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entretiens
Camille de Bellefon : de Lausanne à Paris via Vienne

06 juillet 2013 : Concours et autres aventures, par Camille de Bellefon


Camille de Bellefon aura fait d’une pierre deux coups. De retour à Paris avec le Ballet de Vienne, elle en profite pour repasser une dernière fois le concours d’entrée dans le corps de ballet de l’Opéra. Et se retrouve engagée. Nous l’avons rencontrée le lendemain de ce fameux concours, encore sous le coup de l’émotion, pour évoquer son parcours. En attendant de la revoir sur la scène de l’Opéra de Paris la saison prochaine, on pourra l’applaudir durant les deux semaines à venir avec le Ballet de Vienne au Théâtre du Châtelet. Elle est en effet distribuée dans les trois actes de Don Quichotte.








Comment avez-vous commencé la danse?


Je suis originaire de Lannion, dans les Côtes d’Armor. C’est là que j’ai commencé la danse, dans une petite école ouverte par d’anciens sujets de l’Opéra : Yvan Perronno et Catherine Collignon. Ils ont pris leur retraite et sont venus s’installer à Lannion. Moi je n’avais qu’une envie, c’était danser. Ça tombait bien, leur école venait d’ouvrir, mes parents m’y ont inscrite et ça a tout de suite très bien marché. Mais mes professeurs m’ont expliqué que si je voulais devenir professionnelle, il fallait que j’aille à Paris.

J’ai eu de la chance d’avoir des parents compréhensifs. Ils m’ont toujours soutenue, encouragée, sans pour autant me forcer. Ce sont des passionnés eux aussi. Dans un tout autre domaine, puisqu’ils sont dans le monde des chevaux de course. Ils ont très bien compris cette passion pour la danse que j’ai eu toute petite et mon désir d’en faire ma carrière. Je ne sais pas d’où ça venait, parce qu’à l’époque je n’avais jamais vu de ballet. Le premier ballet que j’ai vu, c’était à la télévision : Cendrillon, avec Sylvie Guillem et Charles Jude. Ça m’a fascinée, mais j’avais déjà commencé la danse.


Vous avez tenté l’examen d’entrée à l’Ecole de l’Opéra de Paris?

Bien sûr! Et j’ai été recalée deux fois. La première fois, j’avais neuf ans. Ce fut mon premier échec… [rires] Je me suis présentée chez Jennifer Goubé et j’ai passé un an dans son cours, à la salle Pleyel. Ensuite, je suis entrée au CNR, où je suis restée un an, puis j’ai passé l’examen d’entrée au Conservatoire où j’ai fait mes cinq années d’études. En fait, j’avais fait une croix sur l’Opéra. Mais au Conservatoire, mon professeur, Claude de Vulpian, m’a conseillé de passer l’audition de l’Opéra, pour entrer dans le corps de ballet. Je passais alors mon prix au Conservatoire, il y avait aussi le bac, tout se précipitait. Je n’avais pas le temps de préparer la variation. J’étais de toute façon persuadée que je ne serai jamais prise. Elle a insisté et elle m’a dit que ce serait au moins une bonne expérience pour moi. Finalement j’ai passé l’audition, j’ai été classée et c’est là que tout a commencé.


Vous avez également participé au Prix de Lausanne, quels souvenirs en gardez-vous?

Excellent! Je me souviens de beaucoup de pression aussi. La préparation a été longue et difficile parce que le Conservatoire ne voulait pas que j’y participe. J’ai donc préparé - un peu «secrètement» - le concours. Jennifer Goubé a gentiment accepté que je représente son école et m’a donné quelques conseils. C’est la pétillante Brésilienne Evandra Martins, qui fait partie de l’équipe de Jennifer, qui m’a coachée et m’a accompagnée à Lausanne. Pendant une semaine, nous avons eu la chance de travailler avec de très bons professeurs. Cela m’a permis d’apprendre énormément de choses, et de rencontrer des danseurs exceptionnels du monde entier. Ça a vraiment été une très bonne expérience.


Après votre participation, vous aviez eu des propositions de compagnies?

Il s’agit d’un concours pour jeunes danseurs, on vous propose donc des bourses pour des écoles ou d’intégrer des juniors ballets. J’ai eu sept propositions, dont Hambourg, Houston, Zurich. Mais j’ai tout refusé car quelques mois plus tard je passais pour la première fois le concours de l’Opéra, où j’ai été bien classée. A l’Opéra, on m’a dit qu’on m’appellerait sûrement pendant l’année. J’ai donc préféré rester à Paris et terminer mes études au Conservatoire avec le Junior Ballet. A la fin de la saison, l’Opéra m’a appelée et m’a demandé si j’étais libre. Il s’agissait d’un remplacement sur Proust ou Les Intermittences du coeur et La Fille mal gardée. Ça tombait bien pour les dates. J’ai passé mon prix au Conservatoire, j’ai obtenu mon diplôme et trois jours après, j’étais à l’Opéra pour Proust. J’ai repassé le concours d’entrée. J’étais un peu mieux classée, et ils m’ont prise dès le mois de septembre.


En tant que surnuméraire, vous avez beaucoup dansé?


J’ai touché aussi bien aux grands ballets classiques (Giselle, Casse-noisette, La Bayadère…) qu’aux ballets contemporains. J’ai fait du Mats Ek, Le Sacre du printemps de Pina Bausch, des souvenirs vraiment extraordinaires. J’ai pas mal dansé, mais le fait d’être toujours remplaçante, de ne jamais savoir quand on danse, de ne pas pouvoir passer le concours de promotion, de ne jamais partir en tournée…, c’est un peu dur et c’est pour cette raison que je suis allée à Vienne.

Je suis restée surnuméraire trois ans et demi. Les deux premières années, j’ai beaucoup dansé. Il y avait pas mal de blessées, il manquait des filles… On découvre son métier, tout est nouveau, on est rarement titulaire d’une place et quasiment toujours remplaçante mais c’est un processus normal quand on arrive dans une compagnie. Ces deux dernières années, c’était beaucoup moins intéressant. Il était temps pour moi de passer à autre chose. Il n’y a pas que l’Opéra de Paris non plus! J’avais envie de danser et je pense qu’il faut d’abord penser à soi. Le prestige c’est une chose, mais c’est quand même la danse avant tout.


Comment avez-vous été engagée à Vienne?

J’ai passé l’audition à Vienne en janvier dernier. Je voulais absolument m’assurer un contrat pour le mois de septembre. Pour moi, il était hors de question de rester surnuméraire à l’Opéra, surtout après avoir passé vingt-six Don Quichotte en coulisse au mois de décembre! Manuel Legris m’a annoncé que j’étais prise première. Il était prêt à m’engager immédiatement si j’étais disponible. Je lui expliqué que j’étais sous contrat avec l’Opéra et que ça pouvait être compliqué… J’en ai ensuite parlé à Brigitte Lefèvre qui a été très compréhensive. On a rompu mon contrat et elle m’a laissé partir à Vienne. Le «deal» en quelque sorte, c’était que je puisse passer l’audition une dernière fois à l’Opéra en juillet.

Je suis donc partie à Vienne. J’ai dansé dans La Sylphide, dans Don Quichotte, dans une soirée «Création et Tradition» au Volksoper et dans le gala Noureev. Et me revoilà donc à Paris! On est arrivés avec la troupe le 2 juillet et j’ai pu passer l’audition le 5. J’ai retenté ma chance une dernière fois et ça a marché! C’est incroyable, je ne m’en remets toujours pas…


Votre choix s’est porté sur le Ballet de Vienne mais aviez-vous passé des auditions ailleurs?

J’avais passé l’audition du Ballet de Boston, où je n’ai pas été prise. L’audition s’est mal passée et ça m’a «mis la rage» pour la suite. Une semaine après, il y avait celle de Vienne. J’ai changé complètement mon comportement. Il était hors de question que je me fasse virer en plein milieu et ça a fonctionné.


Vous vous connaissiez avec Manuel Legris? Il vous avait peut-être déjà repéré à Paris?

La première fois que j’ai mis un pied en scène à l’Opéra, c’était lors du défilé pour ses adieux. Nous nous sommes donc juste croisés. Je n’avais que de bons échos sur sa direction à Vienne. Très tentée par la compagnie, je n’ai pas hésité un instant quand il m’a proposé le poste.



Et pourtant, vous choisissez maintenant de revenir à l’Opéra. Pourquoi?

Je reviens alors que je ne m’y attendais vraiment pas. J’ai passé le concours avec beaucoup moins de pression. J’étais prête à repartir à Vienne, j’étais très contente là-bas. Mais l’Opéra c’est un rêve qui se réalise enfin! Il y a bien sûr la sécurité de l’emploi qu’il n’y a pas dans les autres compagnies, mais ma motivation et mon choix se font par rapport à ses danseurs excellents, à ce répertoire très riche, à ce lieu et aux conditions de travail exceptionnelles. C’est aussi pour l’Opéra que j’ai travaillé pendant quasiment quatre ans et j’aime cette compagnie. C’est maintenant le concours de promotion qui m’attend en novembre, et j’en suis ravie.


Il n’y avait pas énormément de places au concours d’entrée dans le corps de ballet. Dans quelles conditions l’avez-vous passé?

Une audition, ce n’est jamais très agréable, mais comme je savais que j’avais un poste assuré à Vienne, pour la saison et peut-être plus (les contrats sont renouvelés chaque année, contrairement à l’Opéra où les danseurs sont engagés jusqu’à 42 ans), et que par ailleurs j’étais très contente dans cette compagnie, j’y suis allée bien plus détendue que les autres années. Je ne savais même pas combien il y avait de postes. J’ai un peu moins travaillé, c’était plus instinctif, et finalement ça a mieux marché. Je ne sais pas ce qui s’est passé au niveau des postes, mais je dois dire que ce poste rajouté me convient très bien!


Comment se déroule le concours d’entrée dans le corps de ballet?

Ça se passe dans le studio Petipa. D’une année sur l’autre, les modalités peuvent changer un peu. On ne porte pas de costumes, on est en tunique blanche avec un dossard. Cette année, on était un peu plus d’une centaine de filles, je pense. Ils ont fait trois groupes pour la barre. Moi j’étais dans le premier groupe, comme chaque année, puisque c’est par ordre alphabétique. On attend que les deux groupes suivants passent. C’est très très long. Pendant que les autres passent, on nous redescend dans les autres studios, Noureev et Lifar. Ensuite, le jury délibère et annonce les numéros qui restent – c’est un peu la boucherie… [rires] Après la barre, il n’y a plus qu’un groupe qui reste pour le milieu. On était assez nombreuses, une petite trentaine peut-être.

Après des exercices assez classiques, Florence Clerc nous a dit : «Maintenant on va passer aux choses sérieuses. On va faire une variation.» On s’est toutes regardées, c’était inattendu! Elle avait créé une petite variation pour voir notre aptitude à apprendre. Ce n’était pas évident du tout. Pour la variation imposée ensuite, ils ont dû garder une quinzaine de filles, je ne sais pas exactement. Il y a aussi la petite clochette comme au concours de promotion. C’est une ambiance un peu dure. J’avoue que ce concours, je ne pourrai plus le repasser. Je savais que cette année c’était la dernière fois. Je pense que le concours de promotion sera très différent :  scène, public, costume, ça change tout. Je suis aussi contente qu’Hannah O’Neill ait été prise, elle le mérite vraiment. C’est une très belle danseuse et elle a toutes les qualités pour entrer à l’Opéra. Pendant l’audition, j’étais persuadée que c’était elle qu’ils prendraient.



Quelles personnalités y avait-il dans le jury?

Il y a toujours deux personnalités invitées : cette année, c’était Paola Cantalupo et Loipa Araujo. Sinon, il y avait Laurent Hilaire, Lionel Delanoë, Elisabeth Platel, Brigitte Lefèvre, les représentants des danseurs, Christophe Duquenne, Myriam Kamionka, Audric Bezard… J’ai compté, ils étaient dix-sept en tout, mais ils ne sont que douze à voter.


Comment Manuel Legris a-t-il pris votre engagement à l’Opéra?

Je l’ai croisé hier [5 juillet 2013, ndlr.] dans l’ascenseur. Il savait déjà que j’étais deuxième. Il s’est montré très compréhensif. Ce concours, ça faisait partie de notre contrat. Il m’a félicitée tout en me disant qu’il aurait bien aimé me garder pour la saison prochaine. Les maîtres de ballet comprennent aussi, bien qu’un peu déçus.


Comment s’est passée votre arrivée à Vienne?

Je ne connaissais pas du tout l’Autriche, c’était la grande découverte! J’ai passé l’audition en janvier et je suis arrivée en mars. J’ai été très bien accueillie, les danseurs et les maîtres de ballet ont été adorables, on m’a présentée à la compagnie. Ça change de l’Opéra, qui est une grosse machine où l’on ne fait pas forcément attention à vous. J’avais trouvé un hébergement provisoire grâce à des amis d’amis. Pendant une semaine, j’ai dormi sur leur canapé, le temps de trouver une colocation, à dix minutes de l’Opéra en tram. C’était un peu l’aventure… et j’adore ça. Vienne est une belle ville, avec tellement de choses à visiter et à découvrir, il y a aussi beaucoup d’espaces verts, c’est très agréable. Les gens sont aussi plus sereins qu’à Paris, ça change!


A Vienne, qu’avez-vous pu danser?

J’ai commencé par La Sylphide en tant que corps de ballet. J’ai ensuite été remplaçante sur le pas de six de Laurencia qui était programmé à l’occasion d’une soirée «Création et Tradition» au Volksoper. Il se trouve que sur la dernière, une fille s’est blessée. Manuel Legris m’a appelée à quatre heures de l’après-midi et m’a proposé de remplacer le soir-même. Je ne connaissais pas mon partenaire, je ne savais pas si j’allais entrer dans le costume, je n’avais pas travaillé cette place depuis trois semaines, car entre temps on avait eu des vacances… bref, c’était un peu chaotique! J’ai pris mon courage à deux mains et le spectacle s’est très bien passé. Après ça, Manuel Legris a changé les distributions de la tournée à Paris et m’a mise dessus. C’est une place de demi-soliste, c’est vraiment intéressant pour moi et un grand plaisir aussi. A Paris, c’est certain, je n’aurais pas eu cette possibilité.


Vous avez pris quelques cours d’allemand?


Non. J’ai commencé avec la méthode Assimil et au bout de quelque temps, j’ai laissé tomber. Au théâtre, on parle anglais, c’était l’occasion de progresser!


Quels bons souvenirs gardez-vous de votre collaboration avec le Ballet de Vienne?

Je dirais Laurencia. C’était vraiment une chance. Je n’en revenais pas moi-même de ma performance. Ça s’est bien passé alors que ça n’était pas gagné d’avance. Il y a aussi le fait d’avoir été félicitée par Manuel Legris, de le voir changer ses distributions, tout ça est bon pour le moral. A l’Opéra, quand on fait un remplacement de dernière minute, on te dit, au mieux, que ça n’est pas mal, et sinon, on te dit surtout ce qui ne va pas. Sinon, il y a eu un très beau gala Noureev. Aurélie Dupont et Manuel Legris ont dansé le pas de deux de Sylvia  et c’était magique de les revoir danser tous les deux. C’est aussi grâce à ce gala que j’ai pu travailler avec l’Etoile française : un moment privilégié!


Vous n’avez pas eu de contact avec le public autrichien?


Sincèrement, non. Je crois que c’est un bon public, bouquets et peluches volent beaucoup pour les saluts!


Le travail est-il très différent à Vienne par rapport à celui que vous avez connu à l’Opéra? C’est Manuel Legris qui vous donne le cours?


Non, Manuel Legris prend le cours avec nous! Et il est absolument incroyable. Ensuite, il fait répéter, plutôt les solistes, mais il s’occupe aussi des parties du corps de ballet.

Pour le reste, nos emplois du temps sont très différents à Paris et à Vienne. Le cours là-bas est à 10h. Il n’y a qu’un cours, enfin un cours garçon et un cours filles. Le cours dure 1h-1h15, alors qu’à Paris c’est 1h30. Ce cours est obligatoire. Si on part avant la fin, on doit prévenir. On enchaîne ensuite directement la répétition, après quinze minutes de pause. Les répétitions durent 1h-1h30. C’est court mais c’est juste ce qu’il faut. A Paris, c’est 2h30 et c’est beaucoup. A Vienne, on manque parfois de temps, c’est l’inverse. Du coup, nos journées se terminent assez tôt, vers 17h-17h30, sauf lorsqu’on a spectacle. En fait, on enchaîne les répétitions : une heure sur tel ballet, une heure sur tel autre… A Vienne, on a des mini-séries de spectacles, reprises plus régulièrement qu’à Paris. Mais ce qui change vraiment ce sont les répétitions en scène, seulement une ou deux à Vienne, voire pas du tout pour les reprises, contre une semaine à Paris. Le spectacle est forcément moins rodé à la première.


Sur le plan du style, est-ce que vous avez perçu des changements?

Il y a deux maîtres de ballet français, Chantal Lefèvre et Jean-Christophe Lesage, qui donnent aussi les cours. Il y a un Russe, Albert Mirzoyan, et une Roumaine, Alice Necsea. C’est un peu différent mais je n’ai pas été dépaysée. Après, c’est plus ou moins dur selon les professeurs.


Pour ce qui est du cadre, les conditions de travail des danseurs sont-elles très différentes de Paris?

La scène est un peu plus petite qu’à Paris et elle est horizontale. Les studios, je les adore. Il y a de grandes fenêtres. Quand on arrive le matin, on voit le soleil qui pénètre dans le studio, c’est vraiment très agréable. C’est mieux que les néons du studio Petipa! Après, il n’y a que deux studios, plus un petit. Si l’on veut travailler seule, ça n’est pas évident. Quelques studios en plus, ce ne serait pas du luxe!

Ce qui m’a frappée quand je suis arrivée à Vienne, c’est que les danseuses portent toutes des pointes différentes – des Sansha, des Bloch, des Freed… -, alors qu’à Paris quasiment tout le monde porte des Freed. Le budget n’est pas du tout le même à Vienne et l’on a beaucoup moins de pointes – trois ou quatre par mois pour le corps de ballet. Il faut bien calculer. A Paris, il y a tout un système de comptage – une paire pour deux ou trois actes, une paire pour les cours…- finalement bien assez.


Est-ce qu’on souffre, en tant que danseur, de l’importance du lyrique à Vienne?

A Paris, les choses sont quand même plus équilibrées. A Vienne, le ballet c’est un peu la cinquième roue du carrosse. Mais grâce à Manuel Legris et Dominique Meyer, le ballet a acquis plus d’importance. Les choses sont en train de changer. Entre le Staatsoper, le Volksoper et les tournées, on danse beaucoup, mais finalement, au Staatsoper même, il n’y a pas tant de représentations que ça.


Vue de Paris, Vienne a une image de ville un peu conservatrice. Il y a aussi le côté un peu «kitsch» du Concert du Nouvel-An. Qu’en pensez-vous?

A Vienne la musique est partout, les gens s’y connaissent beaucoup plus et vont facilement aux concerts, écouter un opéra. Il y a aussi la tradition des bals, avec orchestre et robes longues, les valses… On est vraiment dans un autre monde. Pour les Viennois, cela fait partie de leur patrimoine, de leur culture. J’ai eu la chance d’y aller et j’ai adoré me plonger dans cette atmosphère. Il ne faut pas le changer, c’est plein de charme!


Quels sont les solistes que vous admirez particulièrement à Vienne et à Paris?

A Vienne, la plupart des solistes sont Russes. Je suis en admiration devant Denys Cherevychko, Maria Yakovleva, Olga Esina. Pour moi, ce sont d’immenses stars. Je n’en cite que trois, mais il y a d’autres très beaux danseurs. Disons qu’à l’Opéra, c’est plus homogène, les danseurs se ressemblent davantage, là, les danseurs viennent d’écoles différentes du monde entier et chacun a quelque chose à apporter à la compagnie.

A Paris, j’adore Aurélie Dupont, Dorothée Gilbert, Isabelle Ciaravola, et bien sûr Nicolas Le Riche, Mathias Heymann et beaucoup d’autres!


Il y a des danseurs français à Vienne?

Il y a Alexis Forrabosco, qui est aussi passé comme moi par le Conservatoire. Il est à Vienne depuis déjà quelques années. Tristan Ridel est là depuis septembre. Il a fait un an ou deux au Conservatoire, puis a étudié à la Royal Ballet School. Samuel Colombet, je le connais mais je l’ai très peu vu, car il est de la troupe du Volksoper.


Vous revenez à l’Opéra de Paris. Qu’est-ce que vous aimeriez faire que vous n’avez pas encore pu faire?

Ce que je n’ai pas pu faire jusqu’à présent, c’est passer le concours de promotion, ça me tient vraiment à cœur. C’est l’occasion de se présenter, de montrer ce qu’on vaut, de se comparer aux autres. Et puis, se retrouver sur cette scène, dans ce Palais Garnier, c’est fabuleux, même si je pense que la préparation ne sera pas une partie de plaisir...


Une idée de variation déjà?

Oui, j’ai déjà quelques idées…



Quel répertoire vous attire le plus – le classique, le néo-classique, le contemporain?

Ce que j’adore à l’Opéra, c’est que son répertoire est extrêmement varié. On peut passer d’un style à un autre. Ça tombe bien, j’aime tout faire!


Vous étiez plus limitée en termes de répertoire à Vienne?

Durant le temps où j’étais à Vienne, c’est vrai, je n’ai fait que du classique, mais par exemple, si vous regardez la soirée de gala, elle est très complète. On a aussi eu une audition avec Natalia Horecna, chorégraphe slovaque, qui nous a fait travailler une variation très contemporaine pour une création qui aura lieu en septembre. C’était un tout autre registre. Je n’ai pas tout vu non plus, je ne suis restée que quatre mois, mais je pense qu’ils touchent eux aussi un peu à tout.


Vous reviendrez un peu à Vienne après la tournée?

Je reste à Paris. J’étais en colocation et j’ai dû libérer ma chambre. J’ai récupéré toutes mes affaires… que j’étais prête à ramener à Vienne en septembre. [rires]


Vous avez peur d’avoir des regrets en choisissant Paris?

Un peu. Je sais qu’à Paris je vais redevenir remplaçante, que je ne vais peut-être pas danser pendant quelques mois, et ça va sûrement être dur. Mais j’ai été capable de partir une fois - cette expérience à Vienne a été géniale -, et je sais que je pourrai repartir une deuxième fois s’il le faut. A l’Opéra, c’est très dur de monter. C’est le plus doué, le plus résistant et le plus fort mentalement qui y parvient. Moi je ne veux pas passer ma carrière dans le corps de ballet. Rester quadrille toute ma carrière, ça ne me fait pas rêver. J’ai vu qu’à Vienne il était plus facile d’évoluer. Manuel Legris donne sa chance à tout le monde.


Vous avez donné envie à d’autres à l’Opéra d’aller voir ailleurs?

Sincèrement, je ne sais pas. Je viens de rentrer, je n’ai pas encore vu grand-monde. A l’Opéra, je sais qu’il y a des danseurs qui aimeraient danser plus, qui voudraient bien tenter leur chance à l’étranger, mais en même temps il n’est pas évident de quitter cette place en or.




Camille de Bellefon - Propos recueillis et retranscrits par Bénédicte Jarrasse


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Entretien réalisé le 06 juillet 2013 - Camille de Bellefon © 2013, Dansomanie


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