menu - sommaire



entretiens
Luigi Bonino - La postérité de Roland Petit

06 mars 2018 : Luigi Bonino remonte Les Forains, L'Arlésienne et Carmen de Roland Petit au Capitole de Toulouse


Si Luigi Bonino, natif de Bra, près de Turin, dans le Piémont, a fréquenté de nombreux grandes stars du ballet, telles Alessandra Ferri ou Carla Fracci, son nom reste avant-tout associé à celui de Roland Petit, qui l'avait engagé au Ballet de Marseille et dont il fit un soliste renommé. Aujourd'hui, il est considéré comme l'un des «fils spirituels» du célèbre chorégraphe, et ont fait régulièrement appel à lui pour remonter nombre d'ouvrages. C'est aujourd'hui le cas au Ballet du Capitole de Toulouse, qui affiche trois pièces de Roland Petit, Les Forains, L'Arlésienne et Carmen. Luigi Bonino a gentiment accepté de rencontrer notre correspondant Jean-Marc Jacqui, pour nous parler de ce travail de restitution.


Dennis Cala Valdès et Natalia de Froberville répètent Carmen sous la direction de Luigi Bonino


Luigi Bonino, vous êtes chargé de retransmettre et de faire répéter au Ballet du Capitole trois des ballets les plus célèbres de Roland Petit. Vous êtes probablement un de ceux qui connaissent le mieux son œuvre...


Je suis resté 35 ans aux côtés de Roland Petit, presque toute ma carrière. J'ai tout appris avec lui. Sa façon de travailler, de remonter ses ballets. Très tôt, comme j'apprenais très vite, il m'a demandé de l'assister pour faire répéter ses ballets au sein de la compagnie, alors que je dansais encore. Je faisais la mise en place quand il n'était pas là, ou bien à l'occasion des tournées. Je connais donc presque tous ses ballets. Mais pas tous. Il en a fait environ 400 et beaucoup ont été oubliés, y compris parfois par  Roland Petit lui-même. On ne filmait pas tout autrefois. Mais j'ai les grands ballets entièrement en tête.


Vous êtes en quelque sorte son héritier artistique, non?

C'est Mme Jeanmaire qui s'occupe de cet héritage, ainsi que sa fille, mais elle me fait confiance comme directeur artistique. On est en train de réfléchir à la création d'une fondation mais pour le moment c'est moi qui remonte les ballets. Je les remonte dans le monde entier. C'est un travail énorme mais je ne m'en plains pas. Il arrive quelquefois que deux programmes soient montés simultanément, comme par exemple l'année passée à Rome et à Tokyo où les premières avaient lieu le même jour. Dans ce cas mon assistante Gillian Whittingham était restée au Japon. On essaie autant que possible que les dates ne coïncident pas.


Participez-vous au choix de la distribution?

Absolument. Roland Petit avait des exigences assez précises quant au choix des danseurs. J'essaie de regarder avec ses yeux. Je sais ce qu'il aimait et ce qu'il n'aimait pas. Bien sûr de temps en temps il faut faire des compromis sinon on ne pourrait plus danser. Mais dans ce cas il faut travailler d'autant plus. Le style de Roland Petit est très particulier et vraiment différent de tous les autres chorégraphes. Quand j'arrive devant une compagnie, on me présente quelquefois telle danseuse qui a dansé Le Lac des cygnes, Giselle, Don Quichotte etc. En réalité ça ne veut rien dire. Il y a des danseurs magnifiques dans beaucoup de compagnies mais pour danser du Roland Petit ça n'a rien à voir.


Ses ballets les plus célèbres ont notamment été beaucoup marqués par leurs créateurs: Jean Babilée, Zizi Jeanmaire...

C'est surtout une question de caractère, de tempérament. Je dis souvent: les ballets de Roland Petit c'est le vrai, c'est la vraie vie. Un homme est un homme, une femme est une femme. Ce n'est pas comme dans Giselle où on a encore un aspect féérique. Même si son vocabulaire est classique, c'est une autre approche de la danse, émotionnellement différente.

A Toulouse on a beaucoup travaillé. Les répétitions ont duré cinq semaines. Le Ballet du Capitole est d'un très haut niveau. Pour la plupart des danseurs danser du Roland Petit était très nouveau et ça a été difficile au début. Techniquement, les danseurs sont habitués à l'en-dehors depuis leurs premiers pas à l'école de danse, alors que Roland Petit voulait soit les pieds très ouverts, soit la sixième position, c'est-à-dire les pieds complètement fermés. Les premiers jours c'est très douloureux musculairement. Il faut changer physiquement sa façon de bouger.

Pour le côté interprétation, il y a de la timidité au début. Ils ne savent pas s'ils font trop ou pas assez. Il faut vraiment trouver le vrai personnage, la vraie nature. Il faut ressentir. A la fin les danseurs me disent qu'ils trouvent des choses qu'ils ne pensaient pas avoir. Par exemple le rôle de Vivette, dans l'Arlésienne demande une subtilité infinie dans le sentiment qu'il faut ressentir, alors qu'on croit souvent que c'est Frédéri le rôle difficile.


Y a-t-il des ballets moins connus que ceux que l'on va voir et que vous aimeriez voir repris?

Par exemple Chéri, d'après Colette, un ballet que Roland Petit avait fait pour la Scala avec Carla Fracci. C'est un ballet magnifique que l'on n'arrive pas à donner. Bien sûr les compagnies demandent Carmen, Notre-Dame de Paris, La Chauve-souris, Coppélia, les plus connus. Pink Floyd est maintenant très demandé aussi. J'aimerais remonter Le Diable amoureux, une très belle œuvre également pas assez connue. Son Casse-noisette est aussi une très jolie version, très drôle avec ses claquettes ou ses chanteuses de l'Armée du salut.



Et vos prochaines étapes?


A nouveau Tokyo, puis Rome, pour une tournée en Italie puis une reprise de Notre-Dame de Paris, ballet qui sera d'ailleurs à l'affiche à Bordeaux en 2019. Ensuite peut-être la Pologne
.



Luigi Bonino - Propos recueillis par Jean-Marc Jacquin



 Luigi Bonino


Le contenu des articles publiés sur www.dansomanie.net et www.forum-dansomanie.net est la propriété exclusive de Dansomanie et de ses rédacteurs respectifs.Toute reproduction intégrale ou partielle non autrorisée par Dansomanie ou ne relevant pas des exceptions prévues par la loi (droit de citation notamment dans le cadre de revues de presse, copie à usage privé), par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. 




Entretien réalisé le 6 mars 2018 - Luigi Bonino © 2018, Dansomanie


http://www.forum-dansomanie.net
haut de page