Spectacle Brown - Forsythe -Lancelot

[Usurpateur]

J’ai eu le plaisir d’assister à la soirée d’hier soir, et je dois à la vérité de dire que j’ai beaucoup apprécié la prestation de Dorothée Gilbert, Yann Bridard et Jéremie Belingard.
Partant du principe que ces interprètes ont été privés de la résidence dans les studios de Trisha Brown, pendant 15 jours, ont ne peut que les féliciter d’avoir réussi à créer leur propre « atmosphère », différente de celle de leurs prestigieux aînés.
L’harmonie et l’homogénéité de la danse des deux garçons, m’a semblé mieux adapté, que celle de Manuel Legris et Nicolas Leriche, qui ont des styles et une différence de niveaux technique, frappant dans ce genre d’exercice. Les portés avaient une légèreté différente de ceux de la première distribution, peut-être que votre place (d’après vos photos, Haydn) ne vous permettait pas d’en apprécier toute la beauté.
Pour Dorothée Gilbert, comme vous le disiez dans votre précédent post : » Dorothée Gilbert, qui tiendra le rôle dans la seconde distribution, aura fort à faire pour s'imposer dans un ouvrage situé a priori aux antipodes de ses prédispositions naturelles, et si elle y parvient, alors, on ne pourra que s'incliner devant son talent d'artiste » , si on prend en compte qu’elle a 10 ans de moins qu’Aurélie Dupont, je pense que hier soir elle a prouvé qu’elle était une artiste complète, pouvant passer du classique pur, à Forsythe en passant par Trisha Brown. Je trouve très flatteur pour elle, petit sujet, que l’on puisse même la comparer à Aurélie Dupont que beaucoup considère comme l’étoile des étoiles de l’Opéra de Paris.
En résumé je n’ai été nullement été déçu par cette deuxième distribution et souhaite un gros M……. à Mademoiselle Gilbert pour la dure journée de demain.

[haydn]

Merci de vos impressions, Usurpateur, et j'espérais bien que vous nous donneriez un éclairage différent sur cette soirée.

Précisons toute de même que Dorothée Gilbert ne peut plus être considérée comme un "petit sujet" ; il est clair pour tout le monde qu'elle ambitionne à devenir première danseuse, voire plus, et que, tout comme Myriam Ould-Braham, elle a été distribuée à plusieurs reprises déja dans des rôles d'étoile. Maintenant, on ne saurait effectivement exiger d'elle qu'elle possédat la même expérience qu'Aurélie Dupont, d'autant plus, rappelons-le, que la seconde distribution (où sont de plus intervenus des changements de partenaires du fait de la blessure d'Alessio Carbone) n'a certainement pas bénéficié de conditions de répétitions absolument identiques à la première.

[sophia]

Je vous trouve bien indulgents, mais vous avez certainement raison en ce qui concerne les justifications, avec cette seconde distribution. J'ai pour ma part trouvé que les interprétes ne semblaient pas croire à ce qu'ils faisaient, n'avaient guère l'air concernés par le spectacle, notamment les interprétes masculins. Si Dupont, Le Riche et Legris avaient réussi à transcender cette chorégraphie, à en faire quelque chose d'onirique, avec ces fameux pas et mouvements glissés, hier, je n'ai pas ressenti grand-chose, sinon l'accomplissement d'un dur labeur de la part de ses interprétes. Melle Gilbert n'a certes pas failli à sa tâche, mais la chorégraphie de Trisha Brown n'est effectivement peut-être que du vent auquel il est difficile de donner une consistance. L'accueil du public n'était d'ailleurs pas le même. Quelle différence de revoir ces mêmes danseurs dans le formidable Forsythe qui suivait!

[haydn]

A la veille d'un concours, l'indulgence est de mise, non

Petits changements de distribution dans Pas. / Parts :

Wilfried Romoli remplace Yann Bridard les 26/12, 29/12 et 31/12.

Audric Bézard se substitue à Aurélien Houette le 30/12 et à Emmanuel Hoff le 31/12.

[haydn]

Critique élogieuse de Marie-Christine Vernay dans Libération d'aujourd'hui (23/12/04) :

[haydn]

Rosita Boisseau, du Monde, semble d'un avis un peu plus partagé que sa collègue de Libération :

[haydn]

Interview de Laurie Anderson, l'auteur de la musique d'O zlozony / O composite par Eric Dahan dans Libération :

[Azulynn]

Critique élogieuse d'Alan Riding pour le New York Times, accessible ici (il faut s'inscrire gratuitement en premier lieu). L'auteur donne des détails sur la manière dont l'oeuvre a été créée et cite Trisha Brown et Manuel Legris.

[haydn]

Merci Azulynn d'avoir lu et traduit pour nous la presse américaine. Apparemment, la distinction accordée à Trisha Brown n'a pas été signalée par les médias français.

[Pierre]

Samedi 25
Quelques impressions de sortie de spectacle avant de relire tous vos posts et la critique de Mr Haydn…

Une soirée chorégraphique autour de créateurs contemporains permet de s’offrir, à l’Opéra, plus facilement de bonnes places à l’orchestre qui, bien que chères, le sont moins que lors des soirées lyriques. Mais il faut que j’arrête, car, à chaque fois, nous nous retrouvons dans un environnement sociologiquement « craignos ». Devant nous, un couple bourgeois très très fané que l’on trouve dans les films de Chabrol : Monsieur tousse et crache toute la soirée, dort le reste du temps sauf pour souffler à sa femme qui lui tend des bonbons que « c’est ch…t ». Plus loin, madame qui a réussi à sortir monsieur qui habituellement regarde le foot à la télé, mais qui s’est trompé de programme « mince, c’est pas du classique… », l’autre, « c’est pas encore fini ? Quoi ?deux entractes ?». Et puis, calvaire interminable deux rangs en arrière : la cadeau de Noël ! Un appareil photo numérique ! Sauf que le type n’a pas encore lu la notice et n’a pas encore désactivé les « shlick », les « shlick-shlac » sonores de son bazar, et il mitraille, mitraille, mitraille…Alors, pendant Bach-Suite, et Glacial Decoy, il y a des soirs où l’on a des envies de devenir Ivan le Terrible…

Ceci étant, maintenant que les soirées composites deviennent familières, il faut souligner le talent de Brigitte Lefèvre pour agencer, tel un commissaire d’une grande exposition, ces pièces en une soirée toujours cohérente. Les œuvres ne sont pas forcément d’égale valeur, loin s’en faut, mais on en ressort avec l’impression d’un voyage dans un univers thématique dont le déroulé suit la logique d’une progression initiatique. Tout cela, même si ce soir, la référence au « baroque » n’est pas d’une grande limpidité.

Les commentaires qui suivent sont à nuancer because plus haut…

Bach-Suite 3
Il m’avait été donné le chance de voir Kader Belarbi dans la version « Lancelot ». Ce soir c’était la version dite n°3 par et avec Nicolas Paul. Quelle idée de prendre une œuvre aboutie et de la déconstruire sans vraiment tout détruire ? C’est pas nouveau, les venus de Milo en commodes par Dali. Mais bon, bof, bof.

Glacial Decoy
J’avais vu aussi l’année passée et m’étais ennuyé presque comme le Monsieur plus haut. C’est mieux une deuxième fois, mais je trouve que ce n’est pas une chorégraphie tout à fait du niveau attendu à l’Opéra de Paris. Cependant, cette pièce était impossible à suivre ce soir, tant les raclements de gorges, les concerts de toux ont tout gâché. 3ème balcon, Amphi, 1er, Orchestre, Orchestre, 4ème… Une symphonie cauchemardesque.

Précipité ! C’est le cas de le dire. Quelle fatigue ! Maintenant Dupont, Legris, Le Riche. Mon dieu, ils doivent être eux aussi bien fatigués après la Belle hier soir ?

O zlozny / O composite
Et là, miracle du théâtre : chef d’œuvre ! Les rhums, les bonbons, envolés, les mamies et papys acariâtres disparus…
C’est indescriptible, c’est sublime.
Il paraît que cela a duré 20 mn. J’en ai compté 2.
Je vais maintenant tout lire sur l’acte de création de cette œuvre car je suis intrigué de savoir qui en a la paternité ou maternité, et dans quelles proportions, entre Trisha Brown et/ou MM Dupont/Le Riche/Legris. Pour tout vous dire, j’ai un doute. Je ne comprends pas, en effet, le lien organique entre l’auteur de Glacial Decoy et cette pièce. Pour être plus précis, les 3 étoiles dont on a pu lire qu’il sont partis à New-York répéter, n’ont-ils pas, en fait, trouvé chez Trisha Brown, une espèce de Villa Médicis ?
Pour être encore plus provocateur, ce doute artistique se trouve être renforcé par un doute iconographique : je ne vois aucune photo, ni dans Ligne 8, ni dans le livret, ni ailleurs, de photo regroupant, et les danseurs et la chorégraphe…
Tout ceci est certainement un pur procès d’intention que lèvera notre hôte dans quelques posts futurs…
Pour le reste, les costumes d’Elisabeth Cannon sont magnifiques, la toile de fond de Vija Celmins… céleste, et la bande son de Laurie Anderson très très intéressante.

Bref, il reste 5 représentations, courez acheter une place rien que pour O zlozny / O composite.

Pas./parts
Un peu dur d’enchaîner ensuite avec 35mn de Fosythe. Par contre, digne d’intérêt le corps de ballet dans son entier et en particulier :
Une certaine Laure Muret dont je découvre le nom sur le programme parce qu’elle dansait ce soir avec Gil Isoart un pas de deux. Qui peut me dire des choses sur cette danseuse aux qualités remarquables ?
Hervé Moreau que je n’avais pas vu depuis Ivan le Terrible et que je n’imaginais pas dans un ballet contemporain. Bravo.
Et puis évidemment, au sommet de leur art, Céline Talon, Wilfried Romoli qui ont tout compris à tout. Quels artistes…

[haydn]

Laure Muret est l'une des "anciennes" du corps de ballet, de la génération des Céline Talon, Nathalie Aubin... C'est avant-tout une merveilleuse actrice : elle avait été remarquable dans le rôle du "souffre-douleur", dans le Sacre du Printemps, version Paul Taylor, la saison passée. Cette année, elle a dansé le rôle de la Chatte blanche, dans la Belle au bois dormant, avec autant de réussite.

Laure Muret a été nommée Sujet en 1992, et depuis, sa carrière n'a semble-t-il plus évolué. Elle est heureusement assez bien distribuée, surtout dans le répertoire contemporain.

Un peu comme Céline Talon, elle fait partie de ces artistes douées, sensibles, très expressives, mais au style moins clinquant, et auxquelles les médias accordent trop rarement de l'intérêt.

En ce qui concerne Nicolas Paul, je suis surpris que sa prestation n'ait pas été satisfaisante, et si je peux, j'irai voir aussi sa version de Bach-Suite. Ce n'est pas forcément un danseur que j'apprécie par-dessus tout dans le répertoire classique, mais lui aussi semble privilégier la danse contemporaine, qui lui réussit fort bien. Et surtout, N. Paul s'essaye avec bonheur à la chorégraphie, monte souvent des spectacles. Il n'est pas exclu qu'on le voit un jour faire carrière dans ce domaine-là.


Enfin, il n'est pas étonnant que vous n'ayez vu Hervé Moreau depuis Ivan le Terrible, puisqu'il n'avait plus dansé depuis cette époque, suite à une mauvaise blessure. Il devait danser le rôle d'Albrecht dans la Giselle du printemps dernier, mais sa participation avait finalement du être annulée.

[haydn]

Critique enthousiaste de Muriel Steinmetz dans l'Humanité d'aujourd'hui, au sujet d'O zlozony / O composite, que la journaliste a vu dans la distribution D. Gilbert / Yann Bridard / J. Bélingard :

[haydn]

Critique tout aussi enthousiaste dans l'International Herald Tribune de ce 29 décembre :

[Azulynn]

C'est le même article que celui que j'ai posté il y a quelques jours, d'ailleurs, Haydn... (signé par Alan Riding) Des restes du champagne sabré pour la promotion d'Emmanuel Thibault ?

[haydn]

Oups apparemment oui, enfin j'ai quelques excuses : l'International Herald Tribune a tout simplement repris tel quel l'article du New York Times que vous aviez signalé plus haut!

Pour les non initiés, l'International Herald Tribune propose une compilation d'articles de la presse anglo-saxonne à destination des lecteurs européens.