Commentaire
:
Où l'on
découvre l'édition 2008 du Prix de Lausanne...
C’est sous un soleil radieux et des températures bien peu
hivernales, du moins telles qu’on peut les connaître
traditionnellement en Suisse à cette période, que Lausanne nous
accueille en ce jeudi 31 janvier, deux jours après l’ouverture
officielle de son Prix annuel. Mais comme on le verra, ici aussi,
les traditions s’usent. Car si le Palais de Beaulieu accueille
toujours les candidats sur les hauteurs de la ville, le concours a
quant à lui subi, depuis l’an dernier, quelques transformations
notables dans son règlement et son organisation.
Cette année, en effet, il n’est plus question de quart de finale
ni de demi-finale : tous les candidats sélectionnés pour le Prix
– ils sont 74 au total (52 filles et 22 garçons) – sont évalués
quatre jours durant et restent à demeure au moins jusqu’au
samedi, jour où le jury tranche enfin, à l’issue des épreuves
sur scène qui décideront de la petite vingtaine de danseurs considérés
dignes de concourir pour la finale du dimanche. Par ailleurs, considérant
qu’il était difficile et illusoire d’appréhender de la même
manière de jeunes danseurs à la maturité différente (et l’on
sait qu’à l’adolescence, une ou deux années en plus ou en
moins changent beaucoup les choses), les organisateurs de la compétition
ont décidé de regrouper les candidats, pour le travail de répétition
des variations, par tranche d’âge, les 15-16 ans d’un côté et
les 16-17 ans d’un autre. Les variations classiques qui leur sont
proposées ne sont d’ailleurs pas les mêmes. Désormais donc, les
danseurs sont vus et notés par le jury lors de deux ateliers – un
atelier d’expression artistique et un atelier contemporain – et
lors de deux épreuves sur scène au cours desquelles ils doivent présenter
une variation classique et une variation de John Neumeier, également
Président du jury de cette édition. La note fixée par le jury
pour chaque candidat dépend de ces quatre éléments dont aucun
n’est privilégié par rapport à l’autre. Encore une fois – même
si la présence de John Neumeier y est probablement pour quelque
chose -, le Prix de Lausanne, qui n’a au demeurant cessé d’évoluer
depuis sa création, se distingue des compétitions de danse
traditionnelles, où la technique et la virtuosité classiques
restent les critères discriminants de réussite, pour se concentrer
davantage sur la dimension artistique et la capacité
d’improvisation des danseurs. Cela nous promet en tout cas pour
samedi des sélections-marathon, puisque tous les candidats
monteront ce jour-là sur scène…
Répétitions
des variations classiques - Monique Loudières - Filles 17-18 ans
Le jeudi après-midi, à peine arrivée au Théâtre de Beaulieu, on
entre fatalement, et très vite, dans le vif du sujet, avec les répétitions,
sur la scène du théâtre, des variations classiques pour les
filles de 17-18 ans, dirigées avec toujours autant d’élégance
et de finesse par Monique Loudières, fidèle au Prix depuis
plusieurs années. Difficile de faire un choix, puisque parallèlement
a lieu un atelier contemporain en présence du jury et les répétitions
des variations classiques des garçons avec Sergiu Stefanschi.
Disons que cette année - hasard ou volonté délibérée ? – on
aura plutôt privilégié les filles, nettement plus nombreuses il
est vrai. Les Asiatiques – en l’occurrence des Japonaises en
majorité dans ce groupe précis - sont toujours là, avec leurs
chignons impeccables, leur grâce et leur fascinante concentration,
mais on remarque aussi les Australiennes venues en nombre cette année
à Lausanne. Force est de dire, en anticipant sur la suite, que ce
groupe ne nous aura pas autant éblouie que les plus jeunes le
lendemain. Aucune candidate ne semble dominer véritablement sur
tous les plans, même si les Australiennes marquent
incontestablement la scène par leurs fortes personnalités. Charlotte
O’Donnell-Barber montre ainsi beaucoup d’assurance et de
puissance dans la variation de Giselle, tandis que Kristy Lee
Corea séduit par une vivacité et une énergie fort à propos
dans celle de Kitri. Des qualités que l’on retrouve dans la même
variation chez l’explosive Nancy Osbadelston, venue de l’English
National Ballet School (cette année, elle est la seule représentante
de la Grande-Bretagne, alors que les Anglais étaient venus en force
lors de l’édition précédente). La petite Turque Gozde Ozgur,
qui est en quelque sorte la candidate par procuration des Suisses
puisqu’elle étudie à Zürich, révèle elle aussi de belles
qualités scéniques. La Lithuanienne Kristina Gudziunaite
qui, étant la plus âgée, terminait la séance, fait montre d’un
véritable travail stylistique, où l’on perçoit toute l’école
russe à laquelle elle a dû être formée, dans la variation
d’Aurore.
Monique Loudières, en tant que répétitrice, privilégie
dans son travail l’expression artistique et la musicalité : il
s’agit ainsi toujours de donner une intention au geste et un sens
à la variation. C'est dans cette perspective que les jeunes
danseuses sont reprises et guidées. Elle a toutefois été amenée
à corriger, notamment dans la variation de Giselle, certaines
candidates qui exécutaient une sorte de battement arrière, inadéquat
d’un point de vue chorégraphique et stylistique, là où la jambe
de la danseuse doit faire un grand rond de jambe menant à une
attitude arrière, comme une sorte de respiration de bonheur marquée
par le personnage. Comme cela m'a été précisé par Monique
Loudières un peu plus tard, la responsabilité en revient en
partie à l’apprentissage des variations par le biais d'une vidéo
officielle (les variations imposées sont interprétées par
d'anciens lauréats du Prix), envoyée aux candidats, qui comportait
en l’espèce, sinon une erreur, du moins une approximation
visuelle. Néanmoins, les candidats apportent souvent des aménagements
chorégraphiques (dont ils se doivent de faire part au jury au préalable)
liées aux versions en cours dans leur pays d'origine. Ainsi, une
candidate australienne a présenté la variation de Giselle dans la
version de Maina Gielgud, tandis qu'une autre interprétait
celle de Kitri dans la version de Nouréev. On a pu voir également,
parmi d'autres exemples, une candidate néerlandaise danser la
variation d'Aurore dans l'arrangement de Sir Peter Wright. Monique
Loudières souligne à juste titre que toutes les versions chorégraphiques
ne possèdent ni la même valeur ni la même pertinence stylistique,
et le discernement lié au travail de correction du professeur avec
lequel répète le candidat n'est pas non plus à négliger, en
marge de l'utilisation "aveugle", ou tout du moins naïve,
d'une vidéo qui présente forcément des imperfections.
A l’issue de cette répétition, un petit passage devant
l’atelier contemporain conduit par Samuel Wuersten nous
aura permis d’apprécier les fortes personnalités, toutes
remarquables et déjà affirmées, que paraît contenir cette année
le groupe des garçons, Brésiliens en tête et en fête. A
confirmer samedi lors des épreuves sur scène…
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