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dossier le prix de lausanne 2010
Sélections - 15/16 ans


Comment mieux parler des candidats qu'en évoquant les sélections, où le soliste qui sommeille en chacun d'eux, de manière plus ou moins accomplie, peut enfin s'exprimer? C'est le jour où tous les participants sans exception, fin prêts, maquillés et revêtus de leur plus beau costume, ont droit à ces quelques minutes de gloire rêvées, vécues sur la scène d'un vrai théâtre, face à un parterre de spectateurs et de photographes. Bien sûr, le jury est là, attentif, sagement installé au milieu du parterre, le regard prompt à évaluer. Qu'on ne s'y trompe pas, tout ceci est un concours, spectacle d'un genre un peu particulier...

Les sélections débutent au cinquième jour de la compétition, selon des modalités identiques à celles des deux éditions précédentes... et une organisation manifestement de plus en plus efficace, où – miracle suisse! - on parvient même à devancer in fine les horaires initialement prévus. Matinée consacrée aux plus jeunes, après-midi aux plus âgés, en alternance deux filles, un garçon le matin, deux garçons, une fille l’après-midi, la variation classique d’abord, sur fond bleu, la variation contemporaine ensuite, sur fond rouge-orangé, voilà pour le détail suisse de cette longue journée, conclue par le cérémonial de la proclamation des résultats, donnés, comme prévus, à 20h pétantes.


prix de lausanne 2010 selections 15 - 16 ans


Filles 15/16 ans – Variations classiques / Variations contemporaines

Journée entamée donc par le groupe des filles de 15/16 ans, chez lesquelles, comme l'an dernier, les variations de Coppélia et de la 3ème Ombre de La Bayadère se taillent, presque à elles seules, la part du lion – hélas! Des Coppélia données parfois dans des versions chorégraphiques incongrues, mais ce n'est évidemment pas cet aspect esthétique qui doit entrer en ligne de compte aux yeux du jury... Oubliées, une fois encore, la variation complexe et intéressante de la Fête des fleurs à Genzano (merci les garçons d'avoir sauvé l'honneur de Bournonville en cette année de présidence danoise!) ou même celle, tissée de sauts, du Pas de deux des Paysans de Giselle version Petipa, qu'avait notamment dansée la merveilleuse Sae-Eun Park, gagnante du Prix 2007. 19 candidates dans ce premier groupe, et un niveau d'ensemble assez hétérogène, qui, au-delà des problèmes de style et/ou de maturité parfois posés par les variations contemporaines, laisse toutefois apparaître quelques noms sonnant comme une évidence et auxquels on s'empresse de joindre une petite croix dans la marge de sa liste.

Première candidate à évoluer sur la scène, la Japonaise Mariko Sasaki (101) s'impose d'emblée, avec assurance et sérénité : une 3ème Ombre impeccable, aux bras peut-être encore un peu raides et mécaniques, mais sinon, que dire? A peine 15 ans et tout est déjà parfaitement propre, précis, contrôlé, musical, empreint de surcroît d'une vivacité qui rappelle la petite Miki Mizutani, première candidate de l'édition 2009... et l'une des lauréates de ce dernier Prix... La Coréenne Cho-Hee Won (107) offre de son côté une variation de Coppélia très accomplie, si l'on veut bien lui pardonner une petite erreur de réception à la fin. On admire notamment sa musicalité et sa grande stabilité dans les équilibres et les tours, effectuées avec une aisance et une vélocité confondantes. A vrai dire, lors d'une répétition sur scène, en présence de Viviana Durante, on avait déjà eu l'occasion de remarquer cette jeune fille sans apprêt, petite, solide et véritablement dansante, brillant sans effort au milieu d'une théorie de candidates plus ou moins désarticulées, la jambe au ciel, mais peinant parfois à terminer proprement un simple tour en attitude... Très belle 3ème Ombre, mobile et pourvue d'un rare sens de l'attaque, pour la Japonaise Neneka Yoshida (110), élève depuis quelques mois de Dominique Khalfouni à Paris. Toujours au rayon des Japonaises et des Ombres, Madoka Sasaki (113), une vraie beauté dont les magnifiques extensions sont ici utilisées à bon escient et ne nuisent jamais au contrôle de la technique et à la rigueur du style. Deux candidates chinoises méritent encore d'être mentionnées : Hiu Tung Yu (111), pour une 1ère Ombre enjouée, intelligente et sûre d'elle, et plus encore, Yang Ruiqi (116), impressionnante de technique (ah! ces tours à l'italienne presque inhumains, à force de perfection!...) et de raffinement stylistique dans la variation de Coppélia. Moins souveraine sans doute sur le plan technique, la Française Chloé Guigal (115) séduit toutefois agréablement par une personnalité très vivante et une belle occupation de l'espace scénique dans la 2ème Ombre de La Bayadère.

Les variations contemporaines ont de quoi plonger ensuite l'observateur dans un petit abîme de perplexité... Rétrospectivement, on se dit que les variations Neumeier, imposées durant deux ans, apparaissaient moins risquées et susceptibles de "hors-sujet" pour de si jeunes danseurs que le nouveau duo chorégraphique Marston/Wheeldon ... Ainsi, parmi les candidates ayant réussi à briller dans la variation classique, peu, malheureusement, parviennent à se hisser au même niveau dans la variation contemporaine, tandis que les candidates les plus intéressantes en contemporain manifestent parfois de nettes insuffisances dans la partie classique... Les choix des candidates de ce groupe révèlent par ailleurs un regrettable manque d'originalité global : des choix portés en masse vers Traces de Cathy Marston et, dans une moindre mesure, vers Polyphonia de Christopher Wheeldon, et nuisant par là même à la reconnaissance des personnalités les plus saillantes. La variation de Cathy Marston a sans doute de quoi séduire, sur un plan musical, des oreilles adolescentes, mais l'interprétation qui en est donnée ici reste le plus souvent entachée de classicisme et d'effets esthétiques malvenus, quand la dynamique d'ensemble n'en demeure pas simplement scolaire. Et franchement – petite digression personnelle -, difficile de ne pas avoir les nerfs qui craquent au bout de trois ou quatre reprises successives de la musique de Yann Tiersen!... Quant à Polyphonia, très belle étude lorgnant vers l'abstraction géométrique et le néo-classicisme, sans doute exige-t-elle davantage de maturité, physique et artistique, chez ses interprètes... Les deux candidates ayant choisi There Where She Loved de Christopher Wheeldon n'en ont pour leur part fait ressentir ni la légèreté distante ni l'humour au second degré - qui rappelle comme une évidence Jerome Robbins - s'égarant à la place dans l'écueil du maniérisme. Dommage, car c'est peut-être là l'une des variations plus intéressantes et les plus ouvertes de la sélection, à la fois virtuose, théâtrale, et musicalement exigeante... Face à un ensemble en demi-teinte, il paraît alors d'autant plus important de célébrer les prestations de certaines. Au rayon des candidates assurant un certain équilibre classique/contemporain, on mentionnera ainsi, une nouvelle fois, notre petite Coréenne, Cho Hee-Won (107), très engagée dans un Traces dépourvu de tout maniérisme, ainsi que notre Japonaise de Paris, Neneka Yoshida (110), qui étrenne son lyrisme et ses lignes parfaites dans Polyphonia. Chloé Guigal (115) offre pour sa part une prestation pleine de caractère et de sensualité dans Traces – on applaudit la France à deux mains dans un concours, une fois n'est pas coutume!... Les deux candidates portugaises, issues l'une et l'autre du Conservatoire de Lisbonne, restent toutefois les plus marquantes dans cette série de variations : la petite, Maria Barroso (112), puissante et ténébreuse, dans Traces, et plus encore, la grande, Teresa Coelho (117), d'un contrôle impressionnant dans la variation de bravoure, Libera me, qu'elle est la seule fille, tous groupes confondus, à avoir osé choisir. Dommage que dans les deux cas, elles soient passées, pour des raisons différentes, à côté de leur variation classique...



Garçons 15/16 ans – Variations classiques / Variations contemporaines

Changement d'ambiance - et de niveau - avec les garçons du groupe des 15/16 ans. Après un ensemble féminin d'allure hétérogène, mais relativement terne sur le plan des personnalités, souvent trop corseté dans des habitudes scolaires, le groupe masculin se révèle globalement réjouissant. Pour les yeux comme pour le coeur. Ils sont huit seulement, mais tous ou presque présentent déjà, peu ou prou, une personnalité intéressante, à un titre ou à un autre, même s'il est évident que certains ont déjà franchi un degré supplémentaire sur le plan de la maturité technique et artistique. Bref, ici, la jeunesse dans tous ses éclats parvient à se conjuguer au brio et à la joie de danser – que demander de plus?... Du côté des variations classiques, La Fille mal gardée obtient toujours un beau succès, suivie par le Pas des deux des Paysans de Giselle. Il y a même un courageux qui a osé la Fête des fleurs à Genzano... Bravo à Jorge Filipe Manteigas (206) qui, sans être Aleix Martinez (le gagnant du Prix 2008), ne s'est pas si mal sorti que ça de toutes les difficultés qui l'émaillent!... Du côté des variations contemporaines, plutôt Marston que Wheeldon, avec une petite préférence, étonnante, pour le très bref Captain Alving, qui évoque la mort d'un vieil homme malade... Tout n'est pas du même calibre certes, l'ennui pointe parfois le bout de son nez, mais les prestations traduisent souvent une liberté d'expression appréciable : les problèmes d'interprétation existent, eu égard à la maturité plus ou moins grande des uns et des autres, mais ils sont d'évidence moins sensibles ici que chez les filles...

Au sein de ce groupe, on retiendra au premier chef le petit prodige Marcelino Sambé (202), radieux et bondissant dans la variation de La Fille mal gardée : saltation virtuose, batterie précise, pirouettes impeccables (on peut aussi en faire une de moins pour rester en musique...), en plus d'un travail des bras et du haut du corps particulièrement soigné, ce qui est plutôt rare chez ces jeunes gens... Et puis, tout simplement, une présence, ce petit "truc" en plus qui ne s'invente pas... Libera me s'avère par ailleurs un choix excellent pour mettre en valeur ses qualités de mouvement et son sens aigu de la pose statuesque, l'un des aspects les plus impressionnants de cette chorégraphie ; elle le montre aussi sous un jour différent, plus adulte, plus féroce, savant mélange d'énergie, de force - déployée et retenue -, et de contrôle. Beau doublé également du Japonais Shori Yamamoto (209) - un profil très "bête à concours" -, tant dans La Fille mal gardée que dans le Commedia de Wheeldon, entaché d'un malheureux petit déséquilibre à la fin, où il se révèle néanmoins particulièrement musical. Au rayon des petits coups de coeur personnels, on citera plus particulièrement Luca Acri (204), un Italo-Japonais qui offre une variation de La Fille mal gardée souriante et teintée d'un charme irrésistible, permettant d'apprécier, outre une très belle saltation, une musicalité impeccable. Beau saut, beau ballon, légèreté et musicalité conjugués également chez le Chinois OuYang Sunan (205) en Paysan de Giselle. Dans un style à la fois enjoué et juvénile, correspondant bien à l'esprit de la très populaire variation de La Fille mal gardée, on mentionnera enfin Christopher Evans (201), le plus jeune candidat de la compétition, un peu vert tout de même pour la variation de Captain Alving, malgré une qualité de mouvement appréciable et prometteuse. Le seul peut-être à en avoir donné ici une interprétation un tant soit peu convaincante est le Suédois Ivan Palenskis (203), malheureusement bien trop en délicatesse avec la technique et le style dans la variation classique choisie, celle du Pas de deux des Paysans de Giselle.


B. Jarrasse © 2010, Dansomanie



Les variations classiques en images :



Les variations contemporaines en images :



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