Soirée Danseurs Chorégraphes [Amphi Bastille 26-28/02 2013]

[sophia]

Le programme de cette 14e édition se compose de sept solos, duos et oeuvres pour petits groupes interprétés par les danseurs de l'Opéra de Paris.

Samuel Murez
Premier cauchemar

Maxime Thomas
Deux à deux

Grégory Gaillard
En attendant l’année dernière

Julien Meyzindi
Smoke Alarm

Allister Madin
Kaléidoscope

Alexandre Carniato avec Morgane Dragon
Songes du Douanier

Simon Valastro
Stratégie de l’Hippocampe

[sophia]

Pour ce qui est de Premier Cauchemar de Samuel Murez, il s'agit de la première scène du Rêveur, un ballet en devenir conçu sur une musique originale de Siegfried de Turkheim. Le rôle du Rêveur est interprété par Hugo Vigliotti.

En voici le thème : "Comprimé le jour dans une existence grise centrée autour de son emploi abrutissant au sein d'une entreprise de fabrication de canards en plastique, Alfred s'épanouit toutes les nuits dans des rêves délirants qui métamorphosent les événements de son quotidien en aventures épiques..."


(c)3e étage

[MikeNeko]

J'ignore ce que donne le ballet en construction, mais la question qui me tarabuste est la suivante: ses canards sont ils vibrants ?

Ils ont quand même de l'imagination il y a de quoi faire des livrets cocasses (tiens ça me fais songer à Moydodir, qu'il faudra vraiment que je regarde un jour).

Merci pour le programme en tout cas !

[haydn]

Quelques précisions :


Samuel Murez
Premier cauchemar
Avec : Lydie Vareilhes, Laura Bachman, Léonore Baulac, Leila Dilhac, Claire Gandolfi, Camille de Bellefon, Emma d'Humieres, François Alu, Jérémy-Loup Quer, Hugo Vigliotti, Takeru Coste, Niccolò Balossini, Antonio Conforti, Axel Alvarez, Loïc Pireaux

Maxime Thomas
Deux à deux
Avec : Letizia Galloni, Maxime Thomas

Grégory Gaillard
En attendant l’année dernière
Avec : Lucie Fenwick

Julien Meyzindi
Smoke Alarm
Avec : Alice Renavand, Alexandre Gasse

Allister Madin
Kaléidoscope
Avec : Fanny Gorse, Caroline Osmond, Gwenaëlle Vauthier, Camille de Bellefon, Allister Madin, Hugo Marchand

Alexandre Carniato / Morgane Dragon
Songes du Douanier
Avec : Letizia Galloni, Charlotte Ranson, Aurélien Houette, Alexandre Carniato

Simon Valastro
Stratégie de l’Hippocampe
Avec : Ève Grinsztajn, Éléonore Guérineau, Alexis Renaud, Hugo Vigliotti, Jean-Baptiste Chavignier

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[paco]

je trouve ce programme assez motivant. Il y aura sans doute du bon et du moins bon, tout le monde n'étant pas Mats Ek, mais 7 créations en une soirée ça mérite le détour !
En tous cas ça marche bien au box office, il ne reste de places que pour le 26

[sophia]

C'est fluctuant... En attendant, j'ai 2 places à vendre pour le 26.

[haydn]

Je ferai un compte-rendu détaillé un peu plus tard. En deux mots : confirmation du talent de Samuel Murez, et découverte-choc, à voir absolument, La Stratégie de l'Hippocampe, de Simon Valastro, qui se révèle un vrai homme de théâtre, et qui, en plus, a la chance d'avoir une interprète magnifique, Eve Grinsztajn. Il reste encore deux représentations, ne ratez pas ça (même s'il faut patienter jusqu'à la toute fin du spectacle, la chorégraphie de S. Valastro étant programmée en dernier).

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[paco]

Soirée très agréable. Géniale introduction avec "Premier cauchemar" de Samuel Murez, dont l'univers m'a fait penser à plusieurs reprises à Jacques Tati. Excellente conclusion de soirée avec la "Stratégie de l'Hippocampe" sur la somptueuse partition de la Sérénade pour trio à cordes de Von Dohnanyi, une chorégraphie riche, extrêmement musicale, construite avec un sens remarquable du "temps" théâtral, ses climax, ses relâchements, ses tensions, ses apaisements... Comme dit Haydn, à voir !

J'ajouterais au palmarès les "Songes du douanier" d'Alexandre Carniato, dont l'ambiance est assez captivante. La pièce démarre de façon très intéressante et assez originale, malheureusement un épisode central dont je n'ai pas bien compris la finalité m'a fait un peu décrocher, laissant une sensation de légère frustration.

Entre les deux, rien de révolutionnaire mais rien de médiocre non plus, des chorégraphies agréables, un peu "passe-partout", mais qui se laissent voir. Je reprocherais toutefois une tendance assez générale à chercher systématiquement des partitions dans un répertoire électro-branchouille de lounge, qui donne plus souvent l'impression d'être chez Coste ou dans un ascenseur d'hôtel qu'à l'Opéra...

De belles prestations des danseurs dans l'ensemble, avec notamment une Alice Renavand envoûtante, en duo avec Alexandre Gasse que je ne connaissais pas et dont le charisme et la musicalité m'ont épaté.
Et comme l'a mentionné Haydn, Eve Grinsztajn est magistrale.

[sophia]

Mêmes sommets pour moi, le premier et le dernier, Murez, qu'on connaît bien, et Valastro, qu'on connaît moins, les seuls dont je me suis dit, voilà de vrais chorégraphes, avec une écriture, un univers cohérent et original et... une musique (des choix remarquables et pas purement décoratifs dans les deux cas)! Découverte sympathique et originale aussi que la pièce de Carniato, même si le propos reste plus opaque.

Tout n'était pas de cette eau, mais la soirée n'en était pas moins très chouette. A suivre...

[haydn]

Je partage assez largement l'opinion de paco.


Les deux pièces qui m'ont, de très loin, paru les plus réussies et les plus abouties sont celles qui débutaient et concluaient le programme : Premier cauchemar, de Samuel Murez, et La Stratégie de l'hippocampe, de Simon Valastro.

Avec Samuel Murez, pas vraiment de "surprise", il a déjà eu l'occasion, à de nombreuses reprises, de faire la preuve de ses talents de chorégraphe, très inventif et au style complétement déjanté. La comparaison avec Tati suggérée par Paco est d'autant plus pertinente que M. Murez revendique ouvertement l'influence du cinéma sur son propre travail. Et Premier cauchemar, avec ses bureaucrates-zombies fait irrésistiblement penser à l'univers absurde de Playtime, lorsque M. Hulot s'égare dans un labyrinthe de bureaux hantés de ronds-de-cuir obtus.

Samuel Murez est un véritable directeur d'acteurs, et parvient toujours, au-delà de la folie et du désordre apparents, à donner une cohérence et un sens à ses pièces. A noter que Premier cauchemar n'est que le premier volet d'un ballet à épisodes, qui n'est pas encore achevé.

On peut toutefois se demander si les créations de Samuel Murez ne trouveraient pas davantage leur place sur des scènes de café-théâtre. Pourquoi pas le Bataclan ou le Café de la gare? M. Murez pourrait aller à la rencontre d'un public nouveau, avec la quasi-assurance d'y obtenir un succès important et d'attirer l'attention de médias autres que la seule presse spécialisée en danse.

Mais si, avec Samuel Murez, je savais assez précisément à quoi m'attendre, j'ai en revanche été bluffé par La Stratégie de l'Hippocampe, de Simon Valastro. On a ici affaire à un travail remarquablement abouti. Le danseur devenu chorégraphe sait très exactement où il veut en venir, et tout comme Samuel Murez, il ne laisse pas ses interprètes partir à la dérive. Bien au contraire, chaque posture, chaque expression, chaque geste est soigneusement travaillé, maîtrisé et intégré dans un ensemble solidement construit. Curieusement, alors qu'on imaginait plutôt Simon Valastro attiré par des artistes tels Angelin Preljocaj, il s'inscrit ici plutôt dans l'univers de Roland Petit - le Roland Petit de Proust -, auquel il ajoute une touche humoristique appuyée.

Il faut aussi louer la sûreté de goût de Simon Valastro dans le choix de la musique, la Sérénade en ut majeur pour trio à cordes, op. 10 d'Ernő (Ernst) von Dohnányi, grand-père du célèbre chef d'orchestre Christoph von Dohnányi. Simon Valastro exploite avec maestria la partition au style post-romantique délicieusement décadent, parfaitement en accord avec le propos de sa chorégraphie. M. Valastro fait preuve d'un sens musical remarquable, exploitant au mieux toutes les inflexions de la partition. Il a également la chance de disposer, en la personne d'Eve Grinsztajn, d'une interprète admirable, qui va au devant des intentions du chorégraphe, et les sublime littéralement. Bref, du très très beau travail.


Les autres pièces présentées lors de cette soirée sont loin d'être aussi accomplies, mais certaines d'entre elles offrent néanmoins un réel intérêt.

Avec Smoke Alarm, Julien Meyzindi fait d'honnêtes débuts de chorégraphe. Son pas de deux se tient, les pas sont bien agencés, et lui aussi peut, en la personne d'Alice Renavand, compte sur une interprète de grande qualité.

Alexandre Carniato, avec ses Songes du Douanier, a également eu une idée intéressante en cherchant à évoquer, à travers trois "tableaux chorégraphiques", l'univers du peintre Henri Rousseau (qui n'exerça d'ailleurs jamais les fonctions d'agent des douanes...). Cette démarche, pour réussir pleinement, aurait toutefois nécessité un dispositif scénique beaucoup plus imposant, ce qui était malheureusement exclu dans le cadre d'une soirée réalisée avec un budget insignifiant. On aurait aussi pu préférer d'autres choix musicaux (Saint-Saëns, Delibes, Maurice Emmanuel, voire Chabrier ou Godard), mais le concept de base choisi par M. Carniato est original et mérite d'être davantage creusé. A noter ici également, le bon comportement des interprètes, Charlotte Ranson, Letizia Galloni et Aurélien Houette.

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[paco]

j'ajouterais que cette soirée procure également le plaisir de voir en solistes des membres du Corps de ballet qui ne sont quasiment jamais ou très rarement distribués en solo d'ordinaire. J'ai ainsi découvert pas mal de talents que je ne connaissais pas, rien que pour cette occasion rare ce spectacle vaut le détour

[Jonquille]

J'ai beaucoup apprécié Eve Grinsztajn mais pas du tout compris le propos de Simon Valastro : si on peut m'éclairer ?

[Hendiadyn]

Ces commentaires me rendent d'autant plus enthousiaste pour ce soir ! Merci pour ces retours.

[sophia]

Je n'ai lu le programme qu'après coup (à vrai dire, je connaissais à peine le titre des pièces en allant au spectacle) et j'ai justement été frappée par la grande clarté du propos de Simon Valastro.

Stratégie de l'Hippocampe met en scène une famille bourgeoise - très Vienne 1900 (le choix musical témoigne aussi de cet esprit légèrement décadent) - un peu à la manière grinçante d'un Mats Ek. Derrière la banalité des gestes quotidiens, derrière les conventions de façade se dissimulent des secrets, des non-dits et des pulsions plus sombres (pardon, mais je reprendrai tout ça dans mon résumé de la soirée). La citation de Boris Cyrulnik placée en exergue n'est pas gratuite - ah, citer pour faire chic ou pour impressionner, quelle naïveté! -, elle résume à mon avis parfaitement le propos de la pièce, qui lorgne davantage du côté du théâtre expressionniste que de la danse pure :

"La famille, ce havre de sécurité, est en même temps le lieu de la violence extrême."
Boris Cyrulnik, Les Nourritures affectives

"Stratégie de l'Hippocampe met en scène une famille. Le langage chorégraphique s'inspire de la pantomime et de la gestuelle de la vie quotidienne, donnant à l'oeuvre un faux air de pièce de théâtre. La dynamique familiale se trouve ainsi illustrée à travers les liens affectifs, les conflits, la dévotion maternelle, la rivalité dans la fratrie ou encore le sentiment d'abandon, le deuil."
Simon Valastro

Reste le mystère du titre, mais ce n'est pas bien gênant.

Mine de rien, ces petites notes d'intention en disent long sur chacun des chorégraphes. J'ai été frappée de constater que les pièces les plus cohérentes et/ou abouties selon moi étaient aussi celles qui savaient le mieux se dire - et inversement - et ma foi, j'y suis sensible. Concernant la pièce de Carniato, il vaut mieux savoir qu'il s'agit d'une évocation des toiles du Douanier Rousseau (ce que j'ignorais), mais cela n'enlève rien à l'onirisme de la pièce, au demeurant vraiment construite.

[haydn]

Pour Jonquille :



"La seule défense que la nature ait donnée aux hippocampes et à leurs cousins les syngnathes est le camouflage. Incapables d'affronter directement leurs prédateurs (poissons-grenouilles, raies, requins, etc.) ou de les fuir, les hippocampes se fondent dans les paysages sous-marins.

La technique la plus communément adoptée par les hippocampes est le mimétisme. À la manière du caméléon, ils peuvent reproduire la couleur du fond ou du support sur lequel ils se trouvent. Leur livrée prend la teinte dominante environnante, et des taches, bandes, points ou marbrures viennent compléter leur panoplie pour faire disparaître leur forme aux yeux d'un prédateur éventuel. Les lambeaux cutanés qui ornent leur corps et surtout leur tête permettent également d'estomper leur contour si caractéristique.

Cette stratégie de camouflage n'exclut pas pour autant l'adoption de couleurs chatoyantes et vives comme en exhibent certaines espèces tropicales des récifs coralliens, capables de changer de couleur à la moindre alerte.

La lenteur des mouvements est sans doute à mettre au compte de cette stratégie. Le camouflage est d'autant plus efficace que le milieu dans lequel se trouvent les hippocampes est mouvant. C'est sans doute pourquoi ceux-ci fréquentent de préférence les prairies sous-marines et les champs d'algues qui ondulent sous l'action des courants."

http://www.larousse.fr/encyclopedie/vie-sauvage/hippocampe/184870

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