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sophia
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Posté le: Mar Juil 09, 2013 5:04 pm Sujet du message: |
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Avant de découvrir le programme mixte ce soir, voici mes impressions sur la Soirée Hommage à Rudolf Noureev (5 juillet) :
Le Ballet de l'Opéra de Vienne, invité cette année des Etés de la danse, arrive à point nommé à Paris. Il y a bien sûr l'anniversaire Noureev, et ses cascades d'hommages obligés, mais il y a aussi des raisons plus franco-françaises. Manuel Legris a repris en 2010 la direction de la troupe viennoise et depuis, la presse française, qui l'ignorait jusqu'alors superbement comme elle sait si bien le faire, n'a cessé de nous en vanter les mérites - effet Opéra de Paris oblige -, quitte à sombrer parfois dans un manichéisme outrancier (le Ballet de Vienne sous Legris ou le passage de l'ombre à la lumière!?...). Dans un contexte plutôt défavorable pour la danse - Vienne demeure une capitale majeure pour l'opéra, pas pour le ballet -, Manuel Legris aurait ainsi réussi à dépoussiérer et à infuser un sang neuf à une compagnie certes bien implantée, mais réputée pour son conservatisme - faute suprême pour notre bonne presse. Marie-Antoinette, représenté en 2011 à l'Opéra royal de Versailles, avait certes donné à voir aux Français une superbe compagnie, mais le ballet de Patrick de Bana n'avait pas suffisamment d'épaisseur pour qu'on puisse en dire plus. Une longue tournée de trois semaines à Paris est donc une bonne occasion d'en découvrir davantage et de vérifier par soi-même tout le bien qu'on dit d'elle.
La tournée s'ouvrait tout naturellement sur un gala en hommage à Rudolf Noureev, dont Manuel Legris reste l'un des derniers disciples officiels, l'un des derniers fils spirituels revendiqués. Noureev, citoyen du monde, entretenait par ailleurs des liens particuliers avec Vienne : il y a beaucoup dansé et il y a notamment monté, en 1964, son fameux Lac des cygnes, filmé avec lui-même et Margot Fonteyn, ainsi que son premier Don Quichotte, en 1966. Plus anecdotique, Noureev avait acquis, à la fin de sa vie, la nationalité autrichienne.
Après l’hommage paresseux, pour ne pas dire indigne, de l'Opéra de Paris et le gala du Palais des Congrès, réunissant toute la fine fleur de la danse mondiale, la programmation de cette soirée séduit incontestablement par sa générosité et par sa richesse. Près de trois heures de gala, des raretés, des pièces inédites, de vrais ensembles, on sent qu’un effort a été fait pour sortir des sentiers battus, échapper à la mécanique des pas des deux et redonner du sens à l’exercice un peu compassé du gala. Les différents visages de Noureev s’y font jour : le jeune danseur bondissant du Kirov, avec le pas de six de Laurencia ou Le Corsaire, le directeur de l’Opéra de Paris, avec Before Nightfall ou Bach Suite III, ou encore le chorégraphe – la résurrection du pas de cinq du Lac viennois, c’est bien vu. Au fil de la soirée, on découvre simultanément la diversité stylistique des solistes de la compagnie viennoise. Manuel Legris a du reste eu la bonne idée de présenter ses interprètes, filmés en répétition dans les (magnifiques) studios de la Staatsoper, par le biais de courtes vidéos diffusées en prélude à chaque pièce. On croise là beaucoup de Russes - ou apparentés -, quelques Japonais montants, une jeune garde autrichienne, mais c’est finalement davantage les multiples talents individuels qui ressortent, avec leur profil bien marqué, qu’un ensemble très unifié, doté d'une couleur spécifique. Qu’y a-t-il d’ailleurs de commun entre le jeune plébéien fougueux Denys Cherevychko, formé en partie à Munich, et la princesse de la Néva Olga Esina?
Ces constats faits, il faut bien avouer que le gala laisse en lui-même un sentiment mitigé – au moins dans sa première partie. Peut-être a-t-on trop vu les danseurs du Bolchoï? Le pas de six de Laurencia, grand tube du Noureev de Léningrad, ouvre le spectacle et pâtit effectivement de ce genre de confrontation, faisant passer peu ou prou les danseurs viennois pour d'aimables provinciaux. Une vraie bonne idée pourtant, d’autant qu’on ne le voit jamais dansé en Occident. Denys Cherevychko et Kiyoka Hashimoto ont sans doute toutes les qualités pyrotechniques qu’il faut pour aborder ce style de bravoure bien oublié aujourd’hui, mais il manque là quelque chose comme l’alchimie, la joie de danser ensemble, le naturel, par delà les soucis, finalement mineurs, de synchronie entre les danseurs. Before Nightfall de Nils Christe, mené par le couple très habité Ketevan Papava / Eno Peci, met davantage en valeur l’expressivité des danseurs, mais se révèle malheureusement un interminable pensum. On pense au MacMillan de Gloria, à ces pièces lyriques et sombres inscrites sur fond de tragédie ou de catastrophe universelle, mais voilà, l’écriture chorégraphique n’est pas exactement du même niveau ni ne porte la même intensité. La Chauve-Souris est surtout l’occasion d’admirer Olga Esina – et quelle apparition! Une présence lumineuse, une beauté et des lignes à se damner, elle sublime littéralement ce duo qui n’est franchement pas du meilleur goût – ni du meilleur Petit. N’était-il pas un peu trop ambitieux de programmer pour ce gala The Vertiginous Thrill of Exactitude? Si les deux garçons, Davide Dato et Masayu Kimoto, sont absolument brillants et nous donnent envie de les revoir très vite, les danseuses, en revanche, notamment la jeune Prisca Zeisel et Irina Tsymbal, paraissent cruellement dépassées par la rapidité et la technicité de la chorégraphie. Le pas de deux de La Belle au bois dormant conclut enfin la première partie sans plus nous emporter. Robert Gabdullin – un vrai beau physique de Tatar! - porte un costume bien trop lourd, qui l’engonce et semble le coller au sol. On sent pourtant chez lui une personnalité intéressante, une élégance à part. Maria Yakovleva, surtout soucieuse de sa technique et de son bas de jambe, déçoit au fond davantage, avec une danse précise, mais manquant singulièrement de moelleux et de charme classique.
Heureux changement de tonalité pour la deuxième partie du gala, mieux composée peut-être, qui s’avère beaucoup plus satisfaisante du côté de la danse. Le pas de deux de Rubis n’est peut-être pas interprété avec un grand relief, mais au moins Nina Poláková, grande liane brune et sensuelle, se laisse-t-elle aller à danser vraiment avec son partenaire. Tout d’un coup, grâce à elle, le gala, tendu jusqu’à la corde, a l’air de se décoincer. Belle réussite également pour ce pas de cinq oublié, tiré du Lac des cygnes viennois de 1964, en dépit de costumes jaune canari très kitsch. La chorégraphie, sur un patchwork de musiques tirées de l’acte III (dont celles utilisées par Balanchine pour le Tchaïkovsky pas de deux), n’est certes pas impérissable – les réfractaires au style Noureev y trouveront sans aucun doute du grain à moudre -, mais les danseurs y semblent enfin à l’unisson – parfaitement à leur aise dans le style du chorégraphe. Le Prince – Vladimir Shishov, un peu à l’économie sur ce coup-là – y danse entouré de deux couples de solistes qui m’ont paru excellents chacun et agréablement contrastés, notamment grâce aux filles, Ioanna Avraam, pleine de piquant, et Natasha Mair, pleine de fraîcheur. Humour et musicalité jazzy sont au rendez-vous du duo Black Cake interprété avec beaucoup de «chien» par Irina Tsymbal et Eno Peci. On ne pourra que déplorer ici le mauvais goût récurrent de Hans Van Manen en matière de costumes masculins... Le Corsaire de Yakovleva et Cherevychko a le grand mérite de réveiller, en fin de parcours, une assistance plutôt assoupie jusque-là. Cherevychko, notamment, possède tout ce qu’il faut pour embraser une assistance, des pirouettes en cascade aux multi-révoltades en passant par les figures qui n’ont de nom dans aucune langue – et tout cela, disons-le, exécuté avec une grande propreté et une musicalité impeccable. Peut-on émettre néanmoins quelques réserves? Cet attirail circassien en soi ne me fait pas peur, j’adore Ivan Vassiliev et tous les Cubains, je dédaigne le dédain de la virtuosité, mais je trouve quand même qu’il travaille trop en force, que l’intention démonstrative est chez lui par trop visible et le regard - et le port de tête - par trop frondeur – bref, je n’ai pas eu un instant les poils qui se sont dressés. Aussi ai-je trouvé bien plus judicieux de terminer le gala, plutôt que sur ce Corsaire tonitruant, sur Bach Suite III, une pièce pour dix danseurs signée Neumeier. Apaisée et solaire, lyrique et virtuose, elle déploie des ensembles très harmonieux tout en mettant en valeur le couple formé de Kirill Kourlaev et Olga Esina - lui, superbe de puissance et de félinité conjugués, elle, sans conteste la reine de la soirée.
Dernière édition par sophia le Mer Juil 10, 2013 10:44 am; édité 1 fois |
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22163
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Posté le: Mar Juil 09, 2013 11:15 pm Sujet du message: |
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Eh bien, j'étais peut-être un public facile ce soir, mais je conseille fortement ce programme mixte, qui ne m'emballait pas au départ (il suffit de remonter quelques posts plus haut), à tous ceux que le gala a déçu ou laissé sur leur faim... Vu de Paris, on pourra toujours trouver à redire sur le choix des chorégraphies, du néo-classique néo-Forsythe néo-Béjart lisse et sans risques, mais après tout, pourquoi pas? L'ensemble est d'une grande cohésion stylistique, d'une efficacité certaine, avec une vraie tension maintenue au fil des pièces et de la soirée, et l'énergie des danseurs y est magnifique à voir. A préférer à Signes et sa mystique Obao, définitivement out!
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paco
Inscrit le: 28 Oct 2005 Messages: 3624
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Gabriele Steidler
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 869
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22163
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Posté le: Mer Juil 10, 2013 10:03 am Sujet du message: |
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Manuel Legris invité du Journal de la Culture sur France 24 (il a dû être content, le Manuel, de devoir subir le reportage sur Millepied juste après...).
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Ambrine
Inscrit le: 10 Déc 2008 Messages: 297
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Gagar
Inscrit le: 06 Mai 2011 Messages: 94
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22163
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paco
Inscrit le: 28 Oct 2005 Messages: 3624
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Posté le: Jeu Juil 11, 2013 7:44 pm Sujet du message: |
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Ca m'a bien amusé de lire cette citation, et c'est tout à l'honneur des Etés de la Danse, qui est une des rares institutions avec le ROH à avoir compris que c'est sur la blogosphère que ça se passe aujourd'hui... (à quand des citations de dansomanie par le TCE ou l'ONP, je doute que ça se produise un jour,...)
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Elaine
Inscrit le: 08 Mar 2012 Messages: 48
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Posté le: Jeu Juil 11, 2013 8:20 pm Sujet du message: |
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Jeudi 11 juillet, répétition publique à 13h
Beaucoup de monde pour assister à la répétition de ce midi. Durant 1h30, les danseurs ont travaillé pour le spectacle du soir le programme mixte contemporain et néo-classique. C'est une occasion à ne pas manquer de voir des professionnels en tenue de travail accompagnés de leurs répétiteurs. On ne peut juger de la prestation qui sera donnée ce soir, les mouvements étant évidemment souvent marqués, ou non finis. Les extraits des 4 pièces répétées ne m'ont en tout cas pas enthousiasmée, et le public baillait autour de moi au bout d'une heure. La chorégraphie de D. Dawson, A Million Kisses to my Skin (musique Bach) a bien commencé le programme, mais la suite a été plus décevante. Le ballet Eventide de Helen Pickett sur une musique minimaliste de Glass et indoue de Shankar a été repris plusieurs fois pour des questions de placement par exemple, et il semblait assez terne. Les deux dernières pièces ont été assez peu montrées car le temps passait. Quelques solistes se détachaient, quelques personnalités, mais l'ensemble donnait l'impression d'être inégal, les physiques et les écoles manquaient d'unité. Je lirai avec curiosité les commentaires de ce soir!
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26657
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Posté le: Jeu Juil 11, 2013 8:47 pm Sujet du message: |
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paco a écrit: |
Ca m'a bien amusé de lire cette citation, et c'est tout à l'honneur des Etés de la Danse, qui est une des rares institutions avec le ROH à avoir compris que c'est sur la blogosphère que ça se passe aujourd'hui... (à quand des citations de dansomanie par le TCE ou l'ONP, je doute que ça se produise un jour,...) |
Le service de presse du TCE est toujours très prévenant envers Dansomanie, et répercute presque systématiquement les informations que nous donnons via le compte twitter du théâtre. Ils ont d'ailleurs "re-tweeté" quasi intégralement le live-tweet que nous avions réalisé lors des deux jours de conférence consacrés au centenaire du Sacre du Printemps.
L'Opéra de Paris, depuis quelques temps, "re-tweete" également de manière plus ou moins régulière les bloggers, et ils ont même mis un lien vers la transcription de la conférence de Pierre Lacotte sur La Sylphide que Sophia avait rédigée pour Dansomanie. Je n'en n'avais pas cru mes yeux...
Le ROH est un peu particulier, car c'est le seul théâtre que je connaisse qui ose répondre publiquement aux doléances de spectateurs mécontents. Mais on ne peut tout de même pas attendre des attachés de presse qu'ils poussent l'abnégation jusqu'à débiner les productions de la maison qui les emploie, même si l'abus de communiqués triomphalistes prête parfois à sourire. |
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paco
Inscrit le: 28 Oct 2005 Messages: 3624
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Florestiano
Inscrit le: 28 Mai 2010 Messages: 1802
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Posté le: Jeu Juil 11, 2013 10:00 pm Sujet du message: |
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Pour être plus précis, haydn, les social media managers du ROH (sur les réseaux sociaux comme sur le site) ne sont pas amenés à débiner les productions, puisqu'ils ne répondent en principe pas aux critiques de fond des productions qui sont proposées par la maison. Ils ont juste la politesse et la clairvoyance d'expliquer, en réponse aux doléances, le pourquoi des décisions qui sont prises et les contraintes qui s'y attachent - et dans les cas les plus aigus, c'est même Kasper soi-même qui s'y colle ; voir par exemple la défection d'Anja Harteros dans Don Carlo (il faut dire que les stats d'annulation de sa part sur les trois dernières saisons étaient hallucinantes).
Ils font tous preuve non pas d'auto-flagellation mais de grande pédagogie et de respect envers spectateurs légitimement énervés - et c'est bien connu que dès lors qu'une situation est comprise, les réactions au départ hystériques s'apaisent...
D'autres préfèrent hurler au "triomphe" à tout va, que l'accueil soit très chaleureux ou simplement poli, et s'estimer au dessus de toute critique. C'est une approche comme une autre.
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22163
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Posté le: Jeu Juil 11, 2013 11:41 pm Sujet du message: |
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Ne vous excitez pas trop, paco! Il y a bien parfois quelques tentatives de retouitages d'articles, enfin d'autre chose que de formules ravies à la gloire de l'institution, mais rien au fond n'a vraiment changé. Surtout, ce que je ne comprends pas, c'est qu'ils ont l'air de ne jamais répondre aux questions du bas peuple des spectateurs, y compris les plus anodines et dénuées d'arrière-pensées. C'est un peu... féodal?
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22163
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Posté le: Ven Juil 12, 2013 8:57 am Sujet du message: |
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