Éric Vu-An - De Paris
à la Méditerranée
11 juin 2017
: Éric Vu-An, directeur du Ballet de Nice
Après
un début de carrière fulgurant à
l'Opéra de Paris, Éric
Vu-An a successivement
dirigé le Ballet de l'Opéra National de Bordeaux,
ceux Avignon et de Marseille - en tandem avec Frédéric
Flamand -, puis, depuis 2009, le Ballet de l'Opéra de Nice,
qui, pour l'occasion, est devenu le Ballet
Nice-Méditerranée. Outre le nom, Éric Vu-An a
imprimé de profonds changements à la troupe,
quitte à en bouleverser les habitudes et à en
renouveler l'essentiel de l'effectif. Pour Dansomanie, il a accepté de retracer son
parcours, et d'exposer ses projets pour la saison à venir.
Eric Vu-An photographié par Karl Lagerfeld
Comment vous êtes-vous
retrouvé à la direction du Ballet de
Nice ?
J'étais alors maître de
ballet associé à la direction du Ballet national
de Marseille.
Christian Estrosi est arrivé à la mairie de Nice
en mai 2008 et je
l'ai rencontré l'été suivant, en
juillet. Je lui ai d'abord
proposé de faire un audit de la troupe. Elle comptait
à l'époque
dix-huit danseurs, qui participaient aux spectacles d'opéras
et
d'opérettes. Je souhaitais la transformer en une compagnie
disposant
d'une certaine autonomie artistique, qui pourrait défendre
certaines
pièces du grand répertoire classique, avec
l'appui de stagiaires
venant de conservatoires internationaux comme celui de Madrid, l'Académie Princesse Grace à Monte-Carlo, ou
d'institutions locales
ou d'écoles nationales comme celles de Marseille ou de
Cannes.
Christian Estrosi a donc accepté de créer
vingt-six postes. J'ai
réalisé tout ce travail pendant un an, alors que
j'étais encore à
Marseille, et j'ai pris en 2009 la direction de la compagnie
nouvellement appelée Ballet
Nice-Méditerranée. Jusqu'alors, elle
portait le nom de Ballet de l'Opéra de Nice. Mais je
trouvais
important de souligner son appartenance au bassin
méditerranéen.
Cela s'est justement traduit par des tournées en Italie et
en
Espagne, même si depuis, on est allé beaucoup plus
loin, jusqu'à
Hong-Kong, ainsi qu'en Russie, à Cuba... Nous avons encore
d'autres
projets qui nous amèneront peut-être en Turquie et
au Canada.
Néanmoins, le berceau de notre culture et de notre langue se
tient
autour de cette Europe, de cette mer
Méditerranée, de cette Mare
Nostrum si importante.
Dans quelle situation
avez-vous trouvé le Ballet de Nice à votre
arrivée en 2009 ?
La situation était assez
terrible, parce que d'abord il y avait une grosse partie de la troupe
qui était totalement démoralisée. Ils
avaient l'habitude de faire
Le Chanteur de Mexico,
qu'ils donnaient d'ailleurs au moment de mon arrivée. Il
fallait
donc les remotiver et les conforter dans leur appartenance à
l'univers chorégraphique et exclusivement
chorégraphique. C'était
d'ailleurs l'une de mes exigences pour accepter le poste, je ne
voulais pas d'une compagnie qui doive également jouer les
utilités
dans les ballets d'opéras et d'opérettes. Une
autre partie de la
troupe s'était installée dans le train-train et
s'en satisfaisait.
Ceux-là sont tous partis aujourd'hui. Des dix-huit danseurs
présents
lors de ma prise de fonction, il n'en reste aujourd'hui, au bout de
huit ans, qu'un seul.
Le renouvellement de
la compagnie s'est-il fait progressivement ou d'un seul coup ?
Oui, bien sûr,
progressivement. Les choses se sont faites assez calmement, sans
problème majeur. Nous avons donné la
possibilité à certains
danseurs de mettre fin à leur carrière dans de
bonnes conditions.
Il y en a aussi qui sont partis d'eux-mêmes car ils se
rendaient
compte qu'ils n'avaient plus le niveau technique en classique qui
était désormais requis. C'est une constante dans
notre métier :
les jeunes générations, plus agiles
techniquement, chassent les
anciennes et j'ai préféré donner leur
chance aux nouveaux talents.
Ceux qui n'étaient plus distribués ont
démissionné ou leur
contrat n'a pas été renouvelé. Et
certains sont aussi partis car
ils ont eu des opportunités pour aller travailler dans
d'autres
compagnies, que ce soit chez Béjart, à Prague ou
à Toulouse. Et
inversement, il y a aussi eu des danseurs du Capitole ou de Stuttgart
qui sont venus poursuivre leur carrière à Nice.
Zaloa Fabbrini en Dulcinée - Don Quichotte, chor. Eric Vu-An
Vos expériences de
direction préalables dans d'autres compagnies vous ont-elle
servi ?
Oui, j'avais une
expérience à Bordeaux, à Avignon, et
je savais donc tout ce que je
ne souhaitais pas faire –
ou refaire. En arrivant à Nice, j’ai fait
rédiger un cahier des
charges en conséquence afin de poser les jalons de cette
nouvelle
compagnie. Par exemple, les huit postes dont j’ai obtenu la
création étaient, sur le papier, des postes de
soliste. Mais la
philosophie de la compagnie, c'est que si les gens sont
adaptés aux
rôles, même s’ils viennent d'entrer dans
la troupe et n’ont que
six mois d’ancienneté, ils peuvent
prétendre –
par exemple –
au rôle de l’Arlésienne, comme
c’est arrivé pour une jeune
danseuse. Inversement, les solistes de la compagnie, même
s’ils
sont là depuis sept ou huit ans, n’ont pas de
problème,
psychologiquement, à faire les parties du corps de ballet
quand il
s’agit d’une pièce comme, justement, L’Arlésienne
de Roland Petit, qui peut, dans une même soirée,
être couplée à
une autre où ils auront un rôle plus important. Et
au spectacle
suivant, les choses tournent. Lorsqu’ils ont des premiers
rôles,
les danseurs du corps de ballet et les demi-solistes
perçoivent une
rémunération plus importante. Si je pouvais, je
voudrais d'ailleurs
n’avoir qu’une compagnie de solistes. Mais pour
l’instant, ce
n’est pas possible financièrement.
La compagnie comporte une hiérarchie, mais celle-ci est assez souple...
Il y a une hiérarchie au
sens où nous avons trois niveaux
hiérarchiques : corps de
ballet, demi-solistes, solistes, mais encore une fois, comme nous ne
sommes pas une grosse compagnie, si je pouvais, j'aurais vingt-six
solistes. Et même si ce n’est pas possible, je fais
en sorte qu'il
y ait une justice en fonction des rôles et que tous les
danseurs,
s’ils prennent des responsabilités et assurent des
rôles, aient
la rémunération qui va avec.
Quel type de
répertoire avez-vous souhaité défendre
à Nice ?
Je dirais avant tout que
ce n’est pas seulement à Nice que je
défends un répertoire, mais
dans la région tout entière. Ici, nous avons
beaucoup de compagnies
d’«auteurs». Il y a
d'abord les Ballets de
Monte-Carlo, avec lesquels nous avons de très bonnes
relations.
Ainsi, moins de deux mois après mon arrivée
à Nice, en novembre
2009, Jean-Christophe Maillot m’a invité
à danser le Prélude
à l’après-midi d’un faune
dans le cadre d’un hommage aux
Ballets russes. Moi-même j'avais dansé Shéhérazade
de
Michel Fokine pour le spectacle de réouverture de la
compagnie, à
l'époque de Pierre Lacotte et Ghislaine Thesmar. La
collaboration
avec les Ballets de Monte-Carlo a donc toujours
été très
fructueuse. Néanmoins, c'est une compagnie qui, tout en
faisant des
recherches, est très centrée sur le
répertoire chorégraphique de
Jean-Christophe Maillot. De la même façon,
à Aix, le répertoire
est essentiellement constitué des œuvres
d’Angelin Preljocaj. A
Marseille, c’est le répertoire d'Emio Greco.
J'ai donc pensé que ce
qui manquait dans la région, c’était
une compagnie de répertoire.
Une compagnie certes capable de danser des créations de
Lucinda
Childs ou des pas de deux pieds nus comme celui d’Oscar
Araiz, mais
dont la force et la colonne vertébrale
s’articulent autour de
pièces de George Balanchine, de ballets comme Coppélia,
Don
Quichotte, Les Deux pigeons…
Mon intention était
de mettre en valeur, ici, en France, tout ce grand
répertoire
classique français. Mais je voulais aussi pouvoir monter des
ballets
comme Night Creature d’Alvin Ailey.
Aucune autre compagnie
en France ne possède à son répertoire
d’ouvrage de ce grand
chorégraphe noir américain, même si la
compagnie qu’il a fondée
vient régulièrement en France. Dans le
même ordre d’idée, j’ai
programmé Voluntaries de Glenn Tetley.
Nous avons évidemment
des pièces que nous partageons avec d’autres
compagnies, comme par
exemple En Sol de Jerome Robbins, Concerto
Barocco et
la Chaconne d’Orphée
de George Balanchine. Notre répertoire comporte aussi des
pièces de
Nacho Duato, comme Por Vos Muero et Gnawa.
Et
nous avons enfin des pièces créées
spécialement pour le Ballet
Nice-Méditerranée : Oceana
de
Lucinda Childs et Verse us
de Dwight Rhoden.
Coppélia, acte I, chor. Eric Vu-An
En quoi votre passé
d'interprète influence-t-il votre programmation ?
Ce
passé compte énormément. Il compte
d'ailleurs tellement que pour
commémorer les dix ans de la mort de Maurice
Béjart, je démarre la
prochaine saison, à l'Opéra de Nice, avec la Cantate
51. Je
pense également aux ballets de Balanchine, à L'Arlésienne
de Roland Petit, à tout ce qui me lie à Nacho
Duato ou au
Sinfonietta de Jiri
Kylian, à Raymonda, à
Don Quichotte, que
j'ai dansé à dix-neuf ans dans la version de
Rudolf Noureev. C'est
parce que j'ai vécu ce grand répertoire que j'ai
eu envie de faire
ma propre version de Don Quichotte,
de changer intégralement le deuxième acte
– le camp des Gitans,
les Dryades.... Je suis d'ailleurs très content de pouvoir
reprendre
ce ballet, dans lequel j'interprète le rôle de Don
Quichotte, pour
le bicentenaire de la naissance de Marius Petipa –
pratiquement à
la date anniversaire –, au Grand Théâtre
d'Aix-en-Provence. Il
est certain que je puise dans ces expériences artistiques et
dans
les plaisirs artistiques que j'ai eus à danser certains
grands
chorégraphes. Certains d'entre eux suivent d'ailleurs le
développement de la compagnie, comme Heinz Spoerli, avec qui
j'ai
beaucoup travaillé et qui vient nous voir très
régulièrement.
J'essaye de créer ce lien qui unit les danseurs
d'aujourd'hui avec
une musique et avec les
«passeurs» que sont les grands
chorégraphes ou les interprètes comme je l'ai
été, qui ont pu
être à un moment des instruments
privilégiés dans les mains de
ces créateurs.
Certains
des ballets programmés à Nice sont
très liés à l'histoire de
l'Opéra de Paris et/ou de son école, comme Soir
de fête
ou
Pas de dieux...
Oui,
parce que c'est quand même mon école. Et ce sont
aussi d'abord des
ballets que j'ai dansés moi-même. Les
Deux Pigeons, c'est
un ballet que j'ai dansé quand j'avais quinze ans
à l’École de
danse de l'Opéra. De même pour Suite
en blanc
qui fait partie du même programme. Quand Claude Bessy vient
pour
superviser les répétitions, je sais qu'il y a un
vrai lien avec la
tradition de l'école française et le style avec
lequel j'ai grandi.
C'est une manière pour moi de rendre hommage, de rendre cet
héritage
vivant et de faire que ça ne disparaisse pas, sous
prétexte que
d'autres formes d'expression, tout à fait respectables au
demeurant,
ont aujourd'hui plus d'attrait. Je trouve que c'est bien de montrer
qu'on vient de là, que c'est grâce à
tout ça qu'on peut avoir
aujourd'hui des chorégraphes aussi exceptionnels que Liam
Scarlett,
même s'il est en Angleterre. Tout ça n'est rendu
possible que parce
qu'il y a eu un passé avec Serge Lifar, Albert Aveline,
Arthur
Saint-Léon, Léo Staats, tous ces gens qui ont
façonné une école.
Des gens comme Balanchine, Kylian ou Forsythe ont changé
certains
codes, mais ce n'est pas parce qu'ils les ont changés ou
parce
qu'ils ont écrit d'une nouvelle façon et
inventé une nouvelle
langue que les autres langues ne peuvent pas nourrir leurs
interprètes et toucher un public.
A
quels maîtres de ballet faites-vous appel pour remonter le
répertoire ?
J'ai
surtout cherché à faire appel à des
maîtres de ballet qui avaient
l'expérience du ballet. Claude Bessy est venue remonter Pas
de dieux.
Soir de fête,
je l'ai remonté moi-même, parce que j'ai une
certaine expérience
en tant que maître de ballet et un certain savoir pour ce qui
est de
l'école française. Clotilde Vayer est venue
remonter En
Sol de
Jerome Robbins, Nanette Glushak est venue pour Concerto
Barocco,
Francia Russell pour la Chaconne
d'Orphée,
Tony Fabre, avant sa disparition, pour les œuvres de Nacho
Duato,
Kaloyan
Boyadjiev, un danseur du Ballet de Norvège, pour transmettre
Vespertine de Liam
Scarlett...
En-dehors des grandes œuvres classiques et du
répertoire français,
que je pense pouvoir transmettre, parce que c'est quelque chose que
je connais bien et dont je possède la musicalité,
je m'arrange pour
que ce soit des créateurs de l’œuvre et
des artistes à qui les
chorégraphes ont transmis un savoir qui les rend aptes
à remonter
l’œuvre.

Veronica Colombo (Swanilda) et Eric Vu-An (Coppélius) dans Coppélia, chor. Eric Vu-An
Qu'en
est-il du contenu de la saison prochaine ?
Nous
allons commencer la saison par une tournée
à Biarritz. Le
spectacle de tournée, que nous redonnons ensuite au
Théâtre de
Verdure de Nice, commence avec le divertissement du
troisième acte
de Coppélia,
que j'ai rechorégraphié moi-même, mais
en gardant les décors et
les costumes de la production originale de Saint-Léon,
transmise à
l'Opéra de Paris par Pierre Lacotte. Il se poursuit avec Vespertine
de Liam Scarlett, sur la musique d'Arcangello Corelli, et se termine
avec Gnawa de
Nacho Duato. C'est un bon éventail de tous les styles
pratiqués par
la compagnie, qui s'appuie d'abord sur l'excellence classique tout en
s'ouvrant à des langages plus contemporains. La saison
niçoise se
poursuit en octobre avec un programme composé de la Cantate
51 de
Béjart, Belong de
Norbert
Vesak, un chorégraphe canadien, Allegro
Brillante de Balanchine et Viva
Verdi de
Luciano Canitto. Pour
les fêtes de fin d'année, nous proposons une
soirée, dirigée par
David Garforth, avec La
Sylphide de
Bournonville et Roméo
et Juliette
de Serge Lifar. En avril, pour notre troisième rendez-vous
à
l'Opéra de Nice, nous aurons En
Sol de
Jerome Robbins, Petrouchka
d'Oscar
Araïz et Verse us
de
Dwight Rhoden. Enfin, en juin, nous donnerons au
Théâtre de Verdure
Viva Verdi et
Verse us. A
chaque fois, nous avons un minimum de six ou sept
représentations,
un peu plus à Noël.
Quelques
tournées en Italie sont prévues, et
peut-être irons-nous aussi en
Turquie si la situation politique le permet.
Vous
reprenez, après Suite en blanc, le Roméo
et Juliette de
Serge Lifar. Que représente Serge Lifar
pour vous ?
J'avais déjà
remonté Roméo et Juliette il
y a cinq ou six
ans à l'occasion d'un programme intitulé Deux
Russes à Paris,
qui regroupait Roméo et Juliette et Suite
en blanc de
Lifar avec Chaconne et Allegro Brillante
de Balanchine.
J'ai voulu le reprendre, car j'ai toujours mon Roméo
d'origine et
une pléiade de Juliette possibles. La Sylphide
de
Bournonville est un ballet d'un peu plus d'une heure, que je trouve
toujours un peu court pour une soirée. Donc, en
première partie,
j'ai choisi de reprendre cette œuvre, à la fois
pour la musique et
pour la thématique amour / mort qui va bien avec La
Sylphide.
Serge Lifar est d'abord quelqu'un avec qui j'ai travaillé.
J'ai eu
la chance de faire Les Animaux modèles
pour lui, à l’École
de danse de l'Opéra. Je fréquentais à
cette époque, et même
avant, une galerie, située rue de Beaune, tenue par Gilberte
Cournand, où l'on trouvait des livres, des statues... J'ai
eu la
chance de l'y rencontrer à de nombreuses reprises et de
l'entendre
parler de sa carrière, notamment de la période
des Ballets russes.
C'est un personnage qui me fascinait. Claude Bessy me l'a aussi
toujours dit : en me voyant arriver à
l’École de danse à
dix ans, elle avait trouvé qu'il y avait une
parenté physique entre
nous. Lifar est quelqu'un qui a eu une grande importance dans le
paysage chorégraphique français. Et en tant que
directeur, je
tenais à rendre hommage à tous ces
maîtres qui font
qu'aujourd'hui, si l'on peut danser, c'est grâce à
eux. C'est pour
cette raison que j'ai monté Suite en blanc,
puis Roméo et
Juliette. Je l'avais remonté moi-même,
puisque j'avais eu la
chance de le travailler et de le danser avec Noella Pontois,
même si
Attilio Labbis était venu quelques jours, tout comme Claude
Bessy.
Zhani Lukaj (Basile) et Zaloa Fabbrini (Kitri) dans Don Quichotte, chor. Eric Vu-An
En
tant que directeur de compagnie, que
préférez-vous :
programmer, transmettre, chorégraphier ?
Ce que je préfère, c'est être dans le
studio. Comme un artisan,
j'aime être directement sur le feu avec les artistes, qui ont
besoin
d'être nourris. J'assume les trois axes que vous me proposez
avec le
même bonheur. La compagnie est jeune – en gros, les
danseurs ont
entre dix-huit et trente ans – et c'est très
intéressant de les
voir se développer et évoluer dans
différents styles. C'est comme
un joyau qu'on essaye de tailler pour que les facettes soient les
plus brillantes possible. Mais ce qui me satisfait le plus, la chose
la plus importante, c'est quand je vois d'un seul coup les danseurs
rayonnants avec, en face, un public qui leur fait une ovation.
Vous
avez évoqué Jean-Christophe Maillot et les
Ballets de Monte-Carlo.
Quelles relations entretenez-vous de manière plus
générale avec
les autres institutions chorégraphiques, notamment celles du
Sud ?
J'ai toujours des relations avec Avignon,
où j'ai beaucoup travaillé comme directeur.
L'Opéra va bientôt fermer pour travaux,
mais je continue de suivre avec intérêt le
Conservatoire, qui a une
très bonne réputation depuis l'époque
de Nicole Petracchi. J'ai
pris l'année dernière des
supplémentaires du Conservatoire
d'Avignon et ai également participé aux examens
de fin d'année. Il
y a aussi l'Académie Princesse Grace, dirigée par
Luca Masala. J'ai
eu des élèves de l'Académie qui sont
venus à Nice – certains
ont même été engagés.
Même chose avec l'école de Cannes, qui
fonctionne maintenant avec celle de Marseille. Mais comme ils ont un
ballet junior, ils ont aussi pas mal de représentations qui
peuvent
tomber au même moment que nos propres spectacles. C'est donc
plus
difficile pour moi maintenant de les faire travailler sur de grosses
productions. Mais j'ai engagé trois ou quatre danseurs de
l'école
de Cannes, qui sont là depuis cinq ou six ans. Ils ont
d'abord été
apprentis et je les ai gardés.

Coppélia, divertissement, chor. Eric Vu-An
Y
a-t-il des possibilités pour vous, dans l'avenir,
d'augmenter le
nombre de représentations et les effectifs de la
compagnie ?
Tous les ans, j'augmente le nombre de
représentations. Maintenant,
c'est une question de
«marché». La seule
aide que je
demande, c'est une aide à la diffusion. J'ai des liens avec
certains
théâtres, où nous nous produisons
pratiquement tous les ans, comme
Antibes ou le Grand Théâtre d'Aix-en-Provence.
Cette année, nous
avons eu la chance d'aller à Fréjus, à
Orange, à Saint-Maximin,
et d'y faire de gros succès. Je fais des
démarches auprès d'autres
théâtres, dont j'espère qu'elles vont
pouvoir aboutir. J'espère
aussi qu'on pourra se produire dans des grandes villes, sur des
plateaux d'une belle dimension – la Criée
à Marseille, l'Opéra
de Toulon.... Les soucis sont avant tout économiques. En
gros, je
dispose d'un tiers de budget de compagnies comme le Capitole de
Toulouse pour faire la même chose. C'est donc un poil plus
compliqué
pour moi. Il faudrait évidemment pouvoir augmenter les
représentations, faire davantage de tournées en
province ou à
l'international entre nos spectacles à Nice. En
même temps, nous ne
sommes que vingt-six danseurs, si j'ai un danseur blessé ou
une
danseuse enceinte, l'équation devient difficile à
résoudre, donc
je suis obligé de rester lucide pour ne pas
épuiser les danseurs.
Quel
regard portez-vous sur la situation du ballet classique en France et
notamment sur celle du Ballet de Bordeaux, que vous avez
dirigé ?
C'est très difficile d'en penser
quoi que ce soit. Au moment où je
suis parti de Bordeaux, les institutions avaient voulu remplacer le
chef d'orchestre Alain Lombard par Thierry Fouquet. Et maintenant,
Thierry Fouquet s'en va et on le remplace par Marc Minkowski, un
autre chef d'orchestre. J'aurais donc tendance à
m'interroger sur le
bien-fondé d'une politique qui change les choses
à ce point. Pour
le reste, je n'ai pas tous les éléments en mains
pour juger de la
situation actuelle de Bordeaux et je ne sais pas si elle est
réglée.
Eric Quilleré, qui a été un excellent
maître de ballet pour
Charles Jude, va continuer à co-diriger la compagnie, mais
avec
qui ? Je l'ignore, de même que je ne sais pas
comment les
pouvoirs politiques vont vouloir faire évoluer l'art
chorégraphique
à Bordeaux.
Aujourd'hui,
la conjoncture économique fait qu'il y a une telle
proposition dans le domaine du divertissement qu'il n'est pas
évident
de trouver des budgets pour augmenter les effectifs de danseurs. A
Nice, j'ai réussi à obtenir huit danseurs
supplémentaires. Il est
évident que ce n'est plus l'âge d'or du Ballet de
Nice. A l'époque
de Jean-Albert Cartier, la compagnie comprenait plus de trente-deux
danseurs, plus les invités. Néanmoins, j'essaye
de trouver des
idées. J'ai réussi à maintenir, avec
Christian Estrosi, le budget
du ballet, alors que le reste de l'Opéra connaissait une
baisse de
budget. Ce sont de petites victoires. L'important, c'est que le
public continue à réclamer les compagnies, et
s'il les réclame,
c'est aussi en fonction des choix artistiques et des directeurs de
compagnies, qui correspondent - ou pas - à la demande des
spectateurs
dans une région.
Propos recueillis par Bénédicte Jarrasse
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Eric Vu-An en Don Quichotte - Don Quichotte, chor. Eric Vu-An