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entretiens
Laurent Hilaire, directeur du Ballet du Stanislavsky (Moscou)

08 juillet 2017 : Trois questions à Laurent Hilaire


A l'occasion du premier spectacle qu'il a personnellement programmé en tant que  directeur du Ballet du Stanislavsky - la deuxième plus importante troupe moscovite, après le Bolchoï - Laurent Hilaire a accepté de répondre à quelques questions de notre correspondante en Russie, Katia Anapolskaya.

Laurent Hilaire

Quels sont vos premiers sentiments face à l’accueil qui a été réservé à cette première soirée?

L’accueil a été tellement chaleureux que c’est un plaisir. Quand on travaille, on ne sait jamais comment le spectacle va être reçu, ni comment les choses vont se passer. Ce que j’ai constaté en tout cas, surtout et encore plus le deuxième soir, c’est que le travail qu’on a fait avec les danseurs - et que j’ai aussi fait en partie car j’ai remonté Suite en blanc, même si Claude Bessy est venue à la fin -, ce travail s'est inscrit, s’est solidifié. Et ce n’est pas seulement le fait du hasard. Il y a eu un travail de fond, qui commence aujourd'hui à s’opérer. C’est cela que je veux faire avec eux, m’inscrire dans la durée pour que les choses s’améliorent au fur et à mesure. Je pense que Claude Bessy, qui a travaillé avec Serge Lifar, était très contente elle aussi. C’est d'ailleurs ce qu’elle m’a dit par rapport au style : «Je pense que Lifar aurait été content». Et on m’a dit ça aussi par rapport à la justesse des positions. C’était élégant, voilà!  Ça m’a beaucoup plu d’entendre ce compliment-là. Et pour ce qui est de la compagnie, je trouve qu’ils sont très investis, qu'ils ont énormément travaillé. Je crois qu’ils m’ont fait confiance comme je leur fais confiance. A partir de là, on construit quelque chose et, surtout, on avance.


Les espoirs que vous aviez en prenant la direction de la troupe se sont-ils concrétisés?

Je n’ai pas été déçu. Un corps de ballet, on le fait travailler pour arriver à le faire respirer ensemble. Il faut faire en sorte que les danseurs se sentent responsables les uns par rapport aux autres. Ils ont cette qualité, ils se tiennent beaucoup les uns les autres. Quand on arrive à le faire vivre en scène, quand vous avez un développé qui se passe de la même manière pour tout le monde, que ce n’est pas seulement automatique mais bien de l’ordre de la respiration, là, on se dit qu’il y a quelque chose qui relève aussi de l’artistique et pas seulement de la mécanique. Ça, c’est quelque chose qui me plaît. Et eux me font confiance. On travaille, mais ce n'est pas fini, c’est un chemin qui est en cours et on ne s’arrêtera jamais.

Cela fait six mois que je suis à Moscou et c’est ma première soirée. Quand je me suis assis dans la salle, je me suis dit : «Et maintenant, qu’est-ce qui se passe?» Parce qu’on travaille, mais après, on se demande comment tout ça va être reçu. On se dit : «Est-ce que je n’ai pas fait d’erreurs?», on se pose toujours ce genre de questions… Mais ils m’ont vite rassuré, parce qu’en fait, ils ont pris les choses en main. C’est ce que je leur ai dit avant le plateau : «Maintenant, le travail a été fait, ces ballets que vous allez danser vous appartiennent, prenez le pouvoir sur les pas, prenez le pouvoir de décision, décidez de faire les choses soit ensemble soit individuellement en fonction de ce que vous dansez, et surtout, allez-y! Même si vous prenez des risques». Je ne reprocherai jamais à un danseur de prendre des risques, de rater par excès, plutôt que de rater sans excès. Trouver ses limites, c’est aussi un peu une façon d’étendre son terrain, son ressenti sur son corps... et je pense que c’est très important. 


Selon vous, les danseurs sont-ils bien rentrés dans le style, notamment pour Suite en blanc?

Oui, franchement. Pour ce qui est des positions, je fais des corrections. Après, il y a toujours des choses sur lesquelles on peut travailler. Cette soirée était un challenge pour la compagnie. Ils n’ont jamais dansé de Lifar, jamais dansé de Forsythe. Quand on fait du Forsythe pour la première fois, ce n’est pas simple, que ce soit dans la musicalité ou dans la manière corporelle. Petite mort [de Jiri Kylian], ils l‘avaient déjà fait, mais on l’a retravaillé.

Il ne faut pas lâcher. Si l'on n’est pas content de quelque chose, on y revient, on y revient… jusqu’à temps qu’on l’obtienne. Je ne me suis jamais énervé en répétition et il y a toujours eu du répondant. Je crois qu’ils avaient très envie de s’ouvrir à des choses différentes en termes de répertoire. Une nouvelle direction, ça génère aussi des désirs, de l’appétit, et il faut savoir répondre à ces désirs. Je leur accorde le temps de digérer les choses. Ce que j’exige d’eux, c’est l’investissement et l’enthousiasme, et ça, ils l’ont.

 


Propos recueillis par Katia Anapolskaya

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Entretien réalisé le 08 juillet 2017 - Laurent Hilaire © 2017, Dansomanie


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