Prix de Lausanne 2017 : Oliver Matz, Steffi Scherzer, Michele Esposito
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février 2017 : O. Matz, S. Scherzer, M. Esposito, D. Ionescu -
la «Traummannschaft» de la Tanzakademie de Zurich
A l'issue de la finale, nous avons rencontré Oliver Matz, ancien
soliste principal du Staatsballett de Berlin, qui est, depuis de
nombreuses années déjà, le directeur de la
Tanzakademie de Zurich. Il est par ailleurs le professeur du
héros de l'édition 2017 du Prix de Lausanne, Michele
Esposito. A ses côtés, son épouse, Steffi
Scherzer, comme lui ancienne soliste à Berlin et maintenant
enseignante à Zurich, nous a également parlé des
trois candidats présentés par la célèbre
école de danse suisse au Prix de Lausanne : Michele Esposito,
donc, ainsi que Diana Ionescu, originaire de Roumanie, qui a obtenu en
finale le Prix de la fondation Albert Amon et la Serbe Natalija
Miljevic qui s'est malheureusement blessée avant le début
des épreuves et n'a pas pu défendre ses chances.
Steffi Scherzer et Oliver Matz
Dansomanie :
Comment avez-vous sélectionné Michele Esposito ? L’aviez-vous déjà
repéré à l’école? Lui avez-vous dit «tu devrais aller à Lausanne, tu
aurais une chance»?
Oliver Matz : Oui, Michele est
arrivé à la Tanzakademie à l’âge de onze ans, il y a suivi l’intégralité
du cursus de formation. Il s’y est déjà fait remarquer très jeune. Et
pas seulement en raison de ses capacités physiques. Ce qui m’a tout de
suite frappé, c’est sa ténacité exceptionnelle, et bien sûr son talent.
Quand il a eu douze-treize ans, il était devenu évident pour nous que
si ce jeune homme persévérait, il aurait un bel avenir [dans la danse].
Au fil des ans, il s’est développé, et j’ai pris en main sa formation
professionnelle. Depuis trois ans, je suis son professeur attitré.
Michele a continué de progresser, et nous nous sommes rapidement dit
qu’il fallait le préparer à des concours. Avant Lausanne, il avait déjà
remporté une médaille d’argent au Tanzolymp de Berlin. Il a aussi
décroché une récompense à Milan, lorsqu’il avait quinze ans. Nous
savions dès lors qu’il était armé pour décrocher un très bon poste dans
une compagnie.
Néanmoins, nous n’allons pas à Lausanne dans le seul but de gagner des
prix. Si nous en obtenons, tant mieux. Toutefois, ce que nous apprécions
particulièrement à Lausanne, c’est que les jeunes sont pris en main
pendant une semaine par des répétiteurs internationaux, et qu’ils sont
confrontés à d’autres danseurs talentueux. Cela leur permet de
progresser, de se perfectionner encore.
Nous avons voulu donner à Michele, Diana et Natalija [Diana Ionescu et
Natalija Miljevic, autres candidates du Prix de Lausanne 2017 présentées
par la Tanzakademie de Zurich, ndlr] cette chance-là. Mais nous
n’avions pas imaginé que cela se solderait par un si beau succès pour la
Tanzakademie, bien que certains nous l’aient prédit. Nous n’y croyions
pas.
Steffi Scherzer : Bien
évidemment, les deux – ou plutôt les trois – ont un talent remarquable.
Mais, être confronté à la scène du Théâtre de Beaulieu – inclinée de
surcroît, alors que celle de Zurich est horizontale -, c’est une autre
affaire.
Oliver Matz :
Ce qui est remarquable chez Diana et Michele, c’est leur talent
d’interprète. Ils ne sont pas que la symbiose d’une bonne technique,
d’un beau visage et de jolies jambes. Il s’agit avant tout d’une
alchimie entre la danse et l'interprétation. C’est d’ailleurs notre
credo à la Tanzakademie : nous ne formons pas seulement des techniciens
habiles, nous voulons donner à nos élèves les bases d’un développement
personnel complet. C’est cela qui est le plus important pour nous.
Dansomanie : Vous ne redoutez pas que ces si bons éléments quittent la Tanzakademie maintenant?
Oliver Matz : Non, bien au
contraire, c’est justement ce que nous espérons ! Michele est en sixième
année, sa formation est pratiquement achevée, et à Lausanne, il vient
de toucher le jackpot. Il a l’embarras du choix pour se trouver une
compagnie. Que demander de plus?

Diana Ionescu
Dansomanie : Et Diana, elle reste encore à Zurich, ou elle s’en va aussi?
Steffi Scherzer : Même si elle
est encore très jeune, je pense qu’elle est mûre pour intégrer une
compagnie, ou du moins un «junior ballet». Certes, elle va seulement
sur ses dix-sept ans, mais elle est à mon avis prête pour se lancer
dans la vie professionnelle.
Dansomanie : Comment est-elle venue de Roumanie en Suisse ? Vous l’avez découverte là-bas?
Steffi Scherzer : Non, je
l’avais vu au Youth America Grand Prix [YAGP], puis au Tanzolymp. A
cette occasion, je lui ai proposé de venir à Zurich. Cette jeune fille
m’a plu au premier regard, elle avait quelque chose de spécial. C’est
une danseuse née. Sur scène, elle se comporte en véritable artiste.
C’est très important pour Oliver et pour moi. C’est une très bonne
interprète aussi. Je m’en étais déjà rendue compte à l’époque, alors
qu’elle avait à peine treize ans. Voilà, c’est ainsi qu’elle est venue
en Suisse. Je lui ai fait une offre, et elle l’a acceptée.
Dansomanie :
Comment expliquez-vous qu’il y ait en Suisse une école de réputation
internationale, la Tanzakademie de Zurich, et qu’en même temps, il n’y
ait que très peu de grands danseurs helvétiques?
Oliver Matz : Je suis obligé de
vous contredire. Nous avons eu récemment Laura Fernandez, Lou Spichtig
et Benoît Fabre. Pour un petit pays comme la Suisse, ce n’est pas mal du
tout. Regardez l’Allemagne [Oliver Matz et Steffie Scherzer sont de
nationalité allemande, ndlr], qui est presque dix fois plus grande que
la Suisse, eh bien, elle ne produit plus de grands danseurs allemands.
Et je peux vous dire que nous avons encore d’autres jeunes très
prometteurs à la Tanzakademie.
Dansomanie : A propos, qu’est devenu Benoît Fabre [Prix de Lausanne 2011 ndlr]?
Oliver Matz : Il est au Ballet de
Zurich pour le moment, mais je crois savoir que la saison prochaine, il
fera ses débuts à Helsinki, au Ballet National de Finlande. Mais pour
en revenir à votre question précédente, si nous avons des talents assez
nombreux en Suisse, nous ne les produisons pas non plus à la chaîne, et
on ne peut avoir chaque année un vainqueur au Prix de Lausanne Cela
prend du temps. Et puis, tous les danseurs talentueux que nous avons ne
sont pas faits pour concourir à Lausanne.
Dansomanie : Les candidats que vous présentez au Prix de Lausanne doivent avoir un profil particulier?
Steffi Scherzer : Oui,
absolument. Il y a, comme évoqué, le problème de l’adaptabilité à la
scène inclinée du Théâtre de Beaulieu [elle possède une pente à 5%,
comme au Palais Garnier, à Paris, ndlr]. Et il faut que ces adolescents
sachent réagir promptement à toutes les sollicitations. Ils doivent
aussi être capables de gérer un stress nerveux qui est très important
durant la compétition. C’est ainsi. Tous ne peuvent pas résister à cela,
et nous y sommes très attentifs avant d’envoyer un candidat à Lausanne.
Par ailleurs, tous ceux qui veulent faire carrière dans la danse n’ont
pas besoin de gagner un concours. On peut devenir un très bon danseur
sans avoir réussi de concours.
Oliver Matz : Je pourrais vous
donner de nombreux exemples à ce sujet : Alessandra Ferri, notamment,
n’a jamais passé un seul concours. Cela n’empêche pas de faire une
grande carrière. Et inversement, ce n’est pas parce qu’on a gagné un
concours qu’on fera automatiquement une grande carrière.

Michele Esposito
Quatre questions à Michele Esposito, Prix de la fondation Advec (Grand prix) :
Dansomanie : Comment êtes-vous venu à la danse?
Michele Esposito : Je suis
originaire de Teverona, près de Naples. J’ai commencé la danse très
jeune, alors que je n’avais que trois ans, à Aversa. C’est également
proche de Naples. Comme j’avais l’air doué, mon professeur en Italie a
pensé qu’il était bon que j’aille me perfectionner ailleurs, et m’a
suggéré de passer des auditions. Zurich, c’était ce qu’il y avait de
plus proche, et j’ai été admis à la Tanzakademie.
Dansomanie : Lausanne, c’est votre premier concours?
Michele Esposito : Non, en fait,
c’est mon troisième. D’abord, il y a eu le Tanzolymp, à Berlin, où j’ai
obtenu une médaille d’argent. Ensuite, il y a eu le Premio MAB, à
Milan, où j’ai reçu le « prix special », et enfin Lausanne.
Dansomanie : Et maintenant, où voudriez-vous aller?
Michele Esposito : J’aimerais
vraiment intégrer le Het Nationale Ballet – la compagnie junior, tout
d’abord, puis la troupe principale, si mon travail est apprécié.
Dansomanie : Y a-t-il des rôles dont vous rêvez?
Michele Esposito : Non, pas
vraiment. En fait, je suis assez versatile, et je suis vraiment ouvert à
tout. Je saisirai les opportunités qui se présenteront à moi.
Oliver Matz, Steffi Scherzer, Michele Esposito - Propos recueillis par Romain Feist
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