Clairemarie Osta

[Solveig]

En regardant il y a quelques jours des vidéos de la dernière représentation de Manon et des adieux qui l'ont suivie, j'ai eu envie d'ouvrir ce fil de discussion !
C'est petite fille que j'ai découvert Clairemarie Osta, première danseuse, dans le rôle d'Aurore. Elle m'a fait très peur dans l'Adage à la rose mais sa fraîcheur, sa juvénilité, sa délicatesse et sa précision m'ont charmée dans le reste du ballet. J'ai grandi en suivant ses prises de rôle, ses interprétations et maintenant qu'elle est partie, j'éprouve un sentiment de perte. Il me semble l'avoir assez peu vue danser finalement et j'envie les personnes qui l'ont quasiment vue entrer dans le corps de ballet ! Voilà, j'aimerais beaucoup en apprendre davantage et pouvoir lire et partager avec les lecteurs du forum quelques souvenirs sur cette artiste !

[sophia]

Je ne pense pas l'avoir vue entrer dans le corps de ballet, mais c'est certainement l'une des premières interprètes qui m'ait marquée ou tout au moins que j'ai distinguée à l'Opéra. Je l'ai découverte en fait en 97 ou 98 dans le rôle de Gamzatti, elle n'était alors que sujet, et c'était ma première Bayadère à l'Opéra. Je me souviens que j'avais été éblouie par le ballet lui-même et par la production (comment ne le serait-on pas?), mais peut-être pas si impressionnée que ça par les deux rôles principaux (interprétés alors par Ghislaine Fallou et Yann Bridard, deux premiers danseurs). Je l'avais revue quelques années plus tard dans ce même rôle avec Elisabeth Maurin en Nikiya, j'ai oublié qui était Solor (peut-être à tort, mais bon...), et là encore, c'est elle qui m'avait séduite. En fait, je continue plus que jamais de penser, série après série, que dans ce ballet, c'est le rôle de Gamzatti, par son tempérament et la virtuosité qu'il requiert, qui convient souvent le mieux aux danseuses de l'Opéra, les rôles de Nikiya et de Solor nécessitant plus de lyrisme et de bravoure qu'ils ou elles ne peuvent généralement nous en donner, et en Gamzatti, Clairemarie avait vraiment toutes les qualités requises (sa Nikiya était belle sans doute, mais moins souveraine à mes yeux sur l'ensemble du ballet). Elle m'avait tout de suite beaucoup impressionnée par sa technique magnifique, sa présence remarquable, et par son jeu, très juste et en même temps très affirmé. C'est étrange, parce qu'elle s'est plus tard un peu (beaucoup) éloignée des rôles strictement classiques (on ne la voyait presque pas dans les Noureev ces dernières années et a-t-elle jamais fait Le Lac des cygnes?) pour se concentrer sur des rôles moins techniques, plus dramatiques, plus dans le registre néo-classique. Je l'avais notamment adorée dans le ballet Clavigo, créé par Roland Petit pour elle et Nicolas Le Riche, mais aussi dans Emeraudes, Rubis ou In the Night. Sa prise de rôle dans La Dame aux camélias lui a, plus récemment, vraiment permis d'imposer cette image d'actrice fine et pleine de ressources avec laquelle elle est partie. Et bien sûr, c'était aussi la naissance de son partenariat magnifique avec Mathieu Ganio. Je regrette pour ma part qu'elle n'ait pas été "immortalisée" en Giselle - elle reste à mon sens la Giselle idéale, la Giselle en tout cas la plus complète à l'ONP, éminemment française dans le style, mais avec une âme. En revanche, je ne suis pas certaine qu'elle ait été l'interprète à filmer dans la Carmen de Roland Petit, d'autant plus qu'elle revenait de maternité.
Je trouve son parcours riche, original et intéressant, elle n'a sans doute pas la flamboyance d'une étoile classique (et sa nomination avait été très critiquée, on l'oublie un peu aujourd'hui - c'était le début du commencement de la fin, en tout cas des nominations presque systématiquement discutées, Internet aidant...), mais elle a su au fil des saisons se concentrer sur ce qui lui convenait le mieux, nous séduire par ses qualités de style, son jeu inspiré et généreux, dépourvu d'ostentation et de narcissisme, et c'est peut-être cette intelligence, cette profondeur sans faux-semblant qui sont la clé de sa popularité inattendue comme de sa réussite artistique.

[Swann]

Savez-vous ce qu'elle va faire maintenant ? peut-être est-ce un peu tôt pour poser cette question ?

[haydn]

Le CNSMDP l'annonce officiellement maintenant, Clairemarie Osta va succéder à Daniel Agésilas à la Direction des études chorégraphiques du Conservatoire à partir de janvier 2013. Elle aurait déjà dû prendre ses fonctions au début de l'année scolaire, mais apparemment les choses ont été retardées par des difficultés administratives imprévues.

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[Bloup]

Il me semblait qu'elle était au CNSM depuis quelques semaines pourtant (elle assiste à certains cours en tout cas).

[haydn]

L'un n'empêche pas l'autre, il faut bien qu'il y ait une passation de pouvoirs... Mais jusqu'au début 2013, administrativement, le directeur du Département danse du CNSMDP, c'est Daniel Agésilas.

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[Bloup]

Exact. Merci.

[Masajaki]

Les rumeurs qui circulaient depuis longtemps étaient donc bien fondées! Avec toute l'admiration qu'on peut avoir pour l'interprète on reste tout de même surpris par cette nomination sachant que Claire-Marie Osta n'a aucune expérience de direction et aucune expérience dans le cadre de l'enseignement de la danse à un tel niveau! Mais bonne chance à elle et espérons que les résultats seront en progrès surtout dans la section classique! En tous cas on peut au moins espérer que les élèves seront stimulés par l'arrivée d'une danseuse étoile à la direction de leur département! Ce sera sans aucun doute une source d'inspiration!

[LysNoir]

Claire Marie Osta n'a en effet aucune expérience. Platel non plus, n'en avait pas. Claire-Marie Osta est une femme intelligente qui s'adaptera sans difficulté...

[haydn]

Aucune expérience? Celle de danseuse étoile à l'Opéra, ce n'est pas si mal. Après, elle va entamer un nouveau métier, mais il n'y a pas de raison qu'elle ne réussisse pas. Enfin, c'est tout le mal qu'on lui souhaite.

Pour Masajaki : cette nomination a été officialisée plus tardivement que ce qu'on imaginait (beaucoup de gens pensaient logiquement qu'elle allait prendre son poste à la rentrée de septembre 2012).

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[LysNoir]

Haydn, mon message était un peu bref...Je parlais d'expérience de direction d'école avec tout ce que ça comporte...Le côté administratif, la gestion des élèves, les relations avec les enseignants, etc...Être étoile ne prépare pas forcément à ça. Mais comme je l'ai dit, c'est une femme intelligente et pragmatique, je fais partie de ceux qui lui font confiance pour réussir.

[Masajaki]

L'expérience de l'interprète, aussi immense soit-elle, n'a en effet rien à voir avec la direction, la gestion des élèves, des budgets et du personnel enseignant, etc... ou tout simplement la transmission... mais il faut un début à tout et bien sûr, on souhaite à Claire Marie Osta toute la plus belle réussite possible!
On a quand même une fâcheuse tendance dans notre paysage chorégraphique national à considérer les personnes qui sont issues de l'Opéra de Paris systématiquement "au-dessus"de tout le reste du monde en ce qui concerne certaines nominations à des postes d'ampleur nationale! Alors qu'il n'y a justement pas de réussite systématique!

[Florestiano]

Pourtant, les grandes compagnies ont toutes à leur tête des anciennes Étoiles, les Mason, McKenzie, Vaziev, Filin, nos français en Autriche, en Espagne, en province.
Pour les écoles, je ne sais pas trop, mais voilà avec Osta que les deux plus grandes formations françaises sont dirigées par des anciennes Étoiles formées au CNSMD

[Masajaki]

Florestiano: Bien sûr qu'il y a des Etoiles directeurs et directrices! Mais ce n'est pas systématique non plus!
En revanche le favoritisme pour les personnes issues de l'Opéra de Paris existe en France et c'est certain. C'est de cela dont je parlais.
Mlles Platel et Osta ont été formées justement à des époques différentes, mais à des époques où justement le CNSMDP formait encore de futures étoiles potentielles! Ca fait bien longtemps que ce temps-là est passé au CNSMDP! Il y a bien du boulot en section classique et ceci est une réalité depuis de nombreuses années maintenant... Mais c'est un phénomène présent partout dans le monde! Le classique est mal en point et c'est aussi en partie de la faute des Ecoles! Il y a aussi de moins en moins de "Maîtres"! Petit à petit les "grands professeurs" disparaissent et en quelque sorte nous manquons de relève pour l'instant...

[Marie-Ange]

Masajaki, je ne pense pas qu'il y ait pénurie de très bons professeurs ou directeurs en France; il est un fait que le Cnsmdp recrute sur critère de renommée, sans besoin de diplôme ni d'expérience de poste similaire, dans les faits, les recrutements du Cnsmdp usent encore allègrement du piston de copinage en hautes sphères avec des concours ouverts pour faire belle figure.
Certains professeurs enseignent là sans expérience d'enseignement professionnel, voire d'enseignement du tout, ou hors sujet par rapport aux demandes actuelles des grandes compagnies internationales... Les engagements de sortants du Cnsm après 4 ou 5 ans de maison sont malheureusement éloquents.
L'accueil frileux de la nouvelle directrice de la danse n'est pas sans raison non plus, compte tenu de quelques excellentes candidatures qui avaient postulé pour le poste.