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Sélections - 15/16 ans
Comment mieux parler des candidats qu'en évoquant les
sélections, où le soliste qui sommeille en chacun
d'eux, de manière plus ou moins accomplie, peut enfin
s'exprimer? C'est le jour où tous les participants sans
exception, fin prêts, maquillés et
revêtus de leur plus beau costume, ont droit à ces
quelques minutes de gloire rêvées,
vécues sur la scène d'un vrai
théâtre, face à un parterre de
spectateurs et de photographes. Bien sûr, le jury est
là, attentif, sagement installé au milieu du
parterre, le regard prompt à évaluer. Qu'on ne
s'y trompe pas, tout ceci est un concours, spectacle d'un genre un peu
particulier...
Les sélections débutent au cinquième
jour de la compétition, selon des modalités
identiques à celles des deux éditions
précédentes... et une organisation manifestement
de plus en plus efficace, où – miracle suisse! -
on parvient même à devancer in fine les
horaires initialement prévus. Matinée
consacrée aux plus jeunes, après-midi aux plus
âgés, en alternance deux filles, un
garçon le matin, deux garçons, une fille
l’après-midi, la variation classique
d’abord, sur fond bleu, la variation contemporaine ensuite,
sur fond rouge-orangé, voilà pour le
détail suisse de cette longue journée, conclue
par le cérémonial de la proclamation des
résultats, donnés, comme prévus,
à 20h pétantes.
Filles 15/16
ans – Variations classiques / Variations contemporaines
Journée entamée donc par le groupe des filles de
15/16 ans, chez lesquelles, comme l'an dernier, les variations de Coppélia
et de la 3ème Ombre de La
Bayadère se taillent, presque à
elles seules, la part du lion – hélas! Des Coppélia
données parfois dans des versions chorégraphiques
incongrues, mais ce n'est évidemment pas cet aspect
esthétique qui doit entrer en ligne de compte aux yeux du
jury... Oubliées, une fois encore, la variation complexe et
intéressante de la Fête
des fleurs à Genzano (merci les
garçons d'avoir sauvé l'honneur de Bournonville
en cette année de présidence danoise!) ou
même celle, tissée de sauts, du Pas de deux des
Paysans de Giselle
version Petipa, qu'avait notamment dansée la merveilleuse
Sae-Eun Park, gagnante du Prix 2007. 19 candidates dans ce premier
groupe, et un niveau d'ensemble assez
hétérogène, qui, au-delà
des problèmes de style et/ou de maturité parfois
posés par les variations contemporaines, laisse toutefois
apparaître quelques noms sonnant comme une
évidence et auxquels on s'empresse de joindre une petite
croix dans la marge de sa liste.
Première candidate à évoluer sur la scène, la
Japonaise Mariko Sasaki (101)
s'impose d'emblée, avec assurance et sérénité : une 3ème Ombre
impeccable, aux bras peut-être encore un peu raides et mécaniques, mais
sinon, que dire? A peine 15 ans et tout est déjà parfaitement propre,
précis, contrôlé, musical, empreint de surcroît d'une vivacité qui
rappelle la petite Miki Mizutani, première candidate de l'édition
2009... et l'une des lauréates de ce dernier Prix... La Coréenne Cho-Hee Won (107) offre de son côté
une variation de Coppélia très
accomplie, si l'on veut bien lui pardonner une petite erreur de
réception à la fin. On admire notamment sa musicalité et sa grande
stabilité dans les équilibres et les tours, effectuées avec une aisance
et une vélocité confondantes. A vrai dire, lors d'une répétition sur
scène, en présence de Viviana Durante, on avait déjà eu l'occasion de
remarquer cette jeune fille sans apprêt, petite, solide et véritablement
dansante, brillant sans effort au milieu d'une théorie de candidates
plus ou moins désarticulées, la jambe au ciel, mais peinant parfois à
terminer proprement un simple tour en attitude... Très belle 3ème Ombre,
mobile et pourvue d'un rare sens de l'attaque, pour la Japonaise Neneka Yoshida (110), élève depuis
quelques mois de Dominique Khalfouni à Paris. Toujours au rayon des
Japonaises et des Ombres, Madoka Sasaki
(113), une vraie beauté dont les magnifiques extensions sont ici
utilisées à bon escient et ne nuisent jamais au contrôle de la technique
et à la rigueur du style. Deux candidates chinoises méritent encore
d'être mentionnées : Hiu Tung Yu
(111), pour une 1ère Ombre enjouée, intelligente et sûre d'elle, et
plus encore, Yang Ruiqi (116),
impressionnante de technique (ah! ces tours à l'italienne presque
inhumains, à force de perfection!...) et de raffinement stylistique dans
la variation de Coppélia.
Moins souveraine sans doute sur le plan technique, la Française Chloé Guigal (115) séduit toutefois
agréablement par une personnalité très vivante et une belle occupation
de l'espace scénique dans la 2ème Ombre de La Bayadère.
Les variations contemporaines ont de quoi plonger ensuite l'observateur
dans un petit abîme de perplexité...
Rétrospectivement, on se dit que les variations Neumeier,
imposées durant deux ans, apparaissaient moins
risquées et susceptibles de "hors-sujet" pour de si jeunes
danseurs que le nouveau duo chorégraphique Marston/Wheeldon
... Ainsi, parmi les candidates ayant réussi à
briller dans la variation classique, peu, malheureusement, parviennent
à se hisser au même niveau dans la variation
contemporaine, tandis que les candidates les plus
intéressantes en contemporain manifestent parfois de nettes
insuffisances dans la partie classique... Les choix des candidates de
ce groupe révèlent par ailleurs un regrettable
manque d'originalité global : des choix portés en
masse vers Traces
de Cathy Marston et, dans une moindre mesure, vers Polyphonia de
Christopher Wheeldon, et nuisant par là même
à la reconnaissance des personnalités les plus
saillantes. La variation de Cathy Marston a sans doute de quoi
séduire, sur un plan musical, des oreilles adolescentes,
mais l'interprétation qui en est donnée ici reste
le plus souvent entachée de classicisme et d'effets
esthétiques malvenus, quand la dynamique d'ensemble n'en
demeure pas simplement scolaire. Et franchement – petite
digression personnelle -, difficile de ne pas avoir les nerfs qui
craquent au bout de trois ou quatre reprises successives de la musique
de Yann Tiersen!... Quant à Polyphonia,
très belle étude lorgnant vers l'abstraction
géométrique et le néo-classicisme,
sans doute exige-t-elle davantage de maturité, physique et
artistique, chez ses interprètes... Les deux candidates
ayant choisi There
Where She Loved de Christopher Wheeldon n'en ont pour leur
part fait ressentir ni la légèreté
distante ni l'humour au second degré - qui rappelle comme
une évidence Jerome Robbins - s'égarant
à la place dans l'écueil du
maniérisme. Dommage, car c'est peut-être
là l'une des variations plus intéressantes et les
plus ouvertes de la sélection, à la fois
virtuose, théâtrale, et musicalement exigeante...
Face à un ensemble en demi-teinte, il paraît alors
d'autant plus important de célébrer les
prestations de certaines. Au rayon des candidates assurant un certain
équilibre classique/contemporain, on mentionnera ainsi, une
nouvelle fois, notre petite Coréenne, Cho Hee-Won (107),
très engagée dans un Traces
dépourvu de tout maniérisme, ainsi que notre
Japonaise de Paris, Neneka Yoshida (110), qui étrenne son
lyrisme et ses lignes parfaites dans Polyphonia.
Chloé Guigal (115) offre pour sa part une prestation pleine
de caractère et de sensualité dans Traces –
on applaudit la France à deux mains dans un concours, une
fois n'est pas coutume!... Les deux candidates portugaises, issues
l'une et l'autre du Conservatoire de Lisbonne, restent toutefois les
plus marquantes dans cette série de variations : la petite,
Maria Barroso (112), puissante et ténébreuse,
dans Traces,
et plus encore, la grande, Teresa Coelho (117), d'un contrôle
impressionnant dans la variation de bravoure, Libera me, qu'elle
est la seule fille, tous groupes confondus, à avoir
osé choisir. Dommage que dans les deux cas, elles soient
passées, pour des raisons différentes,
à côté de leur variation classique...
Garçons
15/16 ans – Variations classiques / Variations contemporaines
Changement d'ambiance - et de niveau - avec les garçons du
groupe des 15/16 ans. Après un ensemble féminin
d'allure hétérogène, mais relativement
terne sur le plan des personnalités, souvent trop
corseté dans des habitudes scolaires, le groupe masculin se
révèle globalement réjouissant. Pour
les yeux comme pour le coeur. Ils sont huit seulement, mais tous ou
presque présentent déjà, peu ou prou,
une personnalité intéressante, à un
titre ou à un autre, même s'il est
évident que certains ont déjà franchi
un degré supplémentaire sur le plan de la
maturité technique et artistique. Bref, ici, la jeunesse
dans tous ses éclats parvient à se conjuguer au
brio et à la joie de danser – que demander de
plus?... Du côté des variations classiques, La Fille mal gardée
obtient toujours un beau succès, suivie par le Pas des deux
des Paysans de Giselle.
Il y a même un courageux qui a osé la Fête des fleurs
à Genzano... Bravo à Jorge Filipe
Manteigas (206) qui, sans être Aleix Martinez (le gagnant du
Prix 2008), ne s'est pas si mal sorti que ça de toutes les
difficultés qui l'émaillent!... Du
côté des variations contemporaines,
plutôt Marston que Wheeldon, avec une petite
préférence, étonnante, pour le
très bref Captain
Alving, qui évoque la mort d'un vieil homme
malade... Tout n'est pas du même calibre certes, l'ennui
pointe parfois le bout de son nez, mais les prestations traduisent
souvent une liberté d'expression appréciable :
les problèmes d'interprétation existent, eu
égard à la maturité plus ou moins
grande des uns et des autres, mais ils sont d'évidence moins
sensibles ici que chez les filles...
Au sein de ce groupe, on retiendra au premier chef le petit prodige
Marcelino Sambé (202), radieux et bondissant dans la
variation de La Fille
mal gardée : saltation virtuose, batterie
précise, pirouettes impeccables (on peut aussi en faire une
de moins pour rester en musique...), en plus d'un travail des bras et
du haut du corps particulièrement soigné, ce qui
est plutôt rare chez ces jeunes gens... Et puis, tout
simplement, une présence, ce petit "truc" en plus qui ne
s'invente pas... Libera
me s'avère par ailleurs un choix excellent pour
mettre en valeur ses qualités de mouvement et son sens aigu
de la pose statuesque, l'un des aspects les plus impressionnants de
cette chorégraphie ; elle le montre aussi sous un jour
différent, plus adulte, plus féroce, savant
mélange d'énergie, de force -
déployée et retenue -, et de contrôle.
Beau doublé également du Japonais Shori Yamamoto
(209) - un profil très "bête à
concours" -, tant dans La
Fille mal gardée que dans le Commedia de
Wheeldon, entaché d'un malheureux petit
déséquilibre à la fin, où
il se révèle néanmoins
particulièrement musical. Au rayon des petits coups de coeur
personnels, on citera plus particulièrement Luca Acri (204),
un Italo-Japonais qui offre une variation de La Fille mal gardée
souriante et teintée d'un charme irrésistible,
permettant
d'apprécier, outre une très belle saltation, une
musicalité impeccable. Beau saut, beau ballon,
légèreté et musicalité
conjugués
également chez le Chinois OuYang Sunan (205) en Paysan de Giselle. Dans un
style à la fois enjoué et juvénile,
correspondant bien à l'esprit de la très
populaire variation de La
Fille mal gardée, on mentionnera enfin
Christopher Evans (201), le plus jeune candidat de la
compétition, un peu vert tout de même pour la
variation de Captain
Alving, malgré une qualité de
mouvement appréciable et prometteuse. Le seul
peut-être à en avoir donné ici une
interprétation un tant soit peu convaincante est le
Suédois Ivan Palenskis (203), malheureusement bien trop en
délicatesse avec la technique et le style dans la variation
classique choisie, celle du Pas de deux des Paysans de Giselle.
B.
Jarrasse © 2010, Dansomanie
Les variations
classiques en images :
Les variations
contemporaines en images :
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