N

[Pierre]

La presse commence à évoquer le prochain spectacle à Chaillot d'Angelin Preljocaj.

Sujet qui nous éloigne de la Sylphide puisque qu'il s'agit de danser la haine. Vaste de sujet de la société contemporaine, comme avait pu l'être son Casanova sur les maladies pudiquement appelées sexuellement transmissibles.

J'ai vu à la création Casanova et revu lors de la reprise il y a un ou deux ans. J'avais beaucoup aimé. J'ai visionné aussi récemment son Roméo & Juliette dont Haydn nous rappelait récemment qu'il serait repris à l'Opéra de Lyon cette année.

Ce que je lis ici sur N me fait un peu peur, mais espérons que le talent de Preljocaj saura encore une fois nous convaincre de la justesse de ses choix.

[Pierre]

Je crois qu'il faut vraiment prendre peur :

Sur le site internet de Chaillot, voici la précaution à lire avant de réserver vos places

[haydn]

Eh bien, ça promet! Faudra aller voir les spectacles de danse comme les concerts de musique rock : avec des boules quiès dans les oreilles! (oui, je sais, je suis un vieux réac...!)

[Katharine Kanter]

Great news, gang !

Just the other day, heard a BBC special report from a fellow who's with the Royal Society of Thoracic Specialists or some such thing.

Faced with a string of patients who had BLOWN OUT THEIR FLIPPIN' LUNGS by listening to techno-rave and similar music with certain frequencies, he raised the issue at a monthly meeting of thoracic surgeons and pneumologists or whatever they're called.

It turned out, that several of his colleagues had been dealing with patients whose lungs had blown out whilst listening to some of this stuff that I honestly and truly think we should STOP calling music.

'Cus it ain't.

[sophia]

Le magazine de la Fnac, "Epok" (il est gratuit pour les adhérents et pourtant je n'ai pas du tout envie de faire de la pub à cette officine qui n'a pas besoin de moi pour cela -mais bon, cela n'a absolument rien à voir avec la danse.), livre ce mois-ci une brève chronique sur ce spectacle accompagnée d'une photo représentant des corps nus entremêlés et évoquant irrésistiblement quelque charnier du XXème siècle. Mais ce qui me frappe, c'est l'incroyable banalité, l'assomante redondance des propos du chorégraphe rapportés dans ce bref article:
"La technologie réinterroge ma façon de travailler, comme si je disposais d'un nouvel alphabet." (En fait, M. Preljocaj vient de découvrir la 3D et la vidéo et en fait un élément essentiel de son spectacle, comble de l'avant-garde...)
"La danse contemporaine n'est pas destinée à être seulement jolie ou agréable. L'art est en prise avec le monde, il se doit d'avoir une part de violence." On peut, me semble-t-il, se demander si M. Preljocaj est naïf ou s'il pratique en toute conscience la langue de bois de l'art contemporain!!! En tout cas, il était temps que le monde de la danse découvre ce qui constitue déjà les clichés les plus éculés de l'art contemporain!!!
Alors, bien sûr, mes propos sont réactionnaires et je les assume comme telles, mais en quoi M. Preljocaj, ce très grand chorégraphe actuel si l'on en juge d'après sa côte médiatique, fait-il preuve d'originalité, de modernité et de créativité en ressassant ces insupportables lieux communs?

[Pierre]

Vous aurez le droit samedi soir à quelques impressions sur N... J'y vais !
Au guichet on nous a recommandé d'apporter des lunettes de soleil et des bouchons à oreilles. Vé-ri-di-que !

Mais il paraît d'après d'autres sources que c'est très bien....

[Pierre]

Salle comble pour l’avant-dernière de « N » au Théâtre national de Chaillot.
On aura pu remarquer la présence d’un danseur Etoile et d’un Premier Danseur parmi les spectateurs…
Applaudissements polis à la fin des 73 minutes de représentations. En effet, rien de révolutionnaire dans cette création si ce n’est les cinq dernières minutes de stroboscopie aux limites du supportable, mais bon cela ne dure que quelques instants.
Le spectacle commence par quelques minutes où les danseurs sont nus sur scène, mais les amateurs de scandale ou les voyeurs en seront pour leur frais, car tout est très pudiquement masqué par un éclairage minimal.
Les douze jeunes danseurs garçons et filles ont donné, ce soir, une très honorable démonstration de leur belle technicité. Sur une chorégraphie très « néo-classique », ont évolué des groupes très coordonnés, trios, couples, solos, le tout sur une scène totalement dépouillée à l’exception d’une toile de fond triptyque où se projetaient quelques vidéos très conceptuelles.
Quelques (trop rares) trouvailles visuellement très efficaces pour rendre les corps malléables, liquéfiés… Il a fallu quelques heures de répétition pour obtenir de tels effets.
Un bruitage (musique ?) ultra basique, d’une ultra monotonie et donc ultra nul était censé mettre en scène une succession de tableaux (trop) démonstratifs sur le thème de la haine. Nous avons eu le droit à toute la gamme : charniers, combats, soumissions, harcèlements, … ne cherchez aucune lueur d’amour, de tendresse, de complicité, non, toute la chorégraphie de Preljocaj ne laisse aucun espoir. Pas de hors sujet donc.
Bref une soirée en demi-teinte. On a connu Preljocaj mieux inspiré.

[haydn]

Espérons donc qu'Angelin Preljocaj sera plus inspiré lors de la création de son Songe de Médée le mois prochain à l'Opéra!

[Pierre]

Parmi les bonnes trouvailles chorégraphiques de N :

Le coup de pied dans le tas de chair :
N commence donc par l'exposition de deux tas de danseurs défendus par deux chefs de clan qui se battent en duel. Les tas de corps visqueux (entre Radeau de la Méduse et un grouillement d'anguilles) sont parfois bousculés par un coup de pied sauvage qui déplace de quelques mètres le dit tas.

Evidemment, un simple coup de pied dansé ne peut mécaniquement soulever six ou sept danseurs, mais l'illusion est très efficace.

La manipulation des corps :
Dans la deuxième partie, un tableau montre la domination des uns contre les autres. Les forts ont un bâton et frappent ("pour de faux" comme diraient les enfants) les faibles, les soulèvent, manipulent leurs membres mous, comme un boucher qui vous préparerait une volaille. Là aussi l'illusion est bien rendue.

Sinon le reste est une combinaison de pas et de gestes déjà vus, c'est pourquoi je me suis permis d'évoquer le "néo-classissisme" de cette chorégraphie efficace et pas désagréable.

[haydn]

La critique de François Delettraz dans le FigMag :

[Pierre]

Si je suis viré de mon boulot, je peux peut-être me faire embaucher au Figaro ???

Ou peut-être que Le Fig Mag copie sur Dansomanie...

[haydn]

Heu là, Pierre, désolé de vous contredire, mais le FigMag avait le privilège de l'antériorité.


Et on ne vous souhaîte quand même pas d'être licencié de votre travail...