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Paola Pagano, Première soliste au Ballet du Capitole de Toulouse
26 mars 2010 : entretien avec Paola Pagano
Rubis (chor. George Balanchine)
Après le spectacle
«A nos Amours», et le déplacement à
Châlons en Champagne, quel bilan tirez-vous de votre
collaboration avec Kader Belarbi?
Tout s’est très bien passé à Châlons.
Nous avons été très bien accueillis et le
spectacle a eu beaucoup de succès. Nous avons
présenté les deux ballets de Kader Belarbi, Liens de table et A nos amours, plus La Pavane du Maure. Il y avait des répétitions sur place et nous avons pu approfondir encore le travail sur ces œuvres.
Pour Liens de table, Kader Belarbi désirait une expression qui
vienne uniquement du corps, sans passer par le visage.
C’était très difficile à rendre. Il semble
qu’à Châlons, il nous a laissé davantage de
liberté. Kader est très perfectionniste et exigeant. Cela
me convient tout à fait car je le suis aussi. De plus, il a
l’intelligence de savoir s’adapter aux danseurs avec
lesquels il travaille. C’est une qualité essentielle pour
un chorégraphe. Par exemple, il a beaucoup modifié Liens de table,
par rapport à la création avec le Ballet du Rhin.
C’était d’ailleurs une difficulté
supplémentaire pour nous car nous avions commencé par
travailler avec son assistant Jean-François Kessler, tandis que
Kader travaillait sur A nos amours, qui lui demandait beaucoup de temps.
Au bout de trois semaines, il a fallu changer les pas, les mouvements,
et nous avions pris de mauvais réflexes.
Beethoven 7 (chor. Uwe Scholz)
Malheureusement, notre collaboration semble s’arrêter
là pour le moment car la tournée que nous devions faire
à Moscou a été annulée, probablement pour
des raisons de financement. Je le regrette beaucoup personnellement, car
je ne suis jamais allée en Russie. Maintenant, avec les emplois
du temps des uns et des autres qui s’organisent, et les vacances,
ça va vite devenir impossible de programmer d’autres
déplacements pour cette année. On a toujours un
goût amer quand on abandonne un ballet et qu’on sent
qu’on peut encore en approfondir l’interprétation.
C’est encore plus vrai quand il s’agit d’une
création. C’est la première fois que le Ballet du
Capitole ne partira pas en tournée. Il y en a toujours une ou
plusieurs selon les années, proposées par les agents
artistiques. On dit que la crise touche aussi la danse…
Mais il peut arriver des propositions inattendues.
L’été dernier, j’ai été
invitée sur l’île de Noureev, Li Galli, près
de Positano. J’ai dansé Apollon avec Gonzalo Garcia, du
NYCB. La scène était minuscule, mais l’endroit
paradisiaque.
Fearful Symmetries (chor. Peter Martins)
Quelles sont les grandes étapes de votre carrière?
J’ai appris la danse à l’Académie Mara Fusco
à Naples. J’ai été engagée à
l’Aterballetto. Puis, à la suite d’une collaboration
avec le Ballet du Capitole, j’ai décidé de venir
à Toulouse.
J’ai connu la compagnie avant que Nanette Glushak n’en
prenne la direction. A l’époque très peu de
spectacles de danse étaient programmés. On apparaissait
principalement dans les ballets des opérettes.
C’était très frustrant pour les danseurs, car on ne
dansait pas suffisamment. J'envisageais sérieusement de partir
lorsque Nanette Glushak est venue pour monter Allegro Brillante
de Balanchine. Elle m’a choisie pour le rôle principal.
C’était mon premier grand rôle. Tout s’est
enchaîné très vite car elle a été
nommée l’année suivante à la tête du
Ballet du Capitole.
Nos conditions ont immédiatement changé. Le nombre des
représentations a augmenté et nous avons surtout
énormément travaillé. Nanette a conservé
l’effectif existant, mais le niveau s’est nettement
amélioré. Quand les grades sont apparus, au début
des années 2000, je suis devenue première soliste. Durant
cette période, j'ai obtenu une autorisation pour travailler
pendant un mois avec Myriam Naisy pour une création.
Concerto Barocco (chor. George Balanchine)
Je fais partie des grandes danseuses, ce qui ne me permet pas
d’aborder tous les rôles. J’ai eu beaucoup de plaisir
à danser Raymonda en début de saison. C’est un
rôle pour lequel Nanette avait une conception très
précise. Parmi les autres rôles qui m’ont
marquée, je citerais Herman Schmerman - Pas de deux de William Forsythe, Concerto Barocco de George Balanchine, Carmen, de Davide Bombana, que j’ai créé avec Luca Masala [directeur de l'Académie de danse de Monaco, ndlr]. Dans La Belle au bois dormant,
j’ai dansé la Fée des lilas, puis lors d’une
reprise, la Fée Carabosse. C’est très amusant de
voir le même ballet dans plusieurs rôles. Je suis une
danseuse lyrique, mais j’ai aussi une personnalité forte,
et Carabosse me permet de mieux l’exprimer.
Carmen (chor. Davide Bombana)
Avez-vous des projets d’avenir?
J’en ai plusieurs mais pour le moment rien de très
précis. J’ai commencé ma carrière
très jeune,
à une époque où je ne pensais qu’à la
danse. Ensuite j’ai eu envie d’apprendre et de faire des
études, juste pour le plaisir. J’ai d’abord
passé mon baccalauréat en France, par
l’intermédiaire du CNAM. Puis j’ai continué
d’étudier. J’ai choisi, un peu par hasard, le
domaine des ressources humaines, puis de l’ergonomie. Cela
m’intéresse beaucoup et touche à des branches
d’activités très diverses. J’étais
presque arrivée à la maîtrise, mais pour continuer,
il aurait fallu que je prenne des congés pour faire des stages
en entreprise, ce qui n’était pas possible. Je pense
m’orienter vers l’aide au handicap. Mais je sens bien que
ce sera très difficile de couper complètement avec la
danse.
Et dans l’immédiat?
Je vais danser Myrtha dans Giselle.
Nous avons déjà commencé à travailler pour
la reprise de Carmen en fin de saison. C’est un ballet avec
énormément de pas, très exigeant. Luca Masala doit
revenir pour faire répéter les solistes..
Paola Pagano - Propos recueillis par Jean-Marc Jacquin
Nine Sinatra Songs (chor. Twyla Tharp)
Entretien
réalisé le 26 mars 2010 - Paola Pagano © 2010,
Dansomanie
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