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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26660
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Posté le: Sam Mai 13, 2017 9:04 pm Sujet du message: |
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Une spectatrice, à l'entracte, après Walkaround Time (Cunningham) : "Mais alors, finalement, le danseur étoile, il dansait ou pas?" |
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26660
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Posté le: Dim Mai 14, 2017 12:09 am Sujet du message: |
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Ite missa est. Adieux très "hype" pour Jérémie Bélingard, avec effets spéciaux et ... Brigitte Lefèvre - qui l'a nommé étoile et l'a toujours défendu, c'est vrai - en star invitée sur le plateau, aux cotés d'Aurélie Dupont, Eleonora Abbagnato, Lætitia Pujol, Clairemarie Osta, Nicolas Le Riche, Marie-Agnès Gillot et quelques autres encore :
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26660
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Posté le: Dim Mai 14, 2017 11:19 am Sujet du message: |
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Quelques mots sur cette soirée d'adieux de Jérémie Bélingard, qui était aussi pour moi l'occasion de découvrir le programme Cunningham / Forsythe.
Walkaround Time n'est aujourd'hui plus qu'une relique soixante-huitarde, un objet de musée qui témoigne d'une époque et d'un esprit révolus, et il est difficile de lui redonner vie, surtout en l'absence du créateur, et dans un cadre pour le moins décalé. Cunningham s'était pourtant entouré de très grands noms de l'avant-garde artistique du vingtième-siècle : Marcel Duchamp (encore en vie lors de la création de Walkaround Time), Jasper Johns... La scénographie est directement inspirée du Grand Verre de Duchamp, que le plasticien dadaïste avait initialement intitulé : "La Mariée mise à nu par ses célibataires, même.", titre rappelé par les textes lus en voix off durant le spectacle.
Le mouvement Dada, initié par Hugo Ball, s'est effondré au milieu des années vingt, quand ses zélateurs se sont pris à leur propre jeu, pervertissant l'esprit frondeur, voire nihiliste des débuts. Un Marcel Duchamp s'est soudain cru artiste (une engeance pourtant considérée comme "bourgeoise", et pire, au service de la "réaction") et ses provocations n'en n'étaient plus. L'un des Dadaïstes de la première heure, Hans Richter, s'en était pris d'ailleurs violemment à Duchamp dans son opuscule DADA-Kunst und Antikunst (Dada, art et anti-art) paru en 1964, l'accusant de s'être pris au sérieux alors que tout le mouvement Dada n'aurait dû rester qu'une vaste pochade. Les révolutionnaires au musée, c'est ainsi qu'a fini Duchamp, et c'est ainsi que semble devoir finir une partie de l’œuvre de Cunningham (qui en était probablement parfaitement conscient, et, pour cette raison, n'avait pas souhaité que sa compagnie lui survive, même s'il avait pris les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité matérielle de ses danseurs).
Ce qui est un peu piquant, c'est qu'une partie du public se sente encore "agressée" par les extravagances de Walkaround Time et le manifeste - timidement hier soir - par des huées. L'esprit Dada ne serait-il donc pas mort, alors? Malheureusement, il y a fort à parier que les réactions négatives aient été principalement non le fait de "vieux bourgeois réactionnaires", mais de touristes attirés par la politique commerciale agressive de l'Opéra de Paris, et qui ont dû se sentir floués en découvrant cette chose excentrique dans leur "package" dîner-spectacle au Moulin-Rouge - ascension à la Tour-Eiffel - shopping aux Galeries Lafayette - soirée de gala à l'Opéra.
Sans surprise, ce sont les danseurs les plus expérimentés dans le répertoire contemporain qui ont le plus brillé dans Walkaround Time - même si l'ouvrage n'est pas conçu pour mettre en avant des individualités : Laurence Laffon, Julien Meyzindi et Grégory Gaillard (qui a également assumé la direction des répétitions). Un peu inattendue tout de même, la jolie prestation de Sofia Parcen - impossible à manquer dans son costume vert pomme -, une artiste plutôt étiquetée "classique", mais dont les apparitions sur scène se font rares en raison d'une mauvaise blessure contractée il y a déjà plusieurs années. L'ambiance de joyeux "happening" a été plutôt bien rendue, avec le pique-nique et la séance photo symbolisant l'humanité, la créativité, face à la mécanique implacable - mais aussi incontrôlable - des engins bizarres inventés par Duchamp.
La suite du programme était consacrée à Forsythe, décidément à l'honneur cette année à l'Opéra de Paris, avec à nouveau deux entrées au répertoire.
Trio est un pas de trois bâti sur le scherzo du Quinzième quatuor (!) à cordes de Beethoven, l'instrument manquant étant - peut-être - le chorégraphe, qui n'a évidemment pas - physiquement - sa place dans la pièce. Discrètement sensuel, l'ouvrage met aux prises deux hommes et une femme qui se contorsionnent dans les positions les plus périlleuses. Si l'excellent Simon Valastro - comme Grégory Gaillard dans Walkaround Time - était attendu sur la distribution de ce Trio, le choix d'Eléonore Guérineau et de Fabien Révillion comme comparses surprenait davantage, compte-tenu du profil très "classique" des deux interprètes. Il s'est cependant avéré tout à fait judicieux, et Mlle Guérineau, débarrassée de ses atours de "petite ballerine sage", s'est délurée et donnée toute entière à Forsythe.
Herman Schmerman, qui aurait déjà dû figurer à l'affiche du Palais Garnier il y a quelques années, mais que le chorégraphe avait finalement retiré, est composé de deux sections sans véritable lien l'une avec l'autre : un quintette, puis un pas de deux. Ce dernier, pourtant très bien servi par Hannah O'Neill et Hugo Marchand, est moins inspiré que le premier ensemble, et apparait un peu superfétatoire. Les cinq interprètes du mouvement liminaire étaient tous à la hauteur de la tâche qui leur était confiée, mais il convient de souligner les mérites particuliers des deux intervenants masculins, Vincent Chaillet et le jeune Pablo Legasa, éblouissants de vivacité et de précision.
Le spectacle devait se conclure par les adieux de Jérémie Bélingard. Le danseur avait décidé de tirer sa révérence non pas, comme le veut l'usage, dans le premier rôle d'un grand ballet classique, mais au travers d'une création plus ou moins librement improvisée. Scary beauty vaut surtout par des effets spéciaux spectaculaires - qui montrent que, hormis Wayne McGregor ou Mourad Merzouki peut-être - les chorégraphes et les scénographes sont un peu timides dès lors qu'il s'agit d'exploiter toutes les ressources offertes par la technologie moderne, et que beaucoup reste à faire dans ce domaine. Il faut espérer que l'Opéra de Paris récidivera avec un ouvrage (beaucoup) plus ambitieux.
Jérémie Bélingard est resté fidèle à son image de "bad boy" souvent sympathique, parfois irritant, au négligé soigneusement étudié. Il aura tout de même payé de sa personne pour cette ultime apparition en scène : vêtu d'une gabardine mastic et d'une écharpe de laine, on l'imaginait sans peine suer sang et eau dans la chaleur étouffante des projecteurs. Sous cet accoutrement pour le moins hivernal, Jérémie Bélingard avait choisi de porter le costume - une combinaison rouge - de Patrick Dupond dans Suite of dances (Jerome Robbins) lors de l'entrée au répertoire de cet ouvrage en 1996. Hommage discret à un grand nom de l'Opéra de Paris, frappé comme lui par une sorte de "malédiction". - C'est du moins le personnage que Jérémie Bélingard aime à cultiver. Autre hommage peut-être, la scénographie étoilée, lointaine réminiscence d'O zlozony / O composite, une chorégraphie de Trisha Brown, récemment disparue, et dont il avait assuré la création en 2004 aux côtés d'Aurélie Dupont. A la chute des traditionnelles paillettes, le parterre s'est levé pour l'ovationner. |
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marc
Inscrit le: 16 Fév 2009 Messages: 1157
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Posté le: Dim Mai 14, 2017 10:27 pm Sujet du message: |
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J'étais également présent.
Une petite vidéo que j'ai mise sur YouTube.
https://www.youtube.com/watch?v=Ey6qewKmyJM
Après, un ami m'a emmené dans son sillage au cocktail. J'ai pu discuter avec toutes les stars de la danse que j'ai pu croiser qui, toutes et tous, ont été patients et adorables avec le plouc que j'étais (sans compter que le champagne et les petits fours salés et sucrés étaient très bons !)
Bref, ce fut une bien belle soirée d'opéra !
PS : pour mon appréciation du spectacle, j'en ai déjà parlé précédemment
Une petite novation simplement. Dans "Herman Schmerman" j'ai vu un danseur que je ne connaissais pas, du nom de Pablo Legasa. Sa présence scénique, son implication physique, émotionnelle et artistique, en quelques minutes j'ai eu l'intime conviction (d'un amateur de Ballet assidu, mais ignare en technique) que j'étais en présence d'un danseur qui avait tous les atouts pour devenir un grand dans son art.
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Oriane
Inscrit le: 07 Fév 2016 Messages: 83
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Posté le: Lun Mai 15, 2017 11:41 am Sujet du message: |
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Même impression que vous, Marc, à propos de Legasa. Il m'a impressionnée à chaque fois que je l'ai vu. Mais dans Forsythe, c'était encore plus net.
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Florestiano
Inscrit le: 28 Mai 2010 Messages: 1802
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Delly
Inscrit le: 14 Juin 2016 Messages: 603
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Posté le: Mar Mai 16, 2017 3:20 am Sujet du message: |
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marc a écrit: |
J'étais également présent.
Une petite vidéo que j'ai mise sur YouTube.
https://www.youtube.com/watch?v=Ey6qewKmyJM
Dans "Herman Schmerman" j'ai vu un danseur que je ne connaissais pas, du nom de Pablo Legasa. Sa présence scénique, son implication physique, émotionnelle et artistique, en quelques minutes j'ai eu l'intime conviction que j'étais en présence d'un danseur qui avait tous les atouts pour devenir un grand dans son art. |
Merci pour cette vidéo, et Haydn pour les photos, vous avez été les très rares "journalistes" à couvrir l'événement, quelque peu oublié des télévisions, comme à peu près tout le reste, par l'arrivée du nouveau Président... Un président arrivant plus jeune qu'un danseur partant, c'est sans doute une première. . Le héros du soir semble néanmoins gagné par l'émotion, les "bad boys" ont donc leurs faiblesses envers les nobles et augustes institutions....
J'avais pour ma part remarqué Pablo Legasa dans "Graines d'étoiles" documentaire dont il est une des figures choisies par la réalisatrice certes, mais surtout, tout d'un coup, dans un "simple" cours de contemporain, il danse parmi les autres mais on ne voit que lui, quelque chose se passe, en quelques secondes on sent qu'il a comme vous le dites si bien "tous les atouts pour devenir un grand dans son art".
Présent comme tous ses camarades sur les réseaux sociaux, il fait visiblement l'objet d'un consensus parmi ses camarades : c'est un surdoué (et très très souple, une qualité pas forcément suffisante mais dont l'impact photographique en fait un élément incontournable de la danse sur les réseaux sociaux), et apparemment amuseur de service, sa décontraction contribuant sans doute à son éclat particulier en scène. Cela est remarquable dans le "Aunis" donné lors de la soirée de départ de B. Lefèbvre (avec P. Marque déjà très prometteur lui aussi, et J. Guillemard).
Cette année a été une année "Paul Marque" -et à raison, espérons que le talent exceptionnel et déjà reconnu de P. Legasa soit à l'honneur l'an prochain, avec notamment des rôles dans les ballets classiques et une belle promotion au concours.
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JMJ
Inscrit le: 16 Mai 2009 Messages: 675
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Posté le: Mer Mai 17, 2017 3:01 pm Sujet du message: |
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et alors? pas davantage de réactions pour le départ de ce bel artiste?
je trouve les dansomaniaques bien froids ou indifférents.
certes il s'est fait quelque peu oublier ces dernières années dans la grande maison, et ses dernières prestations étaient peut-être décalées voire poussives.
mais il laisse de si belles vidéos en témoignage de son art.
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22163
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Posté le: Mer Mai 17, 2017 3:52 pm Sujet du message: |
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Vous remarquerez qu'en-dehors d'un papier formel et pas très bien écrit sur Culture Box (je crois), il n'y a pas plus de retours dans la "grande" presse et les médias en général (ou alors j'ai loupé quelque chose?). En amont de cette soirée, je n'ai vu passer ni reportage ni interview de quelque sorte (sinon une annonce dans Libé avec un lien vers une interview ancienne).
Je pense que le trouble avec le public, notamment le public balletomane, date de la nomination, qui restera comme l'une des plus critiquées de l'ère Lefèvre. Par la suite, il faut reconnaître qu'on a peu vu danser Jérémie Bélingard, en tout cas pas dans de "grands" ballets. Le divorce s'est alors peut-être installé, alors qu'au départ, c'était quelqu'un d'enthousiasmant - dans son répertoire - et de très apprécié (du moins, il avait un public fervent).
Personnalité qui pouvait irriter, en décalage avec les attentes attachées au titre d'étoile, mais danseur formidable, avec une qualité de mouvement absolument unique - jusqu'au bout d'ailleurs. Ses adieux lui ressemblaient, indéniablement.
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