|
|
|
|
|
17 mars
2009 : Don Quichotte -
18 mars 2009 : Le Lac
des cygnes
Léonide
Sarafanov (Basilio)
et Viengsay Valdes (Kitri)
Après
un festival 2008 dédié au Lac des cygnes, le
Ballet du Mariinsky revenait cette année à une
formule plus traditionnelle : un soir, un ballet du
répertoire, un soliste invité. Don Quichotte et Le Lac des Cygnes,
les premières soirées à suivre cette
formule, ont aussi été les plus difficiles
à distribuer, avec le remplacement tardif d'Ashley Bouder
par Viengsay Valdes et l'invitation de Mikhaïl Kuniskin
(Staatsballett Berlin), un danseur que peu connaissaient, à
danser aux côtés de Viktoria Tereshkina. Un
mélange des genres qui n'a pas été
sans incongruité.
Don Quichotte
présentait indéniablement, dans l'ensemble, une
plus grande cohérence qu'à Baden-Baden cet hiver.
La version donnée en tournée souffre de coupes,
et même si le Bolchoï semble toujours apporter un
zeste de caractère supplémentaire à ce
ballet, Saint-Pétersbourg en fait également un
spectacle exceptionnel. Beaucoup d'enfants de l'académie
Vaganova y prennent part, notamment dans la scène de la
Vision, avec une rangée de petits Cupidons qui
complètent de manière
féérique le dessein
géométrique de l'ensemble. Une danse orientale et
quelques autres passages viennent s'ajouter aux principales danses de
caractère ; Don
Quichotte entre en scène sur son cheval,
effarouché mais très applaudi. Le rythme de
l'ensemble est époustouflant, le seul maillon manquant
à cette occasion étant encore le corps de ballet,
dans une forme toute relative. Si la Vision était
approximative mais correcte, la scène des Demoiselles
d'honneur commence à devenir une véritable
disgrâce collective, avec un flou artistique jeté
sur les comptes et les poses précises. Période de
transition? Continuons à l'espérer.
Léonide
Sarafanov (Basilio)
et Viengsay Valdes (Kitri)
En-dehors
de la production elle-même, l'intérêt de
cette soirée tenait au choc des cultures visible entre les
deux héros. Peut-on faire plus éloigné
en termes de style que l'école cubaine de Viengsay Valdes et
le style russe moderne (flamboyant) de son partenaire,
Léonide Sarafanov? De manière
générale, Viengsay Valdes avait tout de l'ovni
aux côtés des danseurs du Mariinsky. Là
où chaque mouvement est désormais
dansé avec une puissance soutenue par les Russes, ses
pirouettes sans effort, à l'énergie
modulée selon le contexte, ressemblent souvent à
un murmure contre l'exubérance
générale. Paradoxalement, c'est pourtant
évidemment elle qui montre le plus de flair espagnol,
avec de délicieux épaulements auxquels le
spectateur n'est plus habitué. Son jeu est
également plus naturel, empli de modestie – il est
rare de voir une Kitri réellement attristée
lorsque Basilio lui tourne le dos, prête à s'en
aller. Quant à la danse, une fois le premier
étonnement passé – quelle
sûreté, dégageant
complètement le haut du corps, et quelle douceur dans la
scène de la Vision, interprétée de
manière très romantique, ses bras revenant sans
cesse vers Don Quichotte. Le troisième acte est sans
excès, léger, les seuls effets virtuoses venant
de son incroyable technique de tours et d'équilibres ; ses
nuances rythmiques, quant à elles, sont superbes dans
l'adage. On aurait aimé ceci dit la voir moins tendue, mais
on imagine la pression d'un tel début à
Saint-Pétersbourg.
Elle
n'a d'ailleurs pas été beaucoup aidée
par Léonide Sarafanov, qui, en-dehors d'excellents
portés à une main, a une certaine tendance
à barrer le chemin à sa partenaire. Le fait
d'ajouter des tours en l'air au début de la variation des
castagnettes de Kitri peut sembler acceptable avec ses partenaires du
Mariinsky, mais avec une danseuse invitée, cet effet devient
particulièrement égocentrique. Sa technique
personnelle est aussi impressionnante qu'elle pouvait l'être
en décembre, mais il s'est surtout illustré
auprès de Kitri en ratant des portés et en se
plaçant dans la trajectoire des tours à la
seconde de Viengsay Valdes au troisième acte,
forçant celle-ci à passer pied flex (et quel
réflexe) pour ne pas tomber. On a connu de meilleurs
hôtes.
Léonide
Sarafanov (Basilio)
et Viengsay Valdes (Kitri)
Le reste
de la distribution était de très haute tenue,
avec une exceptionnelle Reine des Dryades de Tatiana Tkachenko,
justement ovationnée, en remplacement (non
indiqué) d'Alina Somova. Elle rend ses lettres de noblesse
à une variation qu'on a vue maltraitée
– crescendo calme sur les
jetés-développés, de plus en plus
hauts et puissants mais toujours silencieux, et fouettés
à l'italienne d'une fluidité crémeuse.
On aimerait la retrouver beaucoup plus souvent dans des rôles
principaux. Quant à Ekaterina Kondaurova, sa Danseuse de
rues est de nature à électriser n'importe quelle
scène – puissante, sensuelle, capable de provoquer
une tension pleine de défi, sa présence est
écrasante et, à son honneur, sans force
excessive. Konstantin Zverev, en face d'elle, est un Espada net et
puissant, doté de magnifiques cambrés, mais qui
n'atteint pas encore tout à fait les sommets de
Baïmuradov. Baïmuradov que l'on retrouvait avec joie
dans la danse gypsy du second acte – son
époustouflante présence se double toujours d'une
sensibilité réelle au personnage qu'il joue,
chaque port de bras étant travaillé dans le style
de la scène. Valerya Martinyuk illumine à nouveau
la variation d'Amour, rayonnante, sans affectation.
Mikhaïl
Kaniskin (Siegfried)
et Viktoria Tereshkina (Odette)
Le Lac des cygnes n'a
pas tout à fait atteint le même niveau,
malgré une homogénéité
stylistique bien supérieure. Mikhaïl Kaniskin, venu
du Staatsballett Berlin, est indéniablement un bon soliste,
qui a effectué ses variations de manière solide
et a su donner une certaine mélancolie à son
Siegfried ; le problème tiendrait plutôt au fait
que Viktoria Tereshkina n'avait pas réellement besoin d'un
prince. Son Odette est d'une sûreté technique
telle qu'elle en oublie d'être vulnérable. Les
mouvements de cygne y sont à la limite du grandiloquent,
autorisé par ses bras infinis et la force de
caractère qu'elle conserve dans le rôle, mais on
aimerait infiniment plus de nuances, de dialogue visuel avec un
Siegfried littéralement submergé. La
beauté plastique de sa prestation cependant
indéniable, dans l'acte II comme dans l'acte IV.
Viktoria
Tereshkina (Odette)
Elle
possède à l'évidence nettement plus
d'affinités avec le rôle d'Odile, et l'aborde en
maîtresse femme, brillante et hautaine, là encore
avec une technique qui semble ne pas connaître de limites.
Rarement une danseuse aura-t-elle attaqué les
fouettés avec une telle jouissance, et cela à une
vitesse étourdissante. Elle explose dans ce rôle
du Cygne noir, et on ne peut qu'espérer la voir rayonner
prochainement de la même manière dans les adages
au bord du lac.
Mikhaïl
Kaniskin (Siegfried)
Le corps
de ballet était de nouveau tristement
terre-à-terre lors de cette représentation, qui
n'a pas manqué d'approximations. Les fiancées
semblent avoir décidé de danser en canon, tandis
que les grands cygnes ont définitivement abdiqué
toute velléité de grâce ou de
subtilité, dansant l'intégralité de
leur «variation» en force, un ensemble peu
aidé par la présence d'Ekaterina Kondaurova
– musicalement très individualiste, et qui, en
pleine maturation, semble désormais
déplacée dans le corps de ballet. Les cygnes
eux-mêmes sont de moins en moins
préoccupés par leurs bras - une
légère déception, malgré
des danses de caractère solides, un bon pas de trois
dansé par Irina Golub, Nadejda Gonchar et Maxim Zyuzin, et
la technique virtuose toujours époustouflante
d'Andreï Ivanov en Bouffon. On notera que
l'atmosphère de la soirée a gagné
à être ruinée par l'attitude du public,
entre photos au flash incessantes et téléphones
portables, sans compter le «claqueur» visiblement
venu pour hurler son contentement à chaque entrée
en scène d'Ilya Kouznetsov – un Rothbart qui n'en
a pourtant pas besoin.
Azulynn ©
2009,
Dansomanie
Don Quichotte
Musique : Ludwig Minkus
Chorégraphie : Alexander Gorsky (version de1902)
Argument : Marius Petipa, d'après Miguel Cervantès
Direction musicale : Pavel Bubelnikov
Kitri – Viengsay Valdes (Ballet Nacional de Cuba)
Basilio – Léonide Sarafanov
Gamache – Soslan Kulaev
Espada – Konstantin Zverev
La Danseuse des rues – Ekaterina Kondaurova
Les Bouquetières – Nadejda Gonchar, Jana Selina
La Reine des Dryades – Tatiana
Tkachenko
Mardi
17 mars
2009, Théâtre
du Mariinsky, Saint-Pétersbourg
Le Lac des
cygnes
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovsky
Chorégraphie : Konstantin Sergueïev (version de
1950),
d'après Marius Petipa et Lev Ivanov
Argument : Vladimir Petrovitch Begitschev et Vassili Fiodorovitch Gelzer
Direction musicale : Mikhaïl Agrest
Odette-Odile – Viktoria Tereshkina
Siegfried – Mikhaïl Kaniskin (Staatsballett Berlin)
Les Amis du prince – Irina Golub, Nadejda Gonchar, Maxim
Zyuzin
Le Bouffon – Andreï Ivanov
Rothbart – Ilya Kouznetsov
Mercreid 18 mars
2009, Théâtre
du Mariinsky, Saint-Pétersbourg
|
|
|