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dossier le prix de lausanne 2010
Sélections – 17/18 ans


Après une pause bienvenue, c'est le tour des aînés. Quelques petites heures de sommeil en plus, un premier cours en fin de matinée durant l'évaluation des plus jeunes, et les voilà en piste pour le même exercice. Ils sont 43, filles et garçons confondus, le gros des candidats de cette année... En-dehors de quelques cas marginaux (il y en a à chaque édition), le niveau d'ensemble monte d'un cran, voire de deux, sinon de trois, ne serait-ce que sur le plan de l'aisance scénique. Cette différence notable avec le premier groupe ne relève-t-elle pas de la simple logique, celle inhérente à tout apprentissage? Le Prix de Lausanne en avait d'ailleurs pris acte il y a deux ans en instaurant les groupes d'âge, ainsi que les deux listes distinctes de variations classiques. Ne serait-il pas judicieux alors, eu égard à ces différences évidentes de développement, d'attribuer, parallèlement, deux catégories de prix, comme cela peut se faire dans d'autres compétitions, du type Moscou ou Varna? On pourra rétorquer à cet argument que le Prix de Lausanne ne cherche pas tant à récompenser les "produits finis" qu'à repérer les personnalités, les "fortes têtes" - plutôt que les jolies jambes! -, indépendamment de leur âge ou de leur niveau d'avancement dans la formation... Bref, revenons à nos "moutons" - nos candidats de l'après-midi...


prix de lausanne 2010 selections 17 - 18 ans


Filles 17/18 ans – Variations classiques / Variations contemporaines

Le groupe paraît cette fois relativement homogène, mais avouons-le d'emblée, les deux finalistes qui sortiront du chapeau en fin de journée se distinguent franchement de l'ensemble des candidates de la tranche d'âge concernée, et d'abord sur un plan artistique. Du côté des variations classiques, on constate, avec un certain soulagement, une plus grande variété de choix que chez les plus jeunes, même si Aurore a, une fois n'est pas coutume, rassemblé de nombreux suffrages, prenant en quelque sorte la place de Raymonda, dont les éditions précédentes nous avaient rassasiés. Kitri et Gamzatti tiennent toujours leur rang, face à une Giselle, dont l'expérience semble montrer – hélas! - qu'elle n'est pas toujours le choix le plus judicieux qu'une candidate puisse faire dès lors qu'elle ne s'appelle pas Akane Takada (lauréate et Prix du Public en 2008)... Pour les variations contemporaines, un peu moins de Traces à la chaîne, semble-t-il, et un peu plus de There Where She Loved, on s'y retrouve ainsi plus facilement dans les prestations des unes ou des autres...

Honneur aux plus brillantes, à commencer peut-être par Caitlin Stawaruk (312), une Australienne, élève de la Tanz Akademie de Zürich, qui avait participé au Prix de Lausanne en 2008, sans tambour ni trompette. Elle a grandi, et surtout remarquablement mûri, pour nous présenter cette année la difficile variation du Rêve de Raymonda. Si sa prestation, déjà très professionnelle, ne projette pas beaucoup d'émotion, il n'y a pas grand-chose à redire sur le reste : sa danse est fluide, d'une belle pureté académique, extrêmement précise, et possède de surcroît toute la musicalité requise pour un adage. Une silhouette idéale (et - mon Dieu! - saine...), un pied délicat et travaillé, et des qualités lyriques qui trouvent encore à s'exprimer avec bonheur dans le Polyphonia de Wheeldon, rien moins qu'inspiré... Un ange passe... Une jeune danseuse en tout cas manifestement déjà mûre pour la scène.... La Chinoise de Houston, Liao Xiang (309), se montre quant à elle absolument rayonnante dans la variation d'Aurore, marquée par un travail stylistique particulièrement abouti, que révèlent des mains et des ports de bras d'un raffinement extrême. Néanmoins, Traces n'était probablement pas la variation la plus apte à mettre en valeur ses qualités : la prestation n'est en soi pas mal du tout, manifestant une personnalité indéniable, mais elle s'y révèle là encore dans tout son éclat, presque trop séductrice, là où le propos se veut d'évidence plus brut, plus spontané... On aura également retenu dans ce groupe le travail très assuré, et digne d'une finale, de la Japonaise Mai Aihara (313), déjà remarquée lors d'une répétition sur scène : une variation d'Aurore "enlevée" - au sens le plus littéral du terme -, un vrai sens de l'attaque et des accents musicaux, et par dessus-tout, des épaulements très justes dont le raffinement la distingue. Bon équilibre d'ensemble au demeurant chez cette candidate, avec un Traces réussi, sans pour autant être exceptionnel.

Ce sont les sélections, chacun, on le sait, a droit ici à sa minute de gloire... Profitons-en donc et citons encore, en vrac, quelques candidates qui, à un autre niveau, auront su retenir favorablement notre attention... L'Italienne Cristina Venturuzzo (304), élève de l'Ecole Rosella Hightower de Cannes, est justement peut-être, de toutes les candidates, celle à avoir offert l'un des Traces les plus percutants : au-delà même de la personnalité qu'elle déploie sur scène, l'énergie et le sens de l'abandon sont là pour donner vie et signification à cette variation trop ressassée. Sa Gamzatti, assez propre au demeurant (pour une série réduite – et bien triste - cette année), manquait un peu de saut et d'attaque, dommage!... Noëllie Coutisson (310), du Conservatoire de Paris, après une Aurore enjouée et précise, nous livre de son côté un Traces à la force terrienne, bien à elle en tout cas, à l'instar de celui de l'intéressante Japonaise de Zürich, Aya Baba (314). Celle-ci aurait d'ailleurs pu sauver l'honneur de Giselle et du style romantique (qui en avait bien besoin en ce jour, après le massacre commis par une candidate!), si elle n'avait été malheureusement contrainte de finir sa diagonale de ballonnés presque entièrement sur demi-pointe... Petit regret aussi concernant Kristina Ryumshina (307), une jolie Russe venue de l'Ecole de Perm, au geste sensible, douce et délicate comme de la porcelaine, mais dans un contre-emploi bien trop manifeste en Kitri. Beaucoup trop typée aussi sans doute, notamment dans sa manière d'aborder Wheeldon, pour un concours privilégiant d'évidence des standards internationaux...




Garçons 17/18 ans – Variations classiques / Variations contemporaines

Si, au sein du groupe des filles, les finalistes potentielles semblent a priori aisément repérables, par une maturité artistique sans doute plus évidente, chez les garçons de la même tranche d'âge, très nombreux de surcroît cette année, on n'a finalement que l'embarras du choix, tant sont rassemblés ici de personnalités différentes et, tout simplement, d'excellents danseurs, chacun dans un style bien particulier... Au chapitre des variations classiques - ô joie! -, neuf James! C'est peut-être beaucoup, mais en même temps c'est LA variation qui ne ment pas, celle où les effets ne suffisent pas, celle où il est impossible de tricher quant à la technique et quant au reste... En ce qui nous concerne, on vote aussi pour l'intelligence du choix et l'ambition qu'il traduit! En-dehors de la variation de La Sylphide de Bournonville, plébiscitée en cette année danoise, l'ensemble de la sélection offre une belle variété, où tous les goûts et tous les styles peuvent se retrouver : Albrecht, Désiré, mais aussi les Corsaire et autres Basilio de service, ce dernier toujours chéri des candidats japonais... Les variations contemporaines ont quant à elle été choisies assez équitablement par les candidats : du joyeux et musical Commedia à un Continuum tout en relâchement et en accélération, en passant par les variations plus terriennes de Cathy Marston, Captain Alving et Libera me... Seul Caliban a plus de mal à trouver preneur auprès des candidats, ce qui est sans doute compréhensible, eu égard à la mise à nu – au sens propre comme au sens figuré – qu'elle exige de l'interprète...

Par où commencer ici?... On s'y perd un peu à vrai dire, tant il y a de candidats qui mériteraient d'être mentionnés, à un titre ou à un autre. Parmi les tout premiers à évoluer, l'Espagnol de la San Francisco Ballet School, Francisco Mungamba Reina (402), s'impose d'emblée comme un sérieux candidat à la finale, sinon au podium, grâce à une excellente variation classique, celle du Prince Désiré, conjuguant élégance, raffinement et brio. On s'enthousiasme sans peine pour ses tours en l'air, son manège de sauts final... et une présence séduisante qui vient couronner d'indéniables qualités techniques et stylistiques. Encore plus impressionnante peut-être apparaît son interprétation de Continuum, tout en détente et en souplesse féline. Très bonnes prestations également des deux élèves de l'école de l'ABT : le Japonais Shu Kinouchi (416), qui livre un Corsaire vif et souriant, et l'Australien Aaron Smyth (431), d'une impeccable musicalité tant dans Continuum, que dans un Don Quichotte très viril (ça fait du bien parfois!...), ponctué d'un saut final en grand écart impressionnant de maîtrise. Autre Japonais remarquable - celui-là est à l'English National Ballet School – Ken Saruhashi (428), d'une maturité appréciable dans la variation du Prince Désiré, et plus percutant encore dans un Captain Alving qui ne s'est pas toujours révélé passionnant au fil de la journée. Du saut, de la puissance et une présence très charismatique également, chez le Cubain Yanquiel Ochoa Leiva (407) qu'on imagine sans peine se retrouver en finale, même si, au-delà, il aura sans doute à souffrir de la référence pesante à Carlos Acosta. Vitor Duarte de Menezes (419), l'un des sympathiques jumeaux brésiliens de l'English National Ballet School, s'affirme aussi comme un candidat à surveiller, surtout grâce à un Commedia vif, drôle et bien compris, tout comme celui proposé par l'Américain de Houston, Aaron Sharatt (414). Ce sont là des danseurs qu'on qualifierait d'un peu bruts de décoffrage du côté de Paris, mais le contenu – l'esprit - est là... Dans un style aux antipodes, un petit mot s'impose encore sur le clan chinois de GuangZhou (Canton) : cinq candidats sont tout de même issus de cette école et leur danse possède des caractéristiques stylistiques aisément reconnaissables. Parmi eux, un Corsaire, un James, et trois Albrecht : extrêmement lyriques, à la limite de la préciosité, ces trois-là ont surtout montré une très belle progression entre les répétitions avec Patrick Armand et les prestations lors de ces sélections. Liang Mingyi (404) et Chan Chunwai (411) notamment sont de fort beaux Albrecht, malheureusement complètement passés à côté du propos humoristique et léger de Commedia, tout comme Liang Zecheng (401), dont on a apprécié pourtant la saltation sans effort et le raffinement du geste dans le Corsaire. Le plus convaincant, sinon le plus séduisant, sur les deux variations reste Wu Yanling (413), très vif, jusque dans les regards, dans la variation de James, exécutée avec une science véritable des épaulements, et d'une précision musicale redoutable dans Commedia.

Mais trêve d'énumérations louangeuses, la vraie cerise sur le gâteau de la journée reste quand même, sans conteste, le petit dernier de la liste, l'Argentin Cristian Emanuel Amuchastegui (433), celui qu'on n'attendait plus, pressé que l'on peut être, à l'issue d'un concours d'une telle durée, d'aller prendre l'air ailleurs... Son James est un rêve de danse, un petit miracle, comme on n'en voit certainement pas un tous les ans : une saltation et une petite batterie exceptionnelles, un sens du phrasé musical, et par-dessus tout, la joie de danser, le naturel, et le charme, de celui qui n'a pas d'âge... Grand écart absolu grâce à un Caliban symbolique autant qu'hypnotique, qu'on a simplement envie de qualifier d'inspiré! James et Caliban, l'air et la terre, comme s'il tenait là des deux dimensions... De nombreux candidats ont dansé aujourd'hui, et des plus brillants, mais celui-là, avouons qu'il est un peu la claque dont il est difficile de se remettre... Tant mieux, c'était lui le dernier!... En attendant les promesses d'un lendemain qui, c'est certain, ne manquera pas de chanter pour lui...


B. Jarrasse © 2010, Dansomanie



Les variations classiques en images :



Les variations contemporaines en images :



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