jacopo Chimenti, peintre florentin du XVIe siècle, qui chercha à rendre le relief par la différence entre des dessins du même sujet. Ici, l’écart se joue entre l’espace stéréo, diffusé par des casques audio individuels, et l’espace scope, incarné par deux danseuses. Un écart de haute tension…
Texte : Gwénola David / Théâtre de la Ville
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S’inspirant d’un procédé optique imaginé à la Renaissance, Vincent Dupont met en jeu l’espace visuel et sonore pour questionner la perception du réel.
Avec Stéréoscopia, le chorégraphe Vincent Dupont nous invite à une expérience autour de la vision, de la sensation et de la perception. Ces questions, qui le tarabustent depuis quelques spectacles, sont mises ici en pratique à partir du principe de la stéréoscopie. Un procédé expérimenté à la Renaissance par le peintre florentin Jacopo Chimenti au moyen de deux dessins presque identiques mais très légèrement décalés pour donner l’impression de relief quand on les regarde en même temps. La vision de l’oeil gauche et celle de l’oeil droit sont ainsi dissociées. Les premières lunettes 3D bicolores – rouge à gauche, cyan à droite – ne fonctionnaient pas autrement.
Avec cette nouvelle création, Vincent Dupont propose un protocole similaire. La scène est scindée en deux cadres. Dans chacun d’entre eux, une danseuse. L’une et l’autre, pareillement vêtues et d’apparence semblable, vont investir l’espace de manière synchrone puis légèrement décalée, et enfin de façon autonome jusqu’à l’éclatement du cadre… entraînant sa transformation en cinémascope. On retrouve dans Stéréoscopia un dispositif proche de celui de Jachères improvisations, sa première création réalisée en 2001. Inspiré de la photo d’une installation du plasticien Stan Douglas, cette première proposition chorégraphique visait déjà à questionner la perception du réel en travaillant sur des notions de rapprochement et d’éloignement tant visuelles que sonores. Invité à créer une pièce dans le cadre du réseau BAMBOO dédié à la création pour le jeune public, Vincent Dupont s’est souvenu de ses premières recherches pour Stéréoscopia. Sauf qu’ici le décor est minimal : le plateau blanc et les formes rondes (des ballons, des matelas gonflables) ou coniques qu’on y observe renvoient davantage à un espace mental qu’à un lieu du quotidien.
Stéréoscopia se joue aussi de l’espace sonore : les spectateurs sont équipés de casques audio qui les confinent chacun dans une bulle en même temps qu’ils les relient aux danseuses, dont les mouvements et la respiration sont sonorisés, et à des sons préenregistrés. Au fil du spectacle s’opère un déplacement du son et un écart entre ce que l’on voit et ce que l’on entend. « Il n’y a pas d’histoire », précise Vincent Dupont. Sans point de vue unique, Stéréoscopia en appelle à la perception de chacun. L’espace proposé agit comme une surface de projection et non comme une image arrêtée. « Chacun aura des sensations qui ne seront pas forcément les mêmes que celles des autres, ajoute l’artiste. Il y a quelque chose d’aléatoire et de différent à chaque fois, le spectacle se joue dans l’instant. » Qu’est-ce qu’une image ? Qu’est-ce qu’une vision? Qu’est-ce qu’un cadre ? Autant d’interrogations que ce chorégraphe issu du théâtre et à la pratique largement transdisciplinaire soulève à chaque nouvelle création. Des questions qui s’imposent aussi de fait aux enfants qui vivent dans un monde saturé d’images, et qui s’adressent ici à la conscience d’un spectateur actif.
Texte : Maïa Bouteillet / Théâtre de la Ville
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Vincent Dupont
Vincent Dupont a une formation de comédien. Ses premières rencontres avec la danse furent avec les chorégraphes Thierry Thieû Niang et Georges Appaix. Puis il participe aux créations de Boris Charmatz: Herses, une lente introduction et Con forts fleuve. D’autres collaborations se feront dans le milieu du cinéma, notamment avec Claire Denis. En 2001, il signe sa première chorégraphie: Jachères improvisations, inspiré d’une photo d’une installation du plasticien Stan Douglas, questionne le réel en travaillant sur des notions de rapprochement et d’éloignement tant visuelles que sonores.
Dès lors, tout en continuant à participer aux travaux d’autres artistes, Vincent Dupont mène un travail à la croisée de plusieurs médiums qui déplace les définitions attendues de l’art chorégraphique. Ses créations se posent comme expériences, questions adressées à la perception du spectateur. Avec [dikrömatik], Vincent Dupont concentre son travail sur des matériaux qui contournent l’équilibre sensoriel des spectateurs. Il renouvelle ses collaborations avec Yves Godin et Thierry Balasse pour créer une représentation du vertige, d’un trouble immédiat de la perception. En octobre 2005, aux Laboratoires d’Aubervilliers, il crée Hauts Cris (miniature) qui lui permet d’inscrire le corps comme catalyseur de l’espace et du son pour révéler un état intérieur lié au cri. Incantus, créé en novembre 2007 au CNDC d’Angers, travaille à une matière incantatoire qui appelle les danseurs à affirmer leurs présences et libérer le mouvement. Un appel collectif vers le plateau pour définir les enjeux de l’acte chorégraphique et lui permettre de trouver ses zones de force, ses points d’appui. La SACD a attribué à Vincent Dupont, le Prix “nouveau talent chorégraphie” pour l’année 2007.
Du désir de mettre en jeu d’une autre manière qu’au théâtre la perception des corps, il crée, au printemps 2009, Plongée un film chorégraphique. En faisant appel à des espaces naturels ou inventés, il filme une autre présence des corps dans une chorégraphie de l’image. Souffles, créé en juin 2010 au Phénix scène nationale de Valenciennes dans le cadre du festival Latitudes Contemporaines, tente de révéler une image de la mort en mouvement dans une catharsis du plateau. Avec Bine, installation performance réalisée au printemps 2011, Vincent Dupont confronte le mouvement à l’univers poétique de Charles Pennequin. L’étang suspendu, créé en août 2012 pour le festival Entre cour et jardins approche certaines visions qui nous constituent dans un rapport organique à la nature. Vincent Dupont vient de créer à Nîmes sa dernière pièce. Inspiré par un film de Jean Rouch, Air cherche sa propre transe dans un flux et reflux traversant le public et fait le pari que de cette énergie collective naisse un mouvement unique.
Texte : Théâtre de la Ville
Gregory Maqoma / Exit/Exist reprise
du 17 au 21 mars à 20h30 au Théâtre des Abbesses
Tarif A 26 € // 22 € // Jeunes 16 €
Location 2 Place du Châtelet ParIs 4 // 31 rue des Abbesses Paris 18 //01 42 74 22 77 // www.theatredelaville-paris.com
Chorégraphie & Interprétation : Gregory Maqoma
Composition musicale : Simphiwe Dana
Direction : James Ngcobo
Chant : Xolisile Bongwana, Tobela Mpela, Sizwe Nhlapo, Siphiwe Nkabinde
Animation vidéo : Mileta Postic
Accompagnement guitare & composition : Giuliano Modarelli
Arrangements vocaux & musique additionnelle : Complete Quartet
Voix du texte enregistré : Sbulele Gcilitshana
Création son : Andile Mpahlwa
Costumes : David Tlale
Création lumières : Ralf Nonn, Alban Rouge
Création décor : Oliver Hauser
Déjà acclamée aux Abbesses au printemps 2013, la pièce Exit/Exist y revient, alors que le Théâtre de la Ville en pilote une large tournée. Gregory Maqoma présente l’un des plus beaux tempéraments de la riche scène chorégraphique d’Afrique du Sud, dans sa forte carrure et gestuelle de toute clarté. Son solo dansé doit aussi beaucoup au théâtre, au chant, à la musique et à la vidéo. L’artiste évoque la mémoire de l’un de ses ancêtres : Jongumbsobomvu Maqoma, chef Khosa et rebelle du XVIIIe siècle, mort en prison. Son lointain descendant s’engage
aujourd’hui sur scène comme s’il enfourchait une machine à remonter le temps. Cette leçon d’histoire vivante impressionne. Mais au-delà des changements de costumes, d’accessoires, de rituels, ce dépouillement du temps couche à couche fait fi de tout confinement dans un lignage univoque. Il révèle le corps dansant comme toujours déjà animé d’une multitude de corps, dépliés sous les regards. Soit une idée toute contemporaine de l’identité composite.
Texte : Gérard Mayen / Théâtre de la Ville
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figure de proue de la danse sud-africaine actuelle, Gregory Maqoma « invente » la figure d’un chef tribal du XIXe siècle, héros de la lutte anti-coloniale.
Il est un point qui ne fait pas de doute. Jongumsobomvu Maqoma fut un héros : né en 1778, chef parmi les plus renommés des Xhosas, arrêté dans le contexte de rudes transactions avec les colons anglais, mort en prison en 1873. Il est un point qui fait question: comment Gregory Maqoma peut, en 2012, évoquer cet ancêtre, qui a pris la taille d’un monument dans les mémoires ? Gregory Maqoma, chorégraphe et danseur, est l’une des figures de proue de la danse sud-africaine actuelle ; autrement dit, du paysage chorégraphique mondial. Issu des mouvements de danse ayant grandis dans la résistance à l’apartheid, il a épousé la formation de l’école P.A.R.T.S. (créée par Anne Teresa De Keersmaeker à Bruxelles). Coutumier du circuit international de la danse, sa pièce Exit/Exist a rencontré un tel succès que le Théâtre de la Ville la reprogramme cette saison, après l’avoir déjà montrée en 2013. L’image la plus proche de ce qu’est aujourd’hui Maqoma, réside sans doute dans celle qu’il donne en entrée de ce solo, celle d’un jeune urbain élégant, dont le swing s’équilibre au milligramme. À partir de là, comment se projeter vers la figure du chef tribal du XIXe siècle, ce héros, sans produire une danse monumentale, figée, édificatrice – à tous les sens du terme ? Question toute contemporaine. Il faut choisir. Ou bien on croit en un rapport de filiation linéaire, univoque et par voie descendante ; qu’on en découle, par héritage. Ou bien on envisage qu’un ancêtre est tel que nous le construisons, tout à rebours d’hypothèses et de flottements fluctuants ; et que cela s’invente, se fabrique, s’essaie. En solo, choralement accompagné, Gregory Maqoma a manifestement choisi cette deuxième option. Fût-il hommage, son spectacle est composé de temps séparés, tuilés, où semble déambuler un corps tout d’ouvertures. D’amples et douces rhétoriques de girations des bras sont portées haut et flottantes, loin au-dessus des partitions sophistiquées de pas, ancrés. Si la danse de Maqoma est des plus subtiles, ondoyantes et délicates, elle est celle d’un corps non clos, disponible et relié ; qui révèle. Elle ne fait pas icône. Elle déploie l’imaginaire. Ainsi se construit un ancêtre de liens, par danse qui revient de très loin. Parfois, la circulation dans le temps, non linéaire, cristallise dans la condensation d’un présent intensifié de pratiques rituelles, non éternelles, mais absentées du cours platement chronologique qui irait du passé au futur. Ces pratiques opèrent au contact de matières, terreuses, liquides, textiles. Il est à voir ce lien aux traces, aux marques, aux objets : si Gregory Maqoma change de costume, alors il met autant de temps, d’attention, à se dépouiller de l’ancien qu’il en mettra à enfiler le nouveau. C’est dire l’importance de la métamorphose, du travestissement, dans la construction de soi à travers l’autre, par projections couche à couche. Le titre de tout cela : Exit/Exist. Soit les notions de sortir et d’exister. Mais sortir de quoi ? Exister comment ? Alors : produire sa mémoire, comme on construit sa vie.
Texte : Gérard Mayen / Théâtre de la Ville
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Gregory Maqoma
Danseur, chorégraphe et pédagogue, Gregory Maqoma est considéré comme l’un des plus talentueux artistes de la nouvelle génération en Afrique du Sud. Né à Johannesburg en 1973, il intègre la compagnie Moving into Dance, créée par Sylvia Glasser. En 1994, sa première création pour la compagnie remporte le prix FNB Vita Pick of the Fringe; un an plus tard, il est lauréat, cette fois dans la catégorie Stepping Stones. En 1998, il reçoit une bourse pour créer Layers of Time, son dernier travail au sein de Moving into Dance. En 1999, il fonde le Vuyani dance Theater pendant qu’il étudie à P.A.R.T.S. (Performing Arts Research and Training School), en Belgique. Gregory Maqoma crée la pièce Rhythm 1.2.3 pour laquelle il est élu chorégraphe de l’année 2000 par le Festival Dance Umbrella de Johannesburg. La même année, il chorégraphie Rhythm Blues, collabore avec Faustin Linyekula pour le projet Tales of the Mud Wall présenté au festival Impuls-Tanz à Vienne et participe au projet New directions pour le Stan dard Bank National Arts Festival. Au Centre national de la danse, il présente Southern Comfort en 2002, Miss Thandi en 2003 et Beautiful en 2005, premier volet d’une trilogie, que conclut Beautiful Me. On a également pu voir Gregory Maqoma dans l’éblouissant Variations for vibes, strings & pianos, chorégraphié par Akram Khan, à l’occasion du soixante-dixième anniversaire du compositeur américain Steve Reich en 2006 à la Cité de la musique avec le London Sinfonietta. Les pièces de Gregory Maqoma sont programmées en Afrique, en Europe, aux États Unis et en Amérique du Sud. Il est directeur artistique associé de l’édition 2010 du FNB Dance Umbrella Festival et sa collaboration avec James Ngcobo démarre en 2008 avec The Lion and the Jewel et The Hill de Zakes Mda. Elle se poursuit en 2009 avec Crazy for Jazz et Thirst. Au cours de la même année, il est également sélectionné en tant que chorégraphe officiel du Sommet mondial des arts et de la culture où il présente 3 Colours avec Brett Bailey. En 2010, dans le cadre du Hugh Masekela project, Gregory Maqoma crée Songs of Migration, une production du Market Theatre, en collaboration avec James Ngcobo. En juin 2010, il chorégraphie le concert d’ouverture de la Coupe du Monde de football, à Johannesburg, sa ville natale. En 2011, Sunjata, nouvelle collaboration avec James Ngcobo, produite par le Market Theatre, voit le jour. Southern Bound Comfort, création de Gregory Maqoma et Sidi Larbi Cherkaoui, est actuellement en tournée.
Texte : Théâtre de la Ville
Robyn Orlin / « At the same time we were pointing a finger at you, we realized we were pointing three at ourselves… » création 2014
Du 25 au 28 mars à 20h30 - dimanche 29 mars à 15h au Théâtre de la Ville
Samedi 11 avril à 19h - dimanche 12 avril à 15h & 18h30 au Centquatre
TARIF B 30 € // Jeunes - 30 ans 27 € // Jeunes - 14 ans 18 €
LOCATION 2 Place du Châtelet Paris 4 // 31 rue des abbesses Paris 18 // 01 42 74 22 77 // www.theatredelaville-paris.com
Une proposition de Robyn Orlin
Avec la compagnie JANT-BI / Germaine Acogny
Création lumières : Laïs Foulc
Création costumes : Birgit Neppl
Vidéo : Aldo Lee
Scénographie : Robyn Orlin en collaboration avec Maciej Fiszer
Avec : Hans Peter, Diop Ibaghino, Khalifa Ababacar Top, Adelinou Dasylva, Tchébé Bertrand Saky, Claude Marius Gomis, Aliou Ndoye, Mamadou Baldé, Mohamed Abdoulaye Kane Difficile d’imaginer contraste plus marqué que celui existant entre Germaine Acogny et Robyn Orlin. Toutes deux chorégraphes. Toutes deux africaines. Et de très fort tempérament. Germaine Acogny est héritière de Maurice Béjart, conceptrice d’une codification des pas de la danse moderne du continent noir. Depuis 1998 sur la côte du Sénégal, elle surmonte tous les obstacles pour assurer la permanence de l’École des Sables, où elle reçoit de jeunes danseurs de toute l’Afrique. Robyn Orlin est sud-africaine, blanche, expérimentatrice des écritures scéniques de la performance. Ainsi décape-t-elle les représentations post-coloniales de la société de l’après-apartheid. Sans ménagement, avec un humour féroce, elle bouscule les images installées, y compris celles que les Noirs aiment entretenir d’eux-mêmes. Quand la première invite la seconde à chorégraphier une pièce avec les meilleurs éléments qu’elle a formés, on pressent une rencontre explosive. Au meilleur sens du terme.
Texte : Gérard Mayen / Théâtre de la Ville
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La sud-africaine Robyn Orlin chorégraphie les danseurs masculins de la compagnie sénégalaise Germaine Acogny. Une rencontre qui met en jeu une expérience possible de l’altérité.
Danse contemporaine : voilà une expression qui n’en dit pas assez. « Contemporaine » parle de temporalité – un temps en commun, notre temps –, mais ne dit mot sur l’espace. Comment traiter du temps, sans traiter de l’espace, surtout quand il s’agit de danse – l’art, par excellence, de la conjugaison poétique de ces deux paramètres ? Ainsi parle-t-on d’une danse contemporaine africaine, en oubliant d’envisager l’espace de sa construction imaginaire. L’Afrique des motifs culturels mondialisés n’est-elle pas aussi active à New York ou à Trappes, qu’à Dakar et Johannesburg ? Mobile, jamais arrêtée, reconfigurée. Ça n’est pas tout. Même à ne parler que du continent noir, géographiquement, combien de diversités resterait-il à envisager ? Il y a bien autant de distance – on parle ici de traits civilisationnels – entre un Sud-Africain et un Sénégalais qu’entre un Sicilien et un Estonien. Des questions de ce genre viennent se bousculer sur le plateau d’At the Same Time…, la nouvelle pièce de Robyn Orlin. Dans les esprits, cette chorégraphe est la figure de l’artiste blanche dans l’ère post-apartheid de l’Afrique du Sud. Or, les danseurs d’At the Same Time… sont tout autres. Sénégalais, ils sont les éléments masculins de la Compagnie Jant-Bi, dirigée par la chorégraphe Germaine Acogny, qui en puise les effectifs parmi les meilleurs élèves formés dans son École des Sables, fondée en 1998. Germaine Acogny et Robyn Orlin? Voici une rencontre au sommet, entre deux univers fort distincts dans la modernité africaine. Héritière de Béjart, Germaine Acogny a fondé une visée universaliste puisant dans les traditions dansées d’Afrique de l’Ouest ; la culture magnifiée de la négritude n’en est pas loin. Dans le contexte anglo-saxon de l’Afrique du Sud, Robyn Orlin est plus proche de la performance, pour bousculer joyeusement les signes, parfois terribles, de la société post-apartheid. Se déplaçant jusqu’à Dakar, Robyn Orlin effectue un grand déplacement à la rencontre d’artistes chorégraphiques très différents. Y a-t-il un corps africain? L’Occident en a dressé deux gammes de clichés : soit un corps puissant, avantageux, érotisé ; soit un corps souffrant, martyrisé, frappé d’épidémie. Mais que serait, de la part des artistes africains eux-mêmes, l’invention d’une politique et d’une parole de leurs corps ? Le fléau du viol des femmes, ou une forte homophobie, sont dans la tête de la chorégraphe. Il lui fallait écouter le vécu de ses nouveaux interprètes, capter leurs visions du monde, élaborer un langage scénique qui les révèle, et bouscule. La tradition de la danse du faux lion sera alors le déclencheur de la rencontre imaginaire. Cette danse met en jeu la bravoure de chacun. Autant dire qu’elle le ramène à l’épreuve de ses peurs enfouies. Par là s’est glissée une expérience possible de l’altérité ; dont celle des glissements dans les performances de genres. Il n’est d’Afrique qu’en proie aux circulations contemporaines.
Texte : Gérard Mayen / Théâtre de la Ville
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Robyn Orlin
Née en 1955 à Johannesburg, Robyn Orlin a suivi les cours à laLondon School of Contemporary Dance de 1975 à 1980, puis ceux de la School of the Art Institute of Chicago de 1990 à 1995, où elle obtient un master. Elle a présenté sa première performance à Johannesburg en 1980. Surnommée en Afrique du Sud « l’irritation permanente », elle relève, à travers son œuvre, la réalité difficile et complexe de son pays. Elle y intègre diverses expressions artistiques (texte, vidéo, arts plastiques…), afin d’explorer une certaine théâtralité qui se reflète dans son vocabulaire chorégraphique. On lui doit notamment Naked on a goat (1996), Orpheus… I mean Euridice… I mean the natural history of a chorus girl (1998), qui a obtenu le prix FNB Vita. Daddy, I’ve seen this piece six times before and I still don’t know why they’re hurting each other (1999) qui a obtenu le Laurence Olivier Award de la réalisation la plus marquante de l’année et We must eat our suckers with the wrappers on, pièce sur les ravages du SIDA en Afrique du Sud. De septembre 2005 à la fin 2007, Robyn Orlin a été accueillie en résidence au Centre national de la Danse de Pantin. Elle a mis en scène L’Allegro, il penseroso ed il moderato de Haendel à l’Opéra national de Paris, dont la première a eu lieu le 23 avril 2007. Dressed to kill… killed to dress… pour des Swenkas sud-africains, a été créée en février 2008 au Festival Dance Umbrella de Johannesburg et a été présenté en tournée européenne (Paris, Liège, Luxembourg, Bruxelles, Vienne…) Robyn a créé une mise en scène de Porgy & Bess à l’Opéra Comique à Paris en juin 2008. Walking next to our shoes… intoxicated by strawberries and cream, we enter continents without knocking… met en scène les chanteurs de la chorale Phuphuma Love Minus et a été créée en février 2009 au festival Dance Umbrella de Johannesburg et reprise dans le cadre du Festival Banlieues Bleues au Théâtre Gérard Philipe de Saint Denis. En septembre 2009, Robyn Orlin a crée une pièce au Louvre, avec huit gardiens du musée : Baby-sitting Petit Louis. En 2010 elle crée un solo avec le danseur de hip-hop Ibrahim Sissoko : Call it… kissed by the sun… better still the revenge of geography et reprend Daddy… au festival Les Hivernales à Avignon et à la Grande Halle de la Villette à Paris. Sa pièce sur Sara Baartman la Venus noire créée novembre 2011, «… have you hugged, kissed and respected your brown Venus today? » au Grand Théâtre du Luxembourg a fait l’objet d’une grande tournée internationale. Beauty remained for just a moment then returned gently to her starting position… créée dans le cadre de la Biennale de Lyon en septembre 2012 fut le spectacle d’ouverture de la saison Sud Africaine en France le 28 mai 2013 au Théâtre nationale de Chaillot. En novembre 2013, elle crée « In a world full of butterflies, it takes balls to be a caterpillar… some thoughts on falling… », deux solos pour Eric Languet et Elisabeth Bakambamba Tambwe à La Réunion et crée en 2014 dans le cadre du festival d’Avignon une pièce avec les danseurs de l’École des Sable de Germaine Acogny, « At the same time we were pointing a finger at you, we realized we were pointing three at ourselves… ». C’est en coproduction avec l’INA et ARTE qu’elle a réalisé en octobre 2004 son premier film Histoires cachées, sales histoires. En 1999, elle a obtenu le troisième prix aux Rencontres chorégraphiques de l’Afrique, et en 2000 le prix Jan Fabre de l’œuvre la plus subversive aux Rencontres Chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis. Robyn Orlin a été nommée Chevalier dans l’Ordre national du Mérite le 28 février 2009 par Denis Pietton, Ambassadeur de France à Johannesburg.
Texte : Théâtre de la Ville
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22166
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Posté le: Ven Mai 15, 2015 6:01 pm Sujet du message: |
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Nelken
Tanztheater Wuppertal
Théâtre du Châtelet
12 mai 2015
Il est des œuvres chorégraphiques qui s'imposent d'abord par une image. Une image tellement forte qu'elle tend à éclipser ou à affadir tout le reste - un spectacle en soi. Nelken et son champ d’œillets à l'éclat aveuglant, imaginé par Peter Pabst en 1982, est de celles-ci, plus encore peut-être qu'une autre. En pénétrant dans la salle, on découvre les spectateurs déjà massés autour de la scène, s'approchant tour à tour de cet impressionnant parterre de fleurs sagement alignées, non pour en humer les parfums – factices -, mais pour le prendre en photo. Plan large sur le jardin, plan rapproché sur les fleurs ou vision en contre-plongée, Nelken est cette image pieuse que l'on aimera garder, révérer, partager et montrer à travers l'infini dédale des réseaux sociaux. Par là, on pourra signifier au monde virtuel que l'on était de cette grand-messe bauschienne, où les spectateurs sont invités à sortir de la salle au bras des interprètes ou à se lever et à répéter les gestes montrés par l'un d'entre eux. Gestes de communion fraternelle, gestes de célébration du génie de Pina Bausch et de l’œuvre consacrée culte, gestes rituels propres à composer une liturgie des temps modernes, à laquelle il semblerait bien mal venu de ne pas adhérer. A ce stade de la pièce, les quelques récalcitrants - ces hommes de peu de foi - ont, à vrai dire, déjà quitté les lieux.
Rétrospectivement, ce plateau pointilliste, piqueté de taches roses en camaïeu, apparaît comme le tableau d'un paradis perdu, l'image d'un monde d'ordre, tout de douceur et de beauté, sur lequel viennent s'agiter les créatures étranges du Tantheater Wuppertal, avec leurs longues robes de soie, leurs costumes d'un autre temps, leurs cravates sombres. On enjambe les fleurs délicatement, puis on les piétine et l'on finit par les écraser sans aucun égard. Le jardin est ainsi d'abord l'écrin printanier du repos et de la quiétude, vécus au rythme de Wie schön ist die Welt, mélodie suave au charme désuet tirée d'une opérette de Franz Lehar. Elle se fait par la suite champ de bataille, ou plutôt champ d'incohérence, de travestissement et de folie, auquel font écho les accords tragiques du quatuor de Schubert, La Jeune Fille et la Mort. Les objets, démultipliés, sont ici comme le prolongement naturel du chaos humain : on déplace des chaises, on remue des tables, on empile des cartons au pied d'échafaudages... avant que tout s'écroule dans un fracas de fin des temps. Nelken est ce ballet d'images insolites, sur fond d'airs nostalgiques, où une longue fille rêveuse et presque nue à l'accordéon plaqué sur le torse peut croiser, sans même le savoir, une géante hystérique en cheveux ou un homme cravaté mimant en langage des signes The Man I Love de Gershwin.
Il est difficile de raconter Nelken qui, conformément au principe du Tanztheater, se construit autour de séquences, où l'on circule sans jamais savoir où elles vont, chacune, nous mener : autant de petites tranches de vie bizarres, un brin surréalistes, un brin absurdes, tiraillées entre le rire et les larmes, le grotesque et la mélancolie, et d'où naît tantôt une émotion indescriptible, tantôt une incompréhension résolue, tantôt... un incommensurable ennui – que celui qui ne l'a à nul moment ressenti lève le doigt! Certaines vous happent, comme le monologue gerschwinesque en langue des signes, véritable leitmotiv de l’œuvre, ou le final durant lequel chaque interprète vient confesser l'origine de sa vocation de danseur (« j'ai vu à sept ans un couple danser la polka et j'ai eu l'impression qu'ils volaient » - n'est-il pas plus belle raison?). Certaines vous font rire, comme la démonstration de vaine virtuosité (« vous en voulez des grands jetés ? Et des déboulés? ») ou le passage burlesque – un peu longuet certes - de « 1-2-3 Soleil » avec sa cacophonie de voix venues de tous les coins du monde. D'autres, au contraire, comme échappées de quelque spectacle de fin d'année raté, achoppent et peinent à susciter autre chose qu'une gêne ou un bâillement furtif : au hasard, les épluchages d'oignons (ou pommes de terre) et autres séances de chatouille, associée à la récitation d'un « Notre Père ». Quoi qu'il en soit, il n'y a pas lieu de clore le sens en cherchant à tout prix à interpréter ces figures ou ces saynètes en fonction de l'actualité, que ce soit celle du présent ou celle du passé plus lointain. Nelken n'est pas – dieu merci - une pièce à message, et dans ces contes de la folie ordinaire, dans ces images éclatées, fragmentées, dérisoires du tragique de l'existence, chacun devrait pouvoir se laisser aller librement à partager - ou à résister - à l'émotion, sans doute universelle, qu'elles portent, à projeter et à aimer – ou non - ce qu'il veut y voir. Et puis, par-delà ces séquences, dont la résonance peut sembler parfois faire défaut, il reste cette extraordinaire atmosphère fellinienne, ce parfum unique de fin de partie ou de bal au petit matin, qui est comme la marque de fabrique de Pina Bausch, concrétisé par des guirlandes chorégraphiques aux entrelacs subtils, farandoles de danseurs habillés pour un grand soir qui n'adviendra jamais, malgré tout voguant - chantant et dansant - ensemble sur le navire de l'existence. Le petit monde de Pina devient dans ces moments un univers en soi, un univers parallèle et néanmoins familier qui vous trotte dans la tête longtemps après la fin du spectacle.

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