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dossier le festival du mariinsky 2009
14 mars 2009 22 mars 2009 neuvieme festival international du mariinsky




17 mars 2009 : Don Quichotte - 18 mars 2009 : Le Lac des cygnes


viengsay valdes et leonid sarafanov dans don quichotte
Léonide Sarafanov (Basilio) et Viengsay Valdes (Kitri)

Après un festival 2008 dédié au Lac des cygnes, le Ballet du Mariinsky revenait cette année à une formule plus traditionnelle : un soir, un ballet du répertoire, un soliste invité. Don Quichotte et Le Lac des Cygnes, les premières soirées à suivre cette formule, ont aussi été les plus difficiles à distribuer, avec le remplacement tardif d'Ashley Bouder par Viengsay Valdes et l'invitation de Mikhaïl Kuniskin (Staatsballett Berlin), un danseur que peu connaissaient, à danser aux côtés de Viktoria Tereshkina. Un mélange des genres qui n'a pas été sans incongruité.

Don Quichotte présentait indéniablement, dans l'ensemble, une plus grande cohérence qu'à Baden-Baden cet hiver. La version donnée en tournée souffre de coupes, et même si le Bolchoï semble toujours apporter un zeste de caractère supplémentaire à ce ballet, Saint-Pétersbourg en fait également un spectacle exceptionnel. Beaucoup d'enfants de l'académie Vaganova y prennent part, notamment dans la scène de la Vision, avec une rangée de petits Cupidons qui complètent de manière féérique le dessein géométrique de l'ensemble. Une danse orientale et quelques autres passages viennent s'ajouter aux principales danses de caractère ; Don Quichotte entre en scène sur son cheval, effarouché mais très applaudi. Le rythme de l'ensemble est époustouflant, le seul maillon manquant à cette occasion étant encore le corps de ballet, dans une forme toute relative. Si la Vision était approximative mais correcte, la scène des Demoiselles d'honneur commence à devenir une véritable disgrâce collective, avec un flou artistique jeté sur les comptes et les poses précises. Période de transition? Continuons à l'espérer.

viengsay valdes et leonid sarafanov dans don quichotte
Léonide Sarafanov (Basilio) et Viengsay Valdes (Kitri)

En-dehors de la production elle-même, l'intérêt de cette soirée tenait au choc des cultures visible entre les deux héros. Peut-on faire plus éloigné en termes de style que l'école cubaine de Viengsay Valdes et le style russe moderne (flamboyant) de son partenaire, Léonide Sarafanov? De manière générale, Viengsay Valdes avait tout de l'ovni aux côtés des danseurs du Mariinsky. Là où chaque mouvement est désormais dansé avec une puissance soutenue par les Russes, ses pirouettes sans effort, à l'énergie modulée selon le contexte, ressemblent souvent à un murmure contre l'exubérance générale. Paradoxalement, c'est pourtant évidemment elle qui montre le plus de flair espagnol, avec de délicieux épaulements auxquels le spectateur n'est plus habitué. Son jeu est également plus naturel, empli de modestie – il est rare de voir une Kitri réellement attristée lorsque Basilio lui tourne le dos, prête à s'en aller. Quant à la danse, une fois le premier étonnement passé – quelle sûreté, dégageant complètement le haut du corps, et quelle douceur dans la scène de la Vision, interprétée de manière très romantique, ses bras revenant sans cesse vers Don Quichotte. Le troisième acte est sans excès, léger, les seuls effets virtuoses venant de son incroyable technique de tours et d'équilibres ; ses nuances rythmiques, quant à elles, sont superbes dans l'adage. On aurait aimé ceci dit la voir moins tendue, mais on imagine la pression d'un tel début à Saint-Pétersbourg.

Elle n'a d'ailleurs pas été beaucoup aidée par Léonide Sarafanov, qui, en-dehors d'excellents portés à une main, a une certaine tendance à barrer le chemin à sa partenaire. Le fait d'ajouter des tours en l'air au début de la variation des castagnettes de Kitri peut sembler acceptable avec ses partenaires du Mariinsky, mais avec une danseuse invitée, cet effet devient particulièrement égocentrique. Sa technique personnelle est aussi impressionnante qu'elle pouvait l'être en décembre, mais il s'est surtout illustré auprès de Kitri en ratant des portés et en se plaçant dans la trajectoire des tours à la seconde de Viengsay Valdes au troisième acte, forçant celle-ci à passer pied flex (et quel réflexe) pour ne pas tomber. On a connu de meilleurs hôtes.

viengsay valdes et leonid sarafanov dans don quichotte
Léonide Sarafanov (Basilio) et Viengsay Valdes (Kitri)

Le reste de la distribution était de très haute tenue, avec une exceptionnelle Reine des Dryades de Tatiana Tkachenko, justement ovationnée, en remplacement (non indiqué) d'Alina Somova. Elle rend ses lettres de noblesse à une variation qu'on a vue maltraitée – crescendo calme sur les jetés-développés, de plus en plus hauts et puissants mais toujours silencieux, et fouettés à l'italienne d'une fluidité crémeuse. On aimerait la retrouver beaucoup plus souvent dans des rôles principaux. Quant à Ekaterina Kondaurova, sa Danseuse de rues est de nature à électriser n'importe quelle scène – puissante, sensuelle, capable de provoquer une tension pleine de défi, sa présence est écrasante et, à son honneur, sans force excessive. Konstantin Zverev, en face d'elle, est un Espada net et puissant, doté de magnifiques cambrés, mais qui n'atteint pas encore tout à fait les sommets de Baïmuradov. Baïmuradov que l'on retrouvait avec joie dans la danse gypsy du second acte – son époustouflante présence se double toujours d'une sensibilité réelle au personnage qu'il joue, chaque port de bras étant travaillé dans le style de la scène. Valerya Martinyuk illumine à nouveau la variation d'Amour, rayonnante, sans affectation.



mikhai kaniskin et viktoria tereshkina dans le lac des cygnes
Mikhaïl Kaniskin (Siegfried) et  Viktoria Tereshkina (Odette)

Le Lac des cygnes n'a pas tout à fait atteint le même niveau, malgré une homogénéité stylistique bien supérieure. Mikhaïl Kaniskin, venu du Staatsballett Berlin, est indéniablement un bon soliste, qui a effectué ses variations de manière solide et a su donner une certaine mélancolie à son Siegfried ; le problème tiendrait plutôt au fait que Viktoria Tereshkina n'avait pas réellement besoin d'un prince. Son Odette est d'une sûreté technique telle qu'elle en oublie d'être vulnérable. Les mouvements de cygne y sont à la limite du grandiloquent, autorisé par ses bras infinis et la force de caractère qu'elle conserve dans le rôle, mais on aimerait infiniment plus de nuances, de dialogue visuel avec un Siegfried littéralement submergé. La beauté plastique de sa prestation cependant indéniable, dans l'acte II comme dans l'acte IV.


viktoria tereshkina dans le lac des cygnes
Viktoria Tereshkina (Odette)

Elle possède à l'évidence nettement plus d'affinités avec le rôle d'Odile, et l'aborde en maîtresse femme, brillante et hautaine, là encore avec une technique qui semble ne pas connaître de limites. Rarement une danseuse aura-t-elle attaqué les fouettés avec une telle jouissance, et cela à une vitesse étourdissante. Elle explose dans ce rôle du Cygne noir, et on ne peut qu'espérer la voir rayonner prochainement de la même manière dans les adages au bord du lac.

mikhai kaniskin et viktoria tereshkina dans le lac des cygnes
Mikhaïl Kaniskin (Siegfried)

Le corps de ballet était de nouveau tristement terre-à-terre lors de cette représentation, qui n'a pas manqué d'approximations. Les fiancées semblent avoir décidé de danser en canon, tandis que les grands cygnes ont définitivement abdiqué toute velléité de grâce ou de subtilité, dansant l'intégralité de leur «variation» en force, un ensemble peu aidé par la présence d'Ekaterina Kondaurova – musicalement très individualiste, et qui, en pleine maturation, semble désormais déplacée dans le corps de ballet. Les cygnes eux-mêmes sont de moins en moins préoccupés par leurs bras - une légère déception, malgré des danses de caractère solides, un bon pas de trois dansé par Irina Golub, Nadejda Gonchar et Maxim Zyuzin, et la technique virtuose toujours époustouflante d'Andreï Ivanov en Bouffon. On notera que l'atmosphère de la soirée a gagné à être ruinée par l'attitude du public, entre photos au flash incessantes et téléphones portables, sans compter le «claqueur» visiblement venu pour hurler son contentement à chaque entrée en scène d'Ilya Kouznetsov – un Rothbart qui n'en a pourtant pas besoin.



Azulynn © 2009, Dansomanie



Don Quichotte
Musique : Ludwig Minkus
Chorégraphie : Alexander Gorsky (version de1902)
Argument : Marius Petipa, d'après Miguel Cervantès
Direction musicale : Pavel Bubelnikov

Kitri – Viengsay Valdes (Ballet Nacional de Cuba)
Basilio – Léonide Sarafanov
Gamache – Soslan Kulaev
Espada – Konstantin Zverev
La Danseuse des rues – Ekaterina Kondaurova
Les Bouquetières – Nadejda Gonchar, Jana Selina
La Reine des Dryades  Tatiana Tkachenko


Mardi 17 mars 2009,  Théâtre du Mariinsky, Saint-Pétersbourg


Le Lac des cygnes
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovsky
Chorégraphie : Konstantin Sergueïev (version de 1950), d'après Marius Petipa et Lev Ivanov
Argument : Vladimir Petrovitch Begitschev et Vassili Fiodorovitch Gelzer
Direction musicale : Mikhaïl Agrest

Odette-Odile – Viktoria Tereshkina
Siegfried – Mikhaïl Kaniskin (Staatsballett Berlin)
Les Amis du prince – Irina Golub, Nadejda Gonchar, Maxim Zyuzin
Le Bouffon – Andreï Ivanov
Rothbart – Ilya Kouznetsov

Mercreid 18 mars 2009,  Théâtre du Mariinsky, Saint-Pétersbourg


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