|
Giorgio Mancini : Tristan et Isolde, pour Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio
15 décembre 2014 : Giorgio Mancini - De Béjart à Wagner, Tristan et Isolde
Giorgio
Mancini, danseur et chorégraphe italien, a appris son
métier auprès de Maurice Béjart, à
l'école Mudra, à Bruxelles, puis a suivi le
célèbre chorégraphe dans l'aventure du Ballet du
XXème siècle. Après avoir dirigé le Ballet
du Grand Théâtre de Genève, il a
décidé de fonder sa propre compagnie, GM Ballet. Pour sa
dernière création, Tristan et Isolde, programmée
à Florence le 28 décembre 2014, il a fait appel à
deux étoiles de l'Opéra National de Paris,
Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio. A cette occasion, Giorgio
Mancini a livré à Dansomanie les clés de
son parcours artistique.
Pouvez-vous nous présenter brièvement votre
carrière de danseur, intimement liée à Maurice
Béjart?
Oui,
c’est cela. J’ai quitté l’Italie à
l’âge de dix-neuf ans pour partir à
l’école Mudra à Bruxelles. Après un an
et demi à l’école, j’ai intégré
le Ballet du XXème siècle, devenu ensuite le
Béjart Ballet Lausanne. J’ai vécu le
déménagement en Suisse, et je suis resté avec
Maurice jusqu’en 1990. Ensuite, j’ai fait un petit passage
chez Jean-Christophe Maillot ; à l’époque, il
était à Tours. Il s’apprêtait à partir
pour Monte-Carlo. J’ai hésité à le suivre,
et j’ai finalement décidé d’aller au Ballet
du Grand Théâtre de Genève, dont le directeur
était Gradimir Pankow, aujourd’hui à la tête
des Grands Ballets Canadiens. Le répertoire me plaisait
beaucoup, il y avait beaucoup de Kylián, de Mats Ek, de
Christopher Bruce, d’Ohad Naharin. C’est pour cela que
j’ai choisi Genève plutôt que Monaco. Je voulais
connaître ces chorégraphes, et effectivement, j’ai
eu cette chance-là, car ils venaient eux-mêmes faire
travailler les danseurs de la compagnie lorsque nous reprenions
l’un de leurs ballets.
Je
suis resté cinq ans à Genève.
L’administrateur du théâtre était, à
ce moment-là, Hugues Gall. Lorsqu’il est parti pour
l’Opéra de Paris, Renée Auphan, qui lui a
succédé, m’a tout d’abord proposé
d’assurer la co-direction du Ballet. J’étais
très jeune pour cela, je n’avais que trente ans, et je ne
m’occupais que des questions artistiques. Puis, Jean-Marie
Blanchard a remplacé Renée Auphan, et il a
décidé de me confier la pleine gestion de la compagnie,
que j’ai donc dirigée de 1995 à 2003. J’ai
quitté Genève lors de la saison 2003-2004 pour aller
à Florence. A Genève, c’est Philippe Cohen [actuel
directeur, ndlr] qui m’a remplacé.
Cela
faisait vingt ans que j’avais quitté l’Italie, et
j’ai senti que le moment était venu de faire un choix.
J’ai commencé à avoir le mal du pays, et je me suis
dit, si je ne rentre pas maintenant, je ne rentrerai plus jamais. A ce
moment, on m’a proposé la direction du ballet du Mai
Musical Florentin (Maggio Musicale Fiorentino) ; j’ai
accepté, et j’ai conservé ces fonctions
jusqu’en 2008. Ensuite, j’ai voulu fonder mon propre groupe
chorégraphique, le Giorgio Mancini Ballet, qui fonctionne par
projets. Il y a un an, le Ballet de Florence s’est
retrouvé dans une situation très délicate, et on a
fait à nouveau appel à moi pour remettre les choses en
ordre, dans un contexte économique difficile. Je me suis
attelé à cette tâche pendant une saison, puis,
j’ai repris ma propre voie. Quand on a exercé pendant des
années des fonctions de direction, on n’a plus la
même énergie pour penser à la fois à la
chorégraphie et aux questions administratives. Je voulais
à nouveau me concentrer sur les aspects créatifs, et
c’est un peu pour cela aussi qu’est né ce projet de Tristan.
Avant d’aborder Tristan plus en détail, pouvez-vous nous dire où et auprès de qui vous avez découvert la danse?
En
Italie, ma formation a été très brève, car
j’avais des parents qui ne voulaient pas que je fasse de la
danse. J’ai malgré tout commencé la danse dans une
petite école privée de ma ville, à Chieti, dans
les Abruzzes. Ma mère a pris peur, comme tout le monde lui
disait que j’étais très doué. Elle m’a
dit : «Maintenant que tu as vu ce que c’est, il faut
penser à étudier». Je n’ai repris la danse
qu’à 18 ans. J’ai passé un an à
l’Académie Nationale, à Rome. J’ai ensuite
participé à un concours, grâce auquel j’ai pu
obtenir une bourse de l’Union Européenne pour aller
à l’Aterballetto, à Reggio Emilia, qui
était, à l’époque, LA compagnie où il
fallait aller, en Italie. Nous étions huit garçons et
huit filles, venus de toute l’Italie. Après cela, je suis
allé à l’école Mudra, chez Maurice
Béjart, comme je l’ai déjà dit. Ma formation
a donc été très courte, mais j’ai
continué à travailler et à apprendre quand je me
suis retrouvé dans la compagnie de Maurice [le ballet du
XXème siècle, ndlr].
A l’Aterballetto, le répertoire était plutôt contemporain, non?
Non,
à l’époque, la compagnie était encore
dirigée [par son fondateur], Amedeo Amodio, et la soliste
principale était Elisabetta Terabust, donc le style était
principalement néoclassique, ce qui n’empêchait pas
qu’on soit ouverts à de jeunes créateurs
contemporains. C’est d’ailleurs pour l’Aterballetto
que Forsythe a créé Steptext.
Au début des années 80, l’Aterballetto,
c’était vraiment le centre de la danse italienne.
Parlez-nous un peu de votre nouvelle compagnie, GM Ballet. Quel est son mode de fonctionnement?
Il n’y a pas de danseurs
permanents, nous travaillons par projets. J’ai un peu
adopté le système «américain»,
où l’on se rassemble pour une production, pour un
spectacle, pour une période donnée, puis la troupe se
défait, et se reconstitue pour un autre projet. On peut dire que
le GM Ballet est une «compagnie non permanente»! Nous nous
lançons dans un projet lorsque nous sommes sûrs
d’avoir trouvé l’argent nécessaire. La
compagnie est basée administrativement au Luxembourg.
Peut-être pourrons-nous un jour demander des subventions, mais
pour le moment, je veux me débrouiller autant que possible avec
des fonds privés, des sponsors, ainsi qu’avec le produit
de la vente des spectacles «clé en mains» à
différents théâtres. Là, j’essaye de
monter quelque chose qui pourrait être coproduit avec trois ou
quatre théâtres, et bien sûr, un effectif de huit
à dix danseurs au maximum. Si on voulait envisager quelque chose
de plus important, avec vingt ou vingt-cinq artistes, il faudrait
davantage de temps et d’argent.
Au Luxembourg, j’ai de bonnes relations avec le directeur du
Conservatoire, qui me permet d’utiliser les magnifiques studios
de danse de son établissement. Autrement, on se
débrouille avec les théâtres avec lesquels je monte
les projets. Patrick Lesage, notre administrateur, travaille
également pour Harlequin Floors, qui nous sponsorise, et dont le
siège européen est à Luxembourg.
Évidemment, cela facilite les choses, mais ce n’est pas la
seule raison de notre installation au Grand-Duché. Au
Luxembourg, il y a beaucoup de chorégraphes contemporains, et
une grande activité créatrice. En revanche, le ballet
classique et néoclassique est absent, et il y a une demande
importante du public pour cela. J’y ai déjà
monté deux spectacles qui ont eu beaucoup de succès.
D’abord, à la Villa Vauban [le musée d’Art de
la ville de Luxembourg, ndlr], la création «live»
d’extraits de ce qui est ensuite devenu mon ballet A nima.
Ensuite, en juin dernier, nous nous sommes produits au
théâtre d’Esch-sur-Alzette, qui a une programmation
de danse très pointue. Nous y avons présenté A nima et Mozart per gioco. Le public a manifestement apprécié ce style de danse.
Votre style chorégraphique, justement, se situe-t-il dans la
continuité de ce que vous avez fait chez Maurice Béjart?
De
Maurice, j’ai appris le sens du rythme et de la mise en
scène. Mais j’ai ensuite pris une voie
différente, plus marquée par le mouvement tel que
j’ai pu le découvrir par exemple chez Jiří
Kylián. L’important, pour moi, c’est le lyrisme, le
mouvement qu’on fait naître à partir de la technique
classique – que j’adore!
Venons-en à votre dernière création, Tristan et Isolde,
qui aura lieu le 28 décembre à Florence. Vous avez retenu
des interprètes on ne peut plus classiques, Dorothée
Gilbert et Mathieu Ganio, de l’Opéra de Paris. Pourquoi un
tel choix ?
En
2011, j’avais créé, dans la cour intérieure
du Palazzo Strozzi [à Florence], un duo - une sorte
d’«étude chorégraphique» - sur la Mort
d’Isolde, pour Tayma Niane Baldó, une jeune danseuse
espagnole – métisse -, et Stefano Palmigiano, un ancien
danseur au Ballet de Hambourg. Je suis un grand amateur de Wagner, et Tristan et Isolde
est mon opéra préféré. Mon père lui
aussi aimait beaucoup Wagner, et c’est donc un compositeur qui
m’était familier dès mon plus jeune âge.
Ensuite, j’ai travaillé avec Maurice Béjart, qui a
souvent utilisé de la musique de Wagner dans ses ballets, et
j’ai moi-même participé à la création
du Ring. C’était
d’ailleurs ma dernière création avec Béjart.
Pendant trois mois, j’ai ainsi écouté du Wagner
tous les jours, mon oreille s’est faite à Wagner. Un jour,
j’ai écouté Tristan et Isolde,
et je suis devenu
complètement fou de cet opéra. Après le duo sur la
Mort d’Isolde, je me suis dit que jamais personne n’avait
pensé à écrire un ballet sur Tristan et Isolde,
dont le sujet se prête pourtant très bien à la
danse. A partir de là, j’ai envisagé de
monter un beau pas de deux, qui serait une sorte de synthèse de
l’opéra, avec seulement les personnages principaux,
Tristan et Isolde. Pour pouvoir tenir une soirée entière
avec un tel pas de deux, il me fallait des danseurs qui
possèdent un certain poids artistique et technique. J’ai
pensé à Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio, que
j’avais découverts en 2004, lorsque Brigitte
Lefèvre avait fait appel à moi comme juré lors du
concours de promotion à l’Opéra de Paris. Les deux
m’avaient vraiment impressionné par leur présence,
et bien sûr par leur technique. Ils sont aujourd’hui en
pleine maturité artistique, ils ont une grande aisance
technique. Et je pense aussi que leur sensibilité et leur
personnalité correspondent bien aux deux protagonistes de Tristan et Isolde.
Je voulais d’un côté une femme très forte
– en fait, c’est Isolde qui décide de tout -
et de l’autre, un garçon très sensible, qui se
laisse prendre par ses émotions jusqu’au point d’en
mourir. Je les ai donc contactés, et ils ont trouvé le
projet intéressant, et nous avons décidé de
collaborer.
Vous allez faire travailler Dorothée Gilbert sur pointes?
Oui.
Comme je vous le disais, c’est une danseuse classique, et moi,
j’adore la technique classique. Et paradoxalement, il faut avoir
une très bonne technique pour pouvoir se libérer du
classique.
Qu’avez-vous gardé de la musique de Wagner?
Le
ballet sera structuré de la manière suivante :
d’abord, le Prélude du premier acte, qui est le moment de
la rencontre, sur le bateau. Puis vient la nuit d’amour, du
second acte, et le ballet se termine évidemment sur la mort
d’Isolde. Avant la nuit d’amour, il y a une sorte de
transition avec l’air de Brangäne [«Einsam wachend in
der Nacht», ndlr], où elle donne le philtre. Après
la nuit d’amour, on passe au troisième acte, dont les
premières notes de musique annoncent déjà la mort
d’Isolde. Dans le ballet, il y a deux séquences
vidéo tournées par James Bort, avec Dorothée
Gilbert et Mathieu Ganio, afin de montrer en gros plan les
émotions qu’ils vivent lorsqu’ils
interprètent la chorégraphie sur scène. Cela doit
en quelque sorte amplifier l’action scénique.
James
Bort, ce n’est pas un secret, est le mari de Dorothée
Gilbert. Est-ce que cela a une importance dans ces vidéos,
est-ce que sa manière de filmer est de ce fait plus intimiste,
plus personnelle? Avez-vous essayé de jouer là-dessus?
J’ai
voulu collaborer avec James Bort parce que je trouvais que ce
qu’il faisait était très beau. Et je pense que le
fait qu’il soit l’époux de Dorothée Gilbert
l’a poussé à aller plus loin dans son travail, et
à filmer de manière plus intime, bien sûr. Je
n’ai pas encore vu la totalité du montage mais j’ai
pu visionner les rushes, et il y a vraiment de très belles
images. Au-delà du talent et de la technique, il y a la
connaissance intime de la personne filmée, et cela compte.
Revenons-en à la musique. Tristan, c’est un flot quasi-ininterrompu de musique. Comment arrive-t-on à y faire des coupures?
En
fait, j'ai pris le Prélude du premier acte, qui ne comporte pas
de partie vocale ; pour le second acte, j'ai trouvé une
transcription pour orchestre, une suite symphonique,
réalisée par Leopold Stokowski, qui comprend donc un
début et une fin, et heureusement pour moi, pas de chant non
plus! C'est mon consultant musical, Luca Berni, qui a attiré mon
attention sur cette transcription, qui date des environs de 1940 [en
fait, il s'agit de la «Symphonic Synthesis» de Tristan et Isolde
arrangée par Stokowski en 1935, ndlr]. Lorsque c'était
vraiment impossible de faire autrement, j'ai utilisé des
transitions sonores en fondu, des «fade in» et des
«fade out». La seule partie chantée que j'ai
conservée, c'est la mort d'Isolde. J'ai choisi pour cela
l'enregistrement d'Erich Kleiber, avec Margaret Price. Je voulais une
voix un peu plus intime. Margaret Price n'est pas vraiment une
wagnérienne, sa voix a moins de puissance, mais elle est plus
touchante, plus intériorisée.
Est-ce que le fait que Wagner soit mort en Italie, à Venise, revêt un caractère symbolique pour vous?
Oui,
bien sûr. Et ce Tristan et Isolde était initialement
prévu pour Venise, justement, où Wagner a composé
le deuxième acte de l’opéra. Entre temps,
l’Opéra de Florence, qui venait d’inaugurer son
nouveau bâtiment, m’a contacté, et a tenu à
avoir la première mondiale. J’ai sauté sur
l’occasion, mais cela ne m’empêche pas de vouloir
faire représenter mon ballet à Venise également.
J’y tiens. En plus, j’ai découvert cela alors que
j’étais en train de concevoir la chorégraphie, 2015
marquera le 150ème anniversaire de la création de Tristan et Isolde
- à Munich - et donc, j’aimerais aussi faire quelque chose
là-bas, et puis amener le ballet à Venise, là où
Tristan est né, d’une certaine façon.
Votre Tristan et Isolde est en fait un immense pas de deux, non? Y a-t-il d’autres danseurs qui y participeront?
Non,
c’est vraiment un pur pas de deux, qui dure environ cinquante
minutes. C’est pour ça que je tenais à avoir des
danseurs solides sur le plan artistique, et qui ont aussi une certaine
résistance physique. Ils ne quittent quasiment jamais la
scène durant tout le spectacle, à l’exception des
deux brèves vidéos.
Y a-t-il une scénographie?
Oui,
le décor est constitué d’un voile argenté,
très léger, qui sert également
d’écran pour les projections vidéo, et qui a
été imaginé par Thierry Good. Pour les costumes,
j’ai eu la chance de collaborer avec la styliste Yiqing Yin, une
Française qui travaille actuellement pour la maison Leonard, à Paris.
Vous avez adapté le budget à vos projets, ou vos projets au budget?
Nous
disposions d’un budget fixé à l’avance, et il
était impératif de le respecter. On a cherché ce
qu’on pouvait faire de mieux avec l’argent dont on
disposait. Après, bien sûr, on va essayer de vendre le
spectacle. Le plus difficile, c’est de le produire. Après,
les choses viennent d’elles-mêmes.
Vous nous avez parlé de l’influence qu’a
exercée Jiří Kylián sur vous. Lorsque vous avez
conçu Tristan et Isolde, avez-vous également pensé
à John Neumeier, qui s’est lui aussi
intéressé à l’univers wagnérien, avec
son Parzival, notamment?
Oui, j’ai travaillé avec Neumeier, qui avait créé Spring and Fall
à Genève, quand j’étais là-bas. Pour
moi, c’est un chorégraphe qui sait très bien
raconter une histoire à travers la danse. Forcément, tous
les chorégraphes avec qui j’ai eu l’occasion de
travailler, ont laissé quelque chose en moi, leur influence est
présente, même s’il faut aussi que ma propre
personnalité se détache.
Vous parlez de narration. Alors votre ballet raconte-t-il l’histoire de Tristan et Yseult?
Je dirais que je fais de la «narration
émotionnelle». Je ne raconte pas exactement une histoire,
même si, pour que les choses restent intelligibles, lisibles, je
dois préserver certains éléments factuels, comme
lorsque Tristan et Isolde boivent le philtre d’amour. Mais ce que
je veux avant tout, c’est raconter les émotions des
personnages, en situation. Ce n’est donc ni vraiment un ballet
abstrait, ni vraiment un ballet narratif.
Est-ce que ce ballet pourra un jour être dansé par
d’autres interprètes, ou est-il spécifiquement
créé autour de Dorothée Gilbert et de Mathieu
Ganio?
Chaque création est spécifique, donc oui, Tristan et Isolde
a été créé pour et autour de
Dorothée et Mathieu. Il sera certainement aussi dansé par
d’autres et, forcément, ce ne sera pas tout à fait
pareil, car j’ai conçu le ballet en fonction de leur
personnalité. Et donc, des adaptations seront
nécessaires. Mais il faudra trouver des interprètes qui
auront un physique et une sensibilité proches de ceux de
Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio, ce qui n’est pas
forcément facile. C’est possible, mais pas facile.
Est-ce que le spectacle peut encore évoluer?
Oui,
tous les spectacles évoluent, en fonction du lieu de
représentation, des interprètes, et aussi de la
volonté du créateur! Je peux avoir envie de modifier,
d’améliorer certaines choses.
Et pour la suite, avez-vous déjà d’autres projets en tête?
Oui, j’ai toujours des projets. J’aimerais par exemple créer quelque chose sur les Wesendonk Lieder, qui viendraient en première partie de soirée, avant Tristan et Isolde, dont ils sont les précurseurs.
Une passion pour Wagner donc, même s’il
n’était lui-même pas un grand amateur de ballet (il
n’a accepté d’introduire une scène
dansé dans la version parisienne de Tannhäuser
qu’avec beaucoup de réticences)?
Oui,
exactement! Mais bon, maintenant Wagner n’est plus là pour
se plaindre! Cela dit, j’ai été agréablement
surpris, car lorsque j’ai parlé avec la Présidente
du Cercle des Amis de Wagner, à Venise, elle s’est tout de
suite montrée intéressée par le projet.
J’avais conscience que cela serait peut-être difficile
à accepter pour des wagnériens purs et durs, un ballet
sur Tristan et Isolde. Mais
c’était vraiment un besoin irrépressible pour moi,
de faire cette création. J’aimerais aussi
réaliser une chorégraphie pour un effectif plus
important, par exemple une Cendrillon.
La musique de Prokofiev est magnifique. J’avais
déjà monté un Roméo et Juliette, et je me
dis que le moment est venu d’un nouveau rapprochement avec
Prokofiev.
Vous avez beaucoup parlé de votre amour pour la musique. Vous jouez vous-même d’un instrument?
C’est
ma grande frustration! J’ai commencé le piano à
l’âge de huit ans, mais mon professeur me faisait faire
essentiellement du solfège, pendant des mois, je n’ai pas
pu toucher le clavier, et j’ai fini par me décourager et
j’ai abandonné! Pourtant, je le regrette.
Giogio Mancini - Propos recueillis par Romain Feist
De
nationalité suisse, né à Genève, Thierry
Good commence sa formation comme assistant-décorateur au théâtre
de Wuppertal et la poursuit au sein des ateliers de peinture du
Grand Théâtre de Genève où il obtient un diplôme
fédéral de peintre en décors. Il crée ses
premiers décors et costumes à Genève et
s’installe à Paris en 1987,
travaillant au théâtre et à l’opéra
comme assistant, entre autres, de Claudie Gastine, Wolfgang Gussmann, Roberto Platé, Paul Steinberg, Pierre Strosser.
De
1995 à 2000, Joël Dragutin lui confie, au
Théâtre 95, les costumes de ses propres créations :
Sens Unique, La nouvelle Vague… ainsi que Le Mariage de Figaro. En 1999, l'Opéra de Massy lui propose les décors et les costumes du Faust de Gounod, mis en scène par Henri Lazarini. Puis en 2000, il retrouve le Théâtre 95 pour la scénographie de la Double Inconstance, mis en scène par Geneviève Rosset. En 2001, au Théâtre Mouffetard, il retrouve Lazarini pour Lorenzaccio. Parallèlement de 1997 à 2001, il enseigne au Gréta des arts appliqués pour le stage «Décor et patine de costumes».
Début 2002, il collabore avec le chorégraphe Giorgio Mancini, dont il crée les costumes de Bach Per Gioco pour
le Badisches Staatstheater de Karlsruhe et la scénographie de
Words No Longer Heard au Grand-Théâtre de Genève. De 2003 à 2010, Marcel Maréchal et les Tréteaux de France lui confient les décors de La Puce à L’Oreille, George Dandin, Rabelais, Falstaff's Stories, Les Caprices de Marianne, Oncle Vania... En 2006, il crée le décor de l'Appel du Pont, mise en scène par Mercédes Brawand au théâtre Pitoëff de Genève.
En 2007, il réalise pour Divine Emilie, un téléfilm d'Arnaud Sélignac une série d’objets scientifiques d'après le XVIIIè siècle. A Saint-Maur en 2008, il crée pour le théâtre, le décor d’Ultimes dialogues mise en scène d'Alexandra
Royan, puis pour le conservatoire, la scénographie et la mise en
scène pour la création de l'opéra d’Olivier Kaspar, Le Roi se meurt. Au printemps 2009 pour l'Opéra national Grec d'Athènes, il crée le décor de Rusalka de Dvorak, mise en scène de Marion Wassermann, repris à l'Opéra de Nice en 2010. Puis, pour les dix ans du Festival de Figeac, crée par Maréchal, Le Bourgeois Gentilhomme. Au Lucernaire en mars 2012, il crée le décor de La Dame d'Ithaque de David Pharao et Isabelle Pirot, puis en octobre, avec Ecla-Théâtre, Le Livre de le Jungle d'après Kipling. En projet : Le Mal court (Audiberti) et La Seconde surprise de l'amour (Marivaux).
Née
en 1985 à Pékin, en Chine, Yiqing Yin a étudié
à l’École Nationale Supérieure des Arts
Décoratifs. Son travail révèle une nouvelle
approche de la couture, qui lui vaut d’être
récompensée par le grand prix de la création de la
ville de Paris en 2009. Présentée lors du Festival
International de la mode de Hyères en 2010, sa première
collection «Exil» s’expose dans les vitrines du
Ministère de la Culture et à la Galerie Joyce qui
l’invite à mettre en scène ses créations
oniriques en février 2011.
La
collection «The Dreamer» a par ailleurs été
exposée au bar Vogue de l’hôtel Crillon lors de la
semaine de la mode (mars 2011). Yiqing Yin figure parmi les 8 jeunes
créateurs à suivre sélectionnés par le
magazine Vogue France. En
juin 2011, elle remporte le Prix des Premières collections de
l’ANDAM et défile pour la première fois le 7
juillet 2011 pendant la semaine de la Haute Couture à Paris.
Immigrée
en France à l’âge de quatre ans, puis voyageant de
pays en pays, ses vêtements lui ont souvent servis de points de
repère : «Réintégrant
mes habits, j’habitais de nouveau mon corps et mes
émotions ; j’étais chez moi». Aussi elle a
souhaité créer un vêtement qui protège et
renforce, à la fois seconde peau et armure molle. Sondant les
capacités dynamiques du pli, elle imagine des structures jamais
figées, des volumes en mutation. Elle sculpte le vide autour du
corps avec, comme ligne directrice, la recherche des équilibres
et des points de rupture entre les zones flottantes et les zones
sculptées. La modernisation de la technique du smock et
l’abolition de toute hiérarchie de construction lui
laissent une grande latitude d’expérimentation. Elle
modèle ainsi des volumes flous à l’architecture
étourdissante. Elle avoue son attrait pour les modes de
création intuitif, l’errance sensorielle et la recherche
d’accidents volontaires. Chaque rencontre ouvre un nouvel
itinéraire possible, une nouvelle identité.
Depuis
janvier 2012 la Maison Yiqing Yin figure officiellement au calendrier
des présentations de la Fédération
Française de la Couture en tant que membre invité, tandis
que ses collections Prêt à Porter sont distribuées
dans le monde. Elle collabore également avec des marques
prestigieuses telles que Cartier, Guerlain, Swarovski, Lancôme
pour lesquelles elle a réalisé les tenues des campagnes
internationales. En
2013, Yiqing signe la robe de l’actrice Audrey Tautou,
maîtresse de cérémonie lors du Festival de Cannes.
Depuis mars 2014, elle est nommée à la tête de la
direction artistique de la Maison Léonard tout en poursuivant en
parallèle ses activités pour sa propre maison.
Le
contenu des articles publiés sur www.dansomanie.net et
www.forum-dansomanie.net est la propriété exclusive de
Dansomanie et de ses rédacteurs respectifs.Toute reproduction
intégrale ou partielle non autrorisée par Dansomanie
ou ne relevant pas des exceptions prévues par la loi (droit de
citation
notamment dans le cadre de revues de presse, copie à usage
privé), par
quelque procédé que ce soit, constituerait une
contrefaçon sanctionnée
par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la
propriété
intellectuelle.
Entretien
réalisé le 15 décembre 2014 - Giorgio Mancini © 2014,
Dansomanie
Notices biographiques de Thierry Good et Yiqing Yin : service de presse, GM Ballet
|
|