Théâtre du Châtelet 2010/2011 - Le Petit Cheval Bossu

[haydn]

Je recopie dans ce fil les divers posts ayant trait au Petit Cheval Bossu qui venaient perturber la discussion sur Le Lac des cygnes. Merci de poursuivre la discussion ici.

[sophia]

Pardon, Serge et Gracian , Ivanuchka, c'est simplement le diminutif d'Ivan dans le conte, autrement dit le rôle principal, celui tenu par Sarafanov. C'est Ivan le Simple, Ivan le Fol, le naïf de tous les contes, celui dont tout le monde se moque, et qui devient héros malgré lui. Au départ, ses deux frères, Gavrilo et Danilo, sont plus intelligents et plus doués que lui, mais c'est pourtant lui qui sera l'élu, lui qui parviendra à surmonter les épreuves et à épouser la tsarine, grâce à l'aide du Petit cheval bossu, car son âme est pure.

Ekaterina Kondaurova interprète la Princesse de la mer, mais c'est un rôle ponctuel.

[serge1 paris]

Merci Sophia. Ca redevient clair.

J'avais tellement envie d'un premier rôle féminin qui ne soit pas Somova que j'avais mal interprété votre commentaire.

Le rôle principal pour Leonid Sarafanov, on ne va pas se plaindre !!!

[sophia]

J'avais vu le ballet avec Lobukhin, qui est parti ensuite au Bolchoï, maintenant c'est Sarafanov qui s'en va au Mikhaïlovsky...

[sophia]

Un article du Figaro sur la venue du Mariinsky, dans lequel Ariane Bavelier nous refait le coup de la "reconstruction" - qui n'en est pas une - du ballet oublié de Saint-Léon.

Le Mariinsky en état de grâce, par Ariane Bavelier (26/10/10)

[sophia]

Un petit avant-goût de ce soir avec la Danse des Nourrices, et Yana Selina, annoncée sur la distribution du Châtelet, alors même qu'elle dansait hier soir le rôle de la Sylphide au Mariinsky...

http://www.youtube.com/watch?v=SncF36IcrJ8

[Jonquille]

Combien de temps dure le ballet ?

[sophia]

2h15, avec un entracte.

[haydn]

Visiblement, beaucoup de spectateurs ont dû confondre ce soir Rodion Chédrine, auteur de la musique du Petit Cheval Bossu, avec le chorégraphe, Alexeï Ratmansky, qui n'avait apparemment pas pu faire le déplacement à Paris. Ovation du tonnerre de Dieu pour Chédrine, donc, qui pouvait faire croire que le Théâtre du Châtelet était rempli de nostalgiques de l'URSS de feu Léonide Brejnev...

Cela dit, à défaut d'être subtile, la partition du Petit cheval bossu est efficace, et Alexeï Ratmansky l'utilise - la détourne? - avec beaucoup d'habileté et d'humour.

Beaucoup de VIPs de la danse avaient fait le déplacement, tels Maïa Plissetskaïa, épouse de Rodion Chédrine, Andris Liepa, Pierre Lacotte, Marie-Agnès Gillot...

Compte-rendu à suivre.

[serge1 paris]

Il faut probablement être familier de la culture populaire russe pour vraiment apprécier ce Petit Cheval Bossu !

Pour ma part, j'ai été fasciné par un Leonid Sarafanov inépuisable et omniprésent, sautant, virevoltant et prenant un plaisir immense à faire vivre ce personnage un peu improbable !

Alina Somova que je croyais trop grande pour Sarafanov est finalement parfaitement appariée et je ne vois pas trop ce qu'on pourrait lui reprocher. Très souriante, elle joue son personnage avec beaucoup de grâce et de gentillesse.

On regrette que le solo de Yekaterina Kondaurova ne dure pas plus longtemps car ce qu'on peut voir est magnifique.

La façon de diriger de Valery Gergiev est toujours aussi curieuse et il ne regarde jamais les danseurs mais on n'entend jamais à Paris un orchestre de ce niveau au ballet (sauf quand il est invité ! ).

Pour le reste, ça n'a pas été vraiment un coup de foudre pour ce ballet malgré plusieurs beaux solos et pas de deux...

La narration est claire mais j'ai quand même beaucoup de mal à m'intéresser à cette histoire alambiquée. Les ensembles sont plutôt touffus et les costumes assez agressifs . Ca m'a paru finalement d'un genre un peu hybride avec un côté Walt Disney russe. Je crois que c'est le fruit du hasard si ce spectacle se retrouve au Chatelet mais en réalité il me fait penser à ces spectacles qu'affectionne le nouveau directeur du Chatelet dont on ne sait pas très bien s'ils sont pour les adultes ou les enfants, pour les gens qui ont une culture générale ou pour ceux qui n'en ont aucune ...

Pour tout dire, si Leonid Sarafanov n'avait pas été là , ça aurait été un peu une purge !

PS: je n'ai pas non plus vraiment été conquis par la musique de Tchédrine, mais il se peut que l'opéra donné demain soit plus intéressant .

[sophia]

Ekaterina Kondaurova apparaît en Princesse de la mer à l'acte II, mais également dans le rôle (bref) de la Pouliche à l'acte I. Sinon, pour l'anecdote, Yana Selina n'était pas là, et c'est, je pense, la toute jeune Margarita Frolova (Vaganova 2009), qui la remplaçait dans les Nourrices.

Je pense qu'il faut en effet une certaine familiarité avec l'histoire même du Petit Cheval Bossu pour mesurer l'écart ironique, ainsi que la dimension parodique et satirique que Ratmansky lui infuse, avec nombre de clins d'oeil à la politique, à la religion et à l'histoire de la danse. Dès lors, la scénographie "criarde" et constamment burlesque peut prendre tout son sens.

J'avoue, à la deuxième vision de ce ballet, que je suis extrêmement séduite par le talent de chorégraphe de Ratmansky, que l'on connaît surtout ici comme reconstructeur (mais un reconstructeur se doit d'abord d'être un chorégraphe et un musicien, comme le montre pour moi, a contrario, le piètre exemple récent de Malakhov à Berlin...), et notamment par sa capacité à proposer du neuf, en l'occurrence un style et un langage très personnels, mêlant allégrement danse et pantomime, avec de l'ancien, en l'occurrence, un vocabulaire qui reste très classique. J'aime la gageure (réussie) qu'il y a à s'emparer d'une narration traditionnelle et déjà travaillée par d'autres pour en faire un ballet "classique" résolument d'aujourd'hui. Là encore, la partition très pompière de Chédrine n'a guère d'intérêt en elle-même, mais il parvient à s'en servir avec une intelligence admirable et une écoute de tous les instants. Une leçon à cet égard pour tous les apprentis ou auto-proclamés chorégraphes de notre temps! Ce Petit Cheval, enfin, est un ballet "cultivé", une oeuvre "ouverte", et non un simple spectacle chorégraphique, strictement visuel ou vaguement émotionnel, comme on en voit tant. Il comporte plusieurs niveaux de lecture (conte pour enfants, fable politique, parodie burlesque...), tout en restant apte à parler à divers publics.

Sarafanov est tel qu'en lui-même, léger, bondissant et elfique dans un rôle qui lui sied à merveille, mais je ne l'ai pas forcément trouvé plus extraordinaire ici que Lobukhin il y a quelques mois de cela à Saint-Pétersbourg. Somova, à ses côtés, offre son charme prenant de blonde Princesse un brin décalée, en dépit de sa danse toujours passablement désinvolte à mes yeux, tout au moins pour une compagnie de ce niveau. Le corps de ballet et les solistes masculins (Popov en Petit Cheval, Ivanov en Tsar, Smekalov en Chambellan) m'ont presque plus impressionnée que les filles, toujours superbes et poétiques, rien de nouveau sous le soleil du Mariinsky.

[alila]

Je suis entièrement d'accord avec Serge1: Leonid Sarafanov est LE NOM et surtout le DANSEUR de la soirée!

Il tient toute l'histoire, c'est lui le fil conducteur du ballet et qui le conclue avec un morceau de bravure et d'interprétation superbe! Une drôle et extrêmement difficile variation à la fin, exécutée à la perfection et on ne dirait même pas qu'il se fatigue, on ne voit pas l'effort, la facilité avec laquelle Sarafanov execute deux fois la diagonale de brisés en tournant est impressionante! Il donne vie au milieu de personnages plutôt comiques, pas très réels. Ce n'est pas mon style de ballet préféré, ça me rappelle le casse noisette version Vainonen, également dansé par le Mariinsky, très amusant, coloré etc, mais bon on dira plutôt que c'est pour les enfants ("Walt Disney Russe" me convient comme métaphore, hehe). D'ailleurs, il y avait beaucoup d'enfants dans la salle.

Et pourtant, Le petit cheval bossu tient la route, grâce en grande partie à Sarafanov, mais aussi aux fortes références avec la culture russe. On est quelque part entre les Noces de Nijinska (la danse des nourrices gentiment indiquée par Sophia, qui est très jolie), l'Oiseau de Feu de Fokine et la Fleur de Pierre de Grigorovich! Avec des scénarios et costumes venus tout droits de l'héritage de l'avant garde russe, Malévitch surtout (mais pas beaux...), et finalement la musique qui a un quoi de Shostakovich (mais qui n'arrive pas aux pieds de celui-ci). Bref, la Russie entre les contes, les artistes et les soviets..., bizarrement la chorégraphie est de l'année dernière seulement!

On retrouve aussi la discussion développée dans le fil sur Paquita sur le fait de surjouer ou pas un ballet avec une histoire plutôt simple, sans complexité psychologique, avec une pantomime plus accentuée et plus artificielle. Il me semble que le but dans le Petit Cheval Bossu est de vraiment raconter une histoire sur scène, du coup les mimiques fortes, les grands gestes, etc se justifient et semblent bien à leur place. Tous les artistes, y compris Somova, jouent bien leurs rôles, sont très charismatiques et nous font rire tout au long du ballet. Le tsar était plutôt lourd, revenait un peu trop souvent à mon goût, mais était très bien joué! Son méchant adjudant, celui avec un "X" blanc, était excellent! Ça m'a fait penser à Iznogud!

Quant à Somova, sur qui j'avais beaucoup d'à priori, la chorégraphie est beaucoup moins sympathique à la princesse qu'elle ne l'est à Ivan, le personnage de Sarafanov. Ses solos et pas de deux était plutôt pauvres, très répétitifs (la suite de développés/écartés à la seconde, sans aucun intérêt à part montrer l'extension de Somova...) et sans une articulation intéressante entre les pas. Bien que le reste du ballet soit plutôt pareil, sans grandes inventivité chorégraphique, à part quelques pas de la toute première scène quand Sarafanov est derrière les autres et on ne le voit presque pas... (Sophia, je vais peut être avoir besoin d'une deuxième vue pour apprécier le travail de Ratmansky...)

Ce que je reproche à Somova c'est la manière dont elle utilise ses très longs bras. Uliana Lopatkina par exemple a aussi des longs bras, et pourtant elle les mets en valeur de façon magnifique. Somova a une façon de "casser" ou d'angler ses poignets et ses coudes qui brise toute l'harmonie des bras. Cela peut être très subjectif, personnellement, ça me gêne le regard.

Kondaurova danse trop peu pour se faire une vrai opinion, mais les gestes et les regards de son personnage rappellent beaucoup Maya Plissetskaya, notamment les arrêts avec les jambes à la Carmen de Alonso. Dommage que sa danse, comme celles de Somova, ne la mette pas plus en valeur et ne lui permettent pas de montrer ses talents au delà de l'interprétation.

Bref, après 11 ans sans voir le Mariinsky, j'étais très contente du corps de ballet, de l'orchestre et du superbe et omnipuissant Gergiev, et des solistes. Mais j'aurais vraiment préféré qu'on nous présente la Fontaine de Backhisaray ou un des grands classiques. Et surtout: plus de représentations et pas une seule soirée!!!!

[sophia]

[haydn]

[Perle]

Pour ma part, il y a très longtemps qu'un ballet narratif ne m'avait permis de passer un aussi bon moment. Je ne connaissais pas ce ballet que j'ai découvert, telle une enfant un soir de noël.C'est drôle et côté pantomime nos amis de St Pétersbourg sont excellents. La chorégraphie pétillante illustre parfaitement ce conte populaire et les danseurs sont parfaits. Léonid Sarafanov est évidemment merveilleux mais mon grand plaisir a été de voir que les autres n'apparaissaient pas en demi teinte à ses côtés. Grigori Popov en petit cheval bossu ne démérite pas techniquement, loin s'en faut!
Mention spéciale à l'orchestre !
Une excellente soirée hélas unique.