Jan Fabre fait de la provocation au Théâtre de la Ville

[haydn]

The Crying Body, spectacle très controversé de Jan Fabre au Théâtre de la Ville, si l'on en croit l'article d'Armelle Heliot paru dans le Figaro d'aujourd'hui. En vérité, cela ne surprend guère de la part du chorégraphe flamand, qui nous a depuis longtemps habitués à toutes les outrances et les provocations les plus gratuites

[Katharine Kanter]

But if you call a spade a spade, in print,

they'll sue you.

Funny games.

[haydn]

On est pas encore aux Etats-Unis, Katharine. J'essaye juste qu'on évite de déraper dans l'insulte. L'article du Figaro dit sans détour ce que vaut cette chorégraphie, mais il reste toujours correct dans la forme. J'essaye de maintenir cet esprit ici aussi.

[haydn]

Autre son de cloche dans Le Monde, où Rosita Boisseau se montre plus conciliante envers Jan Fabre, même si on ne la sent pas débordante d'enthousiasme :

[haydn]

Libération- Le Figaro, même combat pour dénoncer le spectacle de Jan Fabre :

[Pierre]

"to call a spade", dans le Robert, c'est "appeler un chat, un chat" ou plutôt "une pelle"

Dansomanie, c'est aussi un cours d'anglais gratuit.

L'article du Figaro dit aussi que le public (ultra bobo - bourgeois-bohème) du théatre de la Ville (ultra subventionné par nos impôts) a aimé. Quid des danseurs ?

Probablement ici la limite entre la provocation (soft car toujours suggérée) qui a du sens type Preljocaj, même si parfois le résultat est médiocre comme N, moyen comme "ceci est mon corps" et chef-d'oeuvresque comme Médée, et le vide de sens, "l'animalité".

Le sang dans Médée est de la peinture, le meurtre une simulation. Là on sort de la représentation pour passer dans le "happening". Donc effectivement carton rouge !

[édité par la modération]

[note de l'admin : Désolé Pierre, je tiens à ce que le forum reste correct, même si on peut évidemment dire ce qu'on pense de ce spectacle très contestable. J'ai en conséquence pris la décision de supprimer le lien de dérision que vous aviez mis, de manière à prévenir tout dérapage. Le contenu du reste du post n'a pas été "censuré"].

[Pierre]

Effectivement un énervement humoristique à "modérer"

La démagogie des politiques est telle que l'on ne peut espérer un ministre aujourd'hui se lever et quitter la salle. Quant au public, il est tellement conformiste qu'il n'osera pas non plus manifester une quelconque désaprobation.

[Katharine Kanter]

Les gens ont peur.

Ils rient, ils applaudissent, parce qu'ils ont peur.

Le but de ce genre de "spectacle", c'est de TERRORISER les gens.

Même et surtout s'ils croient "rire".

Au cours de certains évènements dans les années 30 qu'il serait inutile de décrire ici, lorsque l'on faisait certaines choses à une certaine classe de personnes dans la rue, ou que l'on sonnât chez ces personnes dans la nuit, il se trouvait toujours des "spectateurs" pour rire.

Car ils avaient peur que cela ne leur arrive aussi, s'ils n'avaient pas l'heur de trouver cela hyper-drôle.


En tout cas, ce ne sont pas des danseurs mais des "performers" comme dit M. Fabre.

Il est allé les pêcher où, ces types là ?

A l'Académie du Théâtre Maryinskii peut être ? Ou dans d'autres établissements dont il voudrait peut être décliner les noms ?

[haydn]

Je ne pense pas que le but soit de terroriser qui que ce soit. L'objectif, c'est de se faire de la publicité à bon compte, en espérant même des réactions brutales, ce qui permettra ensuite de dire qu'on est victime de la censure et de l'intolérance d'esprits conservateurs.

Maintenant, évidemment ont peut aussi considérer que l'art est là pour destabiliser, pour obliger le spectateur à s'interroger sur les aspects sombres de sa propre personnalité, et assister à une représentation de quelque chose comme The Crying Body, peut générer cette mise en question. Le problème, c'est qu'à abuser de ce genre de procédé, l'on est obligé d'aller toujours plus loin dans la provocation et l'outrance, pour obtenir un effet sur un public qui a déjà tout vu, que ce soit sur une scène de théâtre ou dans la triste réalité quotidienne.

[sophia]

Je ne suis pas sûre qu'un tel "spectacle" doive susciter autant de bavardages. Force est de constater que c'est pourtant le cas. Tout cela relève pour moi de la volonté réitérée de la part de son auteur de se conforter dans l'idée de sa propre subversion et comme vous le dites haydn de se complaire encore et toujours dans le fait qu'on est l'ennemi en même temps que la cible du bourgeois intolérant, pudibond et forcément conservateur.
Sans vouloir faire de la théorie, une démarche artistique suppose la construction d'un "écran", aussi fin soit-il, entre l'oeuvre et le réel. Autrement dit, l'art est toujours une représentation, une "mimésis", comme disaient nos ancêtres les Grecs (et pas forcément d'ailleurs une sublimation de la réalité, ça, c'est une vision un peu étriquée de l'art...). Au passage, rien n'empêche une oeuvre d'être scatologique, il y en a de fameuses dans l'histoire. Mais avec Jan Fabre, on est à l'évidence dans autre chose, la "performance", le "happening", comme il a été dit; il n'y a pas de "filtre", les gens qui sont sur scène (je ne peux pas les appeler des artistes) ne jouent pas... Et je dois dire, moi qui d'habitude m'efforce de réagir avec ma tête et pas avec des considérations morales ou simplement épidermiques, que là, vraiment, je ne peux pas, cela me révolte et me révulse tout à la fois.

[haydn]

Pour voir les choses sous un autre aspect :

Interview assez "sage" de Jan Fabre, accordée en 2000 au magazine en ligne www.mouvement.net :