Don Quichotte - du 27 février au 1er avril 2007

[paco]

ouh la la, en lisant les divers commentaires sur cette représentation, un lecteur non présent à l'ONP jeudi soir finira par avoir l'impression que cette soirée était médiocre, un flop.

Aussi je tiens à préciser qu'un néophyte comme moi, certes amateur passionné mais néophyte, a passé une excellente soirée, malgré les toutes petites réserves que j'ai mentionnées plus haut, principalement le fait que Matvienko dansait pour lui même et se souciait peu de son environnement.

Cette soirée se hissait quand même à un très haut niveau, digne d'une très bonne soirée de l'ONP, on ne peut pas la classer comme ça par pertes et profits et décréter que personne n'était bon, pas même la star invitée du Bolchoï...

En tous cas, à en juger par les commentaires entendus à mon balcon, nombreux étaient les spectateurs enthousiastes, fascinés tout particulièrement par Matvienko, et qui passaient un très bon moment.

Au final les ovations étaient plutôt chaleureuses, d'ailleurs...

[haydn]

Il faut évidemment toujours relativiser les choses, peut-être que lorsque l'on voit trop de représentations, après l'on devient trop sensible aux petites choses qui ne vont pas, mais bon. C'est très bien si le public y prend du plaisir.

[sophia]

On doit aussi avoir la possibilité (je n'ai pas envie de parler de "droit") de ne pas trouver une soirée enthousiasmante ou même de s'ennuyer, sans se sentir pour autant un rabat-joie... Après, c'est vrai, lorsqu'on se livre à un exercice critique, on se doit de dépasser les réactions épidermiques, bassement sensibles, du type "j'aime"/j'aime pas", "c'est beau/c'est moche", etc...
Je le dis d'autant plus que j'avais un "a priori" très favorable vis-à-vis de Matvienko ("a priori" qui n'en était pas un, puisque je l'avais déjà vu dans ce rôle) et il m'a semblé jeudi un peu décalé dans cette chorégraphie si sage - faute de répétitions sans doute aussi - alors que c'est pourtant un magnifique danseur. Quant à Aurélie Dupont, oui, on l'a vue plus en forme. En toute objectivité.
Evidemment, toute représentation donnée à l'ONP est professionnelle... Mais la flamme, on ne la ressent pas toujours, et elle n'est pas toujours là non plus... Mais je reconnais que c'est parfois très subjectif.
On fonctionne forcément par rapport à son expérience et à ce qu'on a déjà vu, c'est ainsi... Et la première de Pujol/Le Riche - oui, je peux apprécier la version Noureev lorsqu'elle est transcendée par de grands interprètes! - les représentations du Bolchoï avec Osipova/Matvienko, Alexandrova/Filin..., qui vous mettent le feu à une salle, étaient d'un tout autre niveau, en termes de spectacle, en termes artistiques, en termes de simple technique même... Heureusement que toutes les soirées ne se ressemblent pas, cela permet justement d'apprécier lorsqu'elles sont vraiment exceptionnelles!

[paco]

oui bien sûr, mon propos n'était pas dire stop aux critiques. C'est juste qu'en relisant nos quatre compte-rendus (y compris le mien), j'ai réalisé que nous donnions l'impression à un lecteur extérieur d'avoir assisté à un flop.
C'est pourquoi ma réaction consistait juste à préciser que ça restait qd même un spectacle de l'ONP, donc comme vous le dites quelque chose de professionnel, que nos remarques étaient juste des comparaisons avec d'autres représentations plus "marquantes".

[Pierre]

Je ne sais pas ce que vous avez vu ces derniers jours, mais ce soir, Melle Dupont a voulu prouver au public parisien qu'elle était la plus grande Kitri du monde.

Et elle l'était de manière suprême, à se demander effectivement si elle n'a pas trop forcé la dose, car ses fouettés n'étaient pas aussi nombreux qu'à l'habitude, mais parfaitement exécutés. Il faut dire qu'elle venait d'accomplir quelques secondes auparavant le plus grand affront qu'ait jamais reçu Newton. Le public a ovationné cette danseuse d'exception à qui il manquait ce soir un Manuel Legris.

Ce troisième acte faisait suite à une démonstration de vistuosité et de grâce servie par des partenaires féminines digne d'elle dans la Scène 2 du deuxième acte, Vision de DQ qui reste pour moi le sommet chorégraphique de ce ballet. Mélanie Hurel a un style qui me fait penser à celui de Melle Ould Braham, ce côté français plein de raffinement.

Pour oublier [édité par la modération] Matvienko, il ne fallait pas trop chercher loin du côté des messieurs, avec évidemment le classieux Jean-Guillaume Bart et le très crédible Carbone en Gitan, enfin plus crédible que les trop princiers grands blonds de la troupe.

On notera une crise de nerf dans le public au balcon qui a fait très peur à tous avant la reprise du 3ème acte. Est-ce cet incident qui a permis de terminer le spectacle en gigantesque feu d'artifice.

L'orchestre a été excellent. [édité par la modération] On peut définitivement confisquer à nos amis russes, l'excellent Pavel Sorokin.

[Lanou]

Cher Pierre, je regrette profondément que vous n'ayez en effet assisté au déploiement de force dont est capable Matvienko; c'est un grand artiste et un excellent danseur, bien que parfois un peu trop brouillon pour nos yeux habitués à une meilleure pondération. Pour l'avoir vu à de nombreuses reprises à Londres cet été, ce qui était là ce soir était bien inintéressant comparé au feu qu'il est capable de déclencher. Je pense que son partenariat avec Mlle Dupont est loin d'être passionnant. Pour ma deuxième représentation avec A. Dupont en Kitri, je dois avouer que cette danseuse fabuleuse, que je n'apprécie cependant pas outre mesure, m'inquiète sérieusement: elle ne saute plus vraiment lorsqu'il s'agit des petits sauts (elle saute bien sur, et très bien , pour les grands jetés, et quand il le faut), et il me semble, de manière toute subjective, qu'elle fonctionne à l'économie, je la trouve assez crispé, pas tant dans ses bras comme l'est Mlle Cozette, mais il y a quelque chose de tendu et nerveux. Je suis déçu donc, a contrario de vous, de cette représentation qui m'a mis quelque part assez mal à l'aise.
JG Bart est vraiment incroyable dans la classe qu'il peut avoir, la légèreté de ses sauts, le maintien de son dos. Mlle Hurel est très dans l'esprit de Cupidon, piquante et mutine "à souhait". Fabuleux Gitan de Carbone, dont on ne peut admirer le Basilio, faute de merles...
Bref, on a vu mieux avec Pujol-Le Riche, et on attend beaucoup des premiers danseurs que l'on va voir très prochainement.

[Azulynn]

Plus grande équilibriste du monde, peut-être, notre Aurélie Dupont, mais de là à la promouvoir meilleure Kitri - il y a un grand pas. D'ailleurs, dans un autre domaine technique, ses fouettés sont tombés à plat juste après, avec une série avortée (elle s'est arrêtée bien avant la fin de la musique). Mais plus de détails une autre fois sans doute, il se fait tard...

[Pierre]

Désolé Haydn de devoir subir vos foudres dansomaniaques, bien que ce que vous avez édité n'était en rien insultant, juste ironique pour un artiste précédé d'un tel aura.

La performance de ce danseur a été moyenne ce soir, voilà tout.

De toutes les façons, tout ceci sera oublié le 31 au soir pour l'affiche Ould-Thibault qui sera l'évènement chorégraphique de l'année...

[bruno]

Certes? Matvienko peut avoir un côté ' too much" qui peut surprendre à l'opéra de paris. Je n'ai pas vu cette représentation mais je le connais bien ce danseur: c'est inconstestablement un virtuose, il a un vrai tempérament. Je reconnais qu'il peut parfois donner l'impression de faire du "cirque' mais il est un grand Basil et les spectateurs parisiens devraient se réjouir que Matvienko souit "artiste invité" du Bochoï car il est le seul à pouvoir interpréter aujourd'hui "Spartak" qui sera à l'affiche en janvier. Un rêve: que Nicolas Leriche reprenne le rôle avec le Bolchoï mais à vrai dire, j'en doute!...

[haydn]

J'ai "censuré" des propos un peu vifs de Pierre, tout simplement parce qu'on ne les aurait pas admis s'ils avaient concerné un danseur de l'Opéra de Paris, et qui versaient un peu dans le registre du "prends ta gondole et rentre à Venise" que Claude Bessy avait naguère envoyé à la tête d'Eleonora Abbagnato.

En ce qui me concerne, je ne juge que la prestation de Matvienko de jeudi dernier, qui fut moyenne, sans être indigne d'ailleurs. Elle était simplement en-deçà de ce que j'attendais d'un danseur - que personnellement je n'avais jamais vu précédemment, et pour lequel je ne dispose donc d'aucun point de comparaison - précédé d'une aussi grande réputation.

Il faut néamoins souligner que d'une part, lorsqu'on se produit en "artiste invité", on ne dispose vraisemblablement pas d'un très long temps de répétition, et que de plus, M. Matvienko devait apprendre la chorégraphie du Don Quichotte de Nouréev, qu'il n'a pas à son répertoire, à la différence de Carlos Acosta ou de Roberto Bolle invités lors de la précédente reprise de l'ouvrage. De plus, sauf erreur de ma part, il n'avait jamais dansé avec Aurélie Dupont auparavant, et un minimum de temps est nécessaire pour s'adapter à une partenaire qu'on ne connaît pas, même si on est une star internationale de la danse.

Enfin, il y a des jours "avec" et des jours "sans", comme je l'ai déjà souligné. D'après ce que je lis et entends, la représentation d'hier soir a été tout de même supérieure à celle du 15 mars, qui aura sans doute un peu servi de "répétition générale". D'ailleurs, Mélanie Hurel, que j'apprécie beaucoup en Cupidon avait paru un peu en retrait ce jour là aussi, alors que manifestement elle avait retrouvé toute sa forme hier. A cette différence près, que dans ce cas, je suis en mesure de faire la part des choses, car je vois Mlle Hurel sur scène de nombreuses fois chaque saison et connais sa valeur réelle, alors que je découvre là M. Matvienko.

[Pierre]

Merci de faire la comparaison avec la récente venue de Roberto Bollé sur DQ. Et bien, il me semble que ce garçon avait effectivement pris le temps de travailler son rôle certainement avec moins de désinvolture que son confrère d'hier.

Tout comme Acosta qui connaissait sa partition sur la scène de Bastille en Basilio même si le style grand cirque ne nous va guère sous les cieux tempérés de Paris.

J'ai trouvé que M. Matvienko que je découvre également, cumulait et le "too much" et l'imprécision; et pire, que le "too much" masquait en fait son impréparation et au rôle et à sa partenaire.

Etre "star", c'est être sujet à la critique qui ne me semble pas injuste ici.
Quant aux gondoles de Bessy, c'était pour échanger avec Sorokin qui dans ses tempi, dans les couleurs de l'orchestre nous a ravis. Minkus comme cela c'est bien.

J'accepte la sanction Haydn !

[bruno]

Pierre, je vous crois, vous êtiez à la Bastille et je n'y étais pas. Je dis simplement que Matvienko peut aussi être un Basil superbe, en tout cas dans la version du Bolchoï. J'imagine que ce qu'il produit n'est pas la version Noureev qu'il n'a jamais dansée. Attendons les autres spectacles pour voir si cette mauvaise impression se confirme ou si le couple Matvienko/Aurélie fonctionne mieux. La critique, bien sur! Mais conservons aussi un sens de l'hospitalité et une certaine bienveillance pour des artistes qui se produisent pour la 1ère fois à Paris, qui plus est à Bastille, cette arène monstrueuse. Et d'une certaine manière, je dirais que Oui! Les russes, ( et surtout le Bolchoï) dansent sans doute de manière plus brouillonne: ils n'ont pas le loisir en général de répéter autant que nos danseurs car tous les spectacles sont au répertoire. Mais j'aime assez cette liberté et cet état d'urgence dans lequel ils sont en permanence. Cela donne parfois quelque chose d'extrêmement jeune et vivant.

[sophia]

J'ai revu Denis Matvienko hier soir et je n'ai absolument pas trouvé sa prestation "moyenne". Car si c'est cela la médiocrité, que devrait-on dire de toutes les représentations "plan-plan" que nous subissons parfois durant une saison...

Ce qui est vrai néanmoins, c'est qu'il n'explose pas sur scène, dans la chorégraphie de Noureev, comme il peut exploser ou simplement briller dans la chorégraphie qu'il connaît et danse régulièrement, celle du Bolchoï, dont l'esprit, celui d'un ballet de caractère - un esprit avant tout festif, imprégné d'une joie permanente - est très différent de celui de la version donnée à Paris, et ce, au-delà même des pas. Hier soir, je ne vois vraiment pas ce qu'on pouvait décemment lui reprocher, en tenant compte, comme je l'ai évoqué plus haut, de la relative inadéquation stylistique, pour ne pas dire physique également (et avec son gabarit, d'un exotisme complet sur la scène de l'Opéra, comment peut-on simplement exécuter correctement - proprement, pour parler parisien - certains pas? Alors avant de proclamer la sentence de condamnation ferme et définitive du Parisien moyen: "ce n'est pas propre!", sous-entendu ce n'est pas de la belle danse, réfléchissons une minute... ), entre la danse de Matvienko, puissante et athlétique, caractéristique d'un certain style russe, et les exigences de la chorégraphie de Noureev. Contrairement à Paco, je ne trouve pas qu'il se mette trop en avant, son mime est drôle et a gagné en rythme et en précision par rapport à la représentation de jeudi dernier. Quant à la danse, on aura encore admiré ses qualités de détente, sa vitesse de rotation dans les pirouettes, sa maîtrise de l'espace qui en font un danseur assez typique du style traditionnel du Bolchoï, un style semble-t-il en voie de se perdre aujourd'hui chez les garçons... Alors, évidemment, Denis Matvienko n'a pas les épaulements exceptionnels (ils le sont déjà au sein de l'Opéra) ni la précision du travail du bas de jambe d'un Emmanuel Thibault, mais il n'y a pas lieu de comparer ce qui n'est pas comparable, et physiquement et stylistiquement - et esthétiquement aussi, pourquoi pas... Comment peut-on être Persan? écrivait Montesquieu au XVIIIème siècle... Oui, en effet, comment peut-on être Persan aujourd'hui à Paris? Eh bien, il est simplement dommage que les spectateurs parisiens ne soient pas frottés plus souvent à d'autres styles, à d'autres physiques aussi, que ceux des danseurs maison, lesquels, petits ou grands, présentent tout de même une (trop?) grande homogénéité plastique...

Que Denis Matvienko ait été invité comme partenaire de Melle Dupont restera en revanche un mystère complet pour moi. Voir le géant blond mettre sans retenue la main aux fesses de la distinguée Aurélie restera donc comme un moment cocasse... et incongru! Sur la prestation de cette dernière, oui, moi aussi, comme Lanou, je m'interroge... Peut-être pas tant sur l'aspect technique que sur le reste. Ni meilleure Kitri du monde, ni meilleure Kitri de la place de Paris, je ne vois pas vraiment - après qu'elle nous ait agréablement surprise aux côtés de Carlos Acosta en 2004 - ce qu'en 2007 elle apporte artistiquement de neuf et d'original au rôle. Quand on voit l'évolution, et notamment sur le plan artistique, d'une Laetitia Pujol, on se dit en effet qu'il doit y avoir là quelque fatigue... Car à vrai dire, je suis assez peu touchée par les équilibres - toujours plus longs, toujours plus longtemps - qu'elle nous offre comme conclusion de ses variations trop sagement exécutées. Un équilibre n'est jamais qu'un point à la fin d'une phrase ou une virgule au sein d'une proposition, il n'a pas à être revêtu d'une dimension de "climax", de paroxysme, esthétique ou même technique, sinon peut-être dans l'Adage à La Rose et encore...

Sur le reste de la distribution, je ne m'attarderai pas puisqu'elle était rigoureusement la même que jeudi dernier, alignant notamment, pour le meilleur, un magnifique Espada campé par l'irremplaçable Jean-Guillaume Bart, et un Gitan plein de fougue interprété par Alessio Carbone, décidément excellent dans ce registre de caractère.

[sophia]

Signalons aussi peut-être - j'ai oublié de le préciser - que Denis Matvienko suit, dans le Grand Pas, la chorégraphie du Bolchoï (sans la fameuse catiole acostienne, marque déposée du danseur cubain... ).

[wagneriano]