Mes
débuts dans La Chauve-Souris sont très récents, ils datent du 31 décembre 2016 à
l’Opéra de Rome. C’était non seulement la première fois que je dansais La Chauve-Souris, mais aussi la première
fois que je dansais un ouvrage de Roland Petit. C’est quelque chose que
j’espérais faire depuis longtemps, mais je n’en ai jamais eu l’opportunité. Et
notamment, je n’ai jamais eu la possibilité de travailler avec Roland Petit
lui-même. Ce sont des rôles qu’il faut pouvoir travailler longtemps, il faut
vraiment les intégrer. S’il y a un ballet de Roland Petit que je rêve de
danser, c’est Le Jeune-homme et la Mort. Pour La Chauve-Souris, j’ai répété avec Luigi
Bonino pendant trois semaines, tous les jours.
Je
suis issu d’une famille de musiciens. J’ai trois frères qui sont dans la
musique, et donc, Strauss, cela me parle. Et c’est quelque chose qui fait
partie de la culture allemande.
La Chauve-Souris ne présente pas de
difficultés techniques particulières. Ce qui est compliqué dans ce ballet, ce
sont les interactions entre les personnages. Il faut que tout soit
parfaitement coordonné. Et il y a des moments-clés à côté desquels il ne faut
pas passer, comme le grand Pas de deux final.
Par
le passé, j’ai travaillé avec le Ballet de l’Opéra de Rome, et ce, avant-même
qu’Eleonora Abbagnato en soit la directrice. En 2006, nous avions fait La
Belle au bois dormant aux Arènes de
Vérone. L’été dernier, Eleonora m’a appelé pour me demander de participer à une soirée en hommage à Rudolf Nouréev aux
Thermes de Caracalla. C’est à l’issue de
ce spectacle qu’elle m’a proposé La
Chauve-souris. Par ailleurs, nous nous étions déjà croisés lors de divers
galas.
Friedemann Vogel dans La Chauve-Souris (rôle de Johan)
Mon
intégration au sein du ballet de l’Opéra de Rome s’est bien passée. J’ai
l’habitude de beaucoup voyager et de travailler avec des compagnies très
différentes. Au bout d’un ou deux jours seulement, je m’y sentais déjà «comme à
la maison». Je suis tout le temps confronté
à des écoles, des styles très variés, donc ce n’est pas vraiment un problème
pour moi de passer d’une compagnie à l’autre. Ma formation a, elle aussi, été
assez hétérogène. J’ai d’abord appris la danse à la John Cranko Schule de
Stuttgart, puis je suis allé à Monte-Carlo, à l’Académie Princesse Grace, pour
travailler avec Marika Besobrasova.
En
fait, ce qui est vraiment dur, c’est de passer sans transition d’un ballet
contemporain ou néo-classique à un ouvrage tel que Le Lac des cygnes. Un Lac des
cygnes, c’est très fatigant sur le coup, mais le lendemain, on a récupéré.
En revanche, avec des ballets narratifs néo-classiques comme Roméo et Juliette de Cranko, ou La
Dame aux Camélias, de Neumeier, la fatigue se fait vraiment sentir le
lendemain. Et nerveusement, c’est épuisant. Avec un Lac des cygnes, il y a la fatigue physique, mais il n’y a pas cette
sensation d’être littéralement «vidé». Le plus dur reste pour moi Roméo et Juliette. Même après le premier
acte, les vingt minutes de pause ne suffisent pas et on n’a pas réellement le
temps de se remettre avant le commencement de l’acte II.
Y
a-t-il des liens, des points communs entre John Cranko – que, évidemment, j’ai
beaucoup dansé à Stuttgart - et Roland
Petit qui, comme lui, est un chorégraphe néoclassique? Non, pas vraiment,
notamment au niveau du jeu théâtral, qui est très différent. De toute façon,
quand on interprète une œuvre, chaque jour est un nouveau jour. On ne peut pas «dupliquer» un spectacle.
Chaque représentation est différente de la précédente. Chaque fois que le
rideau se lève, il faut faire quelque chose de nouveau, de spontané. Le plus
important, c’est le ressenti avec la partenaire. Il faut que le public sente
que c’est «vrai», et que les solistes sont «portés» par toute la troupe et le
public. En répétition, même s’il s’agit
d’une répétition avec l’orchestre, les costumes, le maquillage, c’est très
différent d’un spectacle réel, avec mille ou deux milles personnes dans la
salle. Là, on se sent vraiment pousser
des ailes. Il y a certaines partenaires avec lesquelles cela «marche»
particulièrement bien, et avec lesquelles je me sens en osmose. Par exemple,
Alicia Amatrian, à Stuttgart. Avec elle, nous ressentons les mêmes choses, sans
avoir besoin de les exprimer par des mots. Nous avons l’impression de faire le
même voyage. C’est également le cas lorsque je danse avec Polina Semionova.
Paris,
c’est aussi un peu ma maison. J’ai beaucoup d’amis au Ballet de l’Opéra de
Paris, et j’ai pris le cours avec eux, au Palais Garnier, en octobre dernier.
Mon
prochain défi? Le Boléro, de Maurice
Béjart, à Stuttgart.
Propos recueillis par Romain Feist
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