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shylock
Inscrit le: 04 Jan 2004 Messages: 367 Localisation: Nanterre
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Katharine Kanter
Inscrit le: 19 Jan 2004 Messages: 1476 Localisation: Paris
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Posté le: Mar Fév 03, 2004 3:52 pm Sujet du message: Barbie ? |
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En réponse à M. Haydn :
N'étant pas, personnellement, très sensible à la manière de danser de Mlle. Dupont, je pense néanmoins qu'il est bon que nous nous gardions tous de qualifer de "poupéee Barbie",
une dame qui a combattu un accident grave avec autant de hargne et de ténacité,
et qui, n'oublions pas, a été le seul, et le premier, à parler depuis le corps de ballet de la situation à l'Ecole il y a déjà quatre ans.
De toute manière, en lisant la critique de 'Giselle' sur "Dansomanie" ce matin, au sujet d'un certain interprète actuel d'Albrecht - et de tant d'autres rôles - une certain lassitude commence à poindre ET
permettez-moi de vous dire que pour une fois
LES ANGLAIS VIENNENT D AVOIR UNE BONNE IDEE.
Je ne parle pas du rapport de Lord Hutton !
The Guardian newspaper du vendredi 30 janvier 2004 nous apprend que MIchael Boyd, directeur du Royal Shakespeare Company, vient d'annoncer que pour la saison à venir les étoiles ne joueront QUE des petits rôles "subalternes" alors que les remplaçants, eux, joueront TOUS les rôles principaux.
Dit M. Boyd : '"Ce sera bon pour les remplaçants, bon pour la troupe, et bon pour le public.'
HEAR ! HEAR !
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Aude
Inscrit le: 03 Fév 2004 Messages: 4 Localisation: Paris
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Posté le: Mar Fév 03, 2004 5:11 pm Sujet du message: |
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Bonjour à tous.
Je tenais à dire que pour une fois je suis d'accord avec Madame Kanter. Haydn, je trouve terrible de qualifier Aurélie Dupont de poupée Barbie. Luc Décygnes l'avait déjà fait il y quelques années dans une critique du Canard Enchaîné, à propos je crois de son interprétation de Carmen de Roland Petit, et j'avais été choquée par ses propos, mais il me semble qu'aujourd'hui l'usage de ce qualificatif est plus injuste encore. Je crois au contraire que Melle Dupont avait tout pour pour céder à la facilité, pour devenir une danseuse "paillettes" (belle, photogénique, médiatique), et cela n'a jamais été le cas.
Personne ne conteste que cette jeune femme est l'une des danseuses les plus douées de sa génération, que non seulement elle est sublime (ce qui ne suffit pas à en faire une poupée Barbie!), qu'elle a une technique d'acier, mais elle a en plus acquis une maturité artistique impressionante grâce à laquelle elle marque désormais chacun des grands rôle du répertoire qu'elle aborde.
Votre jugement me semble s'apparenter à cette attitude très française qui consiste à dénigrer toute personne dont la réussite est trop évidente, qui a trop de talents réunis. Il est sans doute plus motivant de défendre telle ou telle danseur injustement oublié du corps de ballet que de tresser des couronnes de laurier à une danseuse qui est déjà une star.
C'est votre droit de ne pas avoir été entousiasmé par sa prestation, mais elle ne mérite vraiment pas d'être qualifiée de poupée Barbie.
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shylock
Inscrit le: 04 Jan 2004 Messages: 367 Localisation: Nanterre
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Posté le: Mar Fév 03, 2004 6:42 pm Sujet du message: |
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Il faut avouer que le qualifricatif n'est pas trés flatteur pour Aurélie et qu'elle vaut beaucoup mieux que çà... Dans Manon, l'an dernier, elle donnait une toute autre image que celle d'une poupée standardisée...
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26657
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Posté le: Mar Fév 03, 2004 6:52 pm Sujet du message: |
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Quelques précisions puisque mon intervention a déclenché des polémiques. Tant mieux d'ailleurs si tout le monde n'est pas d'accord.
1) Je n'ai pas qualifié Aurélie Dupont de "Poupée Barbie" mais sa Giselle de "Giselle Poupée Barbie". Il ne s'agit pas de couper les cheveux en quatre, mais dans un cas c'est s'en prendre à la personne, ce qui est inacceptable, et dans l'autre c'est juger son interprétation d'un personnage, ce qui me semble parfaitement légitime.
2) Je ne revendique aucune "filiation" avec d'éventuels propos de Pierre Combescot (alias Luc Décygnes), dont je n'apprécie généralement pas du tout les critiques. Il a d'ailleurs rapidement changé d'avis sur A. Dupont, qu'il attaquait à ses débuts, et qu'il s'est mis à encenser ensuite, quand elle a été nommée étoile.
3) Si l'on part du principe qu'il ne faut pas critiquer quelqu'un parce qu'elle a - très courageusement - affronté certaines vicissitudes de l'existence, en l'occurence une blessure qui l'a tenue éloignée de la scène pendant presque une saison, on doit par exemple aussi s'abstenir de toute contestation des choix artistiques ou pédagogiques de Claude Bessy à l'école de Danse, puisque Mme Bessy a, avec une hargne et une ténacité encore bien plus grande, surmonté il y a 40 ans les conséquences d'un très grave accident de voiture où elle a failli perdre la vie, et qui aurait conduit tout autre qu'elle à renoncer définitivement à la danse.
4) Je ne pense pas que ce soit céder à la facilité que de s'en prendre à une "star", contre l'avis de la très grande majorité du public, je vous le concède bien volontiers. De toutes façons je ne m'en prends pas à Aurélie Dupont - dont j'avais commenté en termes plus que flatteurs la prestation dans Tchaïkovsky-Pas de deux lors du spectacle d'ouverture de la saison 2003-2004, je conteste les choix stylistiques qu'elle a fait pour son interprétation de Giselle. Ces choix m'ont d'autant plus surpris qu'elle déclaré, dans diverses interviews à la presse, avoir étudié de manière très approfondie les postures de la Grisi, créatrice du rôle, particulièrement en ce qui concerne le port des bras et du buste ; je n'ai pas retrouvé les fruits de cette recherche dans la lecture qu'elle nous a donnée de Giselle.
5) Si Mme Kanter avait la gentillesse de me préciser un point de son intervention dont je ne suis pas sûr d'avoir exactement saisi le sens :
Citation: |
De toute manière, en lisant la critique de 'Giselle' sur "Dansomanie" ce matin, au sujet d'un certain interprète actuel d'Albrecht - et de tant d'autres rôles - une certain lassitude commence à poindre |
Entend-t-elle par là que c'est ma critique qui est lassante - c'est son droit de ne pas apprécier ce que j'écris - ou est-ce de voir toujours les mêmes dans tous les rôles?
En tous cas je souscris parfaitement à la décision, si elle est exacte, du directeur de la Royal Shakespeare Company, de distribuer les vedettes dans les rôles "subalternes" alors que les remplaçants, eux, joueront les rôles principaux. C'est certes provocateur, mais peut-être, par ce genre de moyens, permettrait-on à des personnalités de se révéler, à de nouveaux talents de s'exprimer.
Dernière édition par haydn le Mer Fév 04, 2004 1:04 am; édité 1 fois |
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26657
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Posté le: Mar Fév 03, 2004 7:03 pm Sujet du message: |
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Et pour Shylock, je ne peux juger de la Manon d'Aurélie Dupont, c'est Sylvie Guillem que j'avais vue dans le rôle, et qui était absolument parfaite, même si la chorégraphie elle-même m'ennuie prodigieusement...
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Alex Invité
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Posté le: Mar Fév 03, 2004 7:53 pm Sujet du message: |
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Haydn, Katharine Kanter fait certainement part de sa lassitude vis à vis de l'interprète d'Albrecht d'hier soir. Cela fait probablement référence à la partie de votre critique où vous indiquez qu'il en est quasiment à faire toute la saison.
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26657
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Alex Invité
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Posté le: Mar Fév 03, 2004 8:14 pm Sujet du message: |
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Je n'ai pu assister qu'à la générale et non à une véritable représentation de Giselle avec Mlle Dupont et il n'est pas opportun de voler dans les plumes des danseurs après une répétition. Mais c'est vrai que j'avais trouvé Aurélie Dupont bien plus convaincante dans le Parc ou dans Manon que dans Giselle.
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Aude
Inscrit le: 03 Fév 2004 Messages: 4 Localisation: Paris
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26657
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Posté le: Mer Fév 04, 2004 12:35 am Sujet du message: |
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Aude, vous n'avez pas a vous excuser de quoique ce soit! Moi aussi, je suis passioné et souvent excessif dans mes posts, et je le revendique. Il est normal que s'en suivent des réactions tout aussi passionnées. Si Aurélie, Alex et moi avons créé ce forum, c'est justement parce que nous revendiquions une plus grande liberté et une plus grande diversité d'opinions, qui ne pouvaient s'exprimer ailleurs. Je pense que vous savez ce qu'il en est. Donc, vous pouvez défendre Aurélie Dupont tant qu'il vous plaira, et me contredire avec fougue si vous le jugez nécessaire, du moment que l'on reste dans le cadre d'un débat d'idées .
J'ai souvent eu des échanges durs avec Katherine Kanter, qui a des positions très affirmées sur la danse. Eh bien, elle est venue nous rejoindre, elle expose ses positions, elle aussi avec passion, nous en discutons, et elle compte à présent parmi nos membres les plus actifs et les plus intéressants. J'en suis très heureux et il n'y a pas de raison qu'il en soit autrement pour vous!
Mais revenons à Giselle. J'ai assisté à la représentation de ce soir, où le rôle titre était interprété par Alina Cojocaru. Je dois dire très honnêtement que je l'ai de loin préférée à Aurélie Dupont ; il ne s'agit pas de questions techniques, ces deux artistes ont un niveau équivalent, c'est à dire excellent. Les piétinés de Mlle Dupont sont même supérieurs, ceci étant sans doute dû à la morphologie assez particulière des pieds d'Alina Cojocaru, qui lui impose des battements plus amples, et l'oblige à utiliser des chaussons au plateau étonamment large, d'où quelques conséquences sur la précision.
Mais du point de vue du style j'ai trouvé Mlle Cojocaru bien plus intéressante, moins superficielle, avec de très jolies attitudes, des ports de bras superbes, que l'on retrouvait, dans le corps de ballet, chez Zsofia Parczen (je crois que là Katherine Kanter et moi serons d'accord ).
En Albrecht, j'ai également préféré Manuel Legris à Nicolas Le Riche (mais je me refuse à jeter la pierre à ce dernier, puisqu'on l'a réquisitionné en dernière heure pour remplacer J. G. Bart dans un rôle qui ne lui convenait pas forcément). M. Legris incarne mieux un personnage noble, aux ports de tête altiers, même s'il est vrai qu'il n'a plus tout à fait l'âge du rôle, et que, dans le second acte, les entrechats de M. Leriche étaient plus dynamiques et plus propres. L'on espère que la jeune génération sera bientôt à même de prendre la relève, et j'aimerais beaucoup voir un Christophe Duquenne dans autre chose que Wilfried!
Benjamin Pech, qui semblait s'économiser hier, s'est beaucoup dépensé aujourd'hui, et le pas de deux des Vendangeurs a été d'autant plus réussi que Mélanie Hurel était plus détendue que la veille. Son style est parfait, et j'attends avec impatience sa Giselle de samedi. Nathalie Aubin semble tout doucement recouvrer ses capacités, et Juliane Mathis s'est montrée encore plus engagée du pont de vue de l'expression théâtrale qu'elle ne l'avait été lors de la première. Sabrina Mallem était toujours aussi rayonnante, et Mlle Cordellier s'est également bien comportée.
Pour ce qui est des Wilis, j'avais omis de parler hier de Laurence Laffon, qui comme toujours, assure des prestation de bon niveau, qu'il conviendrait aussi un jour de récompenser d'une promotion amplement méritée.
En ce qui concerne le corps de ballet, je regretterai seulement le côté extrêmement martial des manèges, et plus généralement des ensembles ; cela m'est d'autant plus dur à supporter que je sors d'une cure de trois semaines de Bolchoï, et que j'y ai vraiment découvert une autre manière de danser. Les artistes de l'Opéra de Paris ne sont pas directement en cause, c'est tout un ensemble qui va de la formation initiale aux méthodes de travail en répétition qui conduit à ce résultat "militaire", et sur lequel il conviendrait un jour de s'interroger sérieusement.
Enfin, il y avait la Myrtha d'Eleonora Abbagnato : comme on le sait depuis longtemps, ses piétinés sont sublimes, et sur ce point, elle pouvait rivaliser avec Delphine Moussin. Pour le reste, et sans que la performance de Mme Abbagnato soit indigne, loin s'en faut, j'ai trouvé Delphine Moussin incontestablement supérieure, plus expressive, plus sûre dans les équilibres, plus ample dans ses mouvements. A chaque fois que je vois Eleonora Abbagnato, je suis conforté dans l'idée que sa vraie place est dans le répertoire contemporain. Là, elle y justifierait amplement un titre d'étoile.
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Katharine Kanter
Inscrit le: 19 Jan 2004 Messages: 1476 Localisation: Paris
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Posté le: Mer Fév 04, 2004 10:21 am Sujet du message: 'Giselle' et - oui - Zsofia Parcen |
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Ayant écrit un article au mois de juillet 2003 de 197 pages avec 376 notes en bas de page (j'exagère, mais bon....) sur la production actuelle de 'Giselle' à l'Opéra de Paris, je dois éviter de trop radoter.
1/ D'abord, oui, M. Haydn, nous avons tous trouvé Mlle. Parcen remarquable hier soir, au point où je me suis retrouvée à plusieurs reprises en train de la regarder alors qu'il y avait de multiples AUTRES EVENEMENTS sur scène, n'est-ce pas ? Sa danse était d'une grande propreté et surtout, parlante, son mime sensible, ses ports de bras appropriés à l'époque, ses sauts travaillés à travers tout le pied. Et très vivant tout au long de la soirée.
2/ Pouvons-nous dire autant du corps de ballet des hommes hier soir ? A part M. Valastro, souriant et très présent, tout le monde avait une tête d'enterrement comme vous dîtes dans ce pays. Je les comprends, mais, bon, l'enterrement, c'est dans l'Acte II, et les hommes peuvent partir à 21 heures écouter une musique autre que cette partition dont ils ont sérieusement marre.
Quelques hommes ont ajusté leurs cheveux ou ont fait d'autres gestes naturalistes comme s'ils n'étaient pas sur scène. PLEASE NO ! laissons M. Bridard, le pire Hilarion que j'ai jamais vu en 47 ans, SEUL dans son monde naturaliste.
(D'ailleurs - où sont passés les 197 ou les 19,970 ballets avec les 376 ou 3,760 divertissements qui dorment dans les armoires et bibliothèque de partitions du théâtre national français ? pourquoi toujours les mêmes pièces sont jouées ?)
3/ en réponse à M. Haydn, en écrivant « une certaine lassitude commence à poindre », oui, je parlais non seulement de M. LeRiche, mais en général, de sept ou huit ans d’une politique de promotion et de distribution ici qui semble répondre à des impératifs commerciaux. « Qui est le plus beau ? Qui a l’air le mieux en couverture de revue ? Qui sera vendable à l’international ? »
Ainsi corrompt-on le goût du public. Plutôt que de « regarder la danse avec leur OUÏE », voir la musique dans la danse, essayer le saisir la qualité du mouvement musical, du plastique, et ainsi de suite, le public est « dressé » par ce type de choix, à vouloir consommer ce que nos amis américains appellent Eye Candy. Des bonbons pour les yeux. Cela fait grossir. Grossir notre stupidité.
4/ Mlle. Cojocaru est, comme chacun sait, très malade du pied. Des choses assez effrayantes se passent et qui sont visibles pour tout un chacun dans ses piétinés. Il semblerait que maintenant elle utilise ce chausson américain moderne, « Gaynor Minden », dans une tentative de les sauver. Espérons le !
Comme beaucoup de gens d’Europe de l’Est, elle a réfléchi beaucoup plus que les personnes de son même âge en Occident.
La présence scénique froide et peu théâtrale de la plupart de nos danseurs (oui, quel contraste avec le Bolshoi !) formait un milieux scénique peu propice à cette aimable dame, qui se donne à fond avec une grande générosité, avec tous ses défauts et faiblesses. M. Legris me semblait courtois, poli et détaché : « je suis là, pour montrer ma bonne volonté vis à vis de notre hôte étrangère distinguée ».
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26657
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Posté le: Ven Fév 06, 2004 12:45 am Sujet du message: |
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Pour la représentation de ce jeudi 5 février, Agnès Letestu et José Martinez tenaient les rôles vedettes ; ils formaient indiscutablement le couple le plus équilibré qu'il nous a été donné de voir depuis le début de la série, et M. Martinez est, enfin, un Albrecht véritablement crédible. Il a été longuement ovationné par ses fans venus en nombre aujourd'hui. La technique d'Agnès Letestu n'est sans doute pas aussi parfaite que celle d'Aurélie Dupont, mais elle était d'une tout autre force dramatique, tout particulièrement dans les nombreux passages de pantomime du premier acte ; comédienne touchante et sensible, elle également reçu les faveurs du public. L'on a de même été séduit par les talents d'actrice de Vanessa Legassy, qui a su donner une véritable consistance au rôle non-dansé de Bathilde, au visage et à la gestique très expressifs.
Yann Bridard, Hilarion en retrait il y a deux jours, a réalisé aujourd'hui une très jolie performance, et semblait beaucoup mieux en phase avec José Martinez qu'avec Manuel Legris.
Fort attendu était le Pas de deux des vendangeurs, dansé par Alessio Carbone et Dorothée Gilbert. La veille, la prestation de Mlle Gilbert avait soulevé un certain nombre de critiques, et elle cherchait manifestement à les faire taire ce soir. Sans surprise on a retrouvé chez Dorothée Gilbert ses qualités et ses défauts habituels : beaucoup de dynamisme, une excellente technique au niveau des jambes, petite batterie très propre et précise. Revers de la médaille : une gestique exagérement agressive et un style un peu superficiel, qui recherche le succès rapide. A la décharge de la danseuse, il faut insister sur le fait que toute la formation qui est dispensée actuellement aux danseurs, dès leur entrée à l'école et qui se poursuit au corps de ballet, les pousse vers ce brio et cette "violence" dans l'expression, qui conduit à conférer un caractère très martial à la troupe. Mlle Gilbert n'a pas non plus été aidée par son partenaire, Alessio Carbone, qui a connu quelques défaillances inhabituelles chez cet artiste de premier ordre, et qui s'est montré plusieurs fois en retard sur la musique. Gageons qu'il ne s'agissait que d'un mauvais jour. Globalement, dans ce Pas de deux, Benjamin Pech et Mélanie Hurel demeurent préférables, même si, sur le plan de la technique pure, Mlle Gilbert est supérieure à Mlle Hurel. Mais dans un ouvrage tel que Giselle, le style prime sur la technique.
Dans le corps de ballet, plusieurs changements non mentionnés sur le programme, qui ont parfois eu pour conséquence quelques petits problèmes de positionnement ; au premier acte notamment, Nathalie Aubin tenait la place de Muriel Hallé, tandis que Zsofia Parczen se substituait à Sandrine Marache, blessée.
A quelque chose malheur est bon, puisque l'on aura enfin pu apprécier le talent de Mlle Parczen dans un rôle plus visible. Elle s'est fort bien comporté, et son style, qui porte les marques de sa formation en Hongrie, est d'une extrême fluidité tant au niveau de la posture générale que des ports de bras. Beaucoup pourraient l'étudier avec profit, car, même si cela peut sembler paradoxal, il sied idéalement au répertoire romantique français, et nous rappelle ce que pouvait être la danse dans notre pays avant que l'on décide d'en faire une démonstration sportive.
Dans le second acte, les deux Wilis étaient dansés par Mlles Aubin et Quernet, dans l'ordre inverse de celui initialement prévu! Elles aussi ont formé un duo très équilibré et émouvant.
Enfin, si la Myrtha de Stéphanie Romberg n'a pas égalé celle de la merveilleuse Delphine Moussin, elle nous tout de même réservé de beaux moments, et s'est avérée bien plus adéquate du point de vue du style qu'Eleonora Abbagnato. Insistons encore une fois qu'il ne s'agit aucunement de contester le talent de Mlle Abbagnato, qui fut une Anastasia grandiose il y a un mois, mais de constater que le répertoire moderne lui sied vraiment beaucoup mieux que le ballet du XIXème siècle!
Enfin, l'orchestre était de nouveau passablement plan-plan, surtout dans le 1er acte. Les musiciens de l'opéra semblent peu concernés par l'oeuvre, et la direction de David Coleman demeure très prosaïque et pataude, persistant à émailler la partition de ritardendi aussi déplacés du point de vue style que gênants pour les danseurs, notamment dans les manèges.
Si les grands ouvrages chorégraphiques de Strawinsky ou Bartok sont généralement plutôt bien servis, le répertoire romantique, sans doute considéré à tort comme "facile" est souvent massacré, alors qu'un véritable travail musicologique serait nécessaire pour en retrouver les canons d'interprétation.
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26657
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Posté le: Ven Fév 06, 2004 10:10 am Sujet du message: |
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Petites précisions suite à certaines choses inexactes qu'on peut lire ici où là :
Il n'y a pas à l'Opéra de Paris, un orchestre "bon", et un orchestre au "rabais", auquel on confierait systématiquement les spectacles de ballet. En fait, l'orchestre de l'Opéra, compte tenu du nombre important de représentations à assurer sur les sites de Garnier et de Bastille est composé de deux formations de 140 musiciens chacune, les "bleus", et les "verts", qui peuvent parfois alterner au cours d'une même production, comme cela a été le cas l'année dernière lors de la soirée Béjart (L'oiseau de feu / Le mandarin merveilleux). Globalement, les "bleus" ont une sonorité plus "internationale", plus ronde, tandis que les "verts" ont un caractère plus "français", avec des bois très clairs et des cuivres plus "blancs", légèrement "nasillards" et "agressifs" (sans que cela soit péjoratif). Une légende voudrait que les "bleus" soit meilleurs ; il n'en est rien, et cela ne les a pas empêché de massacrer la Symphonie en Ut de Bizet en début de saison. Personnellement, je préfère même les "verts", justement en raison de leur coloris plus typé, plus spécifiquement français.
Le problème, c'est que la musique de ballet romantique est souvent traitée à la légère, considérée comme ennuyeuse par les musiciens, confiée à des chefs qui ne comptent pas forcément parmi les meilleurs et qui ne parviennent pas à motiver réellement leurs troupes. Des trois chefs qui officient habituellement au ballet de l'Opéra, un seul sort vraiment du lot, Vello Pähn, qui est quelqu'un de très compétent, que les musiciens apprécient beaucoup, et à qui on confie les partitions les plus difficiles (Strawinsky, Bartok, Prokofiev)... S'il pouvait diriger toutes les représentations de danse, personne ne s'en plaindrait!
Pour celles et ceux qui voudraient en savoir plus sur l'Orchestre de l'Opéra, un bel ouvrage, abondamment illustré, vient de paraître aux éditions de la Martinière. Il est vendu 42 Euros :

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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26657
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Posté le: Dim Fév 08, 2004 12:37 am Sujet du message: |
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La représentatipn de ce samedi 7 février 2004 restera émouvante à plus d'un titre.
Tout d'abord, en raison de la prestation absolument remarquable de Mélanie Hurel. Mlle Hurel a été la meilleure Giselle qu'il nous ait été donné de voir depuis fort longtemps, et nous le disons d'autant plus volontiers qu'il nous est, par le passé, arrivé plus d'une fois d'emettre des réserves sur les choix artisitiques de cette danseuse. Mélanie Hurel a donné le meilleur d'elle même dans les longs passages de pantomime du premier acte, faisant passer une émotion aussi intense que rare. Peu de danseuses ont su ainsi nous arracher des larmes, et cette Giselle hors-normes n'avait peut être pas le brio technique de celle d'Aurélie Dupont, mais possédait une force dramatique tout a fait exceptionnelle.
Benjamin Pech fut un Albrecht à la hauteur de sa partenaire, impeccable techniquement, et qui avait, de toute évidence, travaillé avec beaucoup de soin la caractérisation théâtrale de son personnage.
Le Pas de deux des vendengeurs a été interprété avec une fraîcheur toute juvénile par Myriam Ould-Braham et Mallory Gaudion. Mlle Ould-Braham, que l'on avait pas vu depuis longtemps dans un solo d'importance, a fait preuve de sensibilité, et s'est gardé de toute brutalité dans l'expression. Mallory Gaudion s'est montré soucieux d'éviter toute faute technique, au prix d'une certaine application ; sa performance n'en fut pas moins d'un niveau de qualité qui l'honore (beaucoup de ballon, grande propreté dans la petite batterie) et qui laisse bien augurer de la suite de sa carrière.
Dans le corps de ballet, l'on aura à nouveau apprécié la déclicieuse Zsofia Parczen, Juliane Mathis, toujours aussi vive, et Sara Kora Dayanova qui a fait montre d'une belle présence scénique.
Triste moment au début du second acte, où Nathalie Aubin a du quitter le plateau prématurément suite à une blessure ; elle a été remplacée dans des conditions particulièrement délicates tout d'abord par Muriel Hallé puis par Aurore Cordellier, qui a assuré l'essentiel du rôle de Myrtha avec sang-froid et professionnalisme.
Mélanie Hurel, destabilisée quelques instants par l'accident survenu à Mlle Aubin, a poursuivi sa démonstration de ce que DOIT ETRE Giselle avec une maestria époustouflante, rendant ainsi le meilleur hommage qui soit à sa collègue touchée par l'adversité. Le public y a été sensible, et lui a réservé un accueil triomphal.
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