BBC Documentary "Nureyev, the Russian Years"

[Katharine Kanter]

Le 22 septembre, la BBC a diffusé un documentaire de John Bridcut, évoque sur le fil "programmes télévisés" sur ce site Web, que j'ai pu hier soir regarder en copie, grâce à l'amabilité d'amis à Londres.

L'intérêt principal de ce documentaire, est d'abord, de présenter des extraits de film qui n'ont jamais été diffusés auparavant de Nureyev dans les années 50 et d'avant sa fuite en Occident (Nureyev était en fait, le premier artiste à ce faire), et même, quelques secondes du cours d'Alexander Pushkin à l'école du théâtre Maryinskii.

Pour Bridcut, Pierre Lacotte a bien voulu refaire ses pas aux côtés de Nureyev ce jour du 16 juin 1961 à l'aéroport du Bourget, et il est longuement interviewé à ce sujet.

Bridcut réussit à faire revivre, à travers des interviews de gens "restés" en Russie, ce que fut la période qui suivit la mort de Staline et les interrogations que se posaient les gens de l'élite alors.

Déjà à sa première époque, Nureyev ne voyait que lui-même sur scène, sa ballerine étant présente pour l'anecdote. Sa relation d'avec le public était la séduction, et personnellement, j'avais toujours trouvé cela assez repoussant. Un exemple frappant est l'extrait de "l'Oiseau Bleu" à Paris (1961), avec les Ballets du Marquis de Cuevas; sa ballerine était soit Vyroubova, soit Hightower - en tout cas, dans les quelques secondes où on la voit danser, c'est une petite splendeur mais son nom n'est pas même jugé digne de mention.

Pour ma part, je serais beaucoup moins convaincue que certains du poids dans l'histoire du principal intéressé, Nureyev, lui-même, et je crois même que nous verrons, dans le temps, que le rayonnement de gens moins médiatiques tels Yuri Soloviev, ira croissant. Ces questions sont d'ailleurs discutées de manière fort intéressante par l'écrivain américain J. Lobenthal, dans un article sur Soloviev paru dans "Ballet Review" en 2003.

M. Lobenthal cite un commentateur qui assistait aux cours de Pushkin vers 1967, où dansaient aux côtés de Soloviev, Messrs. Baryshnikov, Valerii Panov et Vladilen Semionov. "He (Soloviev) never seemed to look at the others - only at his own inner self". Et l'épouse de Soloviev, Tatiana Legat (professeur de Sarah Lamb), dit à Lobenthal qu'elle ne pensait pas que Soloviev eût fait carrière en Occident s'il avait répondu aux nombreuses offres de s'enfuire de Russie, car il ne souhaitait pas cachetonner - "ce n'était pas un homme d'affaires".


Souvent, les gens qui à court terme peuvent être auréolés de gloire par leurs contemporains, se retrouvent sur le "Long Wave" de l'histoire, rattrapés par des gens qui travaillaient dans la profondeur des choses et des idées.

En tout cas, il faut bien comprendre que toute la réputation internationale de Nureyev repose sur les quatre ou cinq ans en Occident où il dansait encore bien, c'est à dire d'environ 1962-1966. A partir de l'âge de 26 ou 27 ans, la danse de Nureyev s'écroula, en raison de ses méthodes de travail frénétiques, Stakhanovistes, son mépris du bon sens anatomique et aussi d'une folie des grandeurs qui s'infiltra dans chacun de ses gestes et mouvements, les quittant leur dignité.

C'est un cas assez lamentable d'un homme fort habile mais sans structure philosophique, qui fut en quelque sorte détruit par la forme de corruption particulière au monde occidental.

Il est certain que ce documentaire de Bridcut fait réfléchir sur ce que ce c'est que de jeter un adolescent, brilliant certes dans un certain domaine mais sans aucune conviction spirituelle, philosophique, religieuse, morale, béat d'adoration devant soi-même, dans la gueule de Chronos qui ne cherche qu'à le dévorer. Je vois cela plutôt comme une question au sujet de la responsabilité que nous avons vis à vis de la prochaine génération.

[sophia]

Yuri Soloviev (1940-1977):
Premier danseur du Ballet du Kirov de Léningrad, à la même époque que Rudolf Noureev et Mikhaïl Barychnikov. Partenaire de Natalia Makarova et Alla Sizova.

Surnommé "Cosmic Yuri" par le public occidental et soviétique en raison de ses sauts exceptionnels et de sa ressemblance physique avec Yuri Gagarine, le premier homme dans l'espace. On l'a aussi comparé à Vaslav Nijinsky pour sa technique. Le 12 janvier 1977, on le trouva mort, une balle dans la tête, dans sa dacha près de Léningrad.

Le départ de Noureev pour l'Occident nous a toutefois permis de posséder un fabuleux enregistrement de La Belle au bois dormant (1962), où il danse le rôle du Prince Désiré aux côtés d'Alla Sizova.

(traduit et adapté d'un article de Wikipédia)


Egalement: http://www.for-ballet-lovers-only.com/Soloviev10.html
http://www.for-ballet-lovers-only.com/Soloviev_th.html

[sophia]

A l'occasion de la parution de la biographie que Julie Kavanagh a consacrée à Noureev, biographie intitulée Nureyev: The Life, Joel Lobenthal - critique mentionné plus haut par Katharine - a publié récemment un article sur le danseur dans le New-York Sun (daté du 3 octobre): What Made Rudolf Nureyev


Par ailleurs, comme Libellule avait ouvert un fil au sujet de cette nouvelle biographie ICI, je signale ce blog sur lequel un certain nombre d'articles le chroniquant sont recensés (liens au bas de la page): http://nureyevlegacy.blogspot.com/2007_10_01_archive.html