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Sélections –
17/18 ans
Après une pause bienvenue, c'est le tour des
aînés. Quelques petites heures de sommeil en plus,
un premier cours en fin de matinée durant
l'évaluation des plus jeunes, et les voilà en
piste pour le même exercice. Ils sont 43, filles et
garçons confondus, le gros des candidats de cette
année... En-dehors de quelques cas marginaux (il y en a
à chaque édition), le niveau d'ensemble monte
d'un cran, voire de deux, sinon de trois, ne serait-ce que sur le plan
de l'aisance scénique. Cette différence notable
avec le premier groupe ne relève-t-elle pas de la simple
logique, celle inhérente à tout apprentissage? Le
Prix de Lausanne en avait d'ailleurs pris acte il y a deux ans en
instaurant les groupes d'âge, ainsi que les deux listes
distinctes de variations classiques. Ne serait-il pas judicieux alors,
eu égard à ces différences
évidentes de développement, d'attribuer,
parallèlement, deux catégories de prix, comme
cela peut se faire dans d'autres compétitions, du type
Moscou ou Varna? On pourra rétorquer à cet
argument que le Prix de Lausanne ne cherche pas tant à
récompenser les "produits finis" qu'à
repérer les personnalités, les "fortes
têtes" - plutôt que les jolies jambes! -,
indépendamment de leur âge ou de leur niveau
d'avancement dans la formation... Bref, revenons à nos
"moutons" - nos candidats de l'après-midi...
Filles 17/18
ans – Variations classiques / Variations contemporaines
Le groupe paraît
cette fois relativement homogène, mais avouons-le
d'emblée, les deux finalistes qui sortiront du chapeau en
fin de journée se distinguent franchement de l'ensemble des
candidates de la tranche d'âge concernée, et
d'abord sur un plan artistique. Du côté des
variations classiques, on constate, avec un certain soulagement, une
plus grande variété de choix que chez les plus
jeunes, même si Aurore a, une fois n'est pas coutume,
rassemblé de nombreux suffrages, prenant en quelque sorte la
place de Raymonda, dont les éditions
précédentes nous avaient rassasiés.
Kitri et Gamzatti tiennent toujours leur rang, face à une
Giselle, dont l'expérience semble montrer –
hélas! - qu'elle n'est pas toujours le choix le plus
judicieux qu'une candidate puisse faire dès lors qu'elle ne
s'appelle pas Akane Takada (lauréate et Prix du Public en
2008)... Pour les variations contemporaines, un peu moins de Traces à la
chaîne, semble-t-il, et un peu plus de There
Where She Loved,
on s'y retrouve ainsi plus facilement dans les prestations des unes ou
des autres...
Honneur
aux plus brillantes, à commencer peut-être par
Caitlin Stawaruk (312), une Australienne, élève
de la Tanz Akademie de Zürich, qui avait participé
au Prix de Lausanne en 2008, sans tambour ni trompette. Elle a grandi,
et surtout remarquablement mûri, pour nous
présenter cette année la difficile variation du
Rêve de Raymonda. Si sa prestation,
déjà très professionnelle, ne projette
pas beaucoup d'émotion, il n'y a pas grand-chose
à redire sur le reste : sa danse est fluide, d'une belle
pureté académique, extrêmement
précise, et possède de surcroît toute
la musicalité requise pour un adage. Une silhouette
idéale (et - mon Dieu! - saine...), un pied
délicat et travaillé, et des qualités
lyriques qui trouvent encore à s'exprimer avec bonheur dans
le Polyphonia
de Wheeldon, rien moins qu'inspiré... Un ange passe... Une
jeune
danseuse en tout cas manifestement déjà
mûre pour
la scène.... La Chinoise de Houston, Liao Xiang (309), se
montre
quant à elle absolument rayonnante dans la variation
d'Aurore,
marquée par un travail stylistique
particulièrement
abouti, que révèlent des mains et des ports de
bras d'un
raffinement extrême. Néanmoins, Traces
n'était probablement pas la variation la plus apte
à
mettre en valeur ses qualités : la prestation n'est en soi
pas
mal du tout, manifestant une personnalité
indéniable,
mais elle s'y révèle là encore dans
tout son
éclat, presque trop séductrice, là
où le
propos se veut d'évidence plus brut, plus
spontané... On
aura également retenu dans ce groupe le travail
très
assuré, et digne d'une finale, de la Japonaise Mai Aihara
(313),
déjà remarquée lors d'une
répétition
sur scène : une variation d'Aurore "enlevée" - au
sens le
plus littéral du terme -, un vrai sens de l'attaque et des
accents musicaux, et par dessus-tout, des épaulements
très justes dont le raffinement la distingue. Bon
équilibre d'ensemble au demeurant chez cette candidate, avec
un Traces réussi, sans pour
autant être exceptionnel.
Ce sont
les sélections, chacun, on le sait, a droit ici à
sa minute de gloire... Profitons-en donc et citons encore, en vrac,
quelques candidates qui, à un autre niveau, auront su
retenir favorablement notre attention... L'Italienne Cristina
Venturuzzo (304), élève de l'Ecole Rosella
Hightower de Cannes, est justement peut-être, de toutes les
candidates, celle à avoir offert l'un des Traces les plus percutants :
au-delà même de la personnalité qu'elle
déploie sur scène, l'énergie et le
sens de l'abandon sont là pour donner vie et signification
à cette variation trop ressassée. Sa Gamzatti,
assez propre au demeurant (pour une série réduite
– et bien triste - cette année), manquait un peu
de saut et d'attaque, dommage!... Noëllie Coutisson (310), du
Conservatoire de Paris, après une Aurore enjouée
et précise, nous livre de son côté un Traces à la force
terrienne, bien à elle en tout cas, à l'instar de
celui de l'intéressante Japonaise de Zürich, Aya
Baba (314). Celle-ci aurait d'ailleurs pu sauver l'honneur de Giselle
et du style romantique (qui en avait bien besoin en ce jour,
après le massacre commis par une candidate!), si elle
n'avait été malheureusement contrainte de finir
sa diagonale de ballonnés presque entièrement sur
demi-pointe... Petit regret aussi concernant Kristina Ryumshina (307),
une jolie Russe venue de l'Ecole de Perm, au geste sensible, douce et
délicate comme de la porcelaine, mais dans un contre-emploi
bien trop manifeste en Kitri. Beaucoup trop typée aussi sans
doute, notamment dans sa manière d'aborder Wheeldon, pour un
concours privilégiant d'évidence des standards
internationaux...
Garçons
17/18 ans – Variations classiques / Variations contemporaines
Si, au sein du groupe des filles, les finalistes potentielles semblent
a priori aisément repérables, par une
maturité artistique sans doute plus évidente,
chez les garçons de la même tranche
d'âge, très nombreux de surcroît cette
année, on n'a finalement que l'embarras du choix, tant sont
rassemblés ici de personnalités
différentes et, tout simplement, d'excellents danseurs,
chacun dans un style bien particulier... Au chapitre des variations
classiques - ô joie! -, neuf James! C'est peut-être
beaucoup, mais en même temps c'est LA variation qui ne ment
pas, celle où les effets ne suffisent pas, celle
où il est impossible de tricher quant à la
technique et quant au reste... En ce qui nous concerne, on vote aussi
pour l'intelligence du choix et l'ambition qu'il traduit! En-dehors de
la variation de La
Sylphide de Bournonville,
plébiscitée en cette année danoise,
l'ensemble de la sélection offre une belle
variété, où tous les goûts
et tous les styles peuvent se retrouver : Albrecht,
Désiré, mais aussi les Corsaire et autres Basilio
de service, ce dernier toujours chéri des candidats
japonais... Les variations contemporaines ont quant à elle
été choisies assez équitablement par
les candidats : du joyeux et musical Commedia
à un
Continuum tout en relâchement et en
accélération, en passant par les variations plus
terriennes de Cathy Marston, Captain
Alving et Libera
me... Seul Caliban
a plus de mal à trouver preneur auprès des
candidats, ce qui est sans doute compréhensible, eu
égard à la mise à nu – au
sens propre comme au sens figuré – qu'elle exige
de l'interprète...
Par où commencer ici?... On s'y perd un peu à
vrai dire, tant il y a de candidats qui mériteraient
d'être mentionnés, à un titre ou
à un autre. Parmi les tout premiers à
évoluer, l'Espagnol de la San Francisco Ballet School,
Francisco Mungamba Reina (402), s'impose d'emblée comme un
sérieux candidat à la finale, sinon au podium,
grâce à une excellente variation classique, celle
du Prince Désiré, conjuguant
élégance, raffinement et brio. On s'enthousiasme
sans peine pour ses tours en l'air, son manège de sauts
final... et une présence séduisante qui vient
couronner d'indéniables qualités techniques et
stylistiques. Encore plus impressionnante peut-être
apparaît son interprétation de Continuum, tout en
détente et en souplesse féline. Très
bonnes prestations également des deux
élèves de l'école de l'ABT : le
Japonais Shu Kinouchi (416), qui livre un Corsaire vif et
souriant, et l'Australien Aaron Smyth (431), d'une impeccable
musicalité tant dans Continuum,
que dans un Don
Quichotte très viril (ça fait du
bien parfois!...), ponctué d'un saut final en grand
écart impressionnant de maîtrise. Autre Japonais
remarquable - celui-là est à l'English National
Ballet School – Ken Saruhashi (428), d'une
maturité appréciable dans la variation du Prince
Désiré, et plus percutant encore dans un Captain Alving qui
ne s'est pas toujours révélé
passionnant au fil de la journée. Du saut, de la puissance
et une présence très charismatique
également, chez le Cubain Yanquiel Ochoa Leiva (407) qu'on
imagine sans peine se retrouver en finale, même si,
au-delà, il aura sans doute à souffrir de la
référence pesante à Carlos Acosta.
Vitor Duarte de Menezes (419), l'un des sympathiques jumeaux
brésiliens de l'English National Ballet School, s'affirme
aussi comme un candidat à surveiller, surtout
grâce à un Commedia
vif, drôle et bien compris, tout comme celui
proposé par l'Américain de Houston, Aaron Sharatt
(414). Ce sont là des danseurs qu'on qualifierait d'un peu
bruts de décoffrage du côté de Paris,
mais le contenu – l'esprit - est là... Dans un
style aux antipodes, un petit mot s'impose encore sur le clan chinois
de GuangZhou (Canton) : cinq candidats sont tout de même
issus de cette école et leur danse possède des
caractéristiques stylistiques aisément
reconnaissables. Parmi eux, un Corsaire, un James, et trois Albrecht :
extrêmement lyriques, à la limite de la
préciosité, ces trois-là ont surtout
montré une très belle progression entre les
répétitions avec Patrick Armand et les
prestations lors de ces sélections. Liang Mingyi (404) et
Chan Chunwai (411) notamment sont de fort beaux Albrecht,
malheureusement complètement passés à
côté du propos humoristique et léger de
Commedia,
tout comme Liang Zecheng (401), dont on a
apprécié pourtant la saltation sans effort et le
raffinement du geste dans le Corsaire.
Le plus convaincant, sinon le plus séduisant, sur les deux
variations reste Wu Yanling (413), très vif, jusque dans les
regards, dans la variation de James, exécutée
avec une science véritable des épaulements, et
d'une précision musicale redoutable dans Commedia.
Mais trêve d'énumérations louangeuses,
la vraie cerise sur le gâteau de la journée reste
quand même, sans conteste, le petit dernier de la liste,
l'Argentin Cristian Emanuel Amuchastegui (433), celui qu'on n'attendait
plus, pressé que l'on peut être, à
l'issue d'un concours d'une telle durée, d'aller prendre
l'air ailleurs... Son James est un rêve de danse, un petit
miracle, comme on n'en voit certainement pas un tous les ans : une
saltation et une petite batterie exceptionnelles, un sens du
phrasé musical, et par-dessus tout, la joie de danser, le
naturel, et le charme, de celui qui n'a pas d'âge... Grand
écart absolu grâce à un Caliban symbolique
autant qu'hypnotique, qu'on a simplement envie de qualifier
d'inspiré! James et Caliban, l'air et la terre, comme s'il
tenait là des deux dimensions... De nombreux candidats ont
dansé aujourd'hui, et des plus brillants, mais
celui-là, avouons qu'il est un peu la claque dont il est
difficile de se remettre... Tant mieux, c'était lui le
dernier!... En attendant les promesses d'un lendemain qui, c'est
certain, ne manquera pas de chanter pour lui...
B.
Jarrasse © 2010, Dansomanie
Les variations
classiques en images :
Les variations
contemporaines en images :
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