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Quatre
jours et trois petits tours… et ce sont
déjà
les
sélections… Le terme de la semaine de
compétition
arrive enfin, et les 73 - 74-1 en réalité -
danseurs
inscrits cette année sont là, bien
présents, pour
y participer. Tel est en effet le nouveau règlement du Prix
de
Lausanne, qui, en supprimant les tours qualificatifs, permet
à
tous les candidats de concourir, en quelque sorte à armes
égales, en présentant leurs deux variations
devant le
jury et devant le public lors d’une ultime journée
de
sélections précédant la finale du
dimanche. Bien
sûr, on le sait, ce soir, le jury fera un choix
définitif,
en fonction des prestations conjuguées du jour et de la
semaine.
Bien sûr, on ne l’ignore pas non plus, dans
quelques
heures, il y aura, parmi tous ces jeunes gens, des rires et des larmes,
des heureux et des déçus – on
n’ose parler
ici de "vainqueurs" et de "vaincus" -, mais tous, sans exception,
auront eu la possibilité et le privilège de
monter sur
scène… D’être, pour quelques
minutes au
moins, une étoile de 16 ans…
Ces points essentiels évoqués, on
n’épiloguera pas davantage sur une organisation
inaugurée lors de la précédente
édition.
Pour nous, cette journée aura été
l’occasion, outre de voir l’ensemble des candidats
à
l’œuvre sur la scène d’un
théâtre, loin de l’espace rassurant du
studio, de
redécouvrir les variations Neumeier, introduites
à
l’occasion du Prix 2008 et presque oubliées
jusque-là au profit des seules variations classiques.
Histoire
d’admirer ces danseurs sous une facette autre que celle
entretenue par la discipline strictement classique. Mais
brisons-là et entrons dans le vif du sujet… Pour
une
très, très longue journée…
Filles A (15/16 ans)
– Variations classiques et variations Neumeier :
Variations classiques, puis variations Neumeier, ce sont les candidats
les plus jeunes qui, comme l’an dernier, étaient
chargés d’inaugurer dès le matin cette
journée de sélections. Honneur à ces
demoiselles
et au bal des Swanilda et des Ombres réunies…
Parmi les 27 candidates composant ce premier groupe, on a pu constater
que la scène, de façon
générale, n’a
pas offert de véritables surprises par rapport au travail
perçu en répétition autour de la seule
variation
classique. Il faut le souligner,
l’intérêt des
variations Neumeier est surtout de permettre à de jeunes
danseurs, peu frottés pour la plupart (et même
pour
certains pas du tout) au langage contemporain,
d’appréhender une gestuelle différente
et de se
fondre dans un nouveau mode d’expression. On peut certes les
trouver ennuyeuses sorties de leur contexte, ou même
discutables
- effet de répétition oblige -,
néanmoins, il faut
reconnaître qu’elles se prêtent
idéalement
dans leur forme et leur esprit à des adolescents, tout en
demeurant fondées pour l’essentiel – et
avec des
nuances selon les variations - sur une technique classique qui
n’est pas étrangère aux candidats.
Vive, légère, précise, la Japonaise
Miki Mizutani
(1) séduit et emporte d’emblée
l’adhésion dans sa variation de Swanilda,
exécutée avec une maîtrise
complète de
toutes les difficultés et dans un style impeccable. On
réitérera de même nos compliments
à
l’adresse de Futaba Ishizaki (3), déjà
remarquable
lors des répétitions dans cette même
variation,
où la justesse du mouvement et des poses
s’accompagne
d’un magnifique travail des bras et des mains. Ces deux
brillantes candidates nous ont paru en revanche plus "vertes" dans les
variations Neumeier : la première, un peu sèche
peut-être, manque encore de fluidité dans Nocturnes,
variation particulièrement appréciée
des
candidates, mais qui impose une certaine poésie et
qualité de mouvement ; quant à la
deuxième, elle
ne possède pas toujours la précision requise dans
Bach Suite II,
variation virtuose exigeant une très grande
vélocité. Néanmoins, il faut
reconnaître que
l’une comme l’autre se distinguent de
manière
évidente, par leur technique et leur présence
scénique, au sein de l’ensemble des candidats.
Certaines
danseuses de ce groupe méritent en outre
d’être
mentionnées pour
l’homogénéité et la
grande qualité de leurs deux prestations, classique et
contemporaine. On citera notamment la Japonaise Mizuki Noshiro (8 ),
d’un lyrisme admirable dans la 3ème variation des
Ombres
(entachée malheureusement par une main à terre
dans la
pose finale) et impeccable dans Vaslaw,
la Chinoise Yang Ruiqi (9), aussi convaincante en Swanilda que dans Nocturnes,
ou encore Hannah O’Neill (14), littéralement
transcendée par la scène en ce jour. Eblouissante
en
2ème Ombre, où elle fait preuve de ces
mêmes
qualités musicales qui nous avaient permis de la distinguer
lors
des répétitions, la
Néo-Zélandaise finit
d’imposer son autorité dans le difficile et peu
valorisant Préludes
CV.
Karen Johnson (22), longuement évoquée pour le
frisson
qu’elle avait suscité durant un filage sur
scène,
laisse pour sa part une impression d’autorité et
de
maturité scéniques au moins comparable, sinon
supérieure, à Hannah O’Neill, tant dans
Coppélia
que dans Nocturnes.
On admire au passage ses qualités dansantes,
enthousiasmantes,
ses épaulements et son ballon, uniques… En
parfait
contrepoint à la générosité
toute terrestre
de Karen Johnson, la Chinoise Peng Zhaoqian (20), superbe danseuse au
physique long et fin, impose une élégance froide
et
majestueuse dans la 1ère variation des Ombres, tout en
parvenant
à marquer les esprits par une sensibilité
extrême,
et toute personnelle, dans un Nocturnes pourtant rebattu, au point que
l’on a parfois du mal à distinguer les prestations
les
unes des autres. Karen Johnson et Peng Zhaoqian, deux facettes
nécessaires de la danse, intouchables l’une comme
l’autre, et pour nous, sans doute, le meilleur de ce
Prix…
Voilà en tout cas pour les "stars" de ce groupe, celles qui
nous
ont paru les moins contestables, celles qui, au-delà de
présenter de brillantes individualités,
réussissent parallèlement à atteindre
un certain
équilibre technique et artistique entre les deux variations,
évaluées de manière égale
par le jury,
rappelons-le. Mais si d’autres candidates
s’avèrent
plus faibles, plus effacées - passant sans vraiment parvenir
à se faire remarquer -, on n’oubliera pas pour
autant
quelques-unes de ces figures discrètes ou simplement trop
"vertes" encore pour la compétition, telles la
Française
Maeva Lassere (12), venue comme Kevin Poeung de l'Ecole du Ballet de
Marseille, handicapée par une timidité palpable
sur
scène mais dont le Préludes
CV
notamment était plein de belles promesses, la petite
Brésilienne Carolina Coelho Pais (6), dotée
d’un
sourire et d’une vivacité irrésistibles
en
Swanilda, ou encore la délicieuse Australienne Claudia Dean
(17), certes décevante dans ses deux variations, mais
d’une grâce exquise lors de la classe…
Garçons A (15/16 ans) – Variations classiques et
variations Neumeier :
Chez
les garçons les plus jeunes, sans doute davantage que chez
les
filles, la compétition a pu cette année
réserver
de relatives surprises, certains candidats, y compris parmi ceux
qu’on jugeait d’emblée brillants et
prometteurs, se
révélant au final quelque peu inégaux,
une fois
confrontés à la scène. Pour le reste,
si les
variations classiques des garçons présentaient
une
variété appréciable, on aura
à vrai dire
parfois souffert des Spring
and Fall et Yondering
en cascade que se partageaient de manière à peu
près égale les candidats de cette
année, ne
laissant que des miettes pour les autres variations
proposées :
un seul malheureux Vaslaw,
deux pauvres Nijinsky
et trois Wrong Note Rag
bien isolés… Dommage, car ce sont là
des
variations plus "expressionnistes" qu'"impressionnistes", qui reposent
chacune sur un registre bien spécifique et engagent de fait
la
personnalité des candidats, réclamant
d'être
incarnées, sous peine de se dissoudre et de
disparaître.
On pourra du reste regretter que la simplicité toute
juvénile mise en œuvre par la
chorégraphie de Spring
and Fall et de Yondering,
ces deux variations si prisées, n’ait pas toujours
été portée par un naturel bienvenu ni
transcendée par un élément autre,
d’ordre
poétique ou personnel, permettant de les rendre vraiment
vivantes et intéressantes…
Parmi
ceux que l’on avait d’emblée
remarqués, pour
sa présence et son brio conjugués, Takeshi Ikeda
(33) se
montre, en cette journée de sélections, assez
imprécis dans ses sauts et réceptions et ne
parvient pas
à convaincre pleinement sur sa seule variation classique,
tirée du Pas de deux des paysans de Giselle.
S’il brille dans Spring
et Fall,
c’est davantage grâce à la
fluidité de ses
mouvements impeccables que par une imagination qui, il est vrai, a
fréquemment fait défaut aux candidats
confrontés
à cette chorégraphie impressionniste. Edo Wijnen
(38 )
suscite davantage l’adhésion sur cette
même
variation, mais perd un peu ses moyens dans la variation du Pas de
trois du Lac des cygnes.
Il y
révèle néanmoins une belle ampleur de
mouvement et
dégage de manière plus
générale une
maturité scénique qu'on peut saluer. Qi Chen
(34),
malgré quelques accrocs dans les pirouettes finales,
régale le public de son ballon, de ses
épaulements
soignés et pour tout dire de sa danse stylée dans
la
variation de La Fille
mal gardée, mais offre en revanche un Yondering un peu
trop joli, manquant de naturel.
En
marge de ces trois danseurs qui semblent malgré tout dominer
le
groupe, les autres candidats proposent, à des
degrés
divers, des prestations plus scolaires, parfois malaisées,
ou
manquant simplement de la flamme nécessaire. Le Chinois Wang
Lizhong (32) notamment, plus jeune garçon de la
compétition (et venu comme Qi Chen de Shanghaï),
n’a
pas grand-chose à se reprocher, que ce soit dans le solo du
Pas
de trois du Lac des
cygnes ou dans Vaslaw,
mais on sent qu’il manque encore un petit quelque chose
à
son épanouissement scénique. On pourrait au fond
en dire
autant du Hongrois Gergely Leblanc (37) – sans conteste, le
meilleur des trois représentants de
l’Académie de
danse de Budapest sélectionnés cette
année
à Lausanne – d’une
élégance
appréciable dans la variation du Lac des cygnes et
très correct dans Spring
and Fall, mais qu’on pourra estimer un peu trop
sur la retenue.
Filles B (17/18 ans)
– Variations classiques et variations Neumeier :
L’heure
tourne, c'est le milieu de la journée, bien
entamée
à dire vrai… et la moitié des
candidats patiente
encore dans les coulisses du théâtre…
Nous
voilà donc repartis pour un tour - et quelques heures de
spectacle -, et cette fois, place aux aînés
!…
Les
variations classiques proposées aux 16-17 ans sont plus
complexes, requièrent d’autres
qualités, notamment
d’ordre stylistique ou interprétatif, et
s’il
paraît de fait difficile d’établir ici
des
comparaisons avec les plus jeunes, on perçoit de
façon
générale une plus grande assurance technique et
scénique – plus de "métier" sans aucun
doute
– chez les candidats de ce second groupe. Malgré
des
différences de niveau prégnantes, les
personnalités y semblent aussi souvent plus
affirmées. Ce
qui du reste n’augure en rien des résultats
finaux.
Là encore, faut-il le répéter, le jury
évalue des "potentiels", non des "produits finis". Et 15 ans
ou
18 ans, cela ne porte pas vraiment la même signification sous
les
cieux de la danse…
En
cet après-midi donc, les filles sont 26 à
concourir et
beaucoup paraissent déjà aptes à
montrer des
qualités de soliste. La première
d’entre elles, la
Coréenne Lee Da Hye (42) offre ainsi, dans son tutu rutilant
de
pierreries, une superbe variation du Rêve, soignée
dans
les moindres détails et dansée avec tout le
lyrisme et la
poésie souhaitées. Elle parvient de
même à
rendre véritablement spirituelle la variation, assez ingrate
il
faut le dire, de Requiem.
La
candidate qui la suit immédiatement, Moritaka Machi (43),
une
Japonaise élève de la Royal Ballet School, frappe
elle
aussi un grand coup auprès du public dans un registre tout
à fait opposé. Gamzatti impériale,
elle manifeste,
grâce à son sens de l'attaque et à un
brio
véritablement au service de la variation, une
autorité
qui la classe d’emblée parmi les favorites de la
compétition. Sans s’illustrer d’une
manière
aussi… implacable, elle offre parallèlement une
belle
interprétation de Nocturnes.
Parmi
celles qui ont assuré des prestations d’excellent
niveau
tant dans la variation classique que dans la variation Neumeier, on
citera encore Yang Chae-Eun (53), une Coréenne qui avait
atteint
la finale l’an dernier grâce à la
variation de la
1ère Ombre et celle de Vaslaw.
Cette année, elle se révèle une Kitri
brillante et
enjouée, très séductrice, et convainc
également dans Nocturnes,
même si, à ce stade de la compétition,
il
paraît difficile de se distinguer encore dans cette variation
très fluide et vaporeuse chorégraphiée
sur la
musique de Chopin. Chez les garçons comme chez les filles,
avouons que l’effet de répétition vire
parfois au
cauchemar… La Japonaise Haruka Soutome (59),
déjà
remarquée en répétition,
mérite
également d’être mentionnée
ici : la
variation de Kitri qu’elle a choisie permet
d’admirer sa
technique éblouissante – elle possède
notamment une
magnifique saltation -, autant que son jeu, allègre et vif.
Fait
rare, elle se révèle peut-être encore
plus
impressionnante dans la variation Neumeier, extraite de A Cinderella Story,
très peu vue cette année, à laquelle
elle sait
imprimer force et caractère en même temps que des
accents
et des changements de rythme bienvenus, en adéquation avec
la
musique de Prokofiev.
Le
groupe des 17/18 ans est riche de personnalités diverses, et
d’autres candidates parviennent à se distinguer et
à briller, sinon pour l’ensemble de leurs
prestations, du
moins pour l’une au l’autre de leurs variations.
Rina
Nemoto (47) se signale notamment par un Nocturnes
admirable de douceur assumée, après une variation
du
Rêve bien exécutée, mais manifestant
tout de
même une certaine raideur du haut du corps qui fait obstacle
à une expression ample et généreuse.
On signalera
encore deux autres candidates japonaises, Shoko Tsuji (45),
élève de l’English National Ballet
School, et Aya
Okumura (63), issue quant à elle de la John Cranko-Schule de
Stuttgart, toutes deux ébouriffantes de
virtuosité et
particulièrement musicales dans la variation brillante de Bach Suite II.
Difficile enfin de ne pas être séduit par la
personnalité radieuse de la Brésilienne Rafaelle
Queiroz
Rodrigues (68 ), élève de
l’Académie de
danse de Mannheim, qui, en dépit de quelques petites
imprécisions techniques dans ses pirouettes, sait occuper la
scène avec autant de grâce que de
majesté dans une
variation de Gamzatti qui se prête idéalement
à sa
danse conquérante.
Garçons B
(17/18 ans) – Variations classiques et variations Neumeier
:
S’il
paraît compliqué de départager toutes
ces
demoiselles, le groupe des messieurs, fort de 12 candidats,
présente lui aussi un bel éventail de candidats
talentueux et dignes d’aller en finale. Du reste - hasard des
dates de naissance -, les "meilleurs" se suivent tous, sans pourtant
vraiment se ressembler : Tigran Mkrtchyan (76), Skylar
Campbell
(77), Tatsuki Takada (78 ), Telmo Moreira (79), sans oublier
l’"outsider", le Chilien Sebastian Concha (80), peu
convaincant
en studio, mais transformé, avouons-le, par la
scène.
Chacun, fort d’une personnalité unique, a quelque
chose
à dire et à montrer, et c’est bien
là toute
la difficulté d’un concours de ce niveau que de
"faire la
différence". Pour un Kevin Poeung (73) plein de promesses,
et
qui n’a sans doute rien à se reprocher, dans la
variation
de James ou dans celle de Wrong
Note Rag,
la "différence" se situe peut-être là -
et nulle
part ailleurs -, dans l’expérience et la
maturité
scéniques déjà prégnantes
de tous les
jeunes gens précédemment
cités…
Premier
des "étoilables" de ce groupe, Tigran Mkrtchyan
possède
tous les signes extérieurs du finaliste – sinon
lauréat - potentiel : un physique de beau
ténébreux, saupoudré
d’exotisme, une
bravoure indéniable et une puissance constamment
tempérée par l’exigence de
propreté et
d’élégance. Sans oublier un public
acquis à
sa cause... Il appartient à cette longue lignée
de
talentueux danseurs arméniens venus de l’Ecole de
Ballet
de Erevan, élevés à la russe, qui ont
dû
quitter leur pays pour espérer danser en Europe ou en
Amérique. Tous, sans exception, sont passés par
Lausanne
– et souvent aussi par l’école de
Zürich -
avant de briller au firmament des compagnies occidentales : Davit
Karapetyan (principal au San Francisco Ballet), Tigran Mikayelyan
(principal au Ballet de Bavière), Arman Grygorian (soliste
au
Ballet de Zürich), Arsen Megrabian (soliste au Ballet de
Hambourg)… - les noms
s’égrènent, et la
liste n’est sans doute pas exhaustive. Pour en revenir
à
notre candidat, ses qualités, soulignées plus
haut,
s’imposent avec éclat dans ses deux variations, en
dépit d’un Corsaire
non exempt de quelques accrocs, en partie attribuables à la
tension, palpable.
Dans
un style nettement plus juvénile, Skylar Campbell
s’illustre à sa manière, dans Yondering,
traité sur un mode naïf plutôt bienvenu,
et dans une
variation d’Albrecht enlevée bravement,
à laquelle
il imprime une expressivité et un romantisme assez
touchants. Le
Français Rimbaud Patron (74), dans un programme absolument
identique, pâtit malheureusement de la comparaison. Tatsuki
Takada réalise pour sa part un concours efficace et
équilibré : du panache juste ce qu’il
faut dans la
variation de Basilio et une fluidité remarquable dans Yondering.
A la suite de ces quatre excellents candidats, chacun dans un genre
particulier, il faut bien reconnaître que Telmo Moreira
possède probablement ce "quelque chose" en plus que
l’on
attend dans toute compétition d’un
lauréat
potentiel, a fortiori lorsqu’elle a le prestige international
de
celle de Lausanne. Le "bébé-danseur" de 2007
n’a
pas tellement grandi ni changé physiquement, mais sa
maturité et son assurance s’étalent
maintenant avec
éclat et panache, dès lors qu’il est
sur
scène. Pour son retour à Lausanne, avouons
toutefois que
la prise de risques est minimale, le frisson peut-être
absent,
mais quoi? Telmo est là pour gagner, et rejoindre les rangs
de
l’ABT… En attendant, prions pour qu'il
échappe au
syndrome "petit prodige à la Simkin"!... Pour le reste, et
pour
le présent, on pourra invoquer sa virtuosité et
son brio
savamment contrôlés dans un Corsaire
enthousiasmant, ses
qualités de style dans l’exécution
– et
notamment le raffinement de ses épaulements, de ses ports de
bras et ports de tête qui délivrent à
l’évidence la signature "Vaganova" -, ou bien
encore ses
talents de "showman" prouvés dans Wrong Note Rag.
Mais au-delà de ces qualités objectives, et
à en
juger par les réactions des spectateurs, Telmo Moreira
montre
qu'il bénéficie aussi de ce don unique et
mystérieux : il aura toujours, et quoi qu’il
arrive, le
public pour l’aimer…
… Comme, à un autre niveau, Sebastian Concha, le
"beau
gosse" de l’année 2009, consacré par le
vidéoblog du Prix… A 17 ans, il a
déjà tout
pour ravir les médias, à commencer par un
parcours
atypique, et impressionnant, qui l’a conduit à
quitter
à l’âge de 14 ans Santiago du Chili pour
les
Etats-Unis et la Ben Stevenson Academy, l’école du
Ballet
de Houston... A vrai dire, on n’aurait guère
imaginé il y a quelques jours qu’il puisse
s’illustrer à ce point sur scène, tant
son travail
technique lors de la classe le laissait paraître
objectivement
en-deçà du niveau d’autres candidats,
tous
âges confondus. Certes, on peut dire, de
l’extérieur, qu’il a eu un certain "nez"
pour
choisir des variations peu prisées mais valorisantes,
dès
lors qu’elles sont intelligemment
interprétées,
comme celle du Prince Désiré dans La Belle au
bois
dormant et plus encore celle de Nijinsky. Mais au-delà de
cet
aspect "politique", ses deux prestations ont constitué une
agréable surprise, très largement à
même de
concurrencer quelques finalistes improbables du Prix 2008, globalement
d’un niveau inférieur à celui-ci, il
est vrai. Dans
la variation de Désiré, le travail des
épaulements
et des bras mériterait d’être revu et
corrigé, mais les sauts sont amples, les tours en
l’air
impeccables, les principales difficultés
surmontées avec
bravoure… Et la présence est là,
lumineuse,
indéniable… Au fond, que demande le peuple
?…
C’est toutefois la variation de Nijinsky, toujours
impressionnante, qui le révèle vraiment. Notons
du reste
qu’il a eu l’ambition de choisir celle-ci en
dépit
d’un physique fin et plutôt policé,
très loin
de la puissance de Dylan Tedaldi ou de la
félinité
d’Irlan Silva, deux lauréats de l’an
dernier qui
s’étaient illustrés dans cette
variation qui
présente l'intérêt d'exiger une haute
technicité et un véritable sens dramatique de la
part du
danseur-interprète. Le regard halluciné, en proie
à une folie proche de la crise
d’épilepsie,
palliant son absence de puissance physique par un engagement dramatique
intense, Concha nous convainc enfin !...
Il est près de 18h et la longue journée des
sélections s’achève enfin. Enfin, pas
tout à
fait... On annonce les résultats pour 20h environ. En
quelques
minutes, le théâtre se vide de ses habitants
d’un
jour, partis se rafraîchir ou se restaurer. A
l'arrière-scène, pour une fois
désertée,
c'est le calme avant la tempête... Pour tous alors,
l’attente commence…
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