Dansomanie : entretiens : Florian Magnenet
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Florian Magnenet, danseur noble

 

Pour Dansomanie, Florian Magnenet décrit ses premiers pas au Ballet de l'Opéra de Paris 

 

 

Pour Dansomanie, Florian Magnenet, sujet du Ballet de l’Opéra National de Paris depuis décembre 2004, a aimablement accepté de répondre à quelques questions sur sa jeune carrière et sur les rôles de soliste qu’il a eu l’occasion d’aborder. Avec calme et lucidité, ce danseur prometteur, lauréat du dernier Prix de l’A.R.O.P. (Association Pour le Rayonnement de l'Opéra de Paris), se destine aux rôles de «prince».

 

Florian Magnenet, danseur noble

 

I.          Années d'école

 

Pourquoi avez-vous voulu faire de la danse ? Comment êtes-vous arrivé à l’Ecole de Danse?

Au départ je voulais faire de la gymnastique, donc ma mère m’a inscrit à un cours de «bougeotte» lorsque j’avais sept ans, cela occupait mes mercredis après-midi. Et puis, un peu par hasard, à dix ans, j’ai intégré le Conservatoire de Clamart, où l’on m’a suggéré l’année suivante de me présenter à l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris avec ce commentaire : «on va le présenter au concours, il a des qualités mais il ne sait rien faire»!

Je me retrouve donc à l’Ecole de Danse à Nanterre sans l’avoir vraiment prévu en février 1993, à 11 ans et demi. J’aimais la danse que je pratiquais avec une certaine facilité mais je n’étais pas passionné comme certains pouvaient déjà l’être à mon âge. J’ai gravi les échelons année après année pendant six ans. Les trois premiers mois d’internat ont été durs mais sinon j’ai bien vécu ces années d’école. L’ambiance était stricte mais je trouvais cela normal. On n’arrive pas au sommet sans travailler. Après tout c’est dur pour tous les élèves de grandes écoles!

 

Y-a-t-il des professeurs qui vous ont particulièrement marqué?

Nicole Cavallin en 6e division m’a appris la danse. Moi je n’y connaissais rien alors que mes camarades parlaient de «chat trois», «chat six », mots qui étaient pour moi complètement inconnus. Janine Guitton m’a également beaucoup apporté.

 

On vous a remarqué dans Yondering de John Neumeier peu de temps avant votre entrée dans le Ballet. Un bon souvenir?

Très bon. C’est mon meilleur souvenir de spectacle à l’Ecole et un de mes meilleurs souvenirs à l’Opéra, c’est un très beau ballet avec une belle musique. En la réécoutant je pourrais très facilement retrouver la chorégraphie.

 

 

Le Lac des cygnes (danse espagnole), avec Stéphanie Romberg

 

II.          Corps de Ballet

 

Et l’entrée dans le Corps de Ballet?

J’y suis entré en 1999 et là les choses ont changé du tout au tout. En un mois et demi on doit découvrir un nouvel univers, se prendre en charge très rapidement et découvrir seul ce que l’on ne nous avait jamais appris. On était un peu livrés à nous-mêmes d’autant que l’on ne connaissait pas forcément d’élèves plus âgés qui auraient pu nous guider. Je me rappelle notre premier rendez-vous au Palais Garnier pour le cours. Je me suis retrouvé avec Aurélien Houette et Martin Chaix, mes camarades de promotion, dans la cour. Personne n’était là pour nous aider, on ne savait même pas où se changer, ni où avait lieu le cours. Ce ne fut pas un très bon souvenir.

 

Quelles étaient vos ambitions ? Devenir Etoile?

Pas du tout. Le calcul est simple si l’on considère qu’il doit y avoir sept Etoiles féminines et sept masculines. On sait qu’il n’y a pas de place pour tout le monde même lorsque l’on danse bien. C’est logique et j’étais déjà très conscient de cela en arrivant dans le Ballet. Mon but était d’aller le plus loin possible et surtout de continuer à danser!

 

Aviez-vous des modèles en arrivant au Ballet, des étoiles que vous admiriez particulièrement?

En fait je ne connaissais pas grand chose à la danse. J’ai préféré découvrir les étoiles en les voyant travailler ou en les regardant sur scène plutôt qu’en vidéo. J’aime ce contact direct avec les artistes que je côtoie et à qui je peux demander des conseils. A l’Opéra on peut profiter de la visite de danseurs invités comme Carlos Acosta pour qui j’ai une très grande admiration. C’est un homme adorable avec qui j’ai aimé discuter.

A l’Opéra de nombreuses étoiles m’inspirent : Nicolas Le Riche, José Martinez, Manuel Legris, Laurent Hilaire. Chacun possède un style qui lui est propre. Nicolas Le Riche a une aura incroyable qui fait qu’on ne voit que lui sur scène, que ce soit dans Le Jeune homme et la mort ou dans le Lac des cygnes. J’admire la facilité de Manuel Legris et la vitesse d’exécution de ses sauts. José Martinez a aussi une danse qui semble facile, naturelle. En plus c’est un très bon chorégraphe ! Quant à Laurent Hilaire, c’est un danseur fin, élégant, théâtral, doté d’une belle présence. Chacun me plaît pour des raisons différentes.

Sinon outre Mikhail Baryshnikov, j’apprécie le danseur japonais Tetsuya Kumakawa et l’école cubaine. J’ai une passion pour la technique, les grands sauts, les grands jetés, les pirouettes. C’est très différent du style de Nouréev où il y a plein de petits pas, très précis. J’aime travailler la technique. Le travail d’interprétation vient après mais on ne nous l’apprend pas. Il n’y a pas de cours de théâtre à l’Ecole. On se nourrit de l’interprétation des étoiles, sinon on lit les livrets, on se renseigne sur les personnages, leurs caractères.

 

La Bayadère (l'Esclave), avec Agnès Letestu

 

III.          Premiers rôles

 

Justement vous avez eu l’occasion d’interpréter récemment deux rôles de soliste dans Cendrillon en avril 2005 et dans Diamants en novembre dernier. Comment s’y prépare-t-on?

Pour Cendrillon j’ai eu deux semaines pour m’y préparer. Brigitte Lefèvre est venue m’annoncer qu’elle m’avait programmé dans le rôle de l’acteur-vedette en cas de blessure de Manuel Legris qui devait danser avec Aurélie Dupont. J’ai appris par la suite que c’est elle qui a insisté pour que l’on me confie ce rôle. Manuel s’est blessé au genou et j’ai donc dû le remplacer.

Les répétitions sont très différentes de celle du corps de ballet. Là le répétiteur n’a pas forcément le temps de s’occuper de chacun. C’est un travail collectif où il ne faut pas se distinguer, ne pas sauter plus haut que l’autre mais rester dans le rang ! Pour les rôles de soliste le travail est évidemment plus personnel. On répète beaucoup les adages où chaque petit détail se voit. Donc il faut être vigilant. Ce fut une très bonne expérience, c’était la première fois que je dansais un rôle d’étoile avec en plus comme partenaire Aurélie Dupont qui a été très gentille et avec qui les répétitions se sont très bien passées. Au début j’étais très impressionné, je n’osais pas la toucher. Elle connaissait déjà bien la chorégraphie et le rôle, elle savait ce qu’elle voulait, ce qu’elle devait faire. Ghislaine Thesmar et Laurent Hilaire nous ont fait travailler. Manuel Legris est aussi venu me fait répéter, j’ai beaucoup aimé travailler avec lui, cela m’a beaucoup aidé.

Le corps de ballet m’a bien soutenu. C’est toujours comme ça quand quelqu’un danse un grand rôle pour la première fois, on l’encourage beaucoup, on a envie que ça se passe bien. C’est très agréable. Stéphane Bullion dans Ivan le Terrible et Myriam Ould-Braham dans La Belle au bois dormant ont vécu la même expérience. Des danseurs m’ont dit : « vas-y, amuse-toi, on est derrière toi ». C’était sympathique! Comme on avait énormément répété, je savais parfaitement ce que j’avais à faire. Bien sûr j’avais peur de faire tomber ma partenaire mais sinon j’étais plutôt calme. D’ailleurs, je n’ai véritablement compris la chance que j’avais eue de danser un rôle d’étoile avec cette partenaire sur la scène de Garnier que tout récemment, il y a trois mois, lorsque j’ai vu la vidéo de la représentation. Ce fut un beau moment.

Pour Diamants j’étais moins serein. Au départ je devais danser avec Marie-Agnès Gillot qui s’est malheureusement  blessée. Ma partenaire a été Stéphanie Romberg avec qui je n’avais jamais répété. On a donc dû commencer à travailler une heure avant le lever du rideau. Je connaissais la chorégraphie, elle la connaissait aussi, mais il fallait que l’on s’entende pour le placement, pour danser ensemble en somme. Donc ça n’a pas été évident. Quand je suis rentré sur scène je n’étais pas vraiment prêt et je pense que j’aurais pu faire mieux.

   

Prix de l'Arop, 2005

 

IV.          Esquisses d'une carrière

 

On vous voit presque exclusivement dans le répertoire classique. Est-ce un choix?

Je préfère le classique, c’est une question de goût, j’aime la rigueur et la précision qu’il requiert. J’ai plein de choses à découvrir en classique, ça m’attire beaucoup plus. J’apprécie aussi le contemporain mais il y a tant à faire en technique classique que je préfère m’y consacrer pour l’instant. Je suis moins doué pour les pas rapides, la petite batterie ; j’ai une préférence pour les sauts, les pirouettes.

Malheureusement une entorse m’a empêché de participer à la soirée «Danseurs-chorégraphes» à l’Amphithéâtre Bastille. C’est dommage car je devais danser une chorégraphie de Nicolas Noël [coryphée au Ballet de l'Opéra, ndlr.], Hémisphères, une belle création dont les répétitions étaient prometteuses. J’aurais même pu danser dans le ballet de Samuel Murez [quadrille, ndlr.], Epiphénomènes, que j’avais interprété à Vieux-Boucau dans les Landes en mai dernier. Donc il m’arrive aussi de danser du contemporain! Ce spectacle a été programmé dans le cadre de l’ensemble 3ème Etage, créé par S. Murez, qui rassemble des danseurs désireux de faire découvrir des créations mais aussi des extraits moins connus des ballets du répertoire. Par exemple, au lieu de danser le célébrissime adage du Cygne blanc du Lac des cygnes, j’ai dansé, avec Mathilde Froustey, celui du 4e acte.

 

Quels sont les rôles que vous avez préféré danser dans le corps de ballet ? Et ceux que vous aimeriez interpréter?

En contemporain j’avais adoré danser dans Perpetuum d’Ohad Naharin en 2000. J’aime beaucoup les ballets de Nouréev, en particulier Roméo et Juliette (en tant que danseur et spectateur) et aussi La Bayadère et Don Quichotte. J’aime les ballets qui ont une âme, une ambiance. Mon rêve serait de danser les variations de Solor et Basilio. Je regrette de ne pas avoir connu Nouréev, j’aurais voulu travailler avec lui. On m’en a beaucoup parlé. Il pouvait avoir un caractère difficile, mais au moins avec lui on travaillait dur et on allait jusqu’au bout.

 

La chorégraphie vous tente?

Bizarrement chorégraphier ne me tentait pas du tout, et puis, tout récemment, en travaillant avec Nicolas Noël et Samuel Murez, des idées ont commencé à germer, donc ça me plairait bien de m’y essayer à l’avenir. C’est un gros travail. On répète actuellement La Dame aux camélias de John Neumeier. C’est un chorégraphe formidable qui modifie ses chorégraphies en fonction des interprètes à chaque fois qu’il remonte ses ballets. Il est attentif à tous les détails. Il est d’ailleurs venu assez souvent aux répétitions du corps de ballet et pas seulement à celle des étoiles. Je vais donc participer à cette création à l’Opéra quand mon entorse sera guérie mais j’aimerais bien pouvoir interpréter le rôle de Des Grieux quand La Dame aux camélias sera reprise au début de la saison prochaine...

 

 

Florian Magnenet

Entretien réalisé le 13 juin 2006

 

© Florian Magnenet – Dansomanie. Propos recueillis par Jonquille. 



Le Lac des cygnes (danse espagnole), avec Nathalie Aubin

 

La Bayadère (l'Esclave), avec Agnès Letestu

 

La Bayadère (l'Esclave), avec Agnès Letestu