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22 decembre - 28 decembre 2009 le mariinsky en tournee a baden baden




25 décembre 2009 : Le Lac des cygnes


le lac des cygnes - le corps de ballet


La tournée annuelle du ballet du Mariinsky à Baden-Baden ne joint pas toujours à la haute qualité de la troupe beaucoup d'originalité dans le choix du répertoire : ainsi s'explique certainement le taux de remplissage problématique qui a marqué l'ensemble de la tournée, et plus encore la deuxième des trois représentations du Lac des Cygnes, donnée le 25 décembre en matinée. Un public familial mais clairsemé était venu pour communier dans la beauté intemporelle plus que pour tel ou tel soliste, tandis que la représentation du soir, réunissant Uliana Lopatkina et Danila Korsuntsev, bénéficiait d'un public plus nombreux, à la fois en raison de la présence de Mlle Lopatkina et d'un horaire plus propice, sans pour autant remplir totalement la vaste salle, plus fonctionnelle que charmante, du Festspielhaus.

ekaterina kondaurova en odette
Ekaterina Kondaurova (Odette)

La production du Lac des Cygnes présentée par le Mariinsky est bien connue, ne serait-ce que par le récent DVD publié par Decca, et elle a été commentée plusieurs fois dans ces pages, la dernière fois à l'occasion de la dernière tournée londonienne de la troupe. On se permettra ici d'exprimer un avis bien moins positif sur cette version du Lac : outre le ridicule happy end, on peine à accepter un dernier acte chorégraphiquement et musicalement médiocre et, plus que tout, l'absence de toute pantomime : on ne saurait souligner à quel point cette suppression issue d'une fausse idée de danse pure dénature profondément le sens de l'oeuvre et est à l'inverse du ballet classique façon Petipa, où le plaisir de la narration est un moteur fondamental. Du reste, la version présentée ici ne prend pas la peine de compenser cette absence par d'autres moyens narratifs, si bien qu'elle paraîtra facilement incompréhensible à qui ne connaît pas son Lac. Que les décors soient aussi visiblement fatigués n'arrange en outre pas l'impression d'ensemble.

L'impression d'ensemble, à vrai dire, est parfois un peu compromise par des approximations dans le corps de ballet : si les danses de caractère ne manquent pas de brio, on aurait aimé un peu plus de précision chez les cygnes, y compris les solistes : on ne sait à quoi riment ces bras levés dans des positions toutes différentes, ces changements de position bruyants pendant l'adage du second tableau. On ne saurait refuser toutes les circonstances atténuantes à une troupe constamment sur les routes, ni reconnaître que là où seul le brio est nécessaire, le corps de ballet conserve un éclat qui mérite à lui seul le déplacement dans cette ville quelque peu improbable qu'est Baden-Baden.

ulyana lopatkina en odette 
Uliana Lopatkina (Odette)

La comparaison des deux distributions a tourné à l'avantage de celle emmenée par Mlle Lopatkina : ce n'est pas vraiment une surprise, mais on ne s'attendait sans doute pas à ce que la différence soit si profonde. Dès l'entrée d'Uliana Lopatkina, on oublie tout de la représentation de l'après-midi : là où la production dans laquelle elle évolue pourrait vite tourner à une certaine trivialité, elle apporte une évidence qui est plus celle d'une abstraction, d'une essence, que d'une incarnation. Même une vision préalable du récent DVD n'atténue pas le choc que procure cette étoile parfaitement aristocratique, bien au-dessus de la vanité d'une démonstration technique. Si l'ambiguïté entre l'animal et l'humain qui marque ce rôle n'est pas apparemment ce qui l'intéresse le plus, on ne peut qu'admirer la manière dont sa danse peut se faire drame le plus poignant par le seul biais du style classique.

danila korsuntsev en siegfried
Danila Korsuntsev (Siegfried)

Cette qualité rare est partagée à merveille par son partenaire Danila Korsuntsev. On souligne volontiers son talent évident pour le rôle du partenaire et sa complicité avec l'étoile Lopatkina, mais il faut aussi souligner à quel point sa prestation individuelle n'est pas moins remarquable : son esthétique n'est pas plus démonstrative, mais guidée par un goût d'une absolue sûreté et par une maîtrise constante de ses moyens. S'il reste en-deçà de sa partenaire, c'est certainement en raison d'une chorégraphie qui, pour le coup en pleine continuité avec les productions de l'époque de Petipa, ne se soucie guère de faire briller le danseur masculin : ce n'est pas un mince mérite que d'accepter cette position seconde.

ekaterina kondaurova en odette
Ekaterina Kondaurova (Odile)

Par comparaison, Ekaterina Kondaurova et Yevgeny Ivanchenko peinent à dépasser le premier degré de leurs rôles : sans doute une forme physique en berne explique-t-elle largement les approximations du pas de deux du Cygne noir, où chaque danseur doit lutter avec son corps pour venir à bout de ses variations, les fouettés paraissant dans ces conditions particulièrement longs (mais ceux d'Uliana Lopatkina, le soir, n'auront pas été particulièrement remarquables non plus). Le reste de la représentation s'est passé à vrai dire de façon plus paisible, mais sans grande émotion.

yevegeny ivanchenko en siegfreid
Yevgueny Ivanchenko (Siegfried)

Parmi les nombreux solistes à l'affiche, c'est sans hésiter à Yana Selina qu'on décernera la palme, à la fois pour son pas de trois en soirée et pour sa danse napolitaine (aux côtés de Vasily Tkachenko) lors des deux représentations. La précision de la technique, ici, s'allie à une présence irradiante et à une élégance stylée qui aura ici parfois manqué : c'est notamment le cas pour sa partenaire du pas de deux, Nadezhda Gonchar, qui ne fait que les pas sans l'esprit et encore moins de brio. Les deux messieurs du pas de trois, eux, font preuve de qualités similaires : Filipp Stepin et Alexei Timofeev ne figuraient pas sur les distributions initialement prévues, mais ils ont fait une belle démonstration de danse tranchante, immédiatement séduisante, précise autant qu'attentive à leurs partenaires. Les deux partenaires de Filipp Stepin étaient Yulia Kasenkova et Elena Evseeva : comme le soir, c'est la seconde soliste qui l'emporte nettement sur la première, avec un style sans doute moins brillant que celui de Yana Selina, mais d'une admirable pureté.

le pas de trois du lac des cygnes
Le Pas de trois de l'acte I

Le bilan qu'on pourra faire de ces deux représentations est donc des plus nuancés : à l'éclat de solistes exceptionnels, dans les premiers comme dans les seconds rôles, s'opposent la routine de la tournée et la médiocrité d'une production qui mériterait au moins d'être repensée. Le Mariinsky, ici, tient son rang : c'est déjà beaucoup, mais est-ce vraiment assez?



Dominique Adrian © 2009, Dansomanie



Le Lac des cygnes
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovsky
Chorégraphie : Marius Petipa
- Lev Ivanov (version de 1895)
Scénographie :
Konstantin Sergeiev

Décors : Igor Ivanov
Costumes : Galina Soloviova


Odette / Odile 
Ekaterina Kondaurova (15h00) / Uliana Lopatkina  (20h00)
Siegfried 
Yevgueny Ivanchenko (15h00) / Danila Korsuntsev (20h00)
La Reine  Elena Bazhenova
Le Tuteur 
Piotr Stasiunas
Le Bouffon 
Alexeï Nedviga (15h00) / Rafael Musin (20h00)
Rothbart  Alexander Romanchikov (15h00) / Konstantin Zverev (20h00)
Les Amis du Prince  Nadezhda Gonchar, Yana Selina, Alexeï Timofeev (15h00) / Yulia Kasenkova (20h00), Elena Evseeva, Filipp Stepin
Danse Espagnole
Alexandra Iosifidi, Ryu Ji Yeon, Islom Baimuradov, Alexander Sergeev
Danse Napolitaine 
Yana Selina, Vassili Tkachenko
Danse Hongroise 
Polina Rassadina, Karen Ioanissian

Orchestre du Mariinsky
Direction musicale : Valery Ovsianikov

Vendredi 25 décembre 2009, 13h00 et 20h00,  Festspielhaus, Baden-Baden


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