Soirée Lifar-Malandain, 09/10 au 28/10/06

[Pierre]

Cher(e)s ami(e)s, basique suis-je, basique je reste, Gillot, Letestu, Dupont, ont été toutes les trois remarquables dans Mirages. Gillot impériale bien sûr, Letestu la meilleure dans ce rôle, et Dupont brillante...

Sur l'impact de la vidéo, écoutez absolument, l'interview d'Anjelin Preljocaj que j'ai mis en lien sur le Post Pavillon noir. On l'interroge sur la présence d'une "choréologue" à ses côtés pour "écrire" la danse, car pour lui si je résume, la chorégraphie est une écriture comme son nom l'indique et non une captation vidéo. Ecoutez cet homme, c'est un sage... à ranger au Panthéon des plus grands créateurs du moment comme Carsen, Pelly, ... Ah au fait Carsen prépare un spectacle au Châtelet...

[sophia]

Je n'ai pas encore vu Aurélie Dupont.
Et n'oublions pas ce soir, la distribution inédite, avec notamment Delphine Moussin dans le rôle de l'Ombre (est-ce une prise de rôle pour elle?), Kader Belarbi en Jeune Homme et Myriam Ould-Braham dans le rôle de la Chimère (j'ai découvert ce matin à mon plus grand bonheur qu'elle était distribuée dans ce ballet), une distribution qui promet d'être magnifique:

L'OMBRE Delphine Moussin
LE JEUNE HOMME Kader Belarbi
LA FEMME Émilie Cozette
LA CHIMÈRE Myriam Ould Braham
LA LUNE Béatrice Martel
LE MARCHAND Stéphane Bullion

Juste une remarque encore sur le rôle de l'Ombre, rôle sur lequel on voit distribuées et Marie-Agnès Gillot et Delphine Moussin, deux interprètes de très grande classe du rôle de Myrtha dans Giselle. Justement, il me semble rétrospectivement que l'Ombre n'est pas une sorte d'avatar de Myrtha, c'est peut-être cela qui a gêné certains chez Marie-Agnès Gillot (d'ailleurs, Pierre la qualifie d'"impériale"). Delphine Moussin sera probablement plus évanescente...

[laurence Guez]

Je viens de voir les films de Claire Sombert et surtout des extraits des Mirages.
Effectivement qq chose que je ne saurai pas définir a disparu, qq chose que je qualifierai de plus "épique"dans le mouvement... sans doute du à la personnalité de Lifar qui a été décrit comme très généreux par Claire Sombert...
La perte de ce caractère retire beaucoup à la chorégraphie. Elle la rend un peu fade et MA Gillot injecte un certaine autorité à cette ombre et la pousse dans une sorte de représentation de la mort hautaine et inhumain... Pourquoi pas ?
Le propre d'une oeuvre d'art n'est elle pas de parler à chacun ...Finalement Lifar en 2006 ce n'est pas si évident que ça.
La façon de danser a terriblement changé...
Et Malandain dans son Icare est peut être beaucoup plus proche...
Lifar, ce chorégraphe que sa passion pour la danse aveuglait parfois...

[haydn]

Toujours dans le registre cinématographique, et avant de revenir en détail sur la soirée de ce samedi 21/10, qui a vu Myriam Ould-Braham réaliser une performance très applaudie dans le rôle de la Chimère dans les Mirages, où Béatrice Martel s'est également favorablement illustrée dans le personnage de la Lune, je signale à l'attention des abonnés au câble que la chaîne Mezzo diffuse demain dimanche 22/10 à 22h30 le film de Dominique Delouche Une Etoile pour l'exemple, où l'on voit Yvette Chauviré enseignant la chorégraphie de Mirages précisément à Manuel Legris et Monique Loudières.

[Pier]

Salut Haydn, je crois que Chauviré enseigne Les Mirages à Monique Loudières et Manuel Legris plutot dans le film "Comme les Oiseaux"...
Dans "Une étoile pour l'exemple" Chauviré fait répéter d'autres ballets de Lifar (Nautéose et Isthar).
Pier

[sophia]

Représentation du 21 octobre

La représentation de Suite en blanc offrait peu de changements par rapport aux distributions déjà vues, en l'occurrence celles de la première et de la troisième. Seule la Sérénade, interprétée par Muriel Zusperreguy, et la Flûte, interprétée par Isabelle Ciaravola, étaient vraiment inédites pour moi.
Suite en blanc charme en tout cas de plus en plus au fil des représentations, distillant un parfum de grandeur, même si cette grandeur a un petit côté "Bas-Empire". On peut regretter en effet un certain manque de brio, de brillant, d'éclat, non pas tant individuel que collectif, dans l'interprétation générale alors même que toutes les variations sont plutôt très bien dansées dans l'ensemble (et mieux que lors de la première notamment).
Remarquable tout de même fut en premier lieu la Mazurka de Jean-Guillaume Bart, encore plus belle que lors de la première m'a-t-il semblé, une Mazurka qui se distingue par son classicisme et la perfection formelle à laquelle elle atteint. Des sauts et une batterie prodigieuses, une précision d'orfèvre dans l'exécution des pas, une élégance et un style qu'on peut croire parfois disparus, ce fut certainement le plus beau moment, encore une fois, de cette Suite en blanc. Il était bien difficile de succèder à l'étincelante Fanny Fiat, mais Myriam Ould-Braham parvient elle aussi à briller dans le Pas de Cinq par sa vélocité et son élégance classique. Superbe Adage d'Aurélie Dupont et Manuel Legris, non dépourvu d'une certaine langueur et de cet abandon si difficiles à rendre et qui manquaient peut-être le soir de la première. Isabelle Ciaravola, enfin, offre une belle Flûte, plus lyrique que celle de Clairemarie Osta.
La déception est venue en fait des Mirages où Delphine Moussin n'est pas parvenue à mon sens à rivaliser avec celles qui l'ont précédée dans le rôle. Je l'avais pourtant beaucoup appréciée dans Suite en blanc et dans le rôle de la Femme dans Les Mirages où elle alliait charme et élégance, mais là, dans le rôle de l'Ombre, des difficultés techniques sont apparues alors même qu'on les avait oubliées en voyant Gillot ou Letestu (et je suppose Aurélie Dupont). Son Ombre est implacable, montrant un visage de mort effectivement impressionnant, mais l'interprétation semble néanmoins un peu inaboutie... Dommage! En revanche, le Jeune Homme interprété par Kader Belarbi est excellent, avec ce je ne sais quoi de sauvage et de mélancolique, qui en fait un parfait héros romantique. Et question danse, lui aussi, comme Manuel Legris, il pourrait encore en remontrer aux plus jeunes!!! La plus éblouissante de cette soirée fut sans conteste, -et d'ailleurs le public lui a réservé des applaudissements nourris-, Myriam Ould-Braham, qui, dans le rôle de la Chimère, a su faire preuve, en véritable feu-follet, à la fois de brio technique et du charme, de l'espièglerie, de la légéreté aérienne de l'être mythique qui lui était donné d'interpréter. Oui, vraiment étourdissante elle fut!

[haydn]

Myriam Ould-Braham a remplacé au pied levé Nolwenn Daniel dans Les Mirages ce dimanche après-midi, lors d'une très belle représentation, applaudie par un public chaleureux. Karl Paquette et Agnès Letestu tenaient les rôles pricipaux dans ces mêmes Mirages.

[pedro]

Encore une fois, pour relever la critique de Sophia concernant l'Ombre de Mlle Moussin, l'interprète semble ne pas avoir resisté à la tentation d'en faire un personnage dramatique. Or il n'y a ni drame ni même de personnage. L'Ombre est une idée, une projection du Jeune Homme, disons un tourment existentiel pour entrer dans la phraséologie de l'époque (Heidegger -Sartre--Café de Flore). Pas facile d'etre un "non-être" sur scène avec un tempérament d'étoile et une musique porteuse de pathos.

[haydn]

L'amie Sophia s'étant chargée de vous parler de la soirée de hier, à mon tour de m'y mettre pour la matinée de ce dimanche.


Bref retour quand même sur le spectacle de la veille, car je conserve toujours beaucoup d'admiration pour les qualités lyriques de Delphine Moussin, alors, même si ce n'est sans doute pas l'interprétation dont aurait rêvé Lifar - encore que je ne sois pas dépositaire de la pensée du chorégraphe - l'émotion était là malgré tout.

Kader Belarbi m'a en revanche semblé très "lifarien" dans ses postures, très comparables à ce que l'on peut voir sur les quelques photographies anciennes qui existent des Mirages.

Divine surprise hier aussi avec la Chimère de Myriam Ould-Braham, la plus aboutie de la série, et d'une perfection technique confondante. Le miracle s'est renouvelé aujourd'hui, au hasard d'un remplacement de dernière minute. Mlle Ould-Braham a d'ailleurs, lors des deux représentations, été récompensée par des applaudissements très nourris.

De manière générale, le public, froid lors des premiers soirs, s'est montré chaleureux hier et aujourd'hui.

Dans Suite en blanc, Nicolas Le Riche a impressioné par une Mazurka fougueuse mais exempte de vulgarité, même s'il ne possède pas l'élégance raffinée de Jean-Guillaume Bart, exceptionnel dans ce rôle. Le Pas de cinq a pour sa part été dominé par une Fanny Fiat impériale, qui n'a laissé passer quasiment aucune faute, et a fait preuve d'une maîtrise digne d'une étoile. Depuis le début des représentations de Suite en blanc, Mlle Fiat réalise un parcours impeccable, et on ne peut que souhaiter qu'elle ait l'occasion de danser Coppélia, où pour l'heure, elle est prévue en tant que remplaçante sur le rôle-titre. Dans ce même pas de cinq, il faut aussi signaler le très bon comportement de Marc Moreau, au très joli ballon et à la batterie extrêmement propre.

Eloges également pour Isabelle Ciaravola, Emmanuel Thibault et Christophe Duquenne, tous trois remarquables et harmonieusement assortis dans le Thème varié. De même, l'Adage dansé par Aurélie Dupont et Manuel Legris, tout comme la Flûte de Clairemarie Osta, pleine de charme et de candeur, ont été bien très bien accueillis.


L'Envol d'Icare séduit à chaque fois par la beauté de la scénographie et l'attention minutieuse portée par Thierry Malandain à la musique pour construire sa chorégraphie. De par ses qualités plastiques, l'ouvrage peut-être apprécié même en-dehors de toute référence à l'argument qui le sous-tend, comme une abstraction pure, même si là n'est sans doute pas l'intention de son créateur. Outre les deux solistes principaux (Mélanie Hurel et Benjamin Pech), ce sont surtout Jean-Philippe Dury, à la présence toujours aussi impressionnante, ainsi que Christelle Granier et Charlotte Ranson qui ont pu faire valoir leurs qualités sur la scène du Palais Garnier. On remarquera aussi que l'orchestre et le pianiste solo, Michel Dietlin, ont su rendre pleinement justice à la belle partition d'Alfred Schnittke, et s'il nous arrive de critiquer les musiciens lors de représentations de ballet peu soignées, il faut aussi leur rendre justice lorsqu'ils ont bien fait leur travail, ainsi que ce fut le cas ce dimanche.


N'ayant pour le moment pas encore pu voir Aurélie Dupont, dont la vox populi dit le le plus grand bien, Agnès Letestu demeure pour moi l'interprète la plus convaincante du rôle de l'Ombre dans Les Mirages, oeuvre magnifique qui à mon sens n'a rien de poussiéreux ou de démodé. L'Ombre doit d'ailleurs tenir tout particulièrement à coeur à Mlle Letestu, puisque c'est en en dansant la célèbre variation qu'elle fut promue Première danseuse, lui ouvrant le chemin d'un firmament qu'elle n'allait plus tarder à atteindre.

Outre la Chimère admirable de Myriam Ould-Braham, il faut aussi souligner le jeu diaphane, évanescent d'Isabelle Ciaravola dans la Femme, rôle qu'elle n'a pourtant eu que peu de temps pour travailler puisqu'il devait être initialement tenu par Eleonora Abbagnato.

Si Karl Paquette ne possède pas des expressions "lifariennes" aussi idiomatiques que celles de Kader Berlarbi, il n'en a pas moins été un Jeune homme solide et convaincant, engagé dans son rôle et attentif à ses partenaires. Le marchand était cette fois incarné par Stéphane Bullion, à la saltation plus vive que M. Paquette, qui tenait précédemment le rôle. Cependant, M. Paquette y avait fait montre de plus de présence scénique et de sens théâtral.

Enfin, si en Courtisanes, Juliane Mathis et Charlotte Ranson n'ont pas démérité, il leur manquait néamoins un peu du "peps", de cette folie douce, de cette larme de champagne qui séduisait chez Sandrine Marache et Alexandra Cardinale. Le public lui, n'aura pas voulu jouer les Beckmesser, et s'est montré enthousiaste à l'issue de cette matinée fort réussie.

[Katharine Kanter]

Dans le corps de ballet de Suite en Blanc, Caroline Bance a été excellente tous les soirs. Quel tenue du dos!

Aussi Renavand a-t-elle dominé le pas de trois de la Sieste, dans un "fach" qui n'est pas nécessairement le sien.

[wagneriano]

[haydn]

Critique assez dithyrambique de François Fargue sur Altamusica ; on dirait presque du Mannoni!

Seule réserve, l'"Ombre habitée mais trop imposante et violente parfois" de Marie-Agnès Gillot, à laquelle F. Fargue a manifestement préféré Agnès Letestu dans le même rôle :

[haydn]

Quelques mots sur la représentation de ce soir, avec Isabelle Ciaravola qui remplaçait Emilie Cozette, indisposée, dans le Thème varié de Suite en blanc. Remplacement acrobatique, puisque Mlle Ciaravola n'avait pas eu la posssibilité de répéter auparavant le rôle avec ses partenaires impromptus, Karl Paquette et Stéphane Phavorin.

Quelques incertitudes furent donc inévitables, même si M. Paquette, avec qui Isabelle Ciaravola a souvent dansé, a tout fait pour la mettre en confiance.

De Suite en blanc on retiendra la Sérénade charmante de Muriel Zusperreguy et la très élégante et lifarienne flûte de Mélanie Hurel, au style parfait. Myriam Ould-Braham, Agnès Letestu, Nicolas Le Riche et Jean-Guillaume Bart ont été égaux à eux-mêmes. On ne soulignera jamais assez la probité de M. Bart, qui est sans doute l'un des danseurs les plus conscients de sa mission, de ses devoirs envers la danse, et qui sert son art avec humilité plutôt que de prendre les oeuvres comme prétexte à un facile étalage de virtuosité.


Dans L'Envol d'Icare, c'est de nouveau Nolwenn Daniel qui a impressioné, au côtés d'un solide Benjamin Pech, qui dansait pourtant dans des conditions difficiles. Jean-Philippe Dury se distinguait à nouveau du lot, formant un duo harmonieux avec Charlotte Ranson. Se détachaient également par leur forte personnalité Mlles Mathis et Granier, plus à leur aise que dans les exercices académiques de Suite en Blanc.


Cétait pour moi la première occasion de voir Aurélie Dupont dans Les Mirages, il faut convenir qu'elle y a réalisé une prestation de tout premier ordre, saluée par des applaudissements nourris. De toutes les titulaires du rôle de l'Ombre, Aurélie Dupont est sans conteste celle qui a le mieux saisi le caractère évanescent du personnage : sa danse est très fluide, ses déboulés sont fulgurants et évoquent à la perfection l'idée de fuite si importante dans la chorégraphie. Seule petite réserve, les ports de tête, plus expressifs chez Agnès Letestu. Le Jeune homme était incarné par Manuel Legris, auquel il est objectivement difficile de reprocher quoi que ce soit sur le plan technique. Pourtant, notre préférence reste à Kader Belarbi, qui est peut-être celui qui a le mieux restitué les postures idiomatiques des chorégraphies de Lifar. On aura aussi apprécié la belle performance d'Isabelle Ciaravola dans la Femme, ainsi que Mélanie Hurel, qui rivalisait avec Myriam Ould-Braham en nous gratifiant d'une Chimère de très haute tenue, aux ports de bras particulièrement soignés. Enfin la Lune d'Amélie Lamoureux (? on aurait pu croire qu'il s'agissait de Sabrina Mallem) était dès plus satisfaisantes, tout comme l'était précédemment celle de l'élégante Béatrice Martel.

Enfin soulignons une fois de plus la bonne tenue de l'orchestre. Preuve que le public y est sensible, les musiciens et le chef, Vello Pähn, ont été ovationnés.

[Gabrielle]

Avez-vous quelques photos d'Aurélie Dupont dans le rôle de l'Ombre ?
Je ne peux malheureusement pas la voir dans ce rôle, et aimerais un petit aperçu...

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Une danseuse danse parce que son sang danse dans ses veines...

[pedro]

Je fais écho à l'analyse de Haydn de la représentation lifarienne d'hier soir 24 octobre. Des interprètes en belle forme (excepté une prise de rôle hasardeuse), je mettrais en exergue Mlle Dupont, chauviresquement éthérée et M. Jean Guillaume Bert pour sa recherche de plasticien raffinée.
Mais l'important c'est d'extraire de cette série un bilan LIFAR. Ces deux ballets de la mi-temps du XXème siècle sont générateurs de toute la seconde partie du siècle: ROLAND PETIT, sachons-le, était un berger lunaire pendant les répétitions de juillet 44 de "Mirages". Il ne l'a pas oublié dans "le Jeune Homme et la Mort" deux ans plus tard; combien de spectateurs d'aujourdhui s'en sont surpris. Et BALANCHINE n'a t'il pas voulu faire sa propre"Suite en blanc" en 1946 avec son "Palais de Cristal".Le parallisme Lalo-Bizet pour la musique et Cassandre-Léonor Fini pour le décor crève les yeux pour ceux qui ont vu le palais nocturne de Léonor (aboli depuis). Et BEJART avec ses positions "du bidet" ( seconde, demi-plié) et, bien sûr MALANDIN qui lui avoue sa filiation. Il était temps de restaurer Lifar dans son patriarcat. Le public, quant à lui a semblé aussi heureux que surpris de cette exhumation. A quand la suite?